LIBRE PENSEE


L'Etat offre la Laïcité aux religions

Depuis une trentaine d'années l'Etat français, faut-il le rappeler, un des rares Etats laïques en Europe multiplie rapports et lois concernant la Laïcité et l'expression religieuse dans tous les domaines de la vie sociale et économique : services publics (hôpital, école etc.), dans l'entreprise et, y compris dans la sphère publique.
Pourtant, la religion est censée relever de la seule liberté de conscience des individus donc de la sphère privée !
L'autre paradoxe réside dans le fait que l'Etat, qui accorde ainsi tant d'importance à l'expression des religions, est le même Etat qui n'en accorde aucune par rapport aux besoins du peuple en matière économique et sociale : travail, santé, éducation, logement, transport (au nom de la Révision Générale des Politiques Publiques -RGPP), autant de préoccupations censées pourtant le légitimer.
Bien au contraire, l'Etat en revisitant aujourd'hui le concept de laïcité, en justifiant une nécessaire reconnaissance, liberté, et égalité des cultes, trahit de fait la Loi de 1905 de « Séparation des Eglises et de l'Etat » qui dans son article premier spécifie : « La République assure la liberté de conscience », suivi du second :  « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ».
Sous couvert d'aménagement, d'ouverture ou d'actualisation de la laïcité, l'Etat fait la preuve qu'en définitive il ne considère plus les femmes et les hommes comme des producteurs devant bénéficier du produit de leur travail et des citoyens devant pouvoir utiliser des services publics. Il ne les considère plus que dans leurs rapports à leurs possibles croyances en telle ou telle religion en ignorant au passage l'existence d'une majorité de non pratiquants, de laïques et d'incroyants !
Ainsi, dans le même temps où les femmes et les hommes sont de plus en plus déconsidérés sombrant dans la précarité et la misère sociale et économique, voici en guise de consolation sans doute, que l'Etat se préoccupe par contre de leur capacité à exprimer leurs croyances en dehors de leur vie privée !
De quoi réinscrire aux frontons des mairies, à la place du tryptique actuel « Liberté, Egalité, Fraternité » :  « Religion, Communautarisme, Charité » !
C'est ainsi que dans le désert économique laissé par la casse industrielle due au capitalisme, dans le désert social du à l'abandon par l'Etat des services publics livrés au privé, fleurissent lois et textes replaçant le religieux au centre des préoccupations de chacun.
Cette préoccupation de l'Etat apparaît en particulier dans le rapport du Conseil d'Etat, publié en 2004, où tout en se basant sur le cadre de la loi 1905, celui-ci considère que si l'Etat ne reconnaît aucun culte : « la religion n'est (pour autant) pas une affaire privée...la laïcité ne se résume pas à la neutralité de l'Etat...elle ne peut ignorer le fait religieux... (et) si le législateur en 1905 a fait disparaître la catégorie des cultes reconnus, il se doit désormais de n'en méconnaître aucun ».
Plus qu'un glissement sémantique, c'est une véritable déclaration de guerre à tous les laïques défenseurs de la loi de 1905 !
Pour preuve de cette haute trahison, il suffit de lire la position du Conseil d'Etat par rapport au régime des cultes en Alsace-Moselle : « C'est un particularisme local dans lequel on peut voir une forme particulière de l'organisation des rapports et de la séparation des Eglises et de l'Etat... ».
Faire du Concordat en Alsace- Moselle une forme particulière de la séparation des Eglises et de l'Etat relève d'un glissement dans le temps et d'une affabulation totale :
  • Napoléon Bonaparte signe en 1801 avec le pape Pie VII un Concordat régissant le culte catholique en France,
  • La loi de 1905 l'abroge, sauf sur les 3 départements de cette région, alors sous la tutelle du Reich allemand,
  • Le retour de l'Alsace-Moselle dans le giron français, en 1918, n'abroge pour autant pas le Concordat qui sera même confirmé par le Conseil d'Etat en 1925, puis en 1945.
On comprend mieux alors la position du Conseil d'Etat qui en 2004 citant le statut clérical d'Alsace-Moselle en exemple nous propose la « Divine laïcité » fruit du mariage entre l'Etat et les Eglises, le retour à l'ancien régime et cette éternelle alliance du temporel et du spirituel, du sabre et du goupillon !

Concrètement, comment se traduisent cette nouvelle conception de la Laïcité, plus béante qu'ouverte, et ce nécessaire besoin pour l'Etat de reconnaître les expressions religieuses dans toute la sphère publique ? :
  • A l'hôpital :
L'application de la « Charte de la laïcité dans les services publics » du 13 avril 2007
précise que : « chaque croyant doit pouvoir se recueillir...s'exprimer librement...se nourrir suivant ses préceptes religieux dans la mesure du choix des menus offert par l'hôpital... ».
Par ailleurs si « le libre choix du médecin est posé en principe », celui-ci se voit conforter dans sa « Clause de conscience » concernant la pratique de l'IVG !
Sachez donc qu'en cas d'hospitalisation vous aurez la possibilité de vous recueillir dans une salle, faisant office selon les heures, de chapelle, temple, mosquée ou synagogue. Vous pourrez peut-être y manger hallal, casher ou avoir votre poisson du vendredi...
Qu'importe que dans le même temps cet hôpital, comme la majorité des établissements publics souffre d'un manque flagrant de personnels soignants, de lits ! Dieu veillera à votre prompt rétablissement.

  • A l'école :
A la demande du ministre « socialiste » Jack Lang alors ministre de l'Education Nationale, Régis Debray remis en 2002 un rapport proposant « l'enseignement du fait religieux à l'école laïque ». Etonnant ce projet quand on sait que depuis des lustres cet enseignement existait déjà, tel que par exemple en 6ème, 20% du temps consacré à l'histoire des « débuts du judaïsme et du christianisme », ou en 5ème, 10% consacré à l'étude des « débuts de l'Islam » etc.
Si l'on rajoute à cette disposition, l'autorisation en 2004 (rapport Stasi), du « Port (discret) d'insignes religieux à l'école », on ne peut que s'interroger sur le véritable objectif de ces dispositions visant à reconnaître, étudier les religions et manifester ses croyances dans l'école laïque.
La réponse se trouve dans le rapport Debray, avec l'énoncé, on ne peut plus clair des motivations : « L'effondrement ou l'érosion des anciens vecteurs de transmission que constituaient églises, familles, coutumes et civilités...la perte de sens est bien une réalité sociale... ». Autre « perle » : « Comment comprendre le 11 septembre 2001 sans remonter au wahhabisme, aux diverses filiations coraniques... ».
Voilà donc le coupable enfin désigné justifiant le retour du régime de Vichy avec la nouvelle trilogie adaptée à l'école « Travail scolaire sur les religions, Famille et Patrie, dans le respect des valeurs chrétiennes ». Maréchal, nous (re)voilà !
Sachez donc que vos enfants, crucifix, ou autre signe religieux sous la chemise et bible, coran et thora dans le cartable iront joyeusement à l'école, comme le dit le rapport pour : « Profiter d'une laïcité ragaillardie, le temps étant venu de passer d'une laïcité d'incompétence (le religieux ne nous concerne pas) à une laïcité d'intelligence (nous avons le devoir de le comprendre)... ».
Qu'importe que dans le même temps l'école de votre gamin souffre d'un manque d'enseignants, de classes surchargées, de suppression d'heures de cours du moment que Dieu accompagne son ignorance !

  • Dans l'entreprise :
En avril 2010, le Haut Conseil à l'Intégration (HCI) remis un rapport au Président Sarkozy, rendu public en septembre 2011, intitulé « Expression religieuse et laïcité dans l'entreprise ».
Celui-ci, constatant : « la multiplication de revendications d'expression religieuse au sein des entreprises », proposa concrètement d'autoriser les entreprises privées à : « Intégrer dans leur règlement intérieur des dispositions relatives aux tenues vestimentaires, au port de signes religieux et aux pratiques religieuses dans l'entreprise ».
la reconnaissance de votre appartenance religieuse garantissant la « Paix sociale » dans l'entreprise, fallait oser le faire quand le capitalisme mène jour après jour la guerre sociale à tous les travailleurs !
Sachez donc que votre patron est censé vous autoriser à avoir des temps de prières sur votre lieu et temps de travail, et rien ne vous interdit de venir habillé en bonze ou avec une cornette de religieuse...
Qu'importe que dans le même temps une autre expression, syndicale celle-ci, soit de plus en plus bafouée, le code du travail et les conventions collectives détricotées au nom du respect des directives européennes, puisque Dieu souffre avec vous au bureau ou à l'usine, pleure avec vous sur votre fiche de paye !

  • Dans l'espace public, la commune :
Le 3 décembre dernier, le Conseil municipal d'Argenteuil (Val d'Oise) a voté la mise en place d'un « Conseil des cultes » intégrant les diverses religions présentent sur le territoire de la commune, ainsi que la mise en place d'une « Journée de la Spiritualité », financée sur les deniers publics.
Sur le modèle concordataire d'Alsace-Moselle, voici réintroduite dans l'espace public qu'est une Commune, la « Reconnaissance républicaine » des religions !
Les habitants d'Argenteuil doivent donc savoir désormais que la Mairie, intéressée par les croyances de ses habitants va subventionner la spiritualité, avec peut-être l'office de tourisme faisant visiter les différents lieux de culte, offrant des places assises pour assister aux offices !
Qu'importe au passage que les athées de cette commune participent par leur impôt au financement de cette journée ! Qu'importe que dans cette ville, des services publics, comme partout, aient disparu, puisque Dieu illumine la cité, transporte les femmes et hommes autrement plus vite que le bus municipal ! La foi donne des ailes !

De l'hôpital à l'école, en passant par l'entreprise ou la commune, au nom d'une Laïcité qui serait à actualiser, s'engouffre le religieux mis au centre de ce que l'Etat considère comme faisant partie de nos préoccupations quotidiennes.
Avec toutes ces dispositions envahissant tout le champ social et économique, il s'agit bien d'une déclaration de guerre contre la Laïcité institutionnelle, contre la loi 1905 !
Celle-ci, en garantissant l'absolue liberté de conscience de chacun n'a jamais eu pour volonté et conséquence de « libérer les cultes » afin qu'ils envahissent nos vies. La religion est et doit rester une affaire privée !
Pour conclure, toutes ces dispositions ont bien pour but de remplacer la disparition de toutes les conquêtes sociales, économiques par la mise sur le devant de la scène des religions ! Durant des décennies, les luttes du mouvement ouvrier ont permis de maintenir, d'accroître des liens de solidarité, d'égalité. Aujourd'hui, les religions missionnées par l'Etat sont censées rétablir le lien social disparu, de remplacer les espoirs déçus d'émancipation terrestre, par la croyance et l'espoir en un au-delà !
Au nom de la « Concurrence libre et non faussée » reste aux religions monothéistes à proposer le meilleur rapport qualite/prix aux croyants potentiels : prix d'une Kipa par rapport à celui d'un crucifix, ou d'un tapis de prière. Il leur reste à présenter à l'Etat le coût salarial d'un iman, d'un rabbin ou d'un prêtre de manière à ce qu'il calcule l'impôt à percevoir auprès des millions d' âmes vivant sur le territoire national...
Face à la crise du capitalisme, l'Etat a enfin trouvé le remède en faisant appel à Dieu, l'éternel sauveur aujourd'hui seul garant d'une Laïcité éclairée ! Amen !


« Tout Etat est religieux ! »
Michel Bakounine dans Dieu et l'Etat

Michel
Libre Penseur et anarchiste


Appel des Laïques du Val d’Oise : Contre le retour du Concordat ! Pour la défense de la loi de 1905 !


Informés que le Conseil municipal d'Argenteuil, en date du 3 décembre 2012, vient de voter :
la
mise ne place d'un « Conseil des cultes » intégrant les différentes religions présentes sur le territoire
de la Commune, la Municipalité et l'État,
la
mise en place d'une
« Journée des spiritualités ».
Les Laïques, soussignés, considèrent qu’il s'agit, ni plus ni moins, de la part de Monsieur Doucet, DéputéMaire
d'Argenteuil, d'une atteinte à la loi de 1905 dans ces deux premiers articles :
Article premier la
République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des
cultes sous les seules restrictions édictées ciaprès
dans l'intérêt de l'ordre public.
Article 2 La
République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. En conséquence,
à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets
de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.
Monsieur Doucet explique, à souhait, qu’une telle décision découle de la loi de 1905, qu'il respecte "l'esprit
de la loi". L'esprit de la loi, et a fortiori la lettre de la Loi, ne sont pas de reconnaître des communautés
religieuses.
Pour la Loi de 1905, le principe fondamental est la garantie de l’exercice de la liberté absolue de
conscience, la liberté des cultes n’en est qu’une conséquence. La religion est une affaire privée. Les citoyens
ont le droit de croire ou de ne pas croire, mais la République, le Gouvernement, le Département ou
la Commune ne peuvent pas « promouvoir » des religions.
Monsieur Doucet n'est ni évêque, ni pasteur, ni rabbin, ni iman, ni moine. Il est le Premier Magistrat de la
ville et doit être garant de la loi, pas son fossoyeur.
L'esprit et la lettre de la Loi ne sont pas de subventionner une
« Journée des spiritualités » sur les finances
de la Commune, fruit de l'impôt du citoyen. La loi de Séparation des Églises et de l’État interdit de
financer les religions par les fonds publics.
De plus, cette décision remet en cause l'Unité et l'Indivisibilité du territoire de la République. Le vote de
la municipalité d'Argenteuil n'est ni plus ni moins un Concordat avec les religions, l'instauration de communautés
comme interlocuteurs au dessus des citoyens. Le précédent est le statut d'exception en AlsaceMoselle
avec les lois Bismarck.
Le Concordat d’Argenteuil est une violation du principe d’égalité en droits des citoyens de la Commune.
Le Concordat d’Argenteuil bafoue les droits des noncroyants,
des athées, des libres penseurs

 


Salman Rushdie : « Les religions sont une sorte de mafia »
Propos recueillis par Alexis Liebaert Marianne 16/12/2012

Après la parution de «Joseph Anton», récit de ses années passées dans la clandestinité, l'auteur des «Versets sataniques» évoque pour «Marianne» la radicalisation de l'islam, la laïcité à la française et la réélection de Barack Obama.

WAECHTER/CARO FOTOS/SIPA
Marianne : Pourquoi ce livre, Joseph Anton, dans lequel vous racontez les années où vous avez dû vivre caché pour échapper à la fatwa lancée contre vous par Khomeyni : pour solder les comptes ou écrire une autobiographie ?
>
> Salman Rushdie : Ni l'un ni l'autre. Je n'ai jamais été intéressé par les autobiographies. Et puis est arrivée cette histoire, j'ai pensé qu'elle était intéressante et que la raconter aurait une résonance plus large que le récit de ma simple vie, puisqu'elle était liée à l'un des problèmes majeurs de notre époque.
>
> Pourquoi avoir choisi d'écrire ce livre à la troisième personne, de vous rebaptiser Joseph Anton* et de parler de vous comme d'un autre ?
>
> S.R. : Je voulais faire comprendre au lecteur que l'homme que j'étais alors était différent de celui qui écrivait ce livre. D'abord parce qu'il était beaucoup plus jeune. Il était, en plus, soumis à une immense pression qui entraînait des comportements que je n'aurais peut-être pas aujourd'hui. Je voulais donc établir clairement cette distance entre «moi, l'auteur» et «moi, le sujet du livre». Mais je souhaitais aussi que le livre comporte une part d'autocritique, que le lecteur sache que l'auteur se connaît bien lui-même, qu'il sait qui il est, ce qu'il a fait, et qu'il est conscient de ses faiblesses. D'où le choix d'écrire à la troisième personne qui me permet plus de distance, donc plus d'objectivité.
>
> Vous dites avoir été surpris par cette fatwa. N'aviez-vous pas conscience d'avoir écrit un livre qui allait susciter des réactions ?
>
> S.R. : Je savais qu'il y aurait des réactions hostiles. Mais l'arrivée de l'Iran dans cette histoire était totalement inattendue. Qu'est-ce que l'Iran avait à voir là-dedans ? Je n'étais pas iranien, ma famille n'était pas très religieuse et, en plus, elle n'était pas chiite mais sunnite. Je ne pensais d'ailleurs pas que les Versets sataniques puissent être qualifiés de blasphématoires, même si cela m'importait peu : quand vous n'êtes pas croyant, le concept de blasphème vous est totalement étranger. Je savais bien sûr qu'il y aurait des musulmans conservateurs qui n'aimeraient pas le livre, mais, après tout, personne ne leur demandait de le lire !
>
> Et je persiste à penser que l'écrire était une entreprise légitime : c'est un bon roman, l'un de mes meilleurs. Je crois d'ailleurs que le moment est peut-être venu, pour ceux qui l'ont condamné sans l'avoir lu, de le lire enfin, pour s'en faire une idée juste. Ceux qui lisent des livres ne les brûlent pas.
>
> Même si vous n'êtes pas croyant, vous connaissez très bien la religion musulmane pour l'avoir étudiée dans votre jeunesse, l'islam pratiqué aujourd'hui est-il différent ?
>
> S.R. : Oui, il y a eu un changement dans l'islam, et cela a beaucoup à voir avec ces madrasas où l'on enseigne une vision conservatrice, extrémiste de l'islam, où l'on cultive une attitude paranoïaque envers l'Occident, et où l'on propage l'idée - qui n'est plus religieuse mais politique - qu'il est à l'origine d'un vaste complot visant à détruire l'islam.
>
> Vous écrivez dans le livre : «Un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles : l'islamophobie...»
>
> S.R. : Ce que je voulais dire, c'est qu'il devrait être possible pour chacun de nous de critiquer les idées des autres sans être aussitôt qualifié de ceci ou de cela. Or, on assiste depuis quelques années à des tentatives répétées de musulmans pour éviter toute discussion, toute critique de l'islam, en les qualifiant d'«islamophobie». Il est vrai que se développent en Europe des mouvements d'extrême droite qui s'en prennent aux minorités. Ce n'est évidemment pas acceptable, mais ce n'est pas la même chose de défendre des individus et de défendre leurs idées en interdisant de les discuter. L'islam n'est pas une race et l'idéologie n'est pas une catégorie ethnique.
>
> Pensez-vous que l'Occident soit trop faible face à l'islam ?
>
> S.R. : Oui. Je crois qu'il y a un glissement vers une sorte de relativisme culturel qui implique que nous devrions traiter l'islam différemment parce que l'islam est violent. Et ce qui se cache derrière ce respect pour l'islam est en fait de la peur. C'est très préoccupant, car nous avons besoin, dans ces pays où nous avons la chance qu'elle règne, de défendre la liberté. Vous la défendez ou vous la perdez. Voilà pourquoi je suis préoccupé : il faudrait tenir bon et nous sommes menacés par le renoncement.
>
> Défendre nos libertés, certes, mais comment ? Que pensez-vous, par exemple, des lois françaises sur la laïcité et l'interdiction du niqab ?
>
> S.R. : Je suis personnellement un opposant féroce à toutes les formes de voile. Je viens d'une famille musulmane. Mes parents étaient plutôt laïcs, mais une grande partie de ma famille ne l'était pas. Mon grand-père avait fait le pèlerinage à La Mecque, ma grand-mère était très conservatrice et beaucoup de mes tantes et cousines se décrivaient elles-mêmes comme des musulmanes pratiquantes. Mais aucune de ces femmes n'aurait jamais consenti à porter aucune forme de voile ! Elles considéraient toutes que c'était l'un des instruments d'oppression de la femme dans le monde musulman, qui renvoie aux autres interdictions : de conduire, de rencontrer des hommes en public, etc. Le hidjab, le niqab, la burqa, le tchador font partie d'un même projet de réduire la population féminine en esclavage.
>
> Reste la question de savoir s'il est bon de légiférer sur cette question...
>
> S.R. : La question de la loi est plus compliquée. D'un côté, je devrais m'y opposer, car, sur le plan théorique, il ne devrait pas y avoir, dans un pays libre, de loi restreignant les libertés. Mais, de l'autre, je pense que, pour construire une société homogène, il faut pouvoir voir le visage des gens. Et c'est ce qui justifie cette loi. Si vous estimez, comme moi, que le voile est un outil d'oppression, alors, vous êtes fondé à prendre des mesures, même si l'adoption d'une loi peut être jugée comme une mesure extrême. J'ai toutefois l'impression que cette loi est maintenant largement acceptée, et l'un de ses avantages est de permettre à de nombreuses femmes en France de résister à la pression des hommes et de leurs familles.
>
> Quelle a été votre réaction quand vous avez appris qu'un certain nombre de responsables des différentes religions affirmaient qu'ils pouvaient comprendre la réaction des mollahs à la publication des Versets sataniques ?
>
> S.R. : Ma première réaction a été de rire d'incrédulité. L'idée que le pape à Rome, le cardinal de New York, le grand rabbin d'Angleterre, l'archevêque de Canterbury comprenaient tous la position de Khomeyni, et qu'aucun d'entre eux ne dise que c'était mal de tuer des gens parce qu'ils écrivaient des livres, me paraissait extraordinaire. Cela m'a confirmé dans ma conviction que les religions sont une sorte de mafia : lorsque l'un des membres de la famille est attaqué, tous les autres volent à son secours.
>
> Vous parliez tout à l'heure de tenir bon, de résister, mais vous-même, vous avez failli lâcher face à la pression, en vous excusant pour votre livre...
>
> S.R. : Ce moment de faiblesse, cette erreur, m'a fait comprendre qu'il ne faut pas céder. Quand j'en ai pris conscience, tout est devenu plus clair dans mon esprit. J'ai compris qu'il faut rester ferme sur ses convictions. Cela me paraît très important aujourd'hui pour l'Occident : nous devons tenir bon et ne pas reculer juste parce qu'on nous attaque.
>
> Une question pour finir : vous vivez maintenant la plupart du temps à New York, êtes-vous heureux de la réélection de Barack Obama ?
>
> S.R. : Oui. D'abord parce que je pense que l'alternative - l'élection de Romney - aurait été catastrophique pour l'Amérique et pour la planète. Romney avait de telles faiblesses, notamment en politique étrangère, qu'il aurait été terrifiant pour le monde entier d'avoir ce président comme interlocuteur pendant quatre ans. Alors, oui, j'étais très heureux d'apprendre le résultat de l'élection. Je ne suis pas d'accord avec tout ce que fait Obama. Je le trouve quelquefois trop prudent, d'autres fois je ne suis pas d'accord avec ses choix politiques, comme l'utilisation des drones ou les camps d'internement. Mais, dans l'ensemble, je crois que ce pays très compliqué et très puissant est entre les mains d'un homme très intelligent.
>
> Propos recueillis par Alexis Liebaert
>
> * Joseph en référence à Conrad et Anton, à Tchekhov.
>
> Joseph Anton, de Salman Rushdie, Plon, 730 p., 24 €.

FÉDÉRATION NATIONALE DE LA LIBRE PENSÉE
Membre de l’Association Internationale de la Libre Pensée
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- COMMUNIQUE DE PRESSE

Liberté de la recherche sur l’embryon humain : le Sénat ouvre une brèche


Le 5 décembre 2012, le Sénat a adopté à une large majorité, un texte qui autorise la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches.  La proposition de loi émane du RDSE (Rassemblement Démocratique et Social Européen à majorité radicaux de gauche). Elle prévoit de passer du régime actuel d’interdiction de la recherche avec dérogation à une autorisation encadrée. Cela change tout. 

Elle a été largement adoptée par 203 voix contre 74. Toute la gauche sénatoriale : PS, CRC (communiste), RDSE et GE (écologistes) a voté pour, sauf 5 écologistes qui se sont abstenus. La droite UMP et UDI-UC s’est partagée. Seuls 59 UMP sur 131 et 10 centristes sur 32 ont voté contre.
Jean-François Copé est cependant monté au créneau avec virulence : « Ce projet de la gauche est un renversement complet de la logique actuelle du Code civil qui garantit le respect de la vie et de la dignité humaine » a-t-il déclaré dans un communiqué.

Réaction plus vive encore de l’épiscopat catholique. L’évêque d’Ornellas ayant publié un communiqué au nom de la Conférence des évêques de France disant : « Notre droit français actuel s’honore en maintenant […] le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. La France peut être fière de ce respect. Souhaitons qu’elle garde cette fierté ». Fierté de s’opposer à une recherche scientifique du plus haut intérêt, tant pour la reconstitution de tissus défaillants que dans l’intérêt même de l’embryon d’un point de vue médical. L’Église catholique, comme d’habitude, se tient à la pointe de l’obscurantisme. On sait le rôle direct qu’elle a du jouer lors de la révision de la loi de bioéthique en 2011.

Quelles que soient ses suites, cette décision des sénateurs est une brèche dans la muraille qu’elle a cru ériger contre le Savoir. Les libres penseurs ne peuvent y être indifférents. En particulier, si ce texte pouvait être mis à l’ordre du jour et adopté par l’Assemblée Nationale, il permettrait le financement des projets de recherche par les instances nationales.

Au moment où paraîtront ces lignes, nous saurons sans doute si ce texte courageux a pu être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale, par les députés PRG ou par le gouvernement qui a officiellement soutenu l’initiative du projet de loi. Ce sera sans nul doute un test de la réelle volonté du gouvernement et de sa majorité de s’opposer à l’offensive cléricale en matière de bioéthique.
Paris, le 18 décembre 2012




Le délit de blasphème de retour ?

Depuis 1999, l'Organisation de Coopération Islamiste (regroupant 57 pays), frappe à la porte des Nations-unies pour que soit reconnu le délit de blasphème, appelé « diffamation des religions », qui serait ainsi passible de poursuites devant les tribunaux.
En septembre dernier, le sommet Islamo-Chrétien au Liban interpellait à nouveau l'ONU, et un comité de juristes prépare un texte de « protection des religions ».
Si l'ONU a pour l'instant repoussé les vœux de l'OCI, l'Union européenne vient de signer avec celui-ci un communiqué portant sur « l'importance de respecter tous les prophètes... ».
Cela ne peut que renforcer les pays européens où le délit de blasphème existe : Italie, Grèce, Danemark, Irlande, Allemagne, Pays-Bas...et la France, en Alsace-Moselle, région toujours soumise au Concordat !
La porte est ainsi ouverte aux intégristes musulmans et ultras catholiques qui saisissent tout à tour le Parquet de Strasbourg :
  • Les associations catholiques, contre la pièce de Castelluci,
  • Le Conseil Français du Culte Musulman, contre les dessins de Charlie Hebdo.
Face au retour de l'obscurantisme religieux, qu'attend le gouvernement socialiste, paraît-il laïque, pour abroger le statut clérical d'Alsace-Moselle, abroger le délit de blasphème ?

Michel
FA Cantal


Pas de répit estival pour les religions !

    - le 5 juillet, au Pakistan, un homme handicapé mental est lynché par la foule, après avoir été arrêté, soupçonné d'avoir brûlé des pages du Coran.
    - Le même jour, un groupe islamiste du Cachemire indien met en garde les touristes femmes contre le port de la mini jupe.
    - Le 23 juillet, le projet du Gouvernement espagnol remettant en cause le droit à l'avortement en cas d'anomalie du fœtus (voté en 2010) est considéré par l'Eglise catholique comme un « progrès historique ».
    - Le 26 juillet, en Tunisie, un homme pris en flagrant délit de non jeûne du Ramadan est arrêté, tabassé par les flics.
    - Le 30 juillet, aux USA, un couple noir est refusé de mariage dans l'Eglise Baptiste locale, le prêtre ayant été menacé par ses paroissiens blancs de peau.
    - Le 31 juillet, dans le Nord-Mali, un couple non marié est lapidé à mort.
    - Le 1er août, en Tunisie, la commission « Droits et libertés » adopte grâce aux voix des islamistes du parti Ennahha un texte remettant en cause le principe d'égalité Hommes/Femmes : la femme tunisienne deviendrait le « complément » de l'homme, reléguée au simple « statut de mère et d'épouse » !
    - Le 15 août, en France, à l'appel du Cardinal André Vingt-trois, les catholiques se mobilisent contre le projet du gouvernement consistant à ouvrir le mariage et l'adoption aux couples homosexuels.
    A bas toutes les calottes !


Cachez la femme !

Imaginez un pays où se développe un système séparatiste rejetant et occultant les femmes...
Contraintes de s'asseoir au fond des bus, elles sont obligées de se couvrir intégralement, sont séparées des garçons dans les écoles, etc.
Non, çà n'est pas dans un pays arabo-musulman mais en Israël !
Appelés les « Hommes en noir », des ultra-orthodoxes juifs s'imposent jour après jour à Tel Aviv, à Jérusalem où ils contrôlent le quartier Mea Sharim.
Les femmes y sont intégralement voilées, les rues deviennent non mixtes les jours de fêtes religieuses...
Tout ce qui touche à leur indépendance, liberté, à la vie non-religieuse est passé au crible de ces obsédés de la Torah qui veulent certainement avoir « des femmes Kasher » !
Devant leurs revendications de plus en plus envahissantes de nombreux laïques en viennent à quitter Jérusalem.
Une compagnie de danse n'arrive même plus à jouer ! Pensez-donc, voir des hommes et des femmes un peu dévêtus, qui plus est se toucher ! Il y a de quoi en avaler sa Kippa ! Pendant que l'on parle beaucoup des « Fous de Dieu » version religion musulmane, quel silence sur ces non moins intégristes juifs !
Alors, chers amis de Charlie hebdo, après les caricatures sur Mahomed, pensez à toutes celles qui restent à faire sur les fanatiques de la Thora, sans oublier ceux de la Bible !
Ces trois religions monothéistes, ont un point en commun : la haine des femmes, cette moitié de l'humanité qu'ils ont toujours voulu soumettre à l'autre !


Michel
FA Cantal

CIVITAS Vs. FEMEN

Vous avez vu les images de la manifestation du 18 novembre contre le « mariage Gay », organisée par CIVITAS, et la violente agression contre des militantes du mouvement féministe Femen.
CIVITAS porte plainte contre : « Ces femmes coupables d'exhibitions sexuelles, notamment à la vue d'enfants...diffusion de messages à caractère violent portant atteinte à la dignité humaine, violence en réunion avec armes (aérosols)... ».
merci à ces militantes qui me permettent ainsi de présenter « L'agressé CIVITAS » :
Le mouvement proche de la mouvance Lefebvriste, c'est la famille De Penfentenyio :
Michel, chargé par l'association ICTUS, (papa de CIVITAS) de la communication avec les élus locaux, terrain où : « les catholiques doivent s'engager pour exercer leur influence en vue de la reconquête chrétienne... »,
son frère, François, Président de CIVITAS, lié à l'Opus Déi,
Michel Fromentoux, militant royaliste et rédacteur en chef du périodique d'Action Française, Jacques Bompard, cofondateur du FN, écrivent dans son mensuel.
CIVITAS a élaboré en 2011 la « Liste noire des élus » dénonçant les élus christianophobes, islamophiles !
Quand l'intégrisme religieux se marie avec l'extrême droite européenne, c'est pas un « mariage gai » !

Avec les Femen : « Fuck God ! Fuck Nazis !»

Michel
FA Cantal



« Identité nationale », « Interdiction de la Burka » : confusion entre totalitarisme d’Etat et dogme religieux

A l’heure où la crise du capitalisme n’en finit pas d’entraîner la destruction totale des emplois, des services publics, des conquêtes sociales, il apparaît urgent et essentiel à ce Gouvernement de lancer des leurres tels que « Débat sur l’identité nationale » et « Interdiction de la Burqa dans la rue ».
Nul doute que les dizaines de millions de travailleurs, de chômeurs, de précaires, de sans papiers sont angoissés par ces questions !
Nul doute que l’interdiction de la Burka n’a d’autre objectif que de soutenir les femmes dans leur combat pour l’égalité ! C’est ce que se permet de dire Fadela Amara, la « Ni pute, ni soumise » (sauf au capitalisme), par ailleurs co-responsable d’une politique mettant à mal les femmes : atteinte au droit à l’avortement, suppressions d’antennes locales du Planning familial et fermetures de maternités !
En tant qu’anarchistes, nous ne pouvons qu’être contre le port de la Burqa, symbole religieux d’oppression des femmes, qu’il soit consenti, revendiqué ou imposé, tout en sachant aussi qu’il est porté de façon coutumière dans certains pays arabes.
Au même titre nous ne pouvons accepter les soutanes, robes et cornettes catholiques, ainsi que le Schtreimel et autres grigris religieux !
Toute marque d’appartenance religieuse est une abnégation de la Liberté de Pensée !
Cela étant, dans la sphère privée, où est le problème ?
Le problème majeur est que l’Etat n’a pas à dire comment nous devons ou ne devons nous pas nous habiller, dans la rue, pour aller au bistrot et faire nos courses.
Il y a confusion entre sphères privée et publique !
Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que l’Etat en niant la Laïcité institutionnelle, nie la Loi 1905, de séparation des Eglises et de l’Etat.
Il faut rappeler que ce sont toujours les régimes fascistes, totalitaires qui ont imposé des tenues vestimentaires, qui ont interdit d’en porter d’autres.
Le gouvernement Sarkozy voulant interdire la Burqa ressemble étrangement au Gouvernement Vichhyste obligeant les juifs à porter l’étoile d’Israël.
La ressemblance ne s’arrête pas là, dans la mesure où le débat actuel sur l’Identité nationale, a des airs familiers avec la glorieuse époque des « bons français nationalistes et collaborationnistes » !
Quand l’Etat nous ordonne ou interdit de porter des vêtements, çà me rappelle l’ordre moral des années précédant 1968, où les filles ne pouvaient pas porter de mini jupes sans être traiter de putes, et les garçons porter des cheveux longs sans passer pour des pédés !
Au-delà de la rigolade, combien d’agressions en son temps !!!
Le parallèle entre mini jupes, cheveux longs, pouvant être considérés comme marque de libération, et Burqa, à l’inverse de cette libération, n’est pas mal venu, voire outrancier.
Dans les deux cas, il s’agit de vêtements portés dans la sphère privée, et en démocratie, les comportements, points de vue différents doivent pouvoir s’exprimer.
Si nous n’acceptons pas cela, c’est rétablir le Droit à la Vérité Absolue, celle, officielle, de l’Etat ou celle, dogmatique, des églises.
Ou des deux, comme l’a fait Michel Bakounine, en associant sa critique des religions à celle de l’Etat !
C’est le retour à l’Inquisition de Torquemada, aux bûchers dressés, au délit de blasphème !
Dès lors les athées, anarchistes ou pas, deviennent « les mal pensants » qu’il faut soumettre à la « question  » et au nouveaux procès staliniens.
Pour conclure je me fiche de la tenue vestimentaire des personnes croisées dans la rue, par contre je refuse tout port de signe religieux (burqa, crucifix etc.) à l’école et autres services publics !
Il ne peut y avoir de « laïcité ouverte », comme il ne peut y avoir de « capitalisme humanisé » !
Face aux barbaries capitalistes, ecclésiastiques, ce 21ème siècle sera libertaire ou verra le retour des croisades ! La marche actuelle vers les communautarismes nous y prépare.
Pierre noire (FA Cantal)



Histoire du soviet de La Courtine

C'est en avril 1916 que Nicolas II, allié de la France envoie 20000 soldats sur le front Ouest, en échange de 150000 fusils pour ses armées en difficulté sur le front Est. Ces hommes complètent les 20 000 soldats déjà présents depuis janvier.
Au total ce sont donc prés de 40 000 soldats russes réparties en 4 brigades, la 1ère et la 3ème sur les fronts en France, les 2ème et 4ème sur le front en Macédoine. Ces renforts russes sont censés être pour l'Etat-major français le « rouleau compresseur » susceptible de faire basculer le rapport des forces sur le front. Pour le tsar, l'envoi en masse d'hommes est aussi un objectif de politique intérieure consistant à éloigner des usines du pays des hommes jugés un peu trop subversifs en cette période de grande agitation politique.

Ce sont les hommes de la 1ère brigade, partis de Moscou le 3 février 1916 et arrivés 60 jours plus tard à Marseille qui vont être les acteurs principaux des évènements de La Courtine.
D'origine urbaine la majorité d'entre eux savent lire et écrire, sont considérés comme des éléments politisés et un véritable fossé ne fera que se creuser entre eux et leurs officiers issus de la noblesse tsariste, pratiquant les châtiments corporels, dont le commandant suprême n'est autre que maréchal Palitzine. Celui-ci a été un des organisateurs de la répression sanglante du « dimanche rouge », le 9 janvier 1905 où le tsar fait tirer sur la foule (milliers de morts et blessés) rassemblée sur la place du Palais d'hiver afin de réclamer du pain, la suppression de la censure, la libération des militants emprisonnés, la cession de terres aux paysans etc...(pour l'anecdote historique, le même jour Louise Michel décède).
Cet événement est considéré comme contribuant au déclenchement de la Révolution de1905 et anticipe celle de 1917.
La 1ère brigade est envoyée tout d'abord en Champagne fin 1916 puis jetée en 1ère ligne avec les troupes coloniales où elle subira des pertes énormes, cela ne faisant que renforcer le mépris de ces soldats pour leurs officiers planqués à l'arrière...
Quelques semaines après, en Russie, les journées du 27 février au 12 mars vont conduire à l'abdication du tsar Nicolas II remplacé par le gouvernement provisoire de Kerenski qui voulant continuer la guerre, n'envisage pas le rapatriement des soldats russes .
Dès février 1917, à l'appel du Soviet de Pétrograd, les soldats russes ont créé des soviets (en Alsace, Champagne, en particulier) en exprimant leur refus de combattre et leur volonté de participer à la Révolution en marche dans leur pays.
La 1ère brigade est alors envoyée dans l'Aisne pour participer à l'offensive Nivelle (bataille du « Chemin des Dames ») supposée briser les lignes allemandes. Celle-ci débutée le 16 avril 1917, est une des pires boucherie de la guerre de 14/18 : 100000 morts en quelques jours, dont près de 5000 soldats russes tués ou blessés !
Repliés à l'arrière, dans les Vosges, ils décident alors de faire du 1er mai la 1ère grève au front, et face à leurs officiers impuissants brandissent des drapeaux rouges avec l'inscription en français et en russe : « LIBERTE ! », « Vive les Soviets des soldats, à bas la guerre ».
Des hymnes révolutionnaires sont entonnés, des représentants sillonnent la campagne avec des fanions rouge et noir sur leurs véhicules, distribuant des tracts exigeant leur retour en Russie pour « être du côté de la liberté, du côté du peuple laborieux ».
L'amiral Palitzine, ainsi que des délégués envoyés par le gouvernement provisoire de Kerenski ont beau haranguer les soldats, ceux-ci refusent de continuer à se battre et organisent des meetings en clamant « Vive la Russie libre, démocratique et socialiste »
Une telle situation est de plus en plus intolérable pour l'état-major français, lui-même confronté à une considérable augmentation des cas de désertions, de fraternisations avec l'ennemi ou de rébellions face à des ordres criminels. De la mi-mai au début juillet, on assiste à des dizaines de manifestations, de sabotages de train de l'armée, l ' « Internationale » est entonnée par des milliers de soldats dans les gares...
Les actes de résistance à la guerre se multiplient et une jonction s'opère avec « l'arrière », comme le déclenchement de grèves à Paris entraînant plus de 100000 ouvriers contre la pénurie et la hausse des denrées alimentaires. Ce « Front intérieur » voit une croissance extraordinaire des effectifs syndicaux (200000 en 1917 contre 7000 en 1914, à la Fédération des métaux ! ).
Des manifestations de soldats se multiplient également en Italie, en Allemagne et en Grande Bretagne faisant craindre le risque d'une Révolution à l'échelle de toute l'Europe :
  • En Allemagne, les leaders du Mouvement Spartacus (Karl Liebknecht, Rosa Luxembpourg...) opposés à la guerre sont exclus du SPD en janvier 1917 après avoir refusé de voter les crédits de guerre, les grèves et manifestations vont s'intensifier dans tout le pays,
  • En Italie, entrée en guerre en mai 1915 malgré une opposition majoritairement favorable à la neutralité, subit des défaites face à l'Autriche-Hongrie alliée de l'Allemagne. L'Italie subit des pertes effroyables, entraînant une crise politique et économique (450 % d'augmentation du coût de la vie) dont va profiter Benito Mussolini créeant le mouvement fasciste « faisceaux italiens de combat » qui prendront le pouvoir en 1922.
  • En Grande bretagne, début 1917, le volontariat relatif à l'effort de guerre demandé aux pays composant l'Empire s'essoufflant, le gouvernement fait voter une loi instaurant la conscription. Celle-ci est refusée par de nombreux syndicalistes et pacifistes, provoquant des manifestations et émeutes au Canada en particulier, menaçant la cohésion de l'Empire.
Sur le terrain militaire, les états-major fusillent pour l'exemple : 750 en Italie, plus de 300 par la Grande Bretagne, 50 par l'Allemagne...
Nous sommes en France, au printemps 1917, où redoutant une plus grande contagion des soldats russes vers les soldats français, le Haut-Commandement frappe alors avec la plus grande brutalité en fusillant pour l'exemple des centaines (600) d'hommes, refusant la boucherie !
Quant à la 1ère brigade russe considérée comme la plus « contaminée » par les idées révolutionnaires, son sort a été décidé depuis le 1er juin 1917 : les plus rebelles, soit 10300 hommes seront envoyés au camp de La Courtine où ils arrivent le 26 juin avec leurs armes qu'ils ont refusé de déposer.
Immédiatement, se baptisant « Courtintzi », il s'organisent en Soviet et expulsent leurs officiers tsaristes. On leur envoie même un pope qui sera chassé après avoir brandi sa croix, les menaçant d'ex-communion, afin de les convaincre de retourner au front « faire leur devoir militaire ».
Le camp s'organise, les soldats russes fraternisent avec la population locale, participent aux travaux des champs...et participent à la vie culturelle avec des concerts, pièces de théâtre donnés dans les communes environnantes.
Seul l'abbé Laliron, le curé local se désole de ces hommes « qui n'ont que le mot liberté à la bouche » et à qui, dira t-il : « j'essayais de faire comprendre qu'ils n'étaient pas mûrs pour la liberté »!
Aux négociateurs russes se succédant en juillet et août, ils répondent : « ...Nous exigeons qu'on nous renvoie en Russie...là d'où nous avons été chassés par la volonté de Nicolas le Sanglant...Là-bas, en Russie, nous saurons être et nous serons du côté de la liberté, du côté du peuple laborieux... ».
Cette situation devient intolérable pour l'état-major français qui demande au gouvernement russe, soit de rapatrier ces soldats (trop grand risque pour celui-ci, confronté au processus révolutionnaire en Russie), soit de les réprimer lui-même.
Le ministre de la guerre, Paul Painlevé, décide alors « d'aider le gouvernement russe dans la répression de la mutinerie ».
Le 31 juillet, le camp est encerclé par des troupes françaises auxquelles va se joindre une brigade russe de l'armée d'Orient composée de loyalistes (qui fera partie plus tard de « l'Armée blanche » combattant la révolution).
Le 1er août un ultimatum est envoyé aux mutins par le général Zankévitch, avec expiration le 3 août.
Les mutins le refuse comme ils refusent d'envoyer des représentants pour négocier une reddition.
Le 12 août, la 3ème brigade russe, peu sûre est isolée en Gironde à l'exception de 2700 soldats débauchés afin de compléter le dispositif de répression mis en place par l'armée française (5500 hommes). En fait, pour les autorités civiles et militaires françaises, la présence de militaires russes leur permettra ainsi de réduire l'évènement à une « simple affaire entre russes », et ainsi dégager leur responsabilité devant l'histoire.
Le 12 septembre, les villages entourant le camp sont évacués.
Le 14 septembre, les mutins affirment : « Nous ne déposerons pas les armes et, si on nous tire dessus nous vendrons chèrement notre peau !».
Affamés, encerclés, les soldats russes refusent toujours de se rendre et le 16 septembre à 10 heures du matin, l'ordre est donné de faire feu !
Les canons entrent en action, au rythme de tirs d'obus toutes les 30 secondes, pendant que les mitrailleuses « balayent le terrain ».
Après 3 jours de bombardements qui vont faire des centaines de morts, les survivants se rendent le 19 au matin, les 81 leaders et responsables du Soviet sont les 1ers arrêtés pour être conduits le 21 septembre devant la juridiction militaire russe de Bordeaux.
Les mutins les plus radicaux sont emprisonnés (près de 600 hommes sur l'île d'Aix, à Agen, Bordeaux etc.), ou envoyés au travail sur des chantiers, dans des fermes...les autres hommes resteront à La Courtine pour y être interrogés et établir leur degré de responsabilité.
Le sort de tous ces hommes est d'autant plus terrible que nous sommes alors en octobre 1917 et que la révolution est victorieuse en Russie...D'alliés, ces soldats russes sont devenus des ennemis. Il faut en finir, et le 9 décembre le général Comby donne l'ordre d'expédier au Maroc tous les soldats russes refusant de travailler en France (un Comité secret engage les mutins à refuser de travailler en France : »Camarades, refusez d'accepter le travail volontaire ! En Russie ! En Russie ! »).
Le 13 décembre ce sont ainsi 3000 hommes qui vont prendre le bateau à Marseille pour être pris en charge par les Bataillons d'Afrique, livrés aux colons et industriels locaux (construction de chemins de fer, assèchement de marais). Ils seront « hébergés » dans des camps préfigurant ceux qui seront réservés aux militants révolutionnaires espagnols 22 ans plus tard, en 1939 par le gouvernement français !
Ce ne sera que 3 ans plus tard que les survivants de La Courtine, des prisons ou des camps, ces derniers rebelles de la 1ère brigade pourront revoir leur pays !
Ces hommes là ont « écrit une des plus belles pages de l'antimilitarisme et de l'internationalisme des peuples » (Régis Parayre).

« Puissè-je de mes yeux y voir tomber la foudre
Voir des casernes en cendres et ses canons en poudre
Voir le dernier gradé à son dernier soupir.
Moi seul en être la cause et mourir de plaisir. »
dédié aux victimes du militarisme
Un soldat russe anonyme, rescapé du camp de La Courtine

Michel


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