mardi 31 mai 2016

Et pan sur la gueule !

Une rescapée du massacre d'Oradour-sur-

Glane refuse d'être décorée par Manuel 

Valls


Par solidarité avec les opposants à la loi Travail, l'une des dernières rescapées du massacre d'Oradour-sur-Glane, vient de refuser d'être décorée. Le 17 mai dernier, Camille Senon, 93 ans, recevait un courrier de Matignon l'informant qu'elle allait être nommée commandeur de l'ordre national du mérite. Une distinction qu'elle a tout bonnement décidé de refuser.
fin mai, Camille Senon, ancienne syndicaliste de la CGT, explique son choix. "Dans le contexte actuel, il m'est impossible d'accepter de votre part cette distinction (...) alors que je suis totalement solidaire des luttes menées depuis deux mois par les salariés, les jeunes, une majorité de députés et de Français, contre la Loi travail que vous venez d'imposer par le 49-3. Accepter cette distinction aujourd'hui serait renier toute ma vie militante pour plus de justice, de solidarité, de liberté, de fraternité et de paix ". Déjà décorée de la Légion d'honneur, Camille Senon fait partie des rescapés du massacre d'Oradour-sur-Glane, où le 10 juin 1944, 642 habitants avaient été tués par la division SS Das Reich.

Ce jour-là, Camille Senon perdait toute sa famille..

samedi 28 mai 2016

Comment briser l’argumentaire anti-grève en six exemples

Comment briser l’argumentaire anti-grève en six exemples

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Les grévistes prennent les gens en otage, pour leur intérêt égoïste qui conduit à la ruine de la France : tel est le concentré de l’argumentaire des opposants aux mobilisations sociales, qui s’éveillent au moment où la pénurie de gazole s’étend sur l’hexagone. Attaqués dans leur intérêt propre, alors qu’ils n’ont « rien demandé », les automobilistes crient au scandale alors même qu’ils sont une majorité à s’opposer à la loi travail, à l’origine des troubles. A leur argumentaire, préconçu par les médias dominants, nous devons opposer une analyse de fond capable de répondre aux interrogations et aux mécontentements.

Par Benoit Delrue. Lien court : http://wp.me/p6haRE-uQ2 600 mots environ. Temps de lecture estimé : 15 minutes. HorlA2

Au travail, entre amis ou en famille, il peut être difficile d’assumer d’être gréviste et de soutenir le mouvement social, à l’heure où la mobilisation dans les raffineries et dépôts de gazole entraîne une pénurie d’essence qui affecte tous les automobilistes. Les mêmes phrases, prémâchées par les médias dominants, reviennent en boucle pour attaquer la légitimité des salariés en grève. Voici quelques éléments de réponse à apporter lors des discussions animées.

« Les grévistes prennent les gens en otage »

La formule, relativement récente dans l’Histoire contemporaine de la France, est diffusée par les médias de masse, à longueur de journée de grève, à destination de leurs lecteurs, auditeurs ou spectateurs qui la reprennent telle quelle. Il s’agit d’une expression « choc », pour marquer les esprits et représenter le mécontentement de ceux qui subissent les grèves, usagers de transports ou automobilistes sans essence. Utilisée de façon répétitive, elle entraîne davantage d’impatiences, voire de tensions, entre le public bloqué par les grèves et ceux qui mènent ces dernières.
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Six mois après les attentats de Paris, survenus le 13 novembre dernier, il est nécessaire de mettre en pièces une formule des plus injurieuses, autant pour les grévistes que pour les otages réels. Les désagréments subis par les grèves n’ont strictement rien à voir avec une situation de prise d’otage, où les victimes sont mises en joue par des tueurs professionnels et n’ont aucune possibilité de mouvement, au risque de perdre la vie. Ce n’est pas drôle d’attendre plusieurs heures son transport en commun ou de se retrouver sans gazole, avec le risque de ne pas pouvoir se rendre au travail et d’en être pénalisé – plus ou moins lourdement – par son employeur. Pour autant, cela ne justifie en aucun cas le trait d’égalité formulé par les médias dominants entre les victimes du terrorisme et les personnes contraintes par un mouvement social. Dans un pays qui a récemment été le théâtre d’actes meurtriers, organisés par des mouvances extrémistes, il est indigne qu’une telle expression demeure dans le langage journalistique à la mode ; elle doit atterrir dans les poubelles de l’Histoire pour cesser la confusion dangereuse qui lui est liée.

« Les grévistes sont minoritaires »

Ce qui est vrai à l’échelle de la France, s’avère faux à l’échelle des entreprises voire des branches économiques. Lorsque les salariés d’une entreprise initient un mouvement de grève, c’est lors d’une Assemblée Générale (AG) qui rassemble tous les employés, choisissant ensemble les suites du mouvements, que l’arrêt de travailler est décidé. La décision majoritaire est ensuite suivie par l’ensemble des salariés, y compris ceux qui ont refusé ce choix, de manière à bloquer entièrement et durablement la production. C’est le cas dans les raffineries et les dépôts de gazole, comme chez les dockers ou dans les usines industrielles.
Dans la fonction publique et le secteur tertiaire, moins habitué aux arrêts généraux de travail, les salariés choisissent individuellement de faire grève et il est vrai que les grévistes sont généralement minoritaires. Dans les secteurs-clés de la production nationale, cependant, qu’il s’agisse des raffineries de pétrole, des usines sidérurgiques ou du débarquement des marchandises depuis les bateaux, ce sont toujours des grèves majoritaires qui sont menées – et c’est bien pour cela qu’elles ont un impact majeur sur l’économie du pays.

« Les grévistes sont violents »

L’amalgame entre un travailleur en grève et participant à une manifestation, et le casseur, est spécifiquement entretenu par les médias dominants pour ajouter de la confusion à la lecture de l’actualité. Les casseurs sont une réalité du mouvement social ; pour autant, ils n’en sont en aucun cas l’émanation, car ils s’organisent en marge des cortèges de manifestants, dont ils se fichent des revendications et des mots d’ordre. Ceux qui les ont remarqués et étudiés savent qu’il s’agit, chez leurs meneurs, de jeunes hommes blancs issus d’un milieu relativement aisé, qui viennent « en découdre » avec les forces de police pour satisfaire leur envie égoïste de poussée d’adrénaline. En détruisant des vitrines de magasins, des voitures, ou en lançant des pierres, des bouteilles voire des cocktails Molotov sur les compagnies de CRS, les casseurs ne font qu’assouvir une pulsion égocentrique et ne représentent en rien le mouvement. Cette réalité, les médias dominants cherchent à la contredire en se concentrant, dans leur traitement journalistique des mouvements sociaux, sur les « incidents » commis lors des manifestations. Cela n’a rien d’étonnant : les médias de masse sont aux mains d’une dizaine de milliardaires, qui ont intérêt à ce que le public fasse l’amalgame entre manifestants et casseurs pour décrédibiliser l’ensemble du mouvement de grève.
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Cela étant, il serait insuffisant de nier toute violence de la part des grévistes. Certains d’entre eux, en particulier dans les entreprises qui cherchent à délocaliser leur production, en viennent parfois à séquestrer leurs cadres dirigeants – comme l’ont fait les 8 de Goodyear – ou à arracher la chemise d’un directeur des ressources humaines – comme cela s’est passé à Air France. Mais pour saisir ce qui anime cette violence, il faut impérativement contextualiser l’acte et le mettre en parallèle avec la violence, certes invisible mais autrement plus destructrice, du grand patronat qui n’a que faire du destin des milliers de familles qui se retrouveront sans emploi ni revenu après la délocalisation de l’unité de production. La violence ouvrière, non celle des casseurs mais des salariés en lutte, n’est qu’une petite réponse à la grande violence dont fait preuve la bourgeoisie financière, certes sans éclat de voix ni geste déplacé, lorsqu’elle voue au chômage et à la grande précarité des milliers de familles de travailleurs.

« Les grévistes sont égoïstes »

Il serait faux de nier cette évidence. C’est dans leur intérêt propre que des salariés se mettent en grève, pour éviter un plan social, une dégradation de leurs conditions de travail – comme les cheminots aujourd’hui – ou une loi scélérate comme la loi travail portée par Manuel Valls et Myriam El Khomri. Les grévistes n’ont pas intérêt à ce que ces reculs de leurs droits sociaux surviennent, et se battent donc pour empêcher le gouvernement ou la direction de l’entreprise de mener à bien ses décisions ravageuses pour le monde du travail.
Pour autant, il faut mesurer une donnée essentielle : ce n’est pas pour leur intérêt à court-terme que les grévistes se battent, mais pour leur intérêt à long-terme. Le premier est sévèrement mis à mal par la perte de revenu synonyme d’une journée de grève, et c’est bien pour le second que des mouvements sociaux ont lieu. Or, l’intérêt à long-terme des salariés mobilisés rejoint l’intérêt à long-terme de tous les salariés. Ce ne sont pas seulement leurs conquêtes sociales que les employés en grève défendent ; ce sont nos conquêtes sociales, qui permettent de ne pas se tuer au travail, d’avoir droit à des congés payés et à une sécurité sociale garantissant un minimum de confort aux malades et aux vieux. Autrement dit, leur intérêt à long-terme rejoint l’intérêt général de l’ensemble des salariés et des privés d’emploi. Cela n’apparaît pas clairement aux travailleurs pénalisés par les grèves, c’est pourtant une réalité incontestable. Par leurs mobilisations, les grévistes cherchent à sauver ce qu’il reste du droit du travail en France, dans l’intérêt de tous les salariés et notamment des jeunes générations qui risquent de connaître des conditions de travail plus difficiles que celles de leurs aînés. C’est pour le bien commun que des grèves ont lieu, non pas pour l’intérêt à court-terme – ni des usagers, ni des grévistes – mais pour l’intérêt à long-terme de tous.

« Les grévistes s’en prennent aux mauvaises personnes »

C’est une incompréhension profonde, et légitime au regard du faible niveau de conscience collective des travailleurs français, qui s’exprime lorsque des blocages économiques rendent plus difficiles le quotidien des usagers de transports ou des automobilistes. Les grèves s’en prendraient aux mauvaises personnes, à ceux qui n’ont « rien demandé », plutôt que de s’attaquer aux véritables fauteurs de troubles – généralement identifiés comme le pouvoir politique, en particulier le gouvernement qui fait passer des lois scélérates. Pourquoi, dès lors, ne pas chercher à s’en prendre aux ministères plutôt qu’au portefeuille du Français moyen ?
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Malheureusement, l’analyse rigoureuse de la réalité conduit à considérer que c’est en s’attaquant à l’économie du pays, en cherchant à la bloquer – par la pénurie de gazole, entre autres – que les grévistes se font le mieux entendre. Les ministères sont des bâtiments sécurisés dans lesquels il est impossible pour un cortège de manifestants de pénétrer ; il est toujours possible de manifester devant, comme le font régulièrement des manifestations sectorielles, mais il faut souligner que ce n’est pas ainsi que le gouvernement ou les directions concernées plient devant une mobilisation.
Le véritable pouvoir des salariés français réside, non pas dans la consommation – comme les médias dominants cherchent à le faire croire – mais dans la capacité de production. C’est en bloquant la création de richesses que les employés, par leur grève, brisent le petit quotidien d’un pays pour créer les conditions d’une grande victoire populaire. En s’attaquant à la distribution de gazole, les grévistes ne visent pas les travailleurs automobilistes, même si ces derniers en pâtissent, mais les capitalistes qui perdent un profit phénoménal chaque fois qu’un blocage a lieu. En s’attaquant ainsi à la classe dominante, les salariés en grève peuvent, à la condition d’être nombreux et organisés dans la durée, représenter une perte de profit tellement grande pour les propriétaires de capitaux que ces derniers pèseront le pour et le contre, jusqu’à renoncer aux plans sociaux ou à presser le gouvernement de retirer une loi anti-populaire. En s’attaquant à l’économie du pays, avec tous les effets indésirables que cela peut produire sur les travailleurs, les grévistes construisent les conditions de la victoire. Si le blocage économique continue de s’amplifier dans les prochains jours, comme le laissent entendre les déclarations des responsables syndicaux – avec la grève illimitée à la RATP dès le 2 juin, par exemple – le gouvernement sera mis face au mur et pourra décider, après même son adoption par le Parlement, de retirer la loi travail pour retrouver le chemin de la paix économique. Ainsi, c’est le pouvoir politique exécutif national qui plonge le pays dans un blocage dur, en refusant de revenir sur une loi pourtant décriée par une grande majorité de Français, et ce sera précisément ce blocage qui pourra le conduire à retirer cette loi.

« Les grévistes ruinent la France »

Là encore, nous avons un bel exemple de vocable directement asséné par les médias dominants, pour décrédibiliser voire criminaliser l’action syndicale, en particulier de la Confédération générale du Travail (CGT). Les syndicats seraient responsables de l’ « immobilisme » de la France, de son « manque de compétitivité », de son coût du travail « trop élevé ». Ils seraient la cause de la « ruine » du pays, et ce seraient même eux qui obligeraient les patrons à délocaliser pour trouver une main d’œuvre moins chère et moins combattante !
Cette formule permet un retournement de situation total dans l’éventail des responsabilités économiques en France. Le grand patronat, propriétaire des multinationales, aura toujours intérêt à augmenter ses profits en baissant le coût de production, et notamment celui du travail, en allant chercher la main d’œuvre la moins chère possible à l’échelle du globe. C’est la haute bourgeoisie financière qui est responsable des neuf millions de chômeurs et de précaires en France, car c’est elle qui délocalise depuis quarante ans la production industrielle vers l’Asie, le Maghreb et l’Europe de l’Est. C’est précisément elle qui ruine la France, en organisant une évasion fiscale de la part de ses individus et de ses entreprises, transférant une partie du chiffre d’affaires vers les paradis fiscaux, et en minimisant donc la valeur ajoutée réelle qui est produite en France – en travestissant le PIB à la baisse ! Les salariés qui se battent pour leurs droits ne font que réagir, et tout tenter, pour empêcher justement que cette ruine s’avère catastrophique.
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En creux, la mobilisation des employés grévistes permet aussi de mesurer leur importance fondamentale dans la production nationale française : ce sont les salariés qui font tourner l’économie, et non les patrons ! En exerçant leur droit constitutionnel à la grève, les petites mains des grandes industries démontrent que ce sont bien les employés qui créent la richesse, et non la bourgeoisie qui « offre » de l’emploi. Le capital appartient bien à la classe dominante, qu’il s’agisse des terrains, des immeubles, des machines et des outils – mais cela représente, finalement, le travail passé qu’il a fallu pour les mettre en œuvre ; toutes les richesses de notre planète proviennent des efforts passés et actuels des travailleurs, et la classe capitaliste ne fait que s’en emparer pour dominer le monde.
Enfin, voir dans les grévistes des individus qui « ruinent la France » est un discours patronal qui va à l’encontre de toute l’Histoire contemporaine de notre pays. Ce sont des grèves de 1936 et de 1968, fondamentales car majoritaires dans la population, que nous sont parvenus les droits aux cinq semaines de congés payés, à la journée de travail de 8 heures en moyenne, les comités d’entreprises, les tickets restaurants, la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, le salaire minimum interprofessionnel relativement élevé – en comparaison avec d’autres pays voisins – et ce sont des conquêtes ouvrières qui profitent aujourd’hui à l’ensemble des salariés français. Personne ne renoncerait à son droit au repos et à la vie familiale, et il s’agit pourtant de revendications historiques de la classe ouvrière qui ont été acquises de haute lutte par la grève, face à un patronat qui s’est déchaîné pour maintenir le travail des enfants, des salaires de misère, des conditions de travail déplorables et non sécurisées. Tout l’enjeu de la mobilisation actuelle, comme des précédentes luttes des salariés, se situe ici : favoriser le progrès humain et social, en lieu et place de la grande dégradation annoncée de nos conditions de travail pour chercher à concurrencer, sur un marché planétaire, les mains d’œuvres des pays pauvres ou en voie de développement. Les grévistes ne ruinent pas la France, tout au contraire, ils cherchent à assurer pour tous les travailleurs et les jeunes générations un confort mérité, au regard des gigantesques richesses qui existent dans le monde, bien qu’accaparées aujourd’hui par la petite caste de la bourgeoisie milliardaire.

La fatigue et l’agacement d’une partie des travailleurs à l’encontre des grévistes est à considérer du point de vue de la faible conscience de classe des employés français. Cela étant, le blocage économique des salariés en lutte pour leurs droits, pour nos droits de travailleurs à tous, n’est qu’une réponse appropriée à la dégradation annoncée de nos conditions de travail, et matérialisée aujourd’hui dans la loi travail de Valls et El Khomri, qui représente un recul généralisé du progrès social pour le seul profit égoïste de la classe capitaliste. Nous devons défendre les grévistes contre les attaques de tous feux qu’ils subissent, car – contrairement à ce qui est seriné dans les médias dominants – ce sont eux qui créent la richesse et œuvrent au progrès social. Ce modeste contre-argumentaire pourra être enrichi par vos propres réflexions, pour mettre à bas le retournement de responsabilité que la propagande idéologique du patronat, du gouvernement et des journalistes aux ordres produit dans les consciences des travailleurs de France. Ceux qui bloquent notre quotidien et notre avenir, dans notre aspiration au progrès, ne sont pas les grévistes mais les décideurs économiques et politiques – et si mécontentement il doit y avoir, c’est vers eux qu’il doit être tourné.

mardi 17 mai 2016

Qui sont les vrais casseurs ?

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Qui sont les vrais casseurs ?
Ouverture du JT de TF1, sujet sur les “casseurs” et la police. Derrière le présentateur, une photo avec un drapeau CNT. Si seulement ce grossier montage n’était qu’un cas isolé... Depuis le début du mouvement social sur la loi travail, comme lors de chaque lutte, les “grands” médias ne cessent de pointer du doigt les “casseurs”, évitant d’aborder les questions de fond : le contenu de la loi travail et les raisons de ce mouvement. En agissant ainsi, ils se comportent comme un relais du discours gouvernemental et patronal : “Notre loi est nécessaire, tous ceux qui la combattent sont d’infâmes casseurs.” Ou bien : “La population est prise en otage par les grévistes.” Ah bon ? Une analyse s’impose, pour remettre les pendules à l’heure.

La CNT, c’est quoi ?

La CNT est un syndicat où s’organisent les travailleurs, au sens large (salariés, chômeurs, précaires, retraités, étudiants et lycéens). Un travailleur est un producteur qui ne possède pas les moyens de production. Donc ça n’est ni un patron ni un actionnaire, qui tirent leurs revenus du travail des autres.
à la CNT, il n’y a pas de permanent syndical. Personne ne reçoit de salaire pour militer. Et nous n’avons ni chef ni bureaucratie, car nous refusons toute hiérarchie entre militants.
Tout ce que nous faisons, nous le faisons pour l’émancipation des travailleurs. Nous n’acceptons aucune subvention de l’état et des patrons, pour garantir notre indépendance et notre liberté d’action. Nous ne fonctionnons qu’avec les cotisations de nos adhérents.
Nous sommes anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires. Nos bases sont la lutte des classes et le communisme libertaire. Nous sommes pour l’abolition de l’état, en tant que bras armé du patronat. C’est pourquoi nous ne syndiquons pas leurs forces répressives (police, armée, vigiles, etc.). Enfin, nous sommes une organisation horizontale et autogestionnaire. Tous les mandats sont tournants et révocables. Chacun participe au fonctionnement et aux prises de décision au niveau local, régional, fédéral et confédéral. Nous sommes tout cela, mais nous ne sommes pas des “casseurs”, au sens où certains aimeraient le faire croire.

Un casseur, c’est quoi ?

Il est légitime de s’interroger sur le véritable sens de ce terme, matraqué à longueur de journée à la télé ou dans les journaux. Qui sont les vrais casseurs ? Ne serait-ce pas plutôt les patrons, l’État et leur bras armé, la police ?
Qui casse le code du travail et met des millions de gens au chômage ou dans la précarité ?
Où est la véritable “insécurité” ? N’est-elle pas sociale ?
Qui nous met en “danger”, exerçant sur nous une violence sociale profonde et durable ?
Qui détruit notre présent et massacre notre avenir ?
Où est le véritable “état d’urgence” ? N’est-il pas social ?
Qui saccage des outils syndicaux (local CNT à Lille, camionnette de Solidaires, etc.) ?
Qui veut mettre des syndicalistes derrière des barreaux ?
Qui frappe des mineurs et les jette en prison ?
Qui contrôle au faciès et discrimine les populations des quartiers populaires ?
Qui instaure des politiques toujours plus répressives (Patriot Act aux États-Unis, état d’urgence et loi Urvoas en France) ?
Qui exerce une justice de classe défendant les intérêts d’une minorité au détriment des travailleurs, des pauvres, des migrants ?
Qui nous ment afin de recueillir des voix puis trahit les promesses qui ont été faites ?
Qui vole des milliards sous la forme d’exonérations et d’évasions fiscales ?
Qui attaque les prestations sociales, rendant leurs bénéficiaires “coupables” de tous les maux de la société ?
Qui pille et tue en menant des guerres dites “propres” mais toujours aussi sales, puis refoule des migrants qui n’ont d’autre choix que de s’enfuir ?
Qui s’empare des ressources de la planète et s’accapare les territoires à tel point que la survie des espèces humaines, animales et végétales n’est plus garantie ?

Les vrais casseurs, ce sont eux !

Pour mieux régner, il faut diviser : l’État et ses forces répressives laissent entendre que les “méchants” sont certains syndicats, organisations politiques ou individus. Il s’agit surtout deprovoquer des violences et de ternir “l’image” du mouvement social en attirant l’attention sur les “casseurs”, alors que ce sont eux qui cassent à tour de bras. Il s’agit aussi de justifier la violence des forces répressives.
La stratégie ? Présence policière massive lors des manifs, opérations au cœur des cortèges, matraquage des lycéens à l’entrée des établissements, évacuation des universités, etc. Et comme par hasard, quand il n’y a pas de “forces de l’ordre” aux abords des manifestations, tout se passe bien...
D’ailleurs, à quoi s’attaquent ces prétendus “casseurs” ? à des banques, des publicités, des enseignes de grandes entreprises. Ces multinationales n’ont-elles donc pas les moyens de s’acheter des rideaux pour protéger leurs vitrines plutôt que de spéculer sur les marchés (Panama Papers), provoquer des crises économiques (subprimes en 2007), détruire des millions de vies ? Ce que l’état défend physiquement, légalement et politiquement, c’est bien le capital.
Quant aux attaques physiques, elles sont exercées par l’armée et la police : Flash-Ball, grenades, matraques et lacrymos utilisés sans discernement, tirs tendus sur des manifestants ou sur des journalistes pour les empêcher de filmer. Mais aucun chiffre sur les victimes des violences policières. Les médias officiels ne prendraient-ils leurs infos qu’à la préfecture ? En invitant sur leurs plateaux télé des “experts” issus de syndicats de police comme Alliance, de tendance droite dure ? Tout est affaire de communication et de mensonges.
Mais nous ne sommes pas dupes et ne tomberons dans aucun de ces pièges grossiers !
Les vrais casseurs sont ceux qui utilisent la force brute et destructrice pour arriver à leurs fins, y compris sur des mineurs et des enfants, ceux qui imposent l’esclavage salarié au quotidien pour faire du profit. Puis se servent des moyens de communication “modernes”, possédés en majorité par de riches industriels, pour faire oublier la réalité : la violence ne vient pas de nous, le camp du travail, qui sommes des milliards, mais d’eux, le camp du capital, qui sont si peu mais qui possèdent tout et veulent nous exploiter encore plus !
Aucune de leurs manipulations ne nous fera reculer. Notre détermination et notre solidarité sont sans faille.

Notre arme, c’est la grève générale et reconductible

mercredi 11 mai 2016

Le blocage de la Grèce vu de l’intérieur

Le blocage de la Grèce vu de l’intérieur

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Alors que les machines s’arrêtent, la parole circule.
LE BLOCAGE TOTAL DE LA GRÈCE VU DE L’INTÉRIEUR
Les oiseaux chantent dans les pins du Péloponnèse. Les premiers grillons percent le silence des collines. Le long des routes presque désertes, la plupart des pompes à essence sont fermées. Même dans les villages, peu de véhicules circulent. Certains déclarent économiser, « au cas où ça durerait. »
A la terrasse d’un kaféneion, les ouvriers en grève parlent, gestes à l’appui, au-dessus des cafés et des tsipouros. La télé est éteinte. Même la finale de la Coupe de Grèce 2016, entre AEK Athènes et Olympiakos le Pirée, prévue samedi soir, a été reportée, au motif que la police est entièrement mobilisée par ailleurs. En effet, les cars de MAT (CRS) sont omniprésents dans les villes. La colère monte, jour après jour, semaine après semaine.
Le constat est le même partout : « ça ne peut plus durer », « tous des traitres », « tous des vendus ». Au-delà des hommes, c’est tout le système politique et économique qui s’avère rejeté par beaucoup : « il faut en finir avec la démocratie anglaise » (c’est comme ça qu’on appelle la démocratie représentative en Grèce), « en finir avec l’euro », parfois même « avec l’Union européenne », et surtout « en finir avec le libéralisme » ou « avec le capitalisme ». Les idées font leur chemin. Les opinions se radicalisent. Les visages fatigués hésitent entre l’action et la résignation. Mais le temps de la grève est un temps fertile. On s’arrête, on réfléchit, on discute.
Le sujet qui revient le plus souvent, c’est la suspension du paiement de la dette, et même son annulation partielle ou totale : « Ça suffit de payer les intérêts d’une dette déjà remboursée en réalité. En plus, des états comme l’Allemagne ne nous ont jamais payé la leur (l’énorme dette de guerre du régime nazi qui a détourné la quasi-totalité des denrées alimentaires durant les années 1941-1944, volé tout l’or et, surtout, provoqué la mort de 850 000 Grecs sur 7 200 000 habitants à l’époque). Alors, qu’ils commencent par nous rembourser ce qu’ils nous doivent depuis 70 ans, au lieu de nous menacer comme si nous étions des enfants turbulents. »
L’amour propre se mêle à la raison dans presque toutes les conversations. Et, surtout, le besoin de dignité, de liberté, de justice : « ne plus vivre à genoux », « ne plus quémander une pitié qui ne viendra pas », « ne plus vivre comme des esclaves. »
La révolte ne gronde pas seulement dans les milieux révolutionnaires, anarchistes et antiautoritaires, très implantés en Grèce, dans les partis de gauche comme Unité Populaire ou Antarsya, dans les rangs serrés du KKE et de son syndicat controversé le PAME, toujours à part dans les manifs. Même les villageois non politisés expriment un ras-le-bol sans précédent et, parfois, une volonté affichée d’en découdre : « ça va mal finir. S’ils continuent, ils ne nous laisseront pas le choix : la potence. Oui, la potence ! Devant le parlement, place Syntagma, il faut mettre une potence et des jurys populaires pour en finir avec cette classe politique en putréfaction, au service des tyrans. » Un voisin n’est pas d’accord : « Non, l’exil, c’est mieux. C’est comme ça qu’on a toujours fait : il faut ostraciser ! ». Le ton monte. Le premier reprend : « si tu ne leur passes pas la corde au cou, ils reviendront et, surtout, d’autres n’auront pas peur de faire la même chose. Ces gens-là ont tué froidement, massivement, jeté des familles entières dans la rue, laissé des malades mourir sans soins, des enfants s’évanouir de faim, des papous (grands-pères) se suicider… Et surtout, ils ont bafoué leur engagement. Il faut les juger pour haute-trahison. Et la sanction, dans ce cas, c’est la potence. »
« Bah ! » ajoute un autre, « les syndicats nous ont vendu aussi (les grandes centrales principales : la GSEE pour le privé et l’ADEDY pour le public, qui d’habitude signent plutôt facilement les reculs sociaux et qui représentent 70% des Grecs syndiqués). Tout l’hiver, on leur a demandé des doubles journées de grève générale et même une semaine entière, mais on n’a jamais obtenu qu’un petit jour par-ci par-là. Cette fois, ils nous accordent enfin deux jours d’affilée, sous la pression, mais c’est parce que c’est terminé : l’été arrive. Ils se moquent de nous, eux aussi. »
Finalement, les deux jours de grèves générales prévus pour vendredi et samedi se sont rapidement transformés en immense pont. Après les vacances de la Pâque orthodoxe, les jours précédents, certains Grecs ont fait coup-double : exprimer leur protestation tout en prolongeant leur parenthèse traditionnelle.
En fait, il y a un troisième jour de grève, même s’il est informel puisqu’il n’est pas chômé : ce dimanche, consacré aux manifestations très nombreuses partout dans le pays. Et plus, si affinités, comme souvent après les votes au parlement : émeutes, actions ciblées, sabotages… Les émeutes, elles viennent de commencer à Athènes. Mes compagnons de lutte restés là-bas, dont certains sont ce soir aux abords du Syntagma, m’envoient ces images qui augurent d’une longue nuit (sans doute jusqu’à des barricades sur la rue Stournari, à l’ouest d’Exarcheia, et peut-être ailleurs) :
Il y a même un quatrième jour qui concerne en particulier les touristes, les voyageurs et tout le secteur touristique : la grève totale pour quatre jours (voire plus) des personnels portuaires et navigants. Ce qui veut dire qu’au delà de l’arrêt des transports ferroviaires et d’une très grande partie du trafic aérien, c’est surtout la multitude des navires à quai qui fait l’événement. Des milliers de touristes et de voyageurs sont bloqués, depuis vendredi six heures du matin, dans les nombreux ports de la Grèce. Certains sont bloqués sur une île, d’autres au Pirée, à Patras ou à Igoumenitsa, au nord-ouest de la Grèce.
Moi-même, après un mois passé sur ma terre d’origine, je devais rentrer en Italie (de Patras à Ancona), puis en France, ce vendredi. Me voilà bloqué par mes propres camarades, et ce, au moins jusqu’à mercredi, comme n’importe quel voyageur. Pas un seul bateau ne bouge, tous les ferries sont amarrés et il est possible que la décision surprise intervenue jeudi soir soit prolongée pour un ou plusieurs jours de plus. Prendre l’avion pour rentrer ? Les vols sont peu nombreux et tous pris d’assaut. Et puis, cette fois, je suis avec Maud, Ulysse et Achille, et nous avons une voiture de matériel à ramener (nombreux documents, bidons d’huile d’olive solidaire achetés aux compagnons de lutte de Palaia Roumata en Crète, cartons de tee-shirts de soutien au centre d’hébergement autogéré pour réfugiés et migrants Notara26 à Exarcheia, etc.).
Restait la solution de faire le grand tour par les balkans. Des touristes, rencontrés ces jours-ci, y ont songé également, mais l’affaire est couteuse, longue et compliqué : 2600 km pour rejoindre Thessalonique, puis Sofia en Bulgarie (pour éviter Skopje et son armée aux frontières), puis Nis et Belgrade en Serbie, puis Zagreb en Croatie, puis Jubjiana en Slovénie, avant d’atteindre Trieste, à l’est de l’Italie et de traverser tout le nord de la botte jusqu’à l’hexagone. Seuls deux véhicules, à ma connaissance, ont osé tenter le périple. Des personnes pressées et, semble-t-il, vexées d’avoir été bloquées aussi longtemps, sans prévenir. Pfff ! La lutte, ça ne prévient pas toujours et c’est très bien ainsi.
D’autres voyageurs prennent leur mal en patience. Les hôteliers se plaignent des touristes non arrivés, bloqués en Italie, à Bari, Venise ou Ancona. Au sud de Patras, les rares épiceries ouvertes sont prises d’assaut par les anxieux. Il est vrai que les marchandises n’arrivent plus non plus, pour l’instant, de même que les carburants. Des Grecs me demandent : « comment c’était en mai 68 en France, pendant le blocage du pays ? » La référence revient dans beaucoup de bouches. « 68, noblesse du calendrier ! » chantait Ferré.
Ce soir, le vote va intervenir au parlement et va poursuivre la casse du système social grec (dont une nouvelle baisse des retraites et une énième hausse de la TVA, y compris sur des produits de première nécessité). Au-dehors, ça chauffe de plus en plus, au vu des sms, dans les rues du centre d’Athènes.
Ici, au sud de Patras, les visages sont sombres et tendus, dans le crépuscule rouge-sang. En Grèce, plus qu’ailleurs, tout peut arriver. Surtout en ce moment. Le pire comme le meilleur.