Antimilitarisme



Dessins de Cabus représentant Eugène Bizeau, poète anarchiste

 

Mouvement des soldats, antimilitarisme et lutte de classe : Une brochure de 1977, d’orientation communiste libertaire, la partie sur le mouvement des Comités de Soldats en France dans les années 70 nous a paru particulièrement


Michel Bakounine Le patriotisme physiologique ou naturel

Le Progrès, 1869
J'ai montré dans ma précédente lettre comment le patriotisme en tant que qualité ou passion naturelle procède d'une loi physiologique, de celle précisément qui détermine la séparation des êtres vivants en espèces, en familles et en groupes. La passion patriotique est évidemment une passion solidaire. Pour la retrouver plus explicite et plus clairement déterminée dans le monde animal, il faut donc la chercher surtout parmi les espèces d'animaux qui, comme l'homme, sont doués d'une nature éminemment sociable ; parmi les fourmis, par exemple, les abeilles, les castors et bien d'autres qui ont des habitations communes stables, aussi bien que parmi les espèces qui errent en troupeaux ; les animaux à domicile collectif et fixe, représentant, toujours au point de vue naturel, la patriotisme des peuples agriculteurs, et les animaux vagabonds en troupeaux, celui des peuples nomades. Il est évident que le premier est plus complet que ce dernier, qui n'implique, lui, que la solidarité des individus dans le troupeau, tandis que le premier y ajoute encre celle des individus avec le sol ou le domicile qu'ils habitent. L'habitude qui, pour les animaux aussi bien que pour l'homme, constitue une seconde nature, certaines manières de vivre, sont beaucoup mieux déterminées, plus fixées parmi les animaux collectivement sédentaires, que parmi les troupeaux vagabonds, et les habitudes différentes, ces manières particulières d'exister, constituent un élément essentiel du patriotisme. On pourrait définir le patriotisme naturel ainsi : c'est un attachement instinctif, machinal et complètement dénué de critique pour des habitudes d'existence collectivement prises et héréditaires ou traditionnelles, et une hostilité tout aussi instinctive et machinale contre toute autre manière de vivre. C'est l'amour des siens et du sien et la haine de tout ce qui porte un caractère étranger. La patriotisme, c'est donc un égoïsme collectif d'un côté et la guerre de l'autre.

 

Emma Goldman

Le patriotisme, une menace contre la liberté (1911)

Qu’est-ce que le patriotisme ? Est-ce le fait d’aimer le lieu où l’on est né, l’endroit où se sont déployés les rêves et les espoirs de notre enfance, nos aspirations les plus profondes ? Est-ce l’endroit où, dans notre naïveté enfantine, nous regardions les nuages défiler dans le ciel à vive allure en nous demandant pourquoi nous ne pouvions nous déplacer aussi rapidement ? Le lieu où nous comptions des milliers d’étoiles scintillantes, effrayés à l’idée que chacune d’entre elles puisse être l’un des yeux du Seigneur et fût capable de percer les grands secrets de notre petite âme ? L’endroit où nous écoutions le chant des oiseaux, et désirions ardemment avoir des ailes pour voler, tout comme eux, vers de lointaines contrées ? Ou celui où nous nous asseyions sur les genoux de notre mère, fascinés par des contes merveilleux relatant des exploits inouïs et d’incroyables conquêtes ? En résumé, le patriotisme se définit-il par l’amour pour un morceau de cette terre où chaque centimètre carré représente des souvenirs précieux, chers à notre cœur,  et qui nous rappelle une enfance heureuse, joyeuse, espiègle?
Si c’était cela le patriotisme, il serait difficile de faire appel à ces sentiments aujourd’hui en Amérique : en effet, nos terrains de jeux ont été transformés en usines, en fabriques et en mines, et le vacarme assourdissant des machines a remplacé la musique des oiseaux. Il ne nous est plus possible d’écouter de belles histoires, de rêver à de nobles exploits, car aujourd’hui nos mères ne nous parlent plus que de leurs peines, leurs larmes et leur douleur.
Alors, qu’est-ce que le patriotisme? «Le patriotisme, monsieur, est l’ultime ressource des vauriens», a déclaré le Dr Johnson. Léon Tolstoï, le plus célèbre des antipatriotes de notre époque, le définit ainsi : le patriotisme est un principe qui justifie l’instruction d’individus qui commettront des massacres de masse ; un commerce qui exige un bien meilleur outillage pour tuer d’autres hommes que la fabrication de produits de première nécessité — chaussures, vêtements ou logements; une activité économique qui garantit de bien meilleurs profits et une gloire bien plus éclatante que celle dont jouira jamais l’ouvrier moyen.
Gustave Hervé, un autre grand antipatriote (1), considère le patriotisme comme une superstition, bien plus dangereuse, brutale et inhumaine que la religion. La superstition de la religion provient de l’incapacité de l’homme à expliquer les phénomènes naturels. En effet, lorsque les hommes primitifs entendaient le roulement du tonnerre ou voyaient des éclairs, ils ne pouvaient leur trouver d’explication. Ils en concluaient donc que, derrière ces phénomènes, se cachait une force plus puissante qu’eux-mêmes. De même, les hommes ont vu une entité surnaturelle dans la pluie et dans les différentes manifestations de la nature. Le patriotisme, quant à lui, est une superstition créée artificiellement et entretenue par tout un réseau de mensonges et de faussetés; une superstition qui enlève à l’homme tout respect pour lui-même et toute dignité, et accroît son arrogance et son mépris.
En effet, mépris, arrogance et égoïsme sont les trois éléments fondamentaux du patriotisme. Permettez-moi de vous donner un exemple. Suivant la théorie du patriotisme, notre globe serait divisé en petits territoires, chacun entouré d’une clôture métallique. Ceux qui ont la chance d’être nés sur un territoire particulier se considèrent plus vertueux, plus nobles, plus grands, plus intelligents que ceux peuplent tous les autres pays. Et c’est donc le devoir de tout habitant de ce territoire de se battre, de tuer et de mourir pour tenter d’imposer sa supériorité à tous les autres.
Les occupants des autres territoires raisonnent de la même façon, bien sûr. Résultat : dès ses premières années, l'esprit de l’enfant est empoisonné par de véritables récits d’épouvante concernant les Allemands, les Français, les Italiens, les Russes, etc. Lorsque l’enfant atteint l’âge adulte, son cerveau est complètement  intoxiqué : il croit avoir été choisi par le Seigneur en personne pour défendre sa patrie contre l’attaque ou l’invasion de n’importe quel étranger. C’est pourquoi tant de citoyens exigent bruyamment que l’on accroisse les forces armées, terrestres ou navales, que l’on construise davantage de bateaux de guerre et de munitions. C’est pourquoi l’Amérique a, en une très courte période, dépensé quatre cents millions de dollars. Réfléchissez à ce chiffre: on a prélevé quatre cents millions de dollars sur les richesses produites par le peuple. Car ce ne sont pas, bien sûr, les riches qui contribuent financièrement à la cause patriotique. Eux, ils ont un esprit cosmopolite et sont à l’aise dans tous les pays. Nous, en Amérique, nous connaissons parfaitement ce phénomène. Les riches Américains sont Français en France, Allemands en Allemagne et Anglais en Angleterre. Et ils gaspillent, avec une grâce toute cosmopolite, des fortunes qu’ils ont accumulées en faisant travailler des enfants américains dans leurs usines et des esclaves dans leurs champs de coton. Leur patriotisme leur permet d’envoyer des messages de condoléances à un despote comme le tsar de Russie, quand il lui arrive malheur, comme par exemple lorsque le président Roosevelt, au nom du peuple américain, a présenté ses condoléances après que l’archiduc Serge eut été abattu par les révolutionnaires russes.
C’est le patriotisme qui aidera le super meurtrier Porfirio Diaz (2) à supprimer des milliers de vies à Mexico, ou fera même arrêter des révolutionnaires mexicains sur notre sol et les enfermera dans des geôles américaines, sans la moindre raison.
Le patriotisme ne concerne pas ceux qui détiennent la richesse et le pouvoir. C’est un sentiment valable uniquement pour le peuple. Cela me rappelle la phrase historique de Frédéric le Grand, l’ami intime de Voltaire: «La religion est une escroquerie mais il faut l’entretenir pour les masses.»
Le patriotisme est une institution plutôt coûteuse et personne n’en doutera après avoir lu les statistiques suivantes. La progression des dépenses pour les principales armées du monde durant le dernier quart de siècle est tellement fulgurante que ce seul fait devrait faire réagir toute personne s’intéressant tant soit peu aux problèmes économiques. En l’espace de 24 ans, de 1881 à 1905, les dépenses ont évolué de la façon suivante:
Grande-Bretagne : de 2 101 848 936  de dollars à 4 143 226 885 de dollars.
France : de 3 324 500 000  à 3 455 109 900 de dollars.
Allemagne : de 725 000 200  à 2 700 375 600 de dollars.
États-Unis : de 1 275 500 750 à 2 650 900 450 de dollars.
Russie : de 1 900 975 500 à 5 250 445 100 de dollars.
Italie : de 1 600 975 750 à 1 755 500 100 de dollars.
Japon : de 182 900 500 à 700 925 475 de dollars.
De 1881 à 1905, les dépenses militaires de la Grande-Bretagne ont quadruplé, celles des États-Unis ont triplé, celles de la Russie ont doublé ; quant à celles de l’Allemagne, de la France et du Japon elles ont augmenté respectivement de 35, 15 et 500 %. Si nous comparons les dépenses militaires de ces nations avec leurs dépenses totales pendant cette période de 24 années, l’augmentation est la suivante:
La part des dépenses militaires est passée de 20 à 37 % du budget global en Grande-Bretagne, de 15 à 23 % aux États-Unis, de 16 à 18 % en France, de 12 à 15 % en Italie, de 12 à 14 % au Japon.
D’un autre côté, il est intéressant de noter que la proportion en Allemagne a diminué de 58 à 25 %, baisse due à l’énorme augmentation des dépenses impériales dans d’autres domaines, et au fait que les dépenses militaires pour la période 1901-1905 étaient proportionnellement plus élevées que dans toutes les tranches de 5 ans antérieures.
Les statistiques montrent que les pays où les dépenses militaires représentaient la part la plus importante dans le revenu national total étaient, dans l’ordre, la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Japon, la France et l’Italie.
En ce qui concerne les différentes marines nationales, la progression est également impressionnante. De 1881 à 1905, les dépenses navales ont augmenté de la façon suivante: Grande-Bretagne, 300 % ; France, 60 % ; Allemagne, 600 % ; États-Unis, 525% ; Russie, 300 % ; Italie, 250 % et Japon, 700 %. A l’exception de la Grande-Bretagne, les États-Unis gaspillent plus pour leur marine que n’importe quelle autre nation ; cette dépense représente également une fraction plus importante du budget national que chez toutes les autres puissances. De 1881 à 1905, les dépenses navales des États-Unis sont passées de 6,2 dollars sur 100 consacrés au budget de l’Etat, à 6,6, puis 8,1, 11,7 et enfin 16,4 dollars pour la dernière période (1901-1905). Les chiffres des dépenses pour la période 1905-1910 indiqueront certainement une croissance encore supérieure.
Le coût de plus en plus élevé du militarisme peut être encore illustré si on le calcule comme un impôt affectant chaque contribuable. De 1889 à 1905, en Grande-Bretagne, les dépenses sont passées de 18,47 dollars par habitant à 52,5 dollars ; en France de 19,66 dollars à 23,62 dollars ; en Allemagne, de 10,17 dollars à 15,51 dollars ; aux États-Unis, de 5,62 dollars à 13,64 dollars ; en Russie, de 6,14 dollars à 8,37 dollars ; en Italie, de 9,59 dollars à 11,24 dollars, et au Japon de 86 cents à 3,11 dollars.
Ces calculs montrent à quel point le coût économique du militarisme pèse sur la population. Quelle conclusion tirer de ces données ? L’augmentation du budget militaire dépasse la croissance de la population dans chacun des pays cités ci-dessus. En d’autres termes, les exigences croissantes du militarisme menacent d’épuiser les ressources humaines et matérielles de chacune de ces nations.
L’horrible gâchis qu’entraîne le patriotisme devrait être suffisant pour guérir les hommes, même moyennement intelligents, de cette maladie. Cependant les exigences du patriotisme ne s’arrêtent pas là. On demande au peuple d’être patriote et, pour ce luxe, il paie non pas en soutenant ses «défenseurs», mais en sacrifiant ses propres enfants. Le patriotisme réclame une allégeance totale au drapeau, ce qui implique d’obéir et d’être prêt à tuer son père, sa mère, son frère ou sa sœur.
«Nous avons besoin d’une armée permanente pour protéger le pays contre une invasion étrangère», affirment nos gouvernants. Tout homme et toute femme intelligents sait pourtant qu’il s’agit d’un mythe destiné à effrayer les gens crédules et les obliger à obéir. Les gouvernements de cette planète connaissent parfaitement leurs intérêts respectifs et ne s’envahissent pas les uns les autres. Ils ont appris qu’ils peuvent gagner bien davantage en recourant à l’arbitrage international pour régler leurs conflits qu’en se faisant la guerre et en essayant de conquérir d’autres territoires. En vérité, comme l’a dit Carlyle, «la guerre est une querelle entre deux voleurs trop lâches pour mener leur propre combat ; c’est pourquoi ils choisissent deux jeunes gens issus de villages différents, leur mettent un uniforme sur le dos, leur donnent un fusil et les lâchent comme des bêtes sauvages pour qu’ils s’entre-tuent».
Nul besoin d’être très savant pour trouver une cause identique à toutes les guerres. Prenons la guerre hispano-américaine, censée être un grand événement patriotique dans l’histoire des États-Unis. Comme nos cœurs ont brûlé d’indignation en apprenant les atrocités espagnoles ! Reconnaissons que notre indignation n’a pas éclaté spontanément. Elle a été nourrie par la presse, durant des mois et des mois, et longtemps après que le boucher Weyler (3) eut tué de nombreux nobles Cubains et violé de nombreuses Cubaines.
Néanmoins, rendons justice à la nation américaine : non seulement elle s’est indignée et a montré sa volonté de se battre mais elle a combattu courageusement. Cependant, lorsque la fumée s’est dissipée, que les morts ont été enterrés et que le coût de la guerre est retombé sur le peuple sous la forme d’une augmentation du prix des marchandises et des loyers, lorsque nous avons émergé de notre cuite patriotique, nous avons soudain compris que la véritable cause de la guerre hispano-américaine était le prix du sucre : ou, pour être encore plus explicite, que les vies, le sang et l’argent du peuple américain avaient été utilisés pour protéger les intérêts des capitalistes américains, menacés par le gouvernement espagnol.
Je n’exagère absolument pas. Mon affirmation se fonde sur des faits et des statistiques incontestables, comme le prouve également l’attitude du gouvernement américain face aux travailleurs cubains. Lorsque Cuba s’est trouvée coincée entre les griffes des États-Unis, les soldats envoyés pour libérer Cuba ont reçu l’ordre de fusiller les travailleurs cubains pendant la grande grève des fabriques de cigares, grève qui s’est déroulée peu après la guerre hispano-américaine.
Et nous ne sommes pas les seuls à faire la guerre pour de telles raisons. On commence seulement à dévoiler les véritables motifs de la terrible guerre russo-japonaise qui a coûté tant de sang et de larmes.
Et nous voyons de nouveau que, derrière le cruel Moloch de la Guerre, se tient le dieu encore plus cruel du Commerce. Kouropatkine, le ministre russe de la Guerre durant ce conflit, a révélé le véritable secret qui se cache derrière les apparences. Le tsar et ses grands ducs avaient investi de l’argent dans des concessions coréennes; ils ont imposé la guerre uniquement dans l’intérêt des fortunes qui étaient en train de s’édifier à toute allure.
La constitution d’une armée permanente est-elle la meilleure façon d’assurer la paix ? Cet argument est absolument illogique : c’est comme si l’on prétendait que le citoyen le plus pacifique est celui qui est le mieux armé. L’expérience montre que des individus armés désirent toujours tester leur force. Il en est de même pour les gouvernements. Les pays véritablement pacifiques ne mobilisent pas leurs ressources et leur énergie dans des préparatifs de guerre, évitant ainsi tout conflit avec leurs voisins.
Ceux qui réclament l’augmentation des moyens de l’armée et de la marine ne pensent à aucun danger extérieur. Ils observent la croissance du mécontentement des masses et de l’esprit internationaliste parmi les travailleurs. Voilà ce qui les inquiète véritablement. C’est pour affronter leur ennemi intérieur que les gouvernants de différents pays se préparent en ce moment ; un ennemi, qui, une fois réveillé, s’avérera plus dangereux que n’importe quel envahisseur étranger.
Les puissants qui ont réduit les masses en esclavage pendant des siècles ont soigneusement étudié leur psychologie. Ils savent que les peuples en général sont comme des enfants dont le désespoir, la peine et les pleurs peuvent se transformer en joie à la vue d’un petit jouet. Et plus le jouet est joliment présenté, plus les couleurs sont vives, plus il plaira à des millions d’enfants.
L’armée et la marine sont les jouets du peuple. Afin de les rendre encore plus attrayants et acceptables, on dépense des centaines et des milliers de dollars pour les exhiber un peu partout. C’est l’objectif que recherchait le gouvernement américain lorsqu’il a équipé une flotte et l’a envoyée croiser le long des côtes du Pacifique, afin que chaque citoyen américain puisse être fier des exploits techniques des Etats-Unis. La ville de San Francisco a dépensé cent mille dollars pour l’amusement de la flotte, Los Angeles soixante mille, Seattle et Tacoma environ cent mille dollars. Pour amuser la flotte, ai-je dit ? Pour offrir de la bonne chère et des vins fins à quelques officiers supérieurs pendant que les «braves trouffions» devaient se mutiner pour obtenir une nourriture décente. Oui, deux cent soixante mille dollars ont été dépensés pour financer des feux d’artifice, des spectacles et des festivités, à un moment où des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, dans tout le pays, crevaient de faim dans les rues, à un moment où des centaines de milliers de chômeurs étaient prêts à vendre leur travail à n’importe quel prix.
Deux cent soixante mille dollars ! Que de choses on aurait pu accomplir avec une somme aussi énorme ! Mais, plutôt que de leur donner un toit et de les nourrir correctement, on a préféré emmener les enfants de ces villes assister aux manœuvres de la flotte, car ce spectacle, comme l’a dit un journaliste, laissera «un souvenir ineffable dans leur mémoire».
Quel merveilleux souvenir, n’est-ce pas ! Tous les ingrédients nécessaires à un massacre civilisé. Si l’esprit des enfants est intoxiqué par de tels souvenirs, quel espoir y a-t-il pour l’avènement d’une véritable fraternité humaine ?
Nous, les Américains, prétendons aimer la paix. Il paraît que nous détestons verser le sang, que nous sommes opposés à la violence. Et pourtant nous sautons de joie lorsque nous apprenons que des machines volantes pourront balancer des bombes bourrées de dynamite sur des citoyens sans défense. Nous sommes prêts à pendre, électrocuter ou lyncher toute personne qui, poussée par la nécessité économique, risquera sa propre vie en attentant à celle d’un magnat industriel. Cependant nos cœurs se gonflent d’orgueil à la pensée que l’Amérique deviendra la nation la plus puissante de la terre, et qu’elle écrasera de son talon de fer les autres nations.
Telle est la logique du patriotisme.
Si  le patriotisme nuit au commun des mortels, ce n’est rien en comparaison des dommages et blessures qu’il inflige au soldat lui-même, cet homme trompé, victime de la superstition et de l’ignorance. Qu’offre le patriotisme au sauveur de son pays, au protecteur de sa nation ? Une vie d’esclave soumis, de dépravation durant la paix; une vie de danger, de risques mortels et de mort durant la guerre.
Au cours d’une récente tournée de lectures à San Francisco, j’ai visité le Presidio,un endroit merveilleux qui surplombe la baie et le parc du Golden Gate.On aurait pu y installer des terrains de jeux pour les enfants, des jardins et des orchestres pour divertir la population. Au lieu de cela, on y a bâti une caserne constituée de bâtiments horribles, gris et ternes, bâtiments dans lesquels les riches ne laisseraient même pas leurs chiens dormir.
Dans ces misérables baraquements on entasse des soldats comme du bétail ; ils perdent leur temps et leur jeunesse à cirer les bottes et les boutons de leurs officiers supérieurs. Là, aussi, j’ai pu observer les différences de classes : les robustes fils d’une République libre, disposés en rang comme des prisonniers, sont obligés de saluer chaque fois qu’un avorton galonné passe devant eux. Ah ! comme l’égalité américaine dégrade l’humanité et exalte l’uniforme !
La vie de caserne tend à développer la perversion sexuelle (4). Elle produit graduellement des résultats semblables dans les armées européennes. Havelock Ellis, spécialiste renommé en matière de psychologie sexuelle, a mené une étude détaillée à ce sujet.
«Certains baraquements sont de véritables bordels pour les prostitués mâles… Le nombre de soldats qui veulent se prostituer est bien plus grand que nous sommes prêts à l’admettre. Dans certains régiments, la majorité des conscrits sont disposés à se vendre… En été, on voit des soldats de la Garde royale et d’autres régiments exercer leur commerce dès la fin de l’après-midi, à Hyde Park et aux alentours d’Albert Gate, ils ne se cachent pas, certains se baladent même en uniforme. (…) Le bénéfice de ces activités rapporte une somme confortable qui vient renflouer leur maigre solde.»
Cette perversion a progressé dans l’armée, au point que des maisons spécialisées ont été créées pour cette forme de prostitution. La pratique ne se limite pas à l’Angleterre, elle est universelle. «Les soldats sont aussi recherchés en France qu’en Angleterre ou en Allemagne, et des bordels spécialisés dans la prostitution militaire existent à la fois à Paris et dans les villes de garnison.»
Si M. Havelock Ellis avait enquêté sur la perversion sexuelle en Amérique, il aurait découvert que la même situation existe dans notre armée. La croissance d’une armée permanente ne peut qu’accroître l’étendue de la perversion sexuelle; les casernes en sont les incubateurs.
En dehors des conséquences sexuelles déplorables de la vie commune dans les casernes, l’armée tend à rendre le soldat inapte à travailler lorsqu’il quitte ses rangs. Il est rare que des hommes qualifiés s’engagent mais  quand il arrive qu’ils le fassent, au bout de quelques années d’expérience militaire, ils ont du mal à reprendre leurs occupations antérieures. Ayant pris goût à l’oisiveté, à certaines formes d’excitation et d’aventure, aucune occupation pacifique ne peut plus les satisfaire. Dégagés de leurs obligations militaires, ils deviennent incapables d’effectuer le moindre travail utile. Mais habituellement le recrutement se fait surtout parmi la racaille ou est proposé à des prisonniers que l’on libère dans ce but. Ceux-ci acceptent soit pour survivre, soit parce qu’ils sont poussés par leurs inclinations criminelles. Il est bien connu que nos prisons regorgent d’ex-soldats, tandis que, d’un autre côté, l’armée et la marine accueillent beaucoup d’ex-condamnés. Ces individus-là, lorsqu’ils ont fini leur temps, retournent à leur vie criminelle antérieure, encore plus violents et dépravés qu’avant.
De tous les phénomènes négatifs que je viens de décrire, aucun ne me semble plus nuisible à l’intégrité humaine que les conséquences du patriotisme pour le deuxième classe Willam Buwalda. Parce qu’il a commis la folie de croire que l’on peut être un soldat et exercer ses droits d’être humain, les autorités militaires l’ont sévèrement puni. Certes, il avait servi son pays pendant quinze ans, pendant lesquels son dossier avait été impeccable.
Selon le général Funston, qui a réduit la condamnation de Buwalda à trois ans de prison, «le premier devoir d’un officier ou d’un engagé est d’obéir aveuglément et loyalement au gouvernement. Le fait qu’il approuve ou non le gouvernement n’entre pas en ligne de compte». Cette déclaration éclaire le véritable caractère de l’allégeance patriotique. Selon le général Funston, le fait d’entrer dans l’armée annule les principes de la Déclaration d’indépendance.
A quel étrange résultat aboutit ce patriotisme qui transforme un être pensant en une machine loyale !
Pour justifier la scandaleuse condamnation de Buwalda, le général Funston explique aux Américains que ce soldat a commis «un crime grave qui équivaut à la trahison». De quoi s’agit-il exactement? William Buwalda a assisté à un meeting de 1 500 personnes qui s’est déroulé à San Francisco. Après quoi — ô horreur ! — il a serré la main de l’oratrice : Emma Goldman. Un terrible crime, effectivement, que le général Funston qualifie de «grave crime militaire, infiniment plus grave que la désertion» !
Quel argument plus accablant peut-on invoquer contre le patriotisme que le fait de stigmatiser cet homme comme un criminel, de le jeter en prison et de lui dérober le fruit de quinze années de bons et loyaux services ?
Buwalda a donné à son pays les meilleures années de sa vie adulte. Mais tout cela ne compte pas. Comme tous les monstres insatiables, le patriotisme inflexible exige un dévouement absolu. Il n’admet pas qu’un soldat est aussi un être humain, qu’il a le droit d’avoir ses opinions et sentiments personnels, ses penchants et ses idées propres. Non, le patriotisme ne l’admet pas. Buwalda a dû apprendre cette leçon, à  un prix élevé, mais pas inutile. Lorsqu’il est sorti de prison, il avait perdu sa position dans l’armée, mais il avait reconquis le respect de lui-même. Après tout, cela vaut bien trois ans de prison.
Un journaliste a récemment publié un article sur le pouvoir qu’exercent les militaires allemands sur les civils. Ce monsieur pense, notamment, que si notre République n’avait pas d’autre fonction que de garantir à tous les citoyens des droits égaux, son existence serait déjà pleinement justifiée. Je suis convaincue que ce journaliste ne se trouvait pas dans le Colorado, pendant le régime patriotique du général Ball. Il aurait probablement changé d’avis s’il avait vu la façon dont, au nom du patriotisme et de la République, on jetait des hommes dans des cellules communes, puis on les en faisait sortir pour leur faire traverser la frontière et les soumettre à toutes sortes de traitements indignes. Et l’incident survenu au Colorado n’est pas un incident isolé dans le développement du pouvoir militaire aux États-Unis. Il est rarement qu’une grève survienne sans que l’armée ou les milices ne viennent au secours des possédants, et alors ces hommes agissent de façon aussi arrogante et brutale que  ceux qui portent l’uniforme du Kaiser. De plus nous avons la loi militaire Dick. Ce journaliste l’a-t-il oublié?
Le grand problème avec les journalistes est que, généralement, ils ignorent les événements courants ou que, manquant d’honnêteté, ils ne les évoquent jamais. Et c’est ainsi que la loi militaire Dick a été introduite précipitamment devant le Congrès, sans être vraiment discutée et sans qu’on en parle dans la presse. Cette loi donne au Président le droit de transformer un paisible citoyen en un tueur assoiffé de sang, en théorie pour défendre son pays, en réalité pour protéger les intérêts du parti dont le Président est le porte-parole.
Notre journaliste prétend que le militarisme ne pourra jamais acquérir autant de pouvoir en Amérique que dans d’autres pays, puisque que nous ne connaissons pas la conscription obligatoire comme dans l’Ancien Monde. Ce monsieur oublie deux faits très importants. Tout d’abord cet enrôlement a créé en Europe une profonde haine contre le militarisme, haine enracinée dans toutes les classes de la société. Des milliers de jeunes recrues protestent au moment de leur incorporation et, une fois dans l’armée, ils essaient souvent, par tous les moyens, de déserter. Deuxièmement, notre journaliste ne tient pas compte du fait que la conscription obligatoire a créé un mouvement antimilitariste très important, que les puissances européennes craignent plus que tout. En effet, le militarisme est le rempart le plus solide du capitalisme. Dès qu’il sera ébranlé, le capitalisme vacillera sur ses bases. Certes, en Amérique, nous n’avons pas de service militaire obligatoire, les hommes ne sont pas obligés de s’enrôler dans l’armée, mais nous avons développé une force bien plus exigeante et rigide : la nécessité. Durant les crises économiques, le nombre d’engagés ne monte-t-il pas en flèche ? Le métier de militaire est peut-être moins lucratif ou honorable que d’autres, mais il vaut mieux être soldat que d’errer dans tout le pays à la recherche d’un travail, de faire la queue dans une soupe populaire, ou de dormir dans des asiles de nuit. Après tout, un soldat touche actuellement 13 dollars par mois, mange trois repas par jour et bénéficie d’un endroit où dormir. Cependant la nécessité n’est pas un facteur assez puissant pour humaniser l’armée. Pas étonnant que nos autorités militaires se plaignent de la «mauvaise qualité» des éléments qui s’engagent. Cet aveu est très encourageant. Il prouve que l’esprit d’indépendance et l’amour de la liberté sont encore suffisamment répandus chez les Américains pour les inciter à préférer crever de faim plutôt que d’endosser l’uniforme.
Les hommes et les femmes qui réfléchissent dans ce monde commencent à comprendre que le patriotisme est une conception trop étroite et limitée pour répondre aux besoins de notre époque. La centralisation du pouvoir a créé un sentiment international de solidarité parmi les nations opprimées du monde, solidarité qui révèle une plus grande communauté d’intérêts entre les ouvriers américains et leurs frères de classe à l’étranger, qu’entre un mineur américain et son compatriote qui l’exploite, une solidarité qui ne craint aucune invasion étrangère, parce qu’elle amènera tous les ouvriers à dire un jour à leurs patrons: «Allez vous faire tuer, si vous en avez envie. Nous, cela fait trop longtemps que nous nous battons à votre place.»
Cette solidarité éveille également la conscience des soldats, qui font aussi partie de la grande famille humaine. Cette solidarité s’est avérée infaillible plus d’une fois durant les luttes passées, et  elle a poussé les soldats parisiens, durant la Commune de 1871, à refuser d’obéir quand on leur a ordonné de tirer sur leurs frères. Elle a donné du courage aux marins qui se sont récemment mutinés sur les bateaux de guerre russes. Et elle provoquera un jour le soulèvement de tous les opprimés et la révolte contre leurs exploiteurs internationaux.
Le prolétariat européen a compris la grande force de cette solidarité et a donc commencé une guerre contre le patriotisme et son spectre, le nihilisme. Des milliers d’hommes remplissent les prisons de France, d’Allemagne, de Russie et des pays scandinaves parce qu’ils ont osé défier une très ancienne superstition. Et ce mouvement ne se limite pas à la classe ouvrière, il concerne toutes les catégories sociales, ses principaux porte-parole sont des hommes et des femmes éminents dans le domaine des arts, des sciences et des lettres.
L’Amérique empruntera un jour le même chemin. L’esprit du militarisme envahit déjà tous les domaines de la vie sociale. Je suis convaincue que le militarisme deviendra un danger plus important en Amérique que n’importe où dans le monde, parce que le capitalisme sait corrompre ceux qu’il souhaite détruire.
Le processus est déjà enclenché dans les écoles. Évidemment, le gouvernement défend la vieille conception jésuitique:  «Donnez-moi l’esprit d’un enfant et je le façonnerai.» On apprend aux enfants l’intérêt des tactiques militaires, on leur vante les grandes victoires, et les esprits jeunes sont pervertis dans l’intérêt du gouvernement.  De plus, on édite de superbes affiches pour inciter  les jeunes du pays à s’engager. «Une occasion de parcourir le monde !» crient les larbins du gouvernement. Et c’est ainsi que l’on force moralement des jeunes innocents à se fourvoyer dans le patriotisme et que le Moloch militaire continue à conquérir la nation.
Lors des grèves, l’ouvrier américain a terriblement souffert des interventions des soldats, qu’ils soient envoyés contre lui par l’État local ou par le gouvernement fédéral. Il est donc tout à fait normal que l’ouvrier méprise les parasites en uniforme et manifeste son opposition contre eux. Cependant, il ne suffira pas d’une simple diatribe pour résoudre ce grave problème. Nous avons besoin d’une propagande qui fasse l’éducation du soldat : une littérature antipatriotique qui l’éclaire sur les véritables horreurs de son métier, et lui fasse prendre conscience de sa relation avec ceux dont le travail lui permet d’exister. C’est précisément ce dont les autorités ont le plus peur. Un soldat qui assiste à une réunion révolutionnaire commet déjà un crime de haute trahison. Il est certain qu’ils condamneront également à la même peine un soldat qui lira une brochure révolutionnaire. L’autorité n’a-t-elle pas, depuis des temps immémoriaux, dénoncé comme une trahisontout pas vers le progrès ? Ceux qui luttent sérieusement pour la reconstruction sociale sont parfaitement capables de mener à bien cette tâche, car il est probablement plus important de porter le message de la vérité dans les casernes que dans les usines.
Une fois que nous aurons dévoilé le mensonge patriotique, nous aurons ouvert la voie à l’avènement de la grande structure où toutes les nationalités s’uniront dans une fraternité universelle: une société véritablement libre.


Motion adoptée lors du 32e Congrès extraordinaire de la Fédération anarchiste réuni à Paris les 11, 12 et 13 Novembre 1977

lundi 25 octobre 2004
La Fédération anarchiste réaffirme son antimilitarisme le plus complet et combat par tous les moyens l’armée et sa psychologie.
Principal pilier de l’État, l’armée est le dernier rempart des sociétés tant capitalistes que socialistes étatiques, elle permet de combattre les tendances émancipatrices du prolétariat. Basée sur le principe de l’autorité, elle nie la liberté de l’individu et des groupes.
Elle détourne à son profit une partie des forces productives du pays à des fins militaires donc improductives pour les populations.
Elle détermine l’évolution de certaines recherches scientifiques (pour ses propres fins).
Elle permet, par son appareil juridique, le maintien de juridictions d’exception (TPFA, Cour de sûreté de l’État ...) qui peuvent s’appliquer aux civils, et ce à tous moments (ordonnances de 1959).
La Fédération anarchiste, en plus des moyens individuels qu’elle soutient pour combattre l’armée (objection-insoumission au service civil, insoumission totale, lutte antimilitariste dans les casernes), propose une lutte par des moyens collectifs, sans préjuger de ceux tendant à démoraliser le personnel militaire et civil attaché à l’armée. elle encourage les travailleurs de l’industrie de l’armement à remettre en cause leur production.
La Fédération anarchiste place ses objectifs comme étant un préalable pour l’avènement de la révolution sociale et le passage à une société sans classe ni État.
Fédération anarchiste


Discours d’Alayn Dropsy de la Fédération Anarchiste

lundi 14 novembre 2011 par cilal
À quelques mots près , voici le discours prononcé par Alayn Dropsy ce 11 novembre à Gentioux ( sous réserve de rectifications de détail , notamment pour la fin ) :

CONTRE LA GUERRE… CONTRE L’INSTITUTION MILITAIRE !

Si nous appelons à ce rassemblement un 11 novembre, c’est tout d’abord pour rendre hommage aux victimes de la boucherie de 14-18… et à celles de toutes les guerres, actuelles et passées, sacrifiées sur l’autel du capitalisme au nom du nationalisme. Pour rendre hommage à tous les insoumis, déserteurs et pacifistes d’aujourd’hui et d’hier. Mais aussi pour dénoncer l’armée en tant qu’institution, ainsi que l’avancée du militarisme dans les structures économiques, dans l’éducation et dans le contrôle de la société dans son ensemble.

L’ARMÉE, C’EST L’INSÉCURITÉ

Cette institution demeure un danger permanent qui pèse sur chacun de nous, en tant qu’individus, mais aussi sur toute la collectivité et en particulier sur le mouvement social, parce qu’elle est et a toujours été le dernier rempart, l’ultime recours armé de l’État et du patronat, en cas de révolte sociale. Plan Vigipirate banalisant la présence de bidasses armés jusqu’aux dents dans les transports urbains, les gares et certains quartiers… participant ainsi au contrôle des populations sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Entraînement militaire contre les insurrections populaires, un savoir-faire proposé il n’y a pas si longtemps par la France à Ben Ali. L’histoire sociale n’est qu’une suite d’exemples sanglants de la nocivité intrinsèque de l’armée : de la Commune de Paris à celle de Kronstadt, des conseils ouvriers d’Allemagne ou d’Italie aux révolutionnaires espagnols, du Chili à la place Tian An Men, la liste est interminable, sous les ordres de la « gauche » ou de la « droite ». Une instruction datée du 3 mai 2010, rédigée avec le concours des ministères de l’Intérieur et de la Défense par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), évoque la mobilisation de 10.000 hommes en cas de « crise majeure ». Ces hommes pourraient être également utilisés dans les quartiers dit « sensibles », où la rénovation urbaine en cours vise à faciliter les interventions policières, mais aussi éventuellement militaires.

PROPAGANDE MILITARISTE GÉNÉRALISÉE

Un matraquage publicitaire particulièrement cynique (« devenez vous-même.com ») continue de déferler dans les rues et sur les écrans, financé par nos deniers, en vue du recrutement des jeunes qui parfois se laissent tenter. Les temps s’y prêtent : un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Poussant notamment, selon Sud étudiants, 50.000 étudiant-e-s à se prostituer. Cette misère des jeunes est une aubaine pour les sergents recruteurs : sur les 15 000 postes prévus, 12 000 sont réservés à des jeunes sans qualification, promis à l’ambitieux statut de… militaire du rang. Rappelons à cette jeunesse tant convoitée par les vautours en kaki que l’armée est l’école du crime, car c’est la soumission totale de l’individu aux ordres de la hiérarchie. La contrepartie essentielle de la paye versée au soldat, c’est l’abdication totale du libre-arbitre, notamment si on lui ordonne de tirer, de tuer ou de se faire tuer (le contrat appelle cela « donner sa vie à la république », nous disons plutôt au capital). L’armée est une institution hiérarchisée au sein de laquelle chaque individu est modelé à force de pression psychologique et d’astreinte physique. Le but étant de produire un modèle unique de militaire obéissant aux objectifs. Dans une société sécuritaire encadrée par le management au service du pouvoir capitaliste et étatique, l’enjeu du militarisme n’est pas seulement de fournir un bras armé, mais aussi un modèle social. Les programmes d’éducation civique lui donnent toute sa place. Quinze centres à encadrement militaire pour mineurs sont mis en place pour 2012 ! La « socialiste » Royal s’indigne : elle a eu l’idée avant… Mariton propose aussi d’imposer à la jeunesse un « serment d’allégeance aux armes » – relooké, au vu du tollé suscité, en « engagement loyauté » par Copé. Drôle de « cohésion nationale », si légitime qu’il faudrait l’imposer à la jeunesse aux forceps de la contrainte légale. Ecole et armée républicaines, même combat ! Obéir aux chefs, sergents ou patrons, c’est renier notre légitimité à agir par et pour nous-mêmes.

L’ARMÉE, COÛTEUSE ET POLLUANTE

La chose militaire pollue, et pas que les esprits, il suffit de songer aux essais nucléaires, et à toutes les saletés qui ont été fabriquées et le sont encore : armes chimiques, bactériologiques, munitions à uranium appauvri etc… Les irradié-e-s et les mutilé-e-s pour cause de mines antipersonnel, militaires et civil-e-s, en sont encore radieux… Sans parler du gaspillage effarant d’énergie fossile (avions de chasse…). Le monde a consacré 1 630 milliards de dollars au secteur militaire en 2010. Soit 59 % deplus qu’en 2000. Ce n’est pas la « crise » pour tout le monde, et si les États-Unis représentent à eux seuls 43% de ce budget mondial, la France est en bonne place dans cette course à la « rigueur » avec la bagatelle de 65 milliards de dollars consacrés à l’armement, soit 1000 dollars par habitant. Le budget, en augmentation pour 2012, consacre encore plus de pognon à l’équipement et à la « recherche et développement ». L’innovation dans le meurtre de masse continue ainsi d’être le fer de lance de la « croissance économique ». Le capitalisme porte la guerre comme les nuées portent l’orage..

LE CAPITALISME, C’EST LA GUERRE PERMANENTE DE TOUS CONTRE TOUS

Car derrière toutes les guerres et leurs hypocrites alibis, se cachent toujours les intérêts capitalistes, les prétentions impérialistes et les appétits militaristes. Contrôle à tout prix des matières premières par les multinationales, avec présence française en Afghanistan aux côtés des troupes américaines et anglaises, multiples bases de l’armée française en Afrique et interventions régulières sur ce continent (Tchad, Rwanda, Côte d’Ivoire, Libye…). Avec soutien logistique et matériel aux États, y compris contre leurs propres populations locales révoltées, s’il faut les réprimer. L’accord franco-anglais, envisageant la création d’une force militaire conjointe de plusieurs milliers d’hommes, mobilisables pour des opérations extérieures bilatérales ou sous drapeaux de l’OTAN, de l’ONU ou de l’Union européenne, a eu son petit terrain d’expérimentation en Libye. Par la terreur et les bombardements de civils, un nouveau gouvernement à la solde du patronat européen et notamment français a évincé le dictateur Kadhafi… pour confisquer leur révolution aux révolté-e-s. Et le choix du conflit armé contre l’Iran se précise. Si les grandes puissances capitalistes souhaitaient réellement endiguer le « terrorisme », il leur suffirait de consacrer aux infrastructures, hôpitaux et écoles, le budget dévolu aux interventions militaires. C’est que la guerre ça rapporte : aux multinationales de l’énergie, des matières premières et de l’armement, qui en France contrôlent une grande partie des médias (dont des éditions de manuels scolaires), sans parler de leurs liens affichés avec le Pouvoir. Au nom des « intérêts de la France », ou de la « démocratie contre le terrorisme », c’est un avenir de mort et de misère qui s’offre à tous les peuples opprimés.
Aujourd’hui comme hier et demain, les anarchistes ne cesseront jamais de dénoncer et de lutter contre les marchands de canons, les armées, les nationalistes, les États et les systèmes économiques générateurs d’oppression sociale et de logique guerrière. C’est aux mouvements populaires qu’il appartient, ici et maintenant, de s’organiser et de se défendre contre l’oppression militaire et capitaliste.
Ni dieu , NI maître ! Maudite soit la guerre !


Chanson antimilitariste, "Giroflée, Girofla"




Que tu as la maison douce
Giroflée Girofla
L'herbe y croît, les fleurs y poussent
Le printemps est là.
Dans la nuit qui devient rousse
Giroflée Girofla
L'avion la brûlera (bis).
Que tu as de beaux champs d'orge
Giroflée Girofla
Ton grenier de fruits regorge
L'abondance est là.
Entends-tu souffler la forge
Giroflée Girofla
L'canon les fauchera (bis).
Que tu as de belles filles
Giroflée Girofla
Dans leurs yeux où la joie brille
L'amour descendra.
Dans la plaine on se fusille
Giroflée Girofla
L'soldat les violera (bis).
Que tes fils sont forts et tendres
Giroflée Girofla
Ca fait plaisir d' les entendre
A qui chantera.
Dans huit jours on va t' les prendre
Giroflée Girofla
L'corbeau les mangera (bis).
Tant qu'y aura des militaires
Soit ton fils, soit le mien
Y n' pourra y avoir sur terre
Pas grand-chose de bien.
On te tuera pour te faire taire
Par derrière comme un chien
Et tout ça pour rien (bis).

1 commentaire:

  1. Merci Camarades pour votre belle Page !

    J'ai partagé le superbe discours antimilitariste du 1 novembre 2011 sur "Socialisme libertaire".

    http://www.socialisme-libertaire.fr/2015/07/contre-la-guerre-contre-l-institution-militaire.html

    Salutations libertaires !

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