Anarchisme




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 Lorsque l'on commence à s'intéresser au mouvement anarchiste, on peut
être étonné par la division apparente des organisations libertaires en
France.

    Notre propos est de donner quelques points de repère permettant de
comprendre ce qui rassemble et sépare les principales organisations
françaises.

    Il ne s'agit pas ici de retracer l'histoire du mouvement libertaire
français (ceci fera l'objet d'un article dans un prochain numéro de
l'Éclat), mais d'en dresser un panorama.

    Un même projet de société. Avant de s'intéresser aux divergences qui
persistent entre les différentes organisations libertaires, il importe
d'insister sur ce qui les rassemble. Toutes ces structures partagent
un but commun : la construction d'une organisation sociale où toute
forme d'exploitation et de domination de l'humain aura disparu.

    Cette société sera nécessairement une société sans État et une société
sans classes. Toutes les organisations libertaires militent donc pour
l'abolition du salariat et pour l'avènement d'une organisation sociale
totalement autogérée. Elles combattent toutes les formes d'inégalités
et d'injustices inhérentes au système capitaliste.

    Les organisations libertaires françaises partagent donc un même but et
s'accordent sur la critique de l'ordre social existant. - Quelles
divergences ?

    Les divergences portent essentiellement sur des questions
organisationnelles et stratégiques.

    La Fédération Anarchiste.

    C'est la plus ancienne organisation libertaire française. Elle
fonctionne selon le principe du libre fédéralisme (c'est-à dire la
libre association), qui garantit aux groupes et aux individus qui la
    composent la plus grande autonomie, afin de permettre le pluralisme
des idées et des actions dans le cadre d'un pacte associatif que nous
appelons nos "principes de base".(Extrait de
    « Qu'est-ce que la Fédération Anarchiste ? Sur le site :
http://www.federationanarchiste.org. On peut mettre en évidence deux
caractéristiques qui marquent fortement cette organisation
    :

    I. L'autonomie totale des groupes qui la constituent, dans un cadre
fédéraliste strict ; les décisions fédérales (campagnes, axes
d'action) sont prises lors d'un congrès annuel, à l'unanimité.

    II. La synthèse libertaire : la Fédération Anarchiste, même si elle ne
prétend pas représenter l'intégralité du mouvement anarchiste, est
ouverte à toutes les sensibilités de ce mouvement.

    - La FA prône différents moyens d'action :

    1. La propagande (tables de presse, diffusion de textes, émissions de
radio).

    2. La participation aux mouvement sociaux ( grèves, manifestations).

    3. La crédibilisation des idées libertaires par leur mise en pratique.

    4. La construction de revendications en rupture avec les logiques
étatiques et capitalistes.

    - La FA édite un hebdomadaire (Le Monde Libertaire), diffuse ses idées
sur les ondes (Radio Libertaire) et publie de nombreux textes
(Éditions du Monde Libertaire) que l'on trouve notamment à
    la librairie de la FA (librairie Publico: 145, rue Amelot, 75011 Paris).

    La Coordination des Groupes Anarchistes.

    Elle est créée par des groupes qui ont quitté la FA en juin 2002. La
CGA se démarque de la FA, au moins sur deux points :

    - 1. La question des prises de décisions : pour les militant-e-s de la
CGA, le principe de l'unanimité paralyse l'action. Les décisions sont
prises à 75 % de pour. La CGA est une organisation fédéraliste
    (mandatement collectif, impératif et révocable, rotation des mandats).
Les différents groupes qui la constituent se reconnaissent dans des
principes (disponibles sur le site
http://www.c-g-a.org) qui ne
peuvent être révisés qu'à l'unanimité.

    - 2. Le communisme libertaire. Alors que la FA regroupe les différents
sensibilités du mouvement anarchiste, la CGA a l'ambition d'aboutir à
une société basée sur le communisme libertaire, d'où les aspects de
l'exploitation et de l'aliénation auront disparu (Extraits de
Principes et Fonctionnement de la CGA, disponibles sur le site).

    - La CGA se revendique de la lutte des classes et favorise autant que
faire se peut les luttes sociales, les luttes à caractère syndical et
les luttes de citoyens et de citoyennes qui s'auto organisent dans le
but de faire reculer l'exploitation et la domination ! - Nous
favorisons l'action directe des individus et des masses afin de
réaliser, dès à présent leur nécessaire autoorganisation, alternative
réelle à la politique politicienne et à la délégation de pouvoir.
(Extrait des Principes).

    - La CGA s'investit dans le mouvement syndical, mais reste méfiante
envers les syndicats institutionnalisés (ce qui se traduit, notamment
par la limitation des décharges syndicales à un mi-temps).

    - La CGA édite un bimestriel : Infos et Analyses Libertaires.

    L'Organisation Communiste Libertaire.

    Elle est née, en 1976 de la scission de l'Organisation Révolutionnaire
Anarchiste. Si l'OCL se définit comme communiste libertaire, elle ne
considère pas l'avènement du communisme comme inéluctable :
    c'est dans les luttes que le projet communiste se construit. -
L'originalité de l'OCL repose sur quelques caractéristiques
essentielles : une théorie et une pratique du communisme libertaire
fondées sur la lutte des classes ; le mouvementisme et la priorité
donnée aux structures de base liées par une communauté d'intérêts,
l'anticapitalisme, l'anti-impérialisme, et l'impératif d'une rupture
radicale avec l'exploitation, la domination et l'aliénation dans tous
les domaines (politique, économie, rapports sociaux de sexe,
environnement...). Nous privilégions l'intervention militante
créatrice de ruptures politiques et sociales, plutôt que l'affirmation
d'un « anarchisme » idéaliste et incantatoire, coupé des affrontements
de classes qui traversent la société (Extrait de Qui sommes-nous ?
disponible sur le site: (
http://oclibertaire.free.fr).

    - Si l'OCL reconnaît que le syndicalisme peut être un moyen parmi
d'autres concourant ponctuellement à la lutte des classes, elle se
méfie des syndicats institutionnalisés et refuse de lutter à
l'intérieur des appareils bureaucratiques et d'occuper des postes de
direction et de permanents syndicaux.

    L'OCL critique le citoyennisme qui se développe depuis plusieurs
années : celui-ci est une forme de négation de la lutte des classes.
Si le citoyennisme (notamment républicain) se répand de plus en plus
ces dernières années, c'est parce que l'ordre dominant en a besoin
pour nier la lutte des classes et s'assurer une cohésion sociale
favorable à ses intérêts (Extrait de Qui sommes-nous?)

    - L'OCL publie un mensuel : Courant Alternatif.


    Alternative Libertaire.

    Elle est fondée en 1991, à partir de la fusion entre le Collectif
jeunes libertaires (CJL) et l'Union des travailleurs communistes
libertaires (UTCL, issue de la scission de l'Organisation
Révolutionnaire
    Anarchiste en 1976).

    - Alternative Libertaire, comme la CGA et l'OCL se réclame du
communisme libertaire. Mais elle diverge des autres organisations sur
différents points :

    1. Alternative Libertaire vise à participer à la construction d'un
vaste mouvement anticapitaliste et autogestionnaire, où le nouveau
courant libertaire s'intégrerait sans disparaître (Extrait de
Manifeste pour une Alternative libertaire, disponible sur le site :
http://www.alternativelibertaire.org).
    Cela conduit AL à chercher l'unité la plus large avec les partis
d'extrême gauche se réclamant de l'anticapitalisme, notamment avec le
NPA.

    2. AL préconise la participation active au syndicalisme. Les
militant-e-s d'AL se retrouvent le plus souvent dans les syndicats de
Solidaires et à la CGT, où ils et elles cherchent à promouvoir un
syndicalisme alternatif, mais de masse, y compris en investissant les
instances décisionnelles des organisations syndicales.

    3. Autre point de clivage : la question des élections.
    Alors que la CGA et l'OCL sont abstentionnistes, AL considère que
certaines élections peuvent fournir l'occasion de porter un discours
anticapitaliste.
    Les militant-e-s d'AL sont partagé-e-s sur la participation aux
élections.
    C'est ainsi que le n° 216 du mensuel Alternative Libertaire (avril
2012) publie une tribune dans laquelle plusieurs militants estiment
qu'AL aurait dû adresser des consignes de vote pour les deux tours des
élections présidentielles (appeler à voter contre les candidats des
plans d'austérité, de Le Pen à Hollande au premier tour ; à battre le
candidat de la droite ou de l'extrême droite au second tour).

    La Coordination des Libertaires de l'Ain.

    La CLA se revendique du communisme libertaire et n'est rattachée à
aucune organisation nationale.
    Nos militant-e-s se reconnaissent dans nos principes (disponibles sur
notre site (
http://www.cla01.org), qui n'interdisent pas l'adhésion
individuelle à une organisation libertaire nationale.
    Face à la diversité du mouvement libertaire, nous préférons mettre
l'accent sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous divise.
C'est ainsi que nous avons organisé un rassemblement antinucléaire en
octobre avec les groupes lyonnais de la FA, de la CGA et de l'OCL.
Nous sommes partie prenante de la Foire à l'Autogestion, qui aura lieu
les 23 et 24 juin 2012 à Montreuil, et à laquelle appellent la FA, AL,
la CGA et d'autres organisations libertaires. De même, nous
participerons aux Rencontres Internationales de l'Anarchisme de
Saint-Imier au mois d'août. Toutes ces rencontres sont l'occasion de
faire avancer le débat entre les différentes organisations libertaires
et, peut être, de dépasser certaines divergences.
Pour télécharger :http://www.cla01.org/IMG/pdf/L_eclat_4.pdf





21/02/2012 by Pavillon NoirStef (groupe Vannes / Lorient) et Juanito (groupe Pavillon Noir Poitiers), 21 février 2012 
Posted on
La révolution ici et maintenant
Quand on milite pour l’anarchie, on peut s’interroger parfois sur l’imprégnation de nos idées dans la
société où l’on vit ; l’histoire n’étant pas linéaire mais faite de périodes de progrès, de ruptures… et
de régressions. Au contraire d’une lutte syndicale (comme l’augmentation des salaires après 2 jours
de grève), d’une action écologiste (abandon de la construction d’une centrale nucléaire, d’un
incinérateur d’ordures ménagères…), il est parfois difficile de prendre la mesure des « résultats » de
notre militantisme libertaire. D’autant plus quand la répression, diffuse ou brutale, côtoie nos vies ;
quand les mouvements s’essoufflent ; quand la réalité de cette époque d’attaques antisociales et de
destructions écologiques revient inlassablement saper non nos convictions, mais nos espoirs.
Pourtant, notre besace n’est pas vide. Plutôt que de rebuter son monde – pas que les gens, mais
aussi nous-mêmes – en invoquant de grandes idées, certes légitimes, mais qui nous font taxer (et
parfois dériver) vers un utopisme idéaliste et dogmatique (quand bien même l’anarchisme est par
définition un adogmatisme en actes), il peut être bon de réfléchir aux conquêtes en partie issues de
nos pratiques, même si le chemin n’est jamais qu’à moitié parcouru. Ainsi, nous évitons de projeter
nos rêves dans une eschatologie révolutionnaire (un avant et un après la révolution tant souhaitée),
et nous pouvons nous recentrer sur une notion et une pratique de la révolution dans l’ici et le
maintenant, une dynamique d’émancipation individuelle et collective. La vieille dichotomie
réformisme et révolution se résout dans l’action directe, dans l’énergie d’émancipation et de
réappropriation, à l’oeuvre dans toutes les sphères de la vie individuelle et sociale. L’anarchie, c’est
l’anarchisme. Et à bien y regarder, cette force, cette affirmation permanente de la vie contre la
résignation, a oeuvré pour transformer la société.
Jadis, la mixité à l’école a été promue et expérimentée dès la fin du XIXème et le début du XXième
par des anarchistes, avant de devenir la règle dans le milieu des années 1960. La lutte pour
l’objection de conscience au service militaire a donné le statut d’objecteur de conscience – luimême
tombé en désuétude du fait de la fin de la conscription obligatoire. Les anarchistes ont aussi
milité pour l’autonomie de la classe ouvrière à travers une organisation fédéraliste des exploité-e-s,
d’où furent issues en France les formes d’organisations fédéralistes et confédéralistes des syndicats.
Fédéralisme de branche, mais aussi territorial, avec le mouvement des bourses du travail initié par
des anarchistes. Malgré leurs dérives bien connues, ces organisations syndicales demeurent un outil
de lutte et d’autonomie des « bases ». Bien des conquêtes ouvrières furent obtenues par cet esprit
pragmatique d’indépendance et d’auto-organisation, les droits sociaux n’ayant jamais été conquis
qu’en débordant les bureaucraties politiques (et syndicales). La laïcité elle-même fut un compromis
étatique obtenu sous la poussée d’une lutte antireligieuse résolue. L’union libre fut issue de la
popularisation des thèses anarchistes sur l’amour libre. Le droit à l’avortement fut concédé après la
constitution de réseaux d’entraide autogérés par des militantes féministes passant elles-mêmes à
l’action directe. Des gynécologues libertaires et des militant-e-s anarchistes ont ainsi pratiqué des
avortements illégaux, au nom de la liberté de choisir des femmes et en solidarité avec ces
personnes. A une époque où la contraception était inexistante, certains anarchistes sont allés jusqu’à
la vasectomie pour éviter les grossesses non désirées et ont été condamnés pour cela (affaire des
stérilisés de Bordeaux en 1935). Et caetera…
Aujourd’hui ? Sur les 10-15 dernières années, on peut encore relever des victoires, issues de la
diffusion des idées et des pratiques portées par de nombreuses personnes aux idéaux anarchistes.
Dans une émission de Daniel Mermet de début février, consacrée à un fictif « alter gouvernement »
de gauche, avec des ministres militant-e-s d’Attac et autres, on a pu entendre le pressenti « ministre
à la ville » (Paul Ariès) dire qu’il mettrait en place la gratuité des transports en commun, alors que
ce catho de gauche et électoraliste n’est pas anar. Certaines villes sont d’ailleurs déjà passées à la
gratuité des transports en commun. Or cette revendication politique a longtemps été portée par le
mouvement libertaire, dont la Fédération Anarchiste n’était pas la dernière. Le cercle d’influence
s’est donc bien élargi. De même, la pratique du prix libre est née dans la mouvance anarcho-punk et
s’est depuis largement diffusée dans les forums sociaux locaux, y compris pour les repas. Dans cette
mouvance anarcho-punk, la gratuité des cds et des concerts est expérimentée pour s’affranchir de
l’esprit de marchandise. La prise de décision au consensus, avec attention portée au temps de parole
de chacun-e, au contrôle en assemblée de l’action des commissions ou des mandaté-e-s, est aussi
désormais pratiquée dans bien des forums sociaux, avec des participant-e-s venant pourtant
d’horizons très différents, y compris de partis à la tradition beaucoup plus hiérarchiste… Chez les
indigné-e-s aussi, malgré un manque parfois criant de « culture » politique, ces pratiques ont fleuri.
Dans le film « Tous au Larzac », on a pu voir que c’était la prise de décision au consensus qui
prédominait dans les assemblées et apportait satisfaction (une seule fois il y a eu vote, à la fin du
mouvement).
En ces temps de régression sociale, il est bon pour le moral de se rappeler que, si nous sommes pour
une révolution réappropriatrice et autogestionnaire, pour autant une partie de nos idées vogue, que
quelques-unes germent sans qu’on ne sache pourquoi celles-là plutôt qu’une autre.
L’anarchisme a toujours défendu une pratique d’alternatives en actes ici et maintenant, indissociable
d’une aspiration révolutionnaire globale.
Continuons !

Xavier Bekaert
Anarchisme et Non-violence
L'utilisation de la violence est-elle bien nécessaire pour faire aboutir la révolution libertaire ? La violence ne serait-elle pas plutôt contraire à l'idée même de révolution ? Est-ce que la non-violence n'apporterait pas justement une solution au problème de la fin et des moyens ? Pour moi, une révolution réellement libertaire ne peut aboutir par la violence et ceci pour les mêmes raisons que celles invoquées par les anarchistes lorsqu'ils critiquent l'utilisation de structures autoritaires pour faire aboutir la révolution. C'est le point de vue que j'expose dans la première partie où je tente de réfuter les différentes justifications de la violence par les révolutionnaires. Dans la deuxième partie, j'essaie de répondre à deux des objections couramment faites à l'égard de la non-violence, que ce soit comme moyen de résistance à l'oppression ou comme tactique révolutionnaire. Dans la troisième partie, je fais remarquer que le choix de la non-violence ne se base pas uniquement sur des principes éthiques mais également sur des considérations d'ordre très pratique, telles que les rapports de force en présence et l'efficacité de la nonviolence sur un plan purement pragmatique. Je termine cette partie en montrant que la stratégie non-violente se base aussi sur une analyse de la nature réelle du pouvoir, et donc des moyens nécessaires pour, non seulement le renverser, mais aussi l'abolir. La fin et les moyens Les différentes légitimations de la violence révolutionnaire Parmi les révolutionnaires les deux justifications les plus largement répandues de l'usage de la violence comme moyen d'action sont les suivantes : * La première pourrait se résumer en la fin justifie les moyens. Puisque la fin est juste, tous les moyens sont bons pour la faire aboutir, même si ceuxci paraissent en contradiction avec le but poursuivi. Une guerre civile entre oppresseurs et opprimés est inévitable car les oppresseurs ne cesseront jamais leur domination s'il n'y sont pas contraints par la force. Pour faire triompher la révolution, il s'agit donc d'écraser les oppresseurs et de remplacer l'ancien système politique par celui décidé par les révolutionnaires, quitte au début à l'imposer par la force. * La deuxième forme de légitimation de l'usage de la violence est la

Michel BAKOUNINE
TROIS CONFÉRENCES FAITES AUX OUVRIERS DU VAL DE SAINTIMIER (Mai 1871)
Les TROIS CONFÉRENCES FAITES AUX OUVRIERS DE SAINT-IMIER ont fait l'objet d'une première publication par Max Nettlau dans la revue Société Nouvelle,à Bruxelles, (mars 1895 - p. 285-301, puis avril 1895, p. 449-460), d'après une copie peu correcte d'Adhémar Schwitzguébel. La présente transcription basée sur le manuscrit original de Bakounine a été publiée par Champ Libre, Paris, pour l'Internationaal Instituut voor Sociale Geschiedenis, Amsterdam, en 1979. Le manuscrit, d'abord en possession de James Guillaume, se trouve aujourd'hui à la Bibliothèque Nationale, -N.acq. fr. 23690, ff 389-447. Ms de 59 pages. *Les parenthèses dans le texte sont là pour indiquer des omissions et additifs qui figurent entre parenthèses dans les textes originaux.

Errico Malatesta
Anarchie et organisation (1927)
Un opuscule français intitulé: ÒPlateforme dÕorganisation de lÕUnion générale des Anarchistes (Projet)Ò me tombe entre les mains par hasard. (On sait quÕaujourdÕhui les écrits non fascistes ne circulent pas en Italie.) CÕest un projet dÕorganisation anarchique, publié sous le nom dÕun Ò Groupe dÕanarchistes russes à lÕétranger Ò et qui semble plus spécialement adressé aux camarades russes. Mais il traite de questions qui intéressent tous les anarchistes et, de plus, il est évident quÕil recherche lÕadhésion des camarades de tous les pays, du fait même dÕêtre écrit en français. De toute façon, il est utile dÕexaminer, pour les Russes comme pour tous, si le projet mis en avant est en harmonie avec les principes anarchistes et si sa réalisation servirait vraiment la cause de lÕanarchisme. Les mobiles des promoteurs sont excellents. Ils déplorent que les anarchistes nÕaient pas eu et nÕaient pas sur les événements de la politique sociale une influence proportionnée à la valeur théorique et pratique de leur doctrine, non plus quÕà leur nombre, à leur courage, à leur esprit de sacrifice, et ils pensent que la principale raison de cet insuccès relatif est lÕabsence dÕune organisation vaste, sérieuse. Effective. JusquÕici, en principe, je serais dÕaccord. LÕorganisation nÕest que la pratique de la coopération et de la solidarité, elle est la condition naturelle, nécessaire de la vie sociale, elle est un fait inéluctable qui sÕimpose à tous, tant dans la société humaine en général que dans tout groupe de gens ayant un but commun à atteindre. LÕhomme ne veut et ne peut vivre isolé, il ne peut même pas devenir véritablement homme et satisfaire ses besoins matériels et moraux autrement quÕen société et avec la coopération de ses semblables. Il est donc fatal que tous ceux qui ne sÕorganisent pas librement, soit quÕils ne le puissent pas, soit quÕils nÕen sentent pas la pressante nécessité, aient à subir lÕorganisation établie par dÕautres individus ordinairement constitués en classes ou groupes dirigeants, dans le but dÕexploiter à leur propre avantage le travail dÕautrui.


Proudhon
QU'EST-CE QUE LA PROPRIÉTÉ ?
Si j'avais à répondre à la question suivante : Qu'est-ce que l'esclavage ?et que d'un seul mot je répondisse : C'est l'assassinat,ma pensée serait d'abord comprise. Je n'aurais pas besoin d'un long discours pour montrer que le pouvoir d'ôter à l'homme la pensée, la volonté, la personnalité, est un pouvoir de vie et de mort, et que faire un homme esclave, c'est l'assassinat. Pourquoi donc à cette autre demande : Qu'est-ce que la propriété ?ne puis-je répondre de même : C'est le vol,sans avoir la certitude de n'être pas entendu, bien que cette seconde proposition ne soit que la première transformée ?
J'entreprends de discuter le principe même de notre gouvernement et de nos institutions, la propriété ; je suis dans mon droit : je puis me tromper dans la conclusion qui ressortira de mes recherches ; je suis dans mon droit : il me plaît de mettre la dernière pensée de mon livre au commencement ; je suis toujours dans mon droit.
Tel auteur enseigne que la propriété est un droit civil, né de l'occupation et sanctionné par la loi ; tel autre soutient qu'elle est un droit naturel, ayant sa source dans le travail : et ces doctrines, tout opposées qu'elles semblent, sont encouragées, applaudies. Je prétends que ni le travail, ni l'occupation, ni la loi ne peuvent créer la propriété ; qu'elle est un effet sans cause : suis-je répréhensible ?
la suite :
http://www.fichier-pdf.fr/2012/02/18/proudhon-qu-est-ce-que-la-propriete/



De Stirner à Makhno...Proudhon, Bakounine, Kropotkine etc...


STIRNER

Max Sirner, philosophe allemand, dont le renom repose entièrement sur son oeuvre maîtresse L’Unique et sa propriété (Der Einzige und sein Eigentum , 1845). Un demisiècle plus tard, L’Unique est glorifié comme le premier avatar du surhomme nietzschéen. Arraché à l’oubli total dans lequel il était tombé, le livre de Stirner devient le bréviaire des anarchistes individualistes.
Après la Seconde Guerre mondiale, Stirner apparaît comme un des précurseurs de la philosophie existentielle. L’affirmation de l’unicité est rapprochée de la revalorisation de la personne humaine tentée par l’existentialisme, puisque, chez Stirner, la particularité, loin de passer pour une tare, est tenue pour la marque la plus sûre de l’éminente dignité de l’homme. En mai 1968, Stirner retrouva une nouvelle audience ; par sa notion du néant créateur, il semble avoir frayé le chemin à celle de la créativité. Pour empêcher toute sclérose, il recommande, en effet, à l’Unique une mise en cause perpétuelle, un constant renouvellement, la plongée périodique dans une fontaine de jouvence....



pavillon-noir@federation-anarchiste.org
L'anarchie, ce n'est pas un mouvement marginal

L'anarchisme, ou courant « libertaire », est au coeur du mouvement social depuis le XIXème siècle. A la
différence des courants marxistes, il affirme que l'on n'obtient pas de véritable changement social en prenant le
pouvoir sur la société, mais en abolissant clairement les relations de pouvoir elles-mêmes. L'anarchisme nous
invite à réagir et agir par nous-mêmes dans nos vies, dans le respect de la liberté individuelle. Il est en grande
partie à l'origine de l'invention des mutuelles, des coopératives, du mouvement associatif, et du syndicalisme !
Mais aussi de la mixité scolaire, de l'antimilitarisme, du féminisme, des alternatives de production et de
consommation (AMAP, SCOP, SEL)... le saviez-vous ?

L'anarchie, ce n'est pas le désordre

L'homme n'est ni bon ni mauvais par nature, il se construit à travers les modes de relations sociales, intimement
liées à des choix politiques et économiques. L'anarchie n'est pas l'absence de règles (anomie). Ca, c'est ce que
disent les gouvernant-e-s, qui tout en semant le chaos sur la planète, font rimer autorité et société pour faire
croire que leur pouvoir est indispensable. En réalité, le pouvoir dépense une énergie considérable pour habituer
et contraindre les gens à l’obéissance, depuis l’enfance, au sein de l’école, de l’armée, du travail. Les anarchistes
pensent au contraire que ce sont les rapports de pouvoir qui sont un facteur majeur de désordre, de
déresponsabilisation, d'injustice et de violence sociale. L'anarchisme prône « l'ordre, moins le pouvoir », c'est-àdire
des modes d'organisation sociale structurés, ET débarrassés de la contrainte et de l'exploitation entre les
individus. Il s’agit de favoriser, dans les rapports humains, une responsabilisation individuelle et collective, des
relations horizontales, sans hiérarchie, où la liberté de chacun-e va avec l'égalité de tou-te-s. Une réflexion de
fond est développée sur la notion de décision démocratique. Selon les anarchistes, elle ne doit pas être le fait de
pseudo- « représentant-e-s », car les individus ne sont légitimes à représenter qu’eux-mêmes. La démocratie
peut et doit donc être directe, avec des mandaté-e-s révocables, respectant les décisions prises par leurs
mandataires et rendant régulièrement compte. La fédération des groupes humains doit être libre. La révolution
sociale et libertaire implique une remise en question profonde des choix de société. Il s'agit de construire la
désobéissance individuelle et collective face à l'injustice. D'élaborer des alternatives en actes, répondant aux
désirs d'autonomie des individus face au saccage social et environnemental. De participer au développement d'un
mouvement social d'ampleur ayant pour moyen et finalité la reprise en main, par les gens eux-mêmes, des
moyens de production, d'échange et de distribution, sans intermédiaires.

L'anarchie, ce n'est pas la violence

L'anarchisme naît de la réponse qu'élaborent les gens par eux-mêmes face à des situations concrètes
d'oppression, de façon pragmatique. L'anarchisme ne pense ni centralisme ni dogme, il mûrit dans le fédéralisme
des réflexions et des expériences diverses. Avec cynisme, le pouvoir cherche pourtant à discréditer l'anarchisme
en assimilant à de la « violence » ses analyses et ses luttes. Quelle tartufferie ! Le courant anarchiste est sans
conteste le courant politique historiquement le moins « violent ». Il nie toute légitimité de l'état, du capitalisme,
du patriarcat, des clergés, des dogmes quels qu’ils soient, à contrôler, contraindre, exploiter les gens et les
déposséder de leur propre vie. Les anarchistes affirment le droit des individus opprimés à résister contre la
violence institutionnelle qui se perpètre contre eux et leurs semblables, à conquérir leurs libertés ici et
maintenant. Faut-il rappeler que les « acquis sociaux » n'ont été concédés par les pouvoirs à nos anciens, qu'à
l'issue de luttes sociales d'ampleur ?

L'anarchie, ce n'est pas une utopie

L'anarchisme est souvent peu médiatisé, du fait d'un refus cohérent des anarchistes de participer aux élections
représentatives et au matraquage médiatique - sans parler de la censure et des mensonges du pouvoir à son
encontre. Néanmoins, malgré la répression souvent sanglante menée par les états contre elles (ex : commune de
Paris, révolution libertaire espagnole), de nombreuses expériences collectives et structurées d'autonomie sociale,
à plus ou moins grande échelle, ont existé et existent encore jusqu'à nos jours. Entreprises autogérées
en Argentine, mouvements autogestionnaires du Mexique (Chiapas, Oaxaca), mouvements révolutionnaires
du Maghreb et du Machrek, mobilisations diverses, camps autogérés... elles démontrent que l'anarchisme n'est
non seulement pas une utopie, mais un mode réaliste, pragmatique, efficace et épanouissant d'organisation
sociale, répondant aux besoins réels. Partout où règne l'oppression, peut aussi s'affirmer l'espoir et l'évidence
d'une auto-organisation des gens en lutte, sans intermédiaires, pour une vie digne et responsable.

L’anarchie, c’est possible

...à nous de l’inventer ensemble !

Groupe Pavillon Noir – Fédération Anarchiste (86)
http://pavillon.noir.over-blog.fr/
Idées reçues sur l'anarchisme
aucune difficulté à gouverner dans des pays
européens (Italie, Autriche, Suisse…) pourtant
qualifiés de démocratiques et d’États de
droit.
Il est vrai que tout État porte par essence,
les germes du totalitarisme, car fondé sur la
domination de l’homme par l’homme. Et
diviser pour régner, désigner des boucs
émissaires, c’est le propre de toute méthode
de gouvernement.
Le fascisme se distingue, en poussant à
son paroxysme la violence et la hiérarchisation
ethnique, sociale, culturelle et sexiste
des individus afin d’établir la suprématie de
la race, de l’élite, de la nationalité, du mâle,
du chef.
Évidemment, il n’est pas indifférent de
vivre en démocratie plutôt qu’en dictature !
Mais reconnaissons que, dans la France
d’aujourd’hui, avec son idéologie sécuritaire,
ses dispositifs policiers et de surveillance, ses
lois répressives, xénophobes et antisociales,
l’extrême droite n’aurait pas grand-chose à
modifier pour obtenir un contrôle global et
une soumission absolue des populations.
Démagogue et populiste, celle-ci préfère
obtenir un consentement populaire, bien , lorsque les gens prennent leur vieJean Raj
Avec notre type de démocratie, parce qu’elle
est fondée sur la représentativité, «le
citoyen» n’a pas son mot à dire. On ne l’invite
pas à réfléchir, à débattre, à donner son
opinion, encore moins à participer à une
prise de décision collective. Il est seulement
appelé, tous les cinq ou six ans, à choisir,
isolé dans l’intimité de « l’isoloir » celui ou
celle qui va parler en son nom, décider à sa
place. Celui ou celle qui va le gouverner
durant plusieurs années.
Libre à lui, ensuite, de manifester son
opinion ou son opposition dans les limites
que ses maîtres lui auront accordé par la loi.
Comment s’étonner dès lors, notamment
en période de crise, que certaines personnes,
déroutées, s’engouffrent dans cette logique
et aient recours à l’homme ou à la femme
providentiel (le), celui ou celle qui, soufflant
sur les braises du mal-vivre, va développer le
discours le plus démagogique, faire croire à
des solutions simplistes et expéditives.
On peut d’ailleurs facilement le constater
: à chaque élection, de sondage en sondage,
au fur et à mesure que se rapproche
l’échéance, l’extrême droite progresse. Celleci
est en campagne électorale comme un
poisson dans l’eau.

Sans complexe

A contrario
en mains, retrouvent la volonté d’agir contre
les injustices et réfléchissent par eux-mêmes
à un avenir meilleur, alors, comme par
enchantement, l’extrême droite tend à s’effacer
du paysage politique. Cela nous avons pu
le constater lors de chaque mouvement
social et à nouveau, lors des luttes contre la
réforme des retraites.
Voilà pourquoi, face à l’extrême droite, il
sera bien plus efficace d’exprimer, par l’abstention,
son refus de cautionner un système
électoral qui, parce que créateur d’illusions
et de soumissions, nourrit la stratégie de
celle-ci. Sans compter que la loi électorale et
le mode de financement des partis, vont permettre
au FN de renflouer ses caisses avec
l’argent public.
Il est à souhaiter que des millions de gens
préfèrent conserver leur énergie pour contribuer
à développer l’esprit de révolte et cultiver
l’insoumission.
Pour ma part, en dépit des jérémiades de
nos chers politiciens, je n’aurai aucun complexe
à assumer mon abstention.

qu’elle n’hésite jamais à recourir aux
méthodes coercitives lorsqu’elle le juge
nécessaire.
Comme un poisson dans l’eau
1]. Ce fut le tort des2]. 3]. L’ordre est assuré des conflits d’ordre administratif, quand des divergences d’interprétation des contrats
espace civil, soit entre une personne et une collectivité par exemple entre un travailleur et
son « employeur », le comité d’organisation de son entreprise autogérée ;
des conflits d’ordre civil, soit entre personnes privées sur l’exercice de leurs droits dans un
faiblesses, de ses bassesses, longtemps encore il devra répondre du vol banal ou du crime
passionnel, d’un tapage nocturne ou d’une imprudence routière mortelle, d’un abus
d’autorité misérable ou d’un attentat contre-révolutionnaire.
Cette classification s’appuie sur un droit et appelle des moyens pour le faire respecter.
Le droit administratif (ou droit public) sera le droit d’une société fédérale avec ses ramifications
territoriales de communes, de fédérations de communes, de régions, de fédérations de régions…
pour organiser le service public ; avec ses ramifications professionnelles pour assurer la production,
les services, la distribution. Un réseau juridique complexe de contrats bilatéraux, d’accords
collectifs particuliers, de conventions économiques ou sociales, de chartes de principes
fondamentaux… se constituera qui, fatalement, nécessitera interprétation, ou choix entre plusieurs
interprétations possibles. La coutume ouvrière, le droit interne aux syndicats, sera d’un précieux
secours [
Le droit civil (ou droit privé) régira la vie des personnes dans leurs activités quotidiennes. Son
champ d’action sera-t-il national (universel) ou au contraire local ? Quelle forme concrète prendrat-
il, s’agira-t-il d’un droit coutumier en appelant aux usages d’une collectivité, d’une profession, ou
d’un droit purement conventionnel, ou, d’un droit écrit codifié ? Dans ce dernier cas, quelle sera la
nature du texte juridique qui le consignera : loi, décret, arrêté, proclamation comme sous la
Commune de Paris ? Ses modes d’élaboration prendront-ils la forme d’assemblées générales ou par
délégués mandatés ? S’il est presque impossible de répondre à ces questions parce qu’il
appartiendra aux premiers concernés d’en décider, il est certain que le droit civil arrêté par une
communauté plus ou moins large sera source de conflits interprétatifs, de difficultés d’application,
de violations délibérées ou non. Aussi est-il utile d’y réfléchir dès aujourd’hui pour ne pas être
dépourvu le moment venu.
Le droit pénal, plus encore que les autres, sera à refonder. Il n’évitera pas toute mesure coercitive
y compris la privation de liberté. On peut penser que l’ordre nouveau débarrassé du capitalisme, de
la propriété privée des moyens de production, de l’exploitation de l’homme par l’homme et de bien
d’autres choses encore, promouvant le respect mutuel et l’autodiscipline, diminuera les causes de la
délinquance et sera capable de résoudre humainement des problèmes qui viendront de ce qui reste
d’instinct animal en nous. L’élaboration de ce droit sera délicate. Sur quelles bases philosophiques,
morales, juridiques l’élaborer ? Quel sera son champ d’application, les mêmes mesures pénales
s’appliqueront-elles à Lille et à Marseille ? On comprend qu’il faudra avoir préparé des projets car
s’en remettre, à chaud, à la vox populi serait irresponsable.
Ainsi, en société anarchiste, il y aura un droit s’étonne le naïf. Un droit mais aussi une justice et une
police pour le faire respecter.
des déviances d’ordre pénal, car l’homme ne se débarrassera pas du jour au lendemain de ses4].
De la justice anarchiste
La justice implique :
un droit applicable pour éviter l’insécurité juridique ;
une procédure pour garantir l’égalité des plaideurs et la protection des victimes ;
En anarchie, pour ce qui est de la procédure judiciaire, il en sera comme pour le droit, il
appartiendra aux entités concernées d’élaborer : – une procédure administrative pour le droit fédéral
avec pour fil conducteur la préservation du bien commun et l’intérêt collectif ; – une procédure
civile pour les nouveaux droits civils avec pour maître mot la liberté de chaque personne dans les
limites posées par la vie en communauté ; – une procédure pénale pour les déviances qui garantira
la sécurité de chacun tout en assurant la réinsertion des personnes en situation de défaillance
sociale, en les soignant lorsqu’elles doivent l’être.
La procédure, dans la société sans État, privilégiera la conciliation, la médiation, la transaction
avant tout arbitrage ou jugement. Qu’on ne s’y trompe pas, la société capitaliste privilégie aussi ces
moyens de justice.
La conciliation, peut être prévue par des textes légaux comme la première phase de la procédure
prud’homale ou le recours au conciliateur de justice, parfois par des dispositions conventionnelles
telles les commissions de conciliation des conventions collectives de travail. À tout moment de la
procédure le juge peut tenter de concilier les parties. Il existe des formes particulières de règlement
« amiable » qui, sans être des conciliations, s’en rapprochent comme le divorce par consentement
mutuel ou la rupture conventionnelle du contrat de travail.
La médiation peut être extra-judiciaire en permettant aux parties en conflit de rechercher une
solution avec un tiers choisi par elles. Elle est judiciaire quand le juge désigne une tierce personne
pour trouver une solution ; cette procédure s’applique notamment dans les conflits du travail. En
droit pénal, le procureur peut tenter une médiation qui assurera la réparation du dommage subi par
la victime.
La procédure participative permet aux parties, avec leurs avocats, de résoudre amiablement le
différend comme s’ils se trouvaient devant le juge mais sans juge [
La transaction, matérialisée par un contrat actant les concessions réciproques des parties met
définitivement fin au conflit. Fréquente en droit commercial, elle existe aussi en droit du travail. En
droit fiscal, elle clôt un contentieux entre l’administration des impôts et un contribuable.
L’arbitrage, enfin, par lequel les parties confient à un tiers le règlement de leur différend, existe en
de nombreux domaines. On ne se trouve plus dans le cadre d’une procédure amiable puisque,
comme un juge, l’arbitre tranche.
La société communiste s’inspirera et développera de telles formes de résolutions pacifiques et extrajudiciaires
des conflits, cependant il paraît difficile de supprimer toute phase de jugement si ces
procédures sont épuisées ou inapplicables. Un exemple du quotidien qui inévitablement surgira :
quand une famille estimera que la commune ne lui a pas donné le logement correspondant à ce que
convenu dans une délibération communale, et que chacune des parties campera sur sa position,
refusant conciliation et médiation, il faudra bien que quelqu’un tranche. La décision arbitrale ou de
jugement pourra être précédée d’une instruction par une « commission d’enquête » comme le
suggère Guillaume Goutte [
la possibilité d’un appel, la justice anarchiste ne saurait faire moins que la justice bourgeoise. Dans
la société communiste le jugement sera un pis-aller, mais il l’est aussi dans la société bourgeoise, un
adage juridique le rappelle : « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ».
Qui te fera juge [
comme tel disparaîtra. Les juges seront élus avec un mandat, un mandat plus moral que précis, par
l’assemblée des ressortissants de sa compétence territoriale et d’attribution [
pourra les révoquer à tout moment. On peut également procéder par tirage au sort parmi les citoyens
et, raisonnablement, parmi des citoyens volontaires. Si l’on s’en réfère aux catégories actuelles, le
juge en société communiste se définit plutôt comme arbitre puisque choisi par la collectivité et non
désigné par l’État, puisque à durée déterminée et non permanent, puisque simple citoyen et non
professionnel de la justice. Le risque, comme aujourd’hui en matière syndicale, est que le juge
acquiert des compétences qui feront que le reste du collectif considère que, compte tenu de la
complexité de la chose juridique, il est le mieux à même d’accomplir la tâche et, qu’ainsi, il se
transforme en juge permanent. La limitation du nombre de mandats est impérative pour remédier à
ce genre de travers.
Dans le droit capitaliste, l’élection des juges existe aussi en droit du travail pour les conseillers
prud’hommes et en droit commercial avec les juges consulaires. Le tirage au sort aussi, avec les
jurés populaires des cours d’assises extraits de la liste des électeurs du département [
faisons table rase, veillons tout de même – pourrait-on faire autrement ? – à tirer profit de ces
pratiques.
Comme en société capitalo-parlementaire, la crédibilité de l’ordre social nouveau tiendra à
l’exécution d’une conciliation, d’un arbitrage ou d’un jugement. Comment faire si la personne
concernée ne respecte pas l’accord auquel elle a consenti, se soustrait à la décision qui l’a
sanctionnée, et que la pression sociale n’a pas suffi pas pour la contraindre ? Il faut donc penser à la
mise au point de procédures d’exécution forcée qui relèveront de la justice mais seront exécutées
par une police car pour cela comme pour le maintien de l’ordre en général, la police, quel que soit le
terme employé, n’aura pas disparu dans la société anarchiste.
des juges pour trancher un litige ou sanctionner un coupable.5].6], elle devra obligatoirement, au moins dans les affaires graves, ouvrir7] ? Il est clair que le juge professionnel, c’est-à-dire le juge à vie et rémunéré8] ; cette assemblée9]. Si du passé
De la police anarchiste
Plus encore que la justice, la police, dans l’idéal, ne devrait plus être nécessaire. Mais le
communisme est « le simple qui est difficile à faire » [
jamais atteint ; en attendant, il faut vivre en s’en rapprochant. Même durant le bref été de l’anarchie,
en Catalogne, la police ne disparut pas [
travers du droit de la force régalienne, que les citoyens conçoivent une police différente, une police
qui soit eux par élection ou tirage au sort, et qu’ils contrôlent complètement par des mandats précis
et la révocabilité [
pacifiques seront possibles, dont la seule finalité sera la protection de la population contre les
faiblesses inhérentes à l’être humain. Évidemment, une délégation de la police aura pour but,
comme dans toutes les sociétés, de protéger l’ordre nouveau, serait-il révolutionnaire et anarchiste,
contre les agissements de la contre-révolution qui, n’en doutons pas, sera longtemps active et
probablement cruelle ; autant dire que, là aussi, les procédures de désignation, de mandat, de
contrôle et de révocation devront être drastiques pour éviter les dérapages que connurent les milices
lors des révolutions passées [
À ce stade de la réflexion, il est difficile d’en dire davantage car l’imagination doit et devra être au
pouvoir puisque la police actuelle, à la différence du droit et de la justice capitalistes, n’est pas
même un filet d’inspiration, une amorce de modèle. Tout est à jeter. Tout est à repenser.
* * *
Avoir, avant la révolution, une idée du droit, de la justice et de la police est une nécessité pour que,
en cas de surgissement d’un autre futur, elle ne soit pas subtilisée au peuple par les politiciens et les
experts, historiquement les premiers délinquants contre-révolutionnaires. Le droit, la justice et la
police constituent l’ossature de la société révolutionnaire [
sont mal pensées, mal façonnées, mal utilisées, feront que l’édifice s’écroulera pour retomber dans
le marasme étatique.
À propos, peut-on concevoir une société sans État quand subsistent un droit, une justice, une
police ? En droit public, l’État se définit par un territoire où vit une population sur laquelle s’exerce
la domination d’un pouvoir souverain [
constitutifs, ils ne sont que des instruments de la domination. À la société sans État d’en faire les
outils de l’émancipation. À nous, d’abord, de dépasser le degré zéro de notre réflexion pour être
prêts quand il le faudra. Et tant pis pour les anarchistes fatigués, comme dirait Jacques Rancière.
10]. L’idéal d’Utopie ne sera probablement11]. Il faut donc, pour éviter que ne réapparaissent les12]. Une police dont la mission sera de ne jamais intervenir quand des solutions13].14]. Trois pierres angulaires qui, si elles15]. Droit, justice, police n’en sont donc pas des éléments
Notes
[
[
Monde libertaire, n° 1658, 2 au 8 février 2012, page 12 et suivantes.
[
[
fédérations professionnelles, coopératives. Doctrines et institutions, Paris, M. Giard et É. Brière,
Paris, 1913, 934 pages ; réédité en 2007, en fac-similé, par les Éditions CNT Région parisienne
(deux tomes).
[
des différends, Journal officiel du 22 janvier 2012, page 1280.
[
[
commissions, conseils… chargés de rendre collectivement la justice.
[
des matières aussi différentes que le droit fédéral et le droit civil. Le juge de l’administration de
l’autogestion sera élu directement par les membres des entités de producteurs et de consommateurs
concernées ou par leurs délégués ; le juge des conflits familiaux par les habitants de la commune
concernée.
[
sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs,
Journal officiel du 11 août 2011, page 13744.
[
présentation qui fleure bon le stalinisme :
[
l’anarchie. La vie et la mort de Buenaventura Durruti (1975), traduit de l’allemand par Lily Jumel,
Paris, Gallimard, « Imaginaire », 2e édition, 2010, 418 pages. Une curiosité littéraire où la vie de
Durruti est racontée par le seul assemblage d’extraits de reportages, discours, tracts, brochures,
témoignages, etc.
Sur la problématique du pouvoir et de la révolution sociale avant, pendant et après la guerre
d’Espagne s’impose, par sa portée générale, le livre de César M. Lorenzo, Le Mouvement
anarchiste en Espagne. Pouvoir et révolution sociale. Sans avoir besoin de partager les idées et les
considérations de l’auteur, tout militant anti-autoritaire devrait le lire pour mesurer, selon des
circonstances données, la marge qui sépare l’idéal de sa réalisation (Saint-Georges-d’Oléron, Les
Éditions libertaires, 2e édition revue et augmentée, 2006, 560 pages ; la première édition est parue
au Seuil, en 1969, sous le titre Les Anarchistes espagnols et le pouvoir. 1868-1969).
Le livre, moins personnellement engagé, de François Godicheau, La Guerre d’Espagne. République
et révolution en Catalogne (1936-1939), est aussi d’une enrichissante lecture parce qu’il y traite
principalement des questions d’ordre, de légalité, de justice, de police notamment au regard des
problèmes théoriques et pratiques rencontrés par la Confédération nationale du travail ; par exemple
le chapitre V s’intitule : « Construire une justice républicaine contre le désordre révolutionnaire »
(Paris, Odile Jacob, « Histoire », 2004, 460 pages). Dans ses ouvrages, on sera étonné de l’efficacité
des anarchistes à reconstituer une police dans toutes ses missions y compris le renseignement.
[
l’anarchie. La vie et la mort de Buenaventura Durruti (1975), traduit de l’allemand par Lily Jumel,
Paris, Gallimard, « Imaginaire », 2e édition, 2010, 418 pages. Une curiosité littéraire où la vie de
Durruti est racontée par le seul assemblage d’extraits de reportages, discours, tracts, brochures,
témoignages, etc.
Sur la problématique du pouvoir et de la révolution sociale avant, pendant et après la guerre
d’Espagne s’impose, par sa portée générale, le livre de César M. Lorenzo, Le Mouvement
anarchiste en Espagne. Pouvoir et révolution sociale. Sans avoir besoin de partager les idées et les
considérations de l’auteur, tout militant anti-autoritaire devrait le lire pour mesurer, selon des
circonstances données, la marge qui sépare l’idéal de sa réalisation (Saint-Georges-d’Oléron, Les
Éditions libertaires, 2e édition revue et augmentée, 2006, 560 pages ; la première édition est parue
au Seuil, en 1969, sous le titre Les Anarchistes espagnols et le pouvoir. 1868-1969).
Le livre, moins personnellement engagé, de François Godicheau, La Guerre d’Espagne. République
et révolution en Catalogne (1936-1939), est aussi d’une enrichissante lecture parce qu’il y traite
principalement des questions d’ordre, de légalité, de justice, de police notamment au regard des
problèmes théoriques et pratiques rencontrés par la Confédération nationale du travail ; par exemple
le chapitre V s’intitule : « Construire une justice républicaine contre le désordre révolutionnaire »
(Paris, Odile Jacob, « Histoire », 2004, 460 pages). Dans ses ouvrages, on sera étonné de l’efficacité
des anarchistes à reconstituer une police dans toutes ses missions y compris le renseignement.
[
contrôle… ne furent pas toujours à la hauteur de leur mission et la justice populaire se réduisit
parfois au lynchage.
[
l’idéologie.
[
(1970), Paris, Éditions du Seuil, « Points essais », n° 244, 2009, 216 pages. Voir particulièrement
son introduction et la préface de Philippe Braud qui actualise le concept d’État ou, plus exactement,
la manière de l’aborder.
1] On dit aussi en droit : la sûreté et, avec des nuances, dans le langage courant : la tranquillité.2] Guillaume Goutte, « L’ordre sans l’État. Déviance, conflits et justice en société anarchiste », Le3] Rappelons la ravageuse formule d’Élisée Reclus : « L’anarchie c’est l’ordre ».4] Toujours instructif, de Maxime Leroy, La Coutume ouvrière. Syndicats, bourses du travail,5] Cette procédure a été développée par un décret du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable6] Article précité note (2), page 13.7] Par juge nous entendons aussi bien le citoyen délégué à cette fonction, que les bureaux,8] La compétence d’attribution tient à la nature de l’affaire. Un même juge ne peut intervenir dans9] La procédure a été étendue aux tribunaux correctionnels par la loi n° 2011-939 du 10 août 201110] Bertold Brecht, Éloge du communisme, poésie, 1932 (entre autres sites mais dans unewww.initiative-communiste.fr...).11] « Bref été de l’anarchie » par référence au livre de Hans Magnus Enzensberger, Le Bref été de12] « Bref été de l’anarchie » par référence au livre de Hans Magnus Enzensberger, Le Bref été de13] Par le passé, les polices révolutionnaires, rebaptisées milices, milices ouvrières, patrouilles de14] L’élément juridico-politique de la superstructure diront les marxistes. L’autre élément étant15] Pour une première approche de l’État, sa théorie et sa critique, lire Georges Burdeau, L’État

La révolution ici et maintenant

Maintien de l’ordre en anarchie

21 février 2012
par Pierre Bance
Réflexions

Droit, justice et police libertaires

Comment gérer les déviances et résoudre les conflits dans une société sans État ? Un débat esquivé
et qui, faute d’apporter des réponses concrètes à des problèmes inévitables, favorise
l’incompréhension, voire décrédibilise l’idée anarchiste. Causerait sa perte si, par un événement
toujours possible, surgissait l’espoir d’un autre futur.
Ainsi faudrait-il qu’en société communiste, il y ait un droit, s’indigne le naïf. Un droit mais aussi
une justice et une police pour le faire appliquer.
Un commentaire de Pierre Bance.
Dans la société communiste sont garanties : la liberté, l’égalité, la sécurité [
anarchistes de croire que liberté, égalité, sécurité seront naturellement assurées par l’abolition de
l’État. Ce fut le tort des marxistes d’avoir cru que l’État dépérissant sous la dictature du prolétariat
en serait le protecteur. Dans les deux camps beaucoup en sont revenus. Davantage chez les
marxistes après la dérive puis la déroute des États dit communistes que chez les de libertaires
malgré les enseignements de la guerre civile espagnole. Dans les deux camps certains renversent
l’argument. C’est parce que la révolution a été dévoyée par la bureaucratie que l’État n’a pas
dépéri ; c’est parce que la révolution n’a pas été accomplie quand elle pouvait l’être que les
anarchistes se sont trouvés embringués dans l’appareil d’État. Pourquoi la révolution n’a pas
aboutie ? C’est une autre histoire.
Le mérite de Guillaume Goutte est de rouvrir le débat dans Le Monde libertaire. Il fustige ceux qui
refusent « de concevoir la société révolutionnaire comme une société humaine, au profit d’un
monde utopique – au vrai sens du terme – où il n’y aurait plus ni déviance ni conflits, ou les
hommes vivraient dans une fraternité telle qu’elle annulerait toutes les humeurs et les pathologies
mentales, celles-là mêmes qui peuvent être à l’origine de transgressions sociales ». Il avance l’idée
que plus de sécurité n’implique pas moins de liberté, ce que serine tout État, et « qu’il est possible,
si l’on s’en donne les moyens, de construire une société dans laquelle la liberté n’est pas l’ennemi
de la sécurité mais son principal garant » [

Du droit anarchiste

C’est plutôt l’ordre qui garantit la liberté et la sécurité, sans oublier l’égalité [
par la justice dont le rôle est de résoudre pacifiquement les conflits en appliquant un droit ; pour les
cas où la justice ne pourrait y pouvoir immédiatement, par la police, de préférence par la dissuasion,
à défaut par la force, en respectant le droit. Une société qu’on appelle communiste ou anarchiste,
échappe-t-elle à ce schéma ? Si l’on imagine, les formes de conflits ou de déviances susceptibles de
s’y manifester, on retrouve un ordonnancement classique de la conflictualité juridique avec :

collectifs de la société fédérale se font jour entre communes, entre syndicats, entre commune
et syndicat, etc. ;

4 commentaires:

  1. La Fédération anarchiste
    La Fédération anarchiste est un groupement de
    militants politiques organisé sur le principe du libre
    fédéralisme (c’est-à-dire la libre association)
    garantissant aux groupes et aux individus qui la
    composent la plus grande autonomie afin de
    permettre le pluralisme des idées et des actions, dans
    le cadre d’un pacte associatif que nous appelons nos
    « principes de base » (disponibles sur demande).
    C’est notre outil de lutte qui doit être fonctionnel et
    rationnel. Nous rejetons en effet tout fétichisme
    d’organisation. Pas de hiérarchie, donc pas de chefs
    chez nous! C’est à tous les militants et militantes qu’il
    appartient de faire progresser leur organisation. Nous
    ne reconnaissons pas la division dirigeants/exécutants,
    la participation effective des militants et militantes
    aux structures collectives de l’organisation est un
    principe d’éthique et de solidarité. Ces structures
    fédérales sont: le Monde libertaire hebdomadaire, Radio
    libertaire, hier parisienne, aujourd’hui planétaire, et
    la librairie du Monde libertaire, à Paris également.
    En dehors de ces oeuvres fédérales, les groupes ont
    aussi des locaux, souvent des librairies, éditent des
    revues, menant ainsi leur propre activité au niveau
    local.

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  2. Les buts de la FA :
    Nous sommes pour une révolution radicale et globale,
    à la fois économique, sociale et politique; pour
    détruire la société fondée sur la propriété privée ou
    étatique des moyens de production et de
    consommation; pour la suppression de toutes les
    formes d’exploitation, de hiérarchie, d’autorité. Cette
    phase de destruction est nécessaire et c’est sans doute
    pour cela que certains ne voient ou ne veulent voir
    les anarchistes que comme des partisans fanatiques
    du désordre. Qu’ils regardent autour d’eux et qu’ils
    nous expliquent comment faire pire!
    Les anarchistes sont, au contraire, partisans d’une
    société organisée d’une manière beaucoup plus
    rationnelle et logique que la jungle capitaliste ou les
    dictatures marxistes-léninistes. Il s’agit, dans le cadre
    d’une société libertaire, non pas de gouverner les
    hommes mais d’administrer les choses au profit de
    la collectivité tout entière. Nous voulons construire
    une société libre sans classes ni État, sans patrie ni
    frontières, avec comme objectifs: l’émancipation des
    individus; l’égalité sociale, économique et politique;
    la liberté de création; la justice; l’éducation libertaire
    et permanente; l’organisation sociale sur les bases de
    la libre fédération des producteurs et des
    consommateurs (autogestion); la démocratie directe;
    une économie tournée vers la satisfaction des besoins;
    l’abolition du salariat; l’écologie; la libre union des
    individus ou des populations; la liberté d’expression;
    la libre circulation des individus. Voilà en quelques
    lignes un aperçu de ce que veulent construire les
    militants et militantes de la Fédération anarchiste.
    Rendre possible l’édification d’un ordre social fondé
    sur l’entraide, la solidarité, sur le respect absolu de
    l’intégrité physique et morale de l’individu, voilà
    l’idéal qui nous anime et que nous souhaitons partager
    avec le plus grand nombre pour un monde meilleur.

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  3. Déclaration des Anarchistes accusés devant le Tribunal correctionnel de Lyon.
    19 janvier 1883 (Procès des 66).

    Ce qu'est l'anarchie, ce que sont les anarchistes, nous allons le dire :
    Les anarchistes, Messieurs, sont des citoyens qui, dans un siècle où l'on prêche partout la liberté des opinions, ont cru de leur devoir de se recommander de la liberté illimitée.
    Oui, Messieurs, nous sommes, de par le monde, quelques milliers, quelques millions peut-être - car nous n'avons d'autre mérite que de dire tout haut ce que la foule pense tout bas- nous sommes quelques milliers de travailleurs qui revendiquons la liberté absolue, rien que la liberté, toute la liberté !
    Nous voulons la liberté, c'est-à-dire que nous réclamons pour tout être humain le droit et le moyen de faire tout ce qui lui plaît, et ne faire que ce qui lui plaît ; de satisfaire intégralement tous ses besoins, sans autre limite que les impossibilités naturelles et les besoins de ses voisins également respectables.
    Nous voulons la liberté, et nous croyons son existence incompatible avec l'existence d'un pouvoir quelconque, quelles que soient son origine et sa forme, qu'il soit élu ou imposé, monarchique ou républicain, qu'il s'inspire du droit divin ou du droit populaire, de la Sainte-Ampoule ou du suffrage universel.
    C'est que l'histoire est là pour nous apprendre que tous les gouvernements se ressemblent et se valent. Les meilleurs sont les pires. Plus de cynisme chez les uns, plus d'hypocrisie chez les autres !
    Au fond, toujours les mêmes procédés, toujours la même intolérance. Il n'est pas jusqu'aux libéraux en apparence qui n'aient en réserve, sous la poussière des arsenaux législatifs, quelque bonne petite loi sur l'Internationale, à l'usage des oppositions gênantes.
    Le mal, en d'autres termes, aux yeux des anarchistes, ne réside pas dans telle forme de gouvernement plutôt que dans telle autre. Il est dans l'idée gouvernementale elle-même; il est dans le principe d'autorité.
    La substitution, en un mot, dans les rapports humains, du libre contrat, perpétuellement révisable et résoluble, à la tutelle administrative et légale, à la discipline imposée; tel est notre idéal.
    Les anarchistes se proposent donc d'apprendre au peuple à se passer du gouvernement comme il commence à apprendre à se passer de Dieu.
    Il apprendra également à se passer de propriétaires. Le pire des tyrans, en effet, ce n'est pas celui qui nous embastille, c'est celui qui nous affame; ce n'est pas celui qui nous prend au collet, c'est celui qui nous prend au ventre.
    Pas de liberté sans égalité ! Pas de liberté dans une société où le capital est monopolisé entre les mains d'une minorité qui va se réduisant tous les jours et où rien n'est également réparti, pas même l'éducation publique, payée cependant des deniers de tous.
    Nous croyons nous, que le capital, patrimoine commun de l'humanité, puisqu'il est le fruit de la collaboration des générations passées et des générations contemporaines, doit être à la disposition de tous, de telle sorte que nul ne puisse en être exclu; que personne, en revanche, ne puisse accaparer une part au détriment du reste.
    Nous voulons, en un mot, l'égalité; l'égalité de fait, comme corollaire ou plutôt comme condition primordiale de la liberté. De chacun selon ses facultés, à chacun selon ses besoins ; voilà ce que nous voulons sincèrement, énergiquement; voilà ce qui sera, car il n'est point de prescription qui puisse prévaloir contre les revendications à la fois légitimes et nécessaires. Voilà pourquoi l'on veut nous vouer à toutes les flétrissures.
    Scélérats que nous sommes ! Nous réclamons le pain pour tous, le travail pour tous; pour tous aussi l'indépendance et la justice.

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  4. ANARCHISME

    par Pierre Kropotkine (en 1911), pour "l'Encyclopoedia britannica"
    ANARCHISME, nom donné à un principe ou une théorie de la vie et de la conduite selon lesquels la société est conçue sans gouvernement (du grec : sans autorité), - l'harmonie d'une telle société étant obtenue non par la soumission à la loi ou par l'obéissance à une quelconque autorité, mais par de libres accords conclus entre des groupes nombreux et variés, à base territoriale ou professionnelle, constitués librement pour les besoins de la production et de la consommation, aussi bien que pour satisfaire la variété infinie des besoins et des aspirations d'un être civilisé.Dans une société de ce type, les associations volontaires qui commencent à couvrir tous les champs de l'activité humaine prendraient une extension encore plus grande - pour en arriver à se substituer à l'Etat dans toutes ses fonctions.
    Elles représenteraient un réseau serré, composé d'une infinie variété de groupes et de fédérations de toutes tailles et degrés, locales, régionales, nationales et internationales - temporaires ou plus moins permanentes - pour tous les buts possibles: production, consommation et échange, communications, organisations sanitaires, éducation, protection mutuelle, défense du territoire, etc.; et, d'un autre côté, pour la satisfaction d'un nombre sans cesse croissant de besoins scientifiques, artistiques, littéraires et sociaux.
    En outre une telle société n'aurait rien d'immuable. Au contraire - comme on le voit bien dans la vie organique - l'harmonie résulterait de l'ajustement et du réajustement toujours modifié de l'équilibre entre la multitude de forces et d'influences, et cet ajustement serait plus facile à obtenir puisqu'aucune de ces forces ne jouirait d'une protection spéciale de la part de l'Etat.
    Si la société était organisée selon ces principes, l'homme ne serait pas limité dans le libre exercice de sa force de travail par un monopole capitaliste, maintenu par l'Etat; il ne serait pas non plus limité dans l'exercice de sa volonté par la crainte d'une punition, ou par l'obéissance à des entités individuelles ou métaphysiques, qui toutes deux mènent à la destruction de l'initiative et à la servilité de l'esprit. Il serait guidé dans ses actions par son propre jugement qui recevrait forcément l'influence d'action et de réaction libres entre lui-même et les conceptions étiques de son entourage.
    L'homme serait ainsi capable d'obtenir le développement complet de toutes ses facultés, intellectuelles, artistiques et morales, sans être entravé par le surcroît de travail que lui imposent les monopolistes capitalistes par la servilité d'esprit du grand nombre. Il pourrait ainsi atteindre sa totale individualisation, ce qui est impossible aussi bien dans le système moderne de l'individualisme que dans n'importe quel système de socialisme d'Etat ou soi-disant Volkstaat (Etat populaire).
    Les auteurs anarchistes considèrent, en outre, que leur conception n'est par une utopie construite sur une méthode a priori après avoir pris quelques désirs comme postulats. Ils maintiennent qu'elle dérive d'une analyse de tendances déjà existantes, même si le socialisme d'Etat trouve temporairement faveur auprès des réformistes. Le progrès des techniques modernes, qui simplifie considérablement la production de tous les biens nécessaires à la vie; l'esprit grandissant d'indépendance; et la progression rapide de la libre initiative et du libre jugement dans toutes les branches de l'activité - y compris celles qui étaient autrefois considérées comme étant du domaine propre de l'Eglise et de l'Etat - renforcent fortement la tendance de suppression des "gouvernements".

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