La
non-violence complice de l'État
« Ils
auront matraqué des personnes âgées, frappé des handicapés en
chaise roulante, tiré au LBD sur des ados, agenouillé des classes
entières, lancé des grenades à l'intérieur des appartements, tué
une vieille dame, visé les yeux, arraché des mains. Ils auront tout
fait, la police à Macron. » (*)
Ceci
est le début d'un article dans lequel Frédéric Lordon pose la
question récurrente :
« Qu'est-ce que
la violence légitime ? »
Ce
questionnement est d'autant plus important que le mouvement social
voit, aujourd'hui, se dresser face à lui un mur quasi
infranchissable, où toutes les issues de secours « légalistes »,
« républicaines » , « démocratiques »,
sont murées, où les moyens traditionnels « non-violents »
se révèlent inopérants, non seulement ne suffisent plus mais
entraînent des réponses violentes de la part de l'État : en
témoigne le gazage, matraquage de simples manifestants pacifistes
par des policiers en pleins délires !
Du
jamais vu en France depuis les manifestations des années 1960 contre
la guerre d'Algérie, voire durant les années 1968 et suivantes !
Comment
peut-on en être arrivé à une telle dérive autoritaire qui
s'apparente de plus en plus à une véritable « Marche vers la
dictature » ?
Nota :
il est intéressant de noter à propos de l'élection d'Emmanuel
Macron qu'il est le premier Président de la Ve
République à ne pas être issu d'un parti, mouvement politique, à
n'avoir jamais été un élu local. Tous ses prédécesseurs
représentaient une force politique liée à l'histoire du mouvement
ouvrier ou à celle politique de notre pays. Avec Macron, le
capitalisme, horizon indépassable, tente de faire croire qu'il n'y a
plus de combat idéologique à entreprendre, qu'un banquier est tout
à fait capable de gérer le pays comme on gère une entreprise !
Cela
ressemble étrangement au vieux rêve du « mouvement
synarchique » de l'entre deux guerres : faire gérer le
pays par des « experts » à la place des « politiques »
issus du peuple.
Sommes-nous
en République, en démocratie, quand :
Emmanuel
Macron gouverne, alors qu'il représente moins de 20 % du corps
électoral (16 % au 1er
tour des élections) tout en ayant la majorité à l'Assemblée !
Il
est établi qu'il a été « fabriqué » par quelques
milliardaires, pour représenter et servir la Haute finance (cf.
livre « Crépuscule »
de Juan Branco).
Entouré
de quelques ministres croupions, il décide de tout sans avoir à
tenir compte des députés ou sénateurs, grâce aux « procédures
dites accélérées », grâce à l'utilisation de « l'article
49.3 » lui permettant d'éviter les votes du Parlement.
À
noter que cet article 49.3 appartient à la Constitution de 1958, et
qu'il n'a jamais été remis en cause par la droite ou par la
gauche !
-
Le Défenseur des droits, le Conseil d'État, la Commission
consultative des droits de l'homme, la Ligue des Droits de l'Homme
(association loi de 1901), comme la plupart des institutions ne sont
pas écoutées et ne sont, de toute façon, pas en mesure de
sanctionner le gouvernement qui fonctionne en « mains libres ».
-
Des instances européennes comme le Conseil de l'Europe, le Parlement
européen, des organisations internationales (celles de l'ONU),
peuvent toujours demander l'arrêt de la répression policière,
l'arrêt de l'utilisation d'armes de guerre contre des manifestants
(par exemple : LBD, gaz lacrymogène), rien n'y fait.
-
La corruption s'étale à tous les étages, pas une semaine sans un
scandale politico-financier mettant en cause un ministre ou un député
de LREM. Et ce sont ces hommes pesant des millions d'euros, en
gagnant 10 à 30 000 (et plus) chaque mois, qui nous expliquent
que l'on peut vivre avec 1 000 € !
Pour
reprendre Juan Branco, avocat et journaliste :
« Ils
ne sont pas corrompus, ils sont la corruption ».
Sous
couvert de directives européennes, le pouvoir détruit plus d'un
siècle de conquêtes sociales, et au nom de la lutte antiterroriste
s'est doté de moyens considérables de surveillance de la
population, de criminalisation de toute contestation...
Ce
gouvernement ne tient plus que par :
Le
délire répressif des forces de l'ordre, avec des milliers d'images
témoignant de la
bestialité des
policiers, certains au bord de l'orgasme, hurlant de bonheur à
chaque impact de LBD. La police a cessé d'être républicaine, si
tant est qu'elle l'ait été un jour.
1 700
blessés dont 100 à la tête, 24 éborgnés et 5 mains arrachées.
Il y aura eu en quelques mois autant de blessés qu'en 20 ans, ce qui
fait dire à Frédéric Lordon : « la
police française est dans la fange ».
La
corruption des juges criminalise les victimes des violences
policières. Face aux centaines de preuves de bavures, l'IGPN nie
par principe toute violence policière, répond par la perte de
dossiers, de témoignages, par l'impossibilité d'enquêter
(argument d'autant plus facile quand les policiers portent des
cagoules et omettent de porter leurs matricules RIO).
À l'inverse
ce sont des milliers de manifestants qui depuis un an ont subi les
« gardes à vue », les « comparutions immédiates »,
voire l'emprisonnement pour des raisons fallacieuses !
Au 30 juin
2019, 3 163 condamnations ont été prononcées, dont plus de
1 000 à de la prison ferme (de quelques mois à 3 ans). Dans le
même temps seuls 2 ou 3 policiers auteurs de violences graves et
manifestes ont été très légèrement sanctionnés !
La
veulerie, soumission des grands médias, aux mains des quelques
milliardaires qui ont « fabriqué » et mis en scène
Emmanuel Macron afin de les représenter au plus haut niveau de
l'État.
On
peut très aisément comparer les commentaires haineux de certains
éditocrates à l'égard des Gilets jaunes ou des syndicalistes, avec
ceux tenus à l'égard des communards en 1870 par quelques
intellectuels :
« Je
trouve qu’on aurait dû condamner aux galères toute la Commune et
forcer ces sanglants imbéciles à déblayer les ruines de Paris, la
chaîne au cou, en simples forçats. Mais cela aurait blessé
l’humanité. On est tendre pour les chiens enragés, et point pour
ceux qu’ils ont mordus. »
(Gustave
Flaubert)
Est-ce
si éloigné de Luc Ferry proposant que l'armée tire à balles
réelles, de Ségolène Royal approuvant le fait de mettre à genoux
des lycéens, d'Olivier Truchot, « journaliste »
sévissant sur RMC et BFM TV, traitant les Gilets jaunes de « Cas
sociaux », etc.
Pour
clore ce point, s’il y a une grande leçon à tirer du mouvement
des Gilets jaunes, c'est d'avoir mis en lumière le vrai visage de
l'État, celui qui par nature n'a qu'un but, l'oppression, la
domination du peuple grâce à ses pouvoirs régaliens de police et
de justice, sans oublier la complicité des médias à sa botte !
Au
service du capitalisme, hier comme aujourd'hui, la bourgeoisie porte
en elle les mêmes peurs et la même haine du peuple, dès lors que
celui-ci ose sortir de sa niche !
Dès
lors, quels moyens de résistance non-violente les travailleurs, les
citoyens ont-ils face à l'oppression économique, face à
l'oppression sociale et politique quand :
La
seule distribution d'un tract sur un marché est passible d'amende ?
Le
port de lunettes pour se protéger des gaz lacrymogène est
considéré comme la détention d' « armes par destination ».
Le
fait de protester contre les coups d'un policier peut amener à une
garde à vue pour outrage à « Personne dépositaire de
l'autorité publique ».
Les
utilisateurs des réseaux sociaux savent ce qu'est la « police
d'opinion » avec les censures sur Facebook, les convocations
au commissariat pour un article jugé outrageant (qui juge de
l'outrance ?)…
Depuis
la lutte des lycéens contre le CPE, l'État s'est adapté et
désormais un lycéen manifestant contre la réforme du Bac est
susceptible au-delà d'une arrestation, d'être sanctionné par un
zéro à un examen qu'il n'aura pas passé !
Etc.
Visiblement
les situations ci-dessus révèlent un fort niveau de violence de la
part des citoyens !
À
propos de la « violence », la définition de l'État est
claire :
Il
détient le monopole de la violence,
Toute
autre violence est illégitime,
Seule
la violence de l'État est légitime.
Autrement
dit :
« Il
ne peut pas y avoir de violence policière puisque la police est
l'État et que la violence d'État est légitime ! »
C'est
ce que l'on appelle le « maintien de l'ordre républicain » !
Nota :
un
agent de la RATP qui s'est interposé, pour protéger une infirmière
matraquée par la police, s'est retrouvé en garde à vue avant
d'être déféré au tribunal pour outrage et rébellion !
Est
connue également l'histoire de Christophe Dettinger, condamné à 1
an de prison ferme, actuellement en semi liberté, pour avoir boxé
des policiers qui venaient de frapper une femme à terre !
Ne
pas intervenir aurait été plutôt une « Non-assistance à
personne en danger », mais ce sont là des propos certainement
trop violents...
Le
problème est que le discours de l'État sur ce qui est ou non
légitime, ce qui est ou non violent, est intégré depuis des
lustres par la population en général et par les militants en
particulier, y compris dans les milieux dits révolutionnaires. Au
nom du dogme de la « non-violence », cela fait des
décennies que la contestation se déroule essentiellement par des
manifestations déclarées à l'avance, à des heures et dans des
lieux bien précis, bien encadrées par les forces de l'ordre qui
sifflent la fin de la récréation à l'heure dite.
Mais,
à partir du moment où le peuple ne reconnaît plus un gouvernement,
est-il en droit de lui refuser sa légalité ?
A
t-il le droit de remettre en cause sa légitimité ?
Les
citoyens, les travailleurs, la jeunesse ont-ils le droit d'user de
moyens, y compris « violents » pour obtenir gain de
cause ?
La
réponse existe et s'exprime au travers de l'article 35 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793 :
« Quand
le gouvernement viole les droits
du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion
du peuple, le plus sacré des droits
et le plus indispensable des devoirs ».
Cet
article issu de la Déclaration de 1793, plus égalitaire que celle
de 1789, n'a jamais été appliqué. Il fut rejeté par 53 % des
voix dans le projet de Constitution de 1946 et, ne faisant pas partie
du « Bloc de constitutionnalité », il n'a aucune valeur
juridique sous la Ve
République.
Alors,
comment se défendre face au système sans confrontation ?
Peut-on
croire encore que la non-coopération, la désobéissance civile
peuvent suffire à « renverser la table » ?
L'occupation
non-violente des ronds-points par les Gilets jaunes a duré le temps
qu'il fallait au pouvoir pour mesurer les dangers de contagion de la
contestation auprès des citoyens. Résultat : ces lieux de
rendez-vous populaires, véritables lieux de fraternité,
d'apprentissage militant ont été rapidement interdits !
Voilà
une preuve supplémentaire des limites de la non-violence !
Les
manifestations exclusivement non-violentes amènent tout au mieux
l'État à changer les apparences, en mettant un « nouveau roi
sur le trône », mais ne s'attaquent pas aux racines de
l'oppression, en laissant la même élite poursuivre l'exploitation
du plus grand nombre.
Si
la non-violence reste un discours, dogme encore bien ancré dans les
mouvements sociaux (surtout chez les militants pacifistes, moins chez
les révolutionnaires), elle serait de plus en plus extérieure à
ces mouvements, en témoignent des actions qui tentent à se
radicaliser :
Ceux
qui organisent et pratiquent l'autodéfense contre la police,
Ceux
qui murent la permanence d'un élu politique ou la détruisent,
Ceux
qui sabotent une entreprise comme au temps du Père
peinard,
Ceux
qui occupent une station de radio, télévision, et y prennent la
parole,
Ceux
qui détruisent ces fameux « biens publics » que sont
les banques, panneaux de publicité, etc.
Nota :
Quant
à ces fameux émeutiers du Black
bloc,
que les médias font passer pour des terroristes, il est intéressant
de noter qu'ils se gardent bien de parler des actions de
« réappropriation » dans des grandes surfaces, suivies
de redistributions dans les quartiers pauvres (cf.
actions sur divers G7, G8). Sans oublier par ailleurs les stratégies
policières, consistant à « se déguiser en Black
bloc »,
histoire de faire peur, de décrédibiliser un mouvement de
contestation.
Comme
le dit Peter Gelderloos dans son livre « L'échec
de la non-violence » :
« ...Depuis
une vingtaine d'années de plus en plus de mouvements sociaux et de
révoltes contre l'oppression et l'exploitation ont éclaté à
travers le monde, et dans leurs rangs, nombreux sont ceux qui ont
compris que la non-violence ne fonctionne pas... ils découvrent
aussi qu'il n'y a aucune chance pour que la non-violence dogmatique
entraîne un changement révolutionnaire dans la société... »
Aucun
continent n'échappe aux multiples émeutes qui secouent les pays.
Partout et à des degrés divers, les peuples refusent la légitimité
de la violence étatique, tout en ne voulant pas, de manière
générale, utiliser à leur tour la violence. Le Black
bloc reste dans l'instant
la forme mondialisée du refus radical du capitalisme et de l'État ;
il est donc logique qu'il soit taxé de « terroriste »,
puisqu'il s'octroie le droit d'utiliser à son tour la violence,
monopole de l'État !
L'acceptation
que « La violence est le monopole de l'État » amène
également certains syndicalistes, certains non-violents, à
identifier et dénoncer ces « mauvais manifestants » !
En
attendant cette
radicalisation est bien la preuve que la non-violence a atteint ses
limites, qu'elle n'a jamais pu et ne pourra jamais résister à la
puissance oppressive et répressive de l'État, qui s'est doté
progressivement d'un véritable arsenal, dont des armes de guerre,
des drones de surveillance, etc.
Sans
droit à la riposte aucun changement possible !
Et
c'est bien cette crainte d'une radicalisation qui amène l'État à
préférer avoir à faire à un mouvement pacifiste plutôt qu'à un
mouvement combatif violent.
De
là à dire que la non-violence protège l'État !
Face
à tous ceux qui rétorquent que le renversement par la violence
révolutionnaire d'une dictature amène une nouvelle dictature, il
est possible de simplement rétorquer qu'effectivement cela se
produit lorsque la violence est accaparée par un mouvement
autoritaire, qu'elle n’est pas contrôlée par le peuple (cf.
révolution bolchevique).
Les
mêmes pacifistes invoquent Gandhi et Martin Luther King comme
modèles de la non-violence en oubliant qu'en Inde comme en Afrique
du Sud, on a pu assister à des « Révolutions politiques »
mais certainement pas à des « Révolutions sociales » :
le système des castes existe toujours en Inde et les mêmes riches,
blancs ou noirs, dominent l'économie sud africaine !
Dans
ces deux pays, comme dans d'autres, les rapports économiques et
sociaux n'ont pas changés.
Si
la majorité des révolutions armées ont mis en place de nouvelles
dictatures, il n'y a jamais eu de révolution non-violente !
Et
on peut rajouter que les tentatives de révolutions non-violentes
n'ont pas empêché des répressions violentes !
Peter
Gelderloos ajoute :
« La
non-violence a échoué au niveau mondial. Elle s'est révélée une
grande amie des gouvernants, des partis politiques, des services de
police et des ONG ; elle est une traîtresse à nos luttes pour
la liberté, la dignité et le bien-être (*) »
Combien
de leaders des divers mouvements de contestation, de 1968 par
exemple, se sont montrés opportunistes et ont fait carrière en
politique, dans de grandes administrations ?
Le
problème est que la minorité restée fidèle à son héritage n'est
toujours pas prête à questionner la validité de la
« non-violence » comme moyen principal d'action
révolutionnaire.
Il
semble évident que nous « avons
besoin de luttes sociales bien plus fortes si nous voulons vaincre
l'État, le capitalisme, le patriarcat qui nous oppriment et nous
exploitent, pour créer un monde fondé sur l'entraide, la
solidarité, la libre association, sur des relations saines entre
nous et avec la terre »
(*).
La
non-violence occulte la violence structurelle de l'État, violence
bien plus importante que celle des travailleurs, citoyens en lutte
pour s'émanciper.
Les
organisations pacifistes qui demandent à ce que ceux qui se rendent
à une manifestation le fassent sans apporter une arme (casque,
bâton), mais ne font rien pour désarmer la police, protègent en
fait la violence de l'État.
Que
faut-il faire alors pour n'être pas taxé de « violent » ?
Mettre
un nez rouge, un tutu ?
Faire
du tam-tam et danser devant les CRS ?
Les
embrasser comme nous y invite le chanteur Renaud ?
Nota :
Cela
ne s'apparente t-il pas à la référence chrétienne inscrite dans
la Bible, où, selon Mathieu, « face
à une humiliation, il faut tendre l'autre joue ».
Donc
ne pas répondre à la violence par la violence !
Aujourd'hui
en France, Il nous faudrait accepter de mettre en péril notre
intégrité physique, et même nos vies en se rendant à une
manifestation ! C'est d'ailleurs, pratiquement au mot près, ce
que Macron ou Castaner ont osé dire à propos des Gilets jaunes (cf.
Mme Legay, à Nice)
Au
bout du compte, le mouvement pacifiste non-violent milite contre les
guerres ouvertes, mais critique la résistance armée. Ainsi les
compagnons espagnols de 1936, les résistants de 1940 auraient, à
les écouter, eu tort de prendre les armes !
Je
connais nombre de pacifistes qui tiennent ce discours...
Sans
commentaire, les militants espagnols et les résistants de 1940
apprécieront !
Cela
ne peut qu'expliquer que ces pacifistes non-violents semblent bien
s'accommoder des violences liées à la « guerre sociale »
menée par le capitalisme, violences certes différentes, moins
visibles, mais qui font autant de victimes que les guerres ouvertes.
Cela
est particulièrement vrai dans les divers mouvements sociaux de ces
dernières années, tel le mouvement des « indignados »
en Espagne, qui pour paraître respectable déclara violente toute
« action illégale » ! « Occupy
movement » aux
États-Unis rejeta toute occupation de rues parce qu'illégale,
violente, etc.
Au
plan du langage, il est dramatique de constater qu'au nom du « dogme
de la non-violence », des pacifistes en arrivent à tenir le
même discours que leurs oppresseurs !
Qu'on
le veuille ou non, la non-violence participe au rétablissement de
l'ordre et à la pacification des révoltes.
Les
notions de « violence », « non-violence »
doivent être réfléchies en termes d'efficacité, et non de
« morale » ; les révoltes sociales de ces dernières
années, dans divers pays, ont pu être efficaces quand il y avait
pluralité des méthodes d'actions et différentes stratégies de
résistance. S’il n'y a pas « une bonne et unique stratégie »
pour mener à la révolution, on peut au moins rendre nos révoltes
plus efficaces en diversifiant les actions, y compris « illégales »,
y compris « violentes » :
Le
temps des manifestations « tour de manège » chaque
semaine, autour d’une place est inefficace. Que dire de ces
samedis après-midis où les boulevards se transforment en une
grande partie de chasse, entre les lapins jaunes coursés par les
CRS chasseurs en plein délire !
Le
temps des stationnements devant une Préfecture (fermée bien sûr),
devant la permanence d'un député, avec prise de paroles du leader
syndicaliste local, est démobilisateur.
Le
temps de la distribution de tracts devant une grande surface, une
entreprise est inopérant, s’il n'est pas suivi d'autres actions.
Quand on sait le vol colossal de l'entreprise Carrefour, qui
licencie des milliers de travailleurs tout en empochant des
centaines de millions d'euros au titre du CICE, on est en droit de
ne pas se contenter d'un simple tract de dénonciation !
Dans
une période où la barbarie du capitalisme n'a plus de limites, où
l'État apparaît comme jamais son serviteur zélé, Il est urgent de
revenir à des actions directes qui amène la peur à changer de
camp.
Il
ne s'agit pas ici d'un « appel au meurtre », d'agressions
physiques gratuites, mais bien d'inciter à des actions beaucoup plus
radicales, violentes :
Non,
à moins d'accepter de payer son engagement militant par une atteinte
à son intégrité physique !
L'occupation
d'une station de radio (cf.
RMC en janvier 2020, à Béziers) avec prise de parole, par la force
s’il le faut, est-elle une violence ?
Non,
à moins de considérer normal d'être injurié à longueur de
journée par les éditorialistes des grands meRdias !
Il
est rassurant de constater que le mouvement des Gilets jaunes, comme
les manifestations contre le projet de réforme des retraites,
amènent des hommes et des femmes a déborder les consignes de
« légalité » données par les grandes centrales
syndicales, pour passer à des actions plus radicales, spontanées,
créatives.
Sans
cette diversité des méthodes d'actions, recourant y compris à des
actions violentes, le risque est que chacune de nos révoltes n'amène
au bout du compte qu'à un simple changement politique.
La
révolution ne peut qu'être sociale, une révolution renonçant à
tout régime politique, abattant le capitalisme, en abolissant les
classes, etc.
L'histoire
démontre que les organisations politiques de gauche, voire d'extrême
gauche qui prônent la non-violence, ne cherchent en définitive qu'à
prendre le pouvoir et le conserver pour leur propre intérêt. Ces
« révolutions politiques » ne sont en fait que les
récupérations de nos révoltes, ce que dit Vaneigem dans la chanson
« La vie s'écoule, la vie s'enfuit » :
« Parti
des rouges, parti des gris, toutes nos révolutions sont trahies » !
La
grande force de la démocratie est de donner l'illusion que la « paix
sociale » est possible dans une société fondée sur
l'exploitation et la domination. Et c'est bien le consentement de la
majorité à cette imposture, la croyance en une contestation qui
resterait dans la « légalité », le recours strict à la
« non-violence », qui nous amènent à cette réalité
déprimante, où une majorité de femmes et d'hommes restent encore
persuadés que le seul vote peut modifier leur état !
L'imposture
va loin : ainsi des partis politiques ayant appelé à voter
Macron (pour faire barrage à le Pen) sont dans la rue afin de
contester le même homme, tout en sachant que dans deux ans, ils
appelleront à revoter Macron pour refaire barrage à la même
marionnette, bien utile !
On
sait pourtant que la nature même des élections est d'éviter les
révolutions, comme c'est la nature de tout gouvernement de
s'empresser de définir leur légitimité, en qualifiant de violent
les contestataires.
Aujourd'hui
au XXIe
siècle, la capacité de destruction du capitalisme, véritable
propriétaire des États, n'a jamais été aussi grande. Face à
cette réalité, il est urgent de reconsidérer la question de la
violence ou de la non violence ; on ne peut plus en rester à
des dogmes devenus obsolètes parce qu'inefficaces.
Notre
morale n'est pas celle du capitalisme ! Ni de l'État !
C'est
aux travailleurs, citoyens de définir ce qui est légitime ou non,
et c'est à eux de décider des actions à mener, dans la pluralité.
Et
que ces actions soient considérées violentes par l'État ne doit
pas être notre préoccupation !
« La
soumission de l'opprimé relève de l'ordre établi. Qu'il rompe cet
ordre en brisant ses chaînes et en frappant le maître, voilà le
scandale. Dans la langue des maîtres devenue langue commune, le
violent n'est pas celui qui fait violence, mais le vilain qui ose se
rebeller. » (revue
Tilmut,-luttes sociales)
Michel
D.
Libre
penseur, Anarchiste
_____
(*)
Article de Fréderic Lordon, paru dans le
Monde diplomatique,
janvier 2020.