lundi 12 août 2013

un évêque arrêté dans l'affaire de la banque du Vatican

un évêque arrêté dans l'affaire de la banque du Vatican

L'Express avec APF 28/06/2013
> Trois hommes, dont l'évêque de Salerne et le vice-président de la banque du Vatican, ont été arrêtés dans une enquête de la justice italienne pour blanchiment d'argent.


Les cardinaux au Vatican, le 19 mars 2013. AFP / ALBERTO PIZZOLI
> Un évêque, un membre des services secrets italiens et un intermédiaire financier ont été arrêtés vendredi dans le cadre d'une enquête de la justice italienne sur l'Institut des oeuvres de religion (IOR), la banque du Vatican, ont annoncé les médias. Selon le site du Corriere della Sera, le prélat arrêté est Mgr Nunzio Scarano, évêque de Salerne, dans le sud de l'Italie. La télévision Sky TG-24 indique que les trois hommes sont soupçonnés de fraude et corruption.
> L'arrestation des trois hommes a été faite dans le cadre d'une vaste enquête lancée par la justice italienne en septembre 2010 qui visait le président de l'IOR Ettore Gotti Tedeschi et le directeur général Paolo Cipriani de l'époque pour violation de la législation contre le blanchiment d'argent. Des dizaines de millions d'euros avaient été bloqués dans le cadre de cette enquête qui avait conduit, entre autre, au limogeage de la direction du IOR.

Scandales à répétition

> Au fil des ans, des scandales retentissants ont entaché la réputation de l'IOR, des milieux criminels ayant profité de l'anonymat ou de prête-noms pour y blanchir leurs fonds. Le plus important avait été en 1982 la faillite du Banco Ambrosiano, un scandale bancaire qui mêlait CIA et loge maçonnique. L'affaire Enimont (1993) de pots-de-vins à des partis politiques italiens a aussi éclaboussé l'IOR et plus récemment, le tribunal de Rome a détecté des cas de blanchiment d'argent mafieux à travers les arcanes de la banque.
> Le Suisse René Brülhart, conseiller de l'Autorité d'information financière (AIF) qui supervise l'IOR, a indiqué que six transactions suspectes avaient été signalées en 2012. Ces dernières années, le Vatican a renforcé à plusieurs reprises les mécanismes de contrôle du IOR et le dernier en date a été créé il y a deux jours par le pape François sous la forme d'une commission spéciale ne répondant qu'à lui, pour contrôler les activités du IOR.

Voile à l'université : encore un sondage très ambigu



Voile à l'université : encore un sondage très ambigu
09 août 2013 | Par
Michaël Hajdenberg (Médiapart)
Selon un sondage IFOP placé en Une du
Figaro, 78 % des Français seraient opposés au port du voile à l'université.
Valls embraye. Les médias entretiennent le débat sur une possible interdiction. Mais une fois de plus, la
construction du questionnaire explique en partie le résultat. Décryptage.
Attention, prévient l’IFOP dans la note méthodologique de
son sondage du jour. Au vu du nombre de personnes
interrogées, il y a une marge d’erreur dans les résultats de son enquête, qu’elle évalue, selon des critères
scientifiques, à 2,5 points.
Si ça se peut, nous dit en substance l’institut de sondage, ce ne sont pas 78 % des Français qui sont opposés au port
du voile à l’université, comme le titre
Le Figaro. Mais 75,5 % ou 80,5 %.
À y regarder de plus près, et comme toujours avec les sondages (voir
notre dossier à ce sujet), il se pourrait
cependant que la marge d’erreur soit beaucoup plus importante. Ou plus exactement qu’on fasse dire aux
« Français » quelque chose qui ne reflète pas précisément leur pensée.
En début de semaine déjà, le débat sur ce thème était parti d’un rapport du Haut conseil à l'intégration dont le
contenu avait été préalablement enterré... (
lire notre article à ce sujet). Cette fois, grâce à un chiffre choc, Le Figaro
maintient dans l’agenda public une question qui, a priori, ne génère pas nécessairement d’insomnies parmi la
population, ni même parmi le lectorat du journal.
Sollicité par le quotidien en réaction, le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, estime que la récente proposition du
Haut conseil à l’intégration d’interdire le voile à l’université est
« digne d’intérêt ». S’il pensait le contraire,
oserait-il dire à 80 % de la population qu’elle s’intéresse à des sujets sans intérêt ?
Manuel Valls devrait pourtant prendre cette étude avec prudence. Car, grand classique du sondage, la question dicte
en partie les réponses. L'interrogation posée n’est pas :
– Personnellement, êtes-vous favorable, opposé ou sans opinion sur la nécessité de faire une loi qui interdirait le
port du voile ou du foulard islamique à l’université ?
Mais :
– Personnellement êtes-vous favorable, opposé ou indifférent au port du voile ou du foulard islamique dans les
salles de cours des universités ?
La différence est de taille. Qui est favorable au port du voile dans l’absolu ou à l’université ? La question n’a pas
plus de sens que de dire : Êtes-vous favorable au port du crucifix à l’université ou dans la rue ?
À l’évidence, selon qu’on demande « Êtes-vous pour le fait de fumer dans la rue ? » ou « Êtes-vous pour interdire
la possibilité de fumer dans la rue ? », les réponses seront différentes.
En clair, on peut être contre le port du voile dans l’absolu (et pour des raisons diverses) mais contre le fait de
l’interdire. Or plusieurs médias font le raccourci :
Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion publique à l’IFOP, convient, lui, qu’il existe une différence
entre les deux types de questions :
« Ce n’est pas un sondage sur une possible interdiction. Mais on mesure le fait
qu’il y a une forte opposition à cette pratique. Le résultat serait probablement différent si la question portait sur
une éventuelle interdiction. Mais nous avons repris les termes des questions posées sur le voile par l’IFOP depuis
le début des années 1990 pour pouvoir comparer avec le port du voile dans la rue ou à l’école. Cependant, au vu
des résultats, je pense qu’on aurait une large majorité, y compris à gauche, pour l’interdiction. »
Peut-être. Mais comment savoir ? Selon le sondage, seuls 4 % des Français sont « favorables » au voile à
l'université. Rappelons que les musulmans
représentent environ 7,5 % de la population française.
De façon générale, parmi les 956 Français qui répondent, combien savent qu’à l’heure actuelle, ce port est
autorisé ? Et combien savent exactement de quoi on parle ? Dans les termes de la question, il est précisé port du
« voile »
ou du « foulard islamique ». Comme s’il s’agissait de deux choses différentes. Interrogé à ce sujet, Jérôme
Fourquet répond de nouveau que la terminologie historique de l'institut a été reprise. Semblant hésiter, il explique :
« Pour moi, voile et foulard islamique, oui, c’est pareil. Et je pense que pour les personnes interrogées aussi. On
donne les deux formulations, je pense, pour permettre la compréhension la plus répandue. »
Même si Jérôme Fourquet pense que les résultats seraient les mêmes, il serait intéressant de comparer les scores en
enlevant le mot « islamique ». De faire le test avec juste le mot « foulard ». Ou seulement le « voile ». Car en
présentant ces deux éléments, combien de sondés imaginent – à tort – qu’on leur parle de la burqa, ce voile intégral
qui ne laisse voir que les yeux et qui est déjà interdit dans l’espace public ?
La question se pose d’autant plus quand on entre dans les détails du sondage pour savoir qui est favorable ou non
au port du voile. Déjà, on découvre qu'ils sont... 0 % parmi les électeurs de Nicolas Sarkozy lors de la dernière
présidentielle à se dire « favorables » au port du voile à l’université… Étonnante unanimité.
Mais la surprise est encore plus grande à gauche : à en croire l’étude, seuls 8 % des électeurs de François Hollande
lors de la dernière présidentielle seraient « favorables » au port du voile à l’université. 5 % des électeurs de Jean-
Luc Mélenchon. 3 % des électeurs de François Bayrou. Tous les autres seraient défavorables (ou indifférents) à
cette pratique qui n’a jamais posé de problème majeur si l'on en croit la ministre de l'enseignement
supérieur
Geneviève Fioraso ou les présidents d'université.
Voilà qui ne surprend pourtant pas outre mesure Jérôme Fourquet.
« Regardez comment Valls a réagi au quart de
tour, et la façon dont il a été acclamé l’an passé à La Rochelle. L’opinion publique, notamment à gauche, s’est
considérablement durcie sur ces questions au cours des dernières années. »
De là à en faire un enjeu majeur ?
« Je ne dis pas que les électeurs de gauche sont taraudés par cette question tous
les matins. Ce n’est pas forcément leur priorité »
, explique Jérôme Fourquet. Sauf qu’une fois de plus, le sondagesuscite l’opinion. Et permet de faire de gros titres.

mardi 6 août 2013

Un « président normal » pour une France normalisée

L’an 2011 avait été celui du Printemps arabe, du mouvement des Indignés en Espagne et de Occupy Wall Street aux États-Unis. Tandis que peuple grec continuait d’exprimer sur la place Syntagma à Athènes son rejet des diktats imposés par la « troïka » capitaliste, des foules de gens en colère étaient descendus dans la rue, non pour « faire la révolution », comme il fut parfois imprudemment dit, mais au moins soit pour en finir avec une dictature policière et la corruption des dirigeants, soit pour protester contre les politiques d’austérité inspirées par banquiers et menées par les partis politiques à leur solde, soit encore pour fustiger globalement « la finance » dont les agissements spéculatifs venaient de jeter à la rue des milliers d’habitants.

Or, rien de tout cela dans une France assoupie après la défaite cuisante du mouvement social contre la réforme des retraites. Le seul mouvement de masse au cours de cette même année avait été, le 25 juin, la « marche citoyenne des fiertés » rassemblant dans la capitale des milliers de « bobos » soucieux de manifester, non pas leur rejet d’un gouvernement qui continuait à mener tambour battant sa politique de démantèlement des conquêtes sociales, mais leur « différence » en matière de sexualité. Au-dessus du trio Bertrand Delanoë-Eva Joly-Arielle Dombasle qui plastronnaient en tête, en tant que parrains de cette mascarade, flottait une bannière avec ce slogan « En 2011, je marche. En 2012, je vote ».
Et ils ont voté. Pour qui ? Dans leur immense majorité, pour celui qui allait se présenter à leurs yeux comme un président « normal », par contraste avec son prédécesseur qui concentrait sur lui toute leur détestation, l’hyper-réactif et hyper-réactionnaire Nicolas Sarkozy.

On ne reviendra que pour mémoire sur le discours de campagne de Hollande au Bourget où celui-ci, pour galvaniser ses supporters, avait déclaré, lui aussi, la guerre à « la finance », cet « adversaire » qui n’avait « ni nom ni parti ». Pour peu que l’on se tienne informé par d’autres canaux que les médias dominants, on savait pourtant que cet adversaire supposé avait plusieurs visages, ceux, entre autres, des banquiers et des entrepreneurs du Cac 40, ainsi que des économistes néo-libéraux qui les conseillaient. Bien plus, on savait aussi que, après avoir constitué une partie de l’entourage du président précédent, ils s’apprêtaient à faire de même avec son successeur. Sauf à croire qu’en changeant de lunettes pour ajouter une touche de sérieux à son look de présidentiable, Hollande aurait souffert d’une perte d’acuité visuelle, il était évident pour lui que ces soi-disant ennemis étaient non seulement connus mais aussi de ses amis, et qu’il pouvait compter sur eux comme eux pouvaient compter sur lui.

Inutile donc de s’étendre longuement sur la politique qui s’ensuivit et qui consista à faire avaler au « peuple de gauche », comme on disait au temps où la gauche politique existait encore en France, ce que la droite, même « décomplexée », n’osait pas lui imposer. Le résultat est là : signature du Pacte européen avec un additif dérisoire sur la « croissance », cure d’austérité renforcée, compression des dépenses sociales, hausse des impôts, flexibilité accrue du marché du travail… Accentuation de l’orientation sécuritaire en matière de maintien de l’ordre. Alignement en politique étrangère sur la « lutte contre le terrorisme » menée conjointement par les Etats-Unis et l’État sioniste, avec comme prochaines cibles les régimes syriens et iraniens. Et pour couronner, provisoirement, le tout, une coûteuse expédition néocoloniale au Mali sous un prétexte humanitaire pour permettre aux firmes françaises de continuer à piller et dévaster la Françafrique, tout en offrant à Lagardère et autres marchands de mort des débouchés lucratifs, alors que la population française était sommée de se serrer davantage la ceinture pour rétablir l’équilibre des comptes publics…
Bref, ce que l’on appelait la « deuxième gauche » vers la fin des années 1970, devenue hégémonique au cours de la calamiteuse décennie Mitterrand suivie des piteuses années Jospin, a franchi, une fois de retour au pouvoir, un pas supplémentaire et décisif dans la droitisation au point que seule l’étiquette politicienne « de gauche » qui lui reste accolée pour entretenir la fiction d’un « pluralisme démocratique » peut la distinguer maintenant de la droite traditionnelle.

*

Amalgame simpliste et réducteur, rétorquerons ses intellectuels organiques qui tiennent tribune dans Libération, au Monde, au Nouvel Observateur, à Philo-Magazine, qui pontifient sur France Culture et pavoisent sur Arte : vous oubliez l’essentiel, à savoir la loi pour le mariage pour tous. N’a t-on pas vu descendre dans la rue des dizaines de milliers de manifestant-es à deux reprises, une fois pour la réclamer puis pour la soutenir ?
Effectivement, tandis que les troupes françaises débarquaient au Mali sans que les Français aient été même prévenus, ni les parlementaires consultés, à l’appel d’une marionnette mise en place par l’ancienne puissance coloniale pour donner un semblant de consistance à un régime fantoche déliquescent garant des intérêts capitalistes français dans la région, une marée humaine envahissait joyeusement les boulevards parisiens pour célébrer l’avènement promis du « mariage pour tous ». Et, pour les plus excité-es, réclamer en prime la procréation assistée pour les couples homosexuels. Tout cela, dans une période où s’intensifiait la régression sociale orchestrée par un social-libéralisme de moins en moins social et de plus en plus libéral. « Nous voulons nous marier et avoir des enfants comme tout le monde ! », piaillait la foule des LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) et leurs partisan-es en liesse. On a vu des aspirations plus progressistes ! Mais ces « avancées sociétales », comme disent les sociologues d’accompagnement, qui ne coûtent pas un euro aux possédants ont l’avantage de rapporter gros à leurs servants politiques socialo-écolos en termes de retombées électorales. L’émancipation collective qui mobilisait jadis le « peuple de gauche » est, comme chacun sait, une revendication dépassée aux yeux de cette « classe créative » qui forme le gros du troupeau qui a porté Hollande à l’Élysée. Seule compte pour elle l’épanouissement individuel que l’on pourrait baptiser « égologie », c’est-à-dire culte du Moi avec un grand M, comme médiocrité si l’on confronte les aspirations étroitement individualistes qu’il recouvre aux idéaux communistes généreux de feu le mouvement ouvrier. Ce n’est même plus la social-démocratie, mais la sociale-médiocratie.

*

Peu après la victoire électorale de Sarko contre Ségolène lors de la présidentielle de 2007, Alain Badiou, qui n’en est plus à une bévue près, pronostiquait, « la mort de l’intellectuel de gauche, qui, se félicitait-il, allait sombrer en même temps que la gauche tout entière, avant de renaître de ses cendres comme le phénix ! » Une renaissance qui, selon lui, ne pouvait s’effectuer « que selon le partage : ou radicalisme politique de type nouveau, ou ralliement réactionnaire. Pas de milieu. [1] » En fait, ladite gauche, à défaut de sombrer, s’était déjà, dès le début des années 1980, métamorphosée en une deuxième droite, mutation symbolisée par le « tournant de la rigueur ». Un tournant que personne parmi l’intelligentisa « marxiste » n’avait pas vu venir, alors qu’il avait été activement préparé durant la décennie précédente avec l’aide de son homologue « réformiste », notables rocardiens et sociologues tourainiens en tête, ralliée depuis longtemps à l’ordre capitaliste. « Pas de milieu » ? N’en déplaise à Badiou, la soi-disant gauche revenue au pouvoir en 2012 renoue, dans ses pratiques comme dans ses discours, avec la tradition d’une certaine droite, celle précisément « du juste milieu ».

Mais nous ne sommes plus au XIXe siècle et dans la première moitié début du XXe, quand la bourgeoisie, pour assurer son hégémonie face à la menace des assauts prolétariens, devait satisfaire, au moins en partie, les intérêts de l’ancienne petite bourgeoisie (petits paysans, artisans, commerçants, professions libérales traditionnelles). Legs d’un stade antérieur du capitalisme, à savoir la petite production marchande, cette petite bourgeoisie, foncièrement traditionnaliste, fonctionnait comme classe-appui conservatrice au service de la grande. Par la suite, la modernisation du système capitaliste est allée de pair avec l’essor d’une nouvelle classe intermédiaire, diplômée et salariée, préposée d’une manière ou d’une autre, directement ou non, à l’encadrement des classes populaires (ingénieurs, cadres, techniciens, enseignants, chercheurs, créateurs et « créatifs » en tout genre), soit, plus précisément, aux tâches de médiation (conception, organisation contrôle, inculcation) garantissant la reproduction des rapports de domination entre dirigeants (privés ou étatiques) et exécutants (ouvriers et employés). Cependant, alors que l’importance de cette classe médiane et médiatrice qui fait fructifier son capital intellectuel (scolaire et culturel) en faisant le lien entre bourgeoisie et prolétariat sous le signe de l’« innovation » était allé croissante sur les plans démogaphiques, économiques, politiques et idéologiques, l’existence et la fonction historique de ce « troisième larron de l’Histoire » semblaient et semblent toujours avoir échappé au regard perçant des « intellectuels critiques » issus de ses rangs.

Sans doute eût-il fallu, pour qu’il en fût autrement, que les experts ès luttes de classes qui avaient proliféré dans les appareils universitaires après Mai 68, à la faveur de la mise en place de la « nouvelle société » puis du « libéralisme avancé », daignent appliquer à la leur, la petite bourgeoisie intellectuelle (PBI), les outils d’analyse dont ils faisaient par ailleurs amplement usage pour interpréter les transformations en cours du reste de la société. Mais cela, il est vrai, eût été et reste en grande de partie pour elle suicidaire. Avant d’être intronisé « nouveau philosophe » André Glucksmann avait dévoilé dans un article au vitriole qu’il devait renier par la suite, la raison de l’incapacité de la PBI, marxiste ou non, à rendre compte de sa propre raison d’être et de ce qui en découlait quant à son rôle historique. Comparant l’irrésistible ascension, sous le signe de la « contestation », de ce qu’on appelait encore alors les « nouvelles couches moyennes » au cours des sixties en France, à celle de la bourgeoisie humaniste et progessiste de l’ère de Lumières, Glucksmann affirmait que « le propre d’une classe montante, c’est de s’avancer masquée ». Y compris, très souvent à ses propres yeux.
Comme la bourgeoisie plus de deux siècles auparavant, c’est au nom du peuple, en effet, que la PBI fera valoir ses aspirations à postuler au statut de classe dirigeante en lieu et place de la précédente. Mais alors que la première, sitôt affermi son pouvoir, s’était empressée de troquer le concept conflictuel de « peuple » pour celui, plus consensuel, de « Nation », quand ce n’est pas d’« Humanité » prise dans son ensemble, les élites néo-petites bourgeoises, qu’avait radicalisées leur frustration d’être tenus écartées de la direction politique de la société, vont livrer bataille contre la bourgeoisie au nom du prolétariat ou de la classe ouvrière voire, tiers-mondisme aidant, des « damnés de la terre ». D’où le rappel à l’ordre de Glucksmann, maoïste à l’époque, dans l’article cité dont l’intitulé résume le propos : « Nous ne sommes pas tous des prolétaires » [2].
Aujourd’hui, bien sûr, l’accession de la PBI, via ses politiciens roses-verts, au statut de classe régnante à défaut d’être réellement dirigeante, ce qui aurait supposé qu’elle soit parvenue à l’emporter sur la classe bourgeoise désormais transnationalisée alors qu’elle lui est totalement inféodée, la dispense désormais de se présenter comme la porte-parole des dominés. « Agent dominé de la domination », comme Pierre Bourdieu avait défini ce qu’il appelait la « nouvelle petite bourgeoisie », on comprend que le concept de « domination » soit lui-même considéré par ses penseurs attitrés et titrés comme relevant d’une « langue de bois surannée », au même titre, évidemment, que celui d’« exploitation ». Celui de « classe » a même lui aussi quasiment disparu du vocabulaire autorisé dans les sciences sociales, ne subsistant plus que pour noyer l’identité et la spécificité de la PBI dans ce magma inclassable dénommé « classes moyennes », ou au contraire, pour la valoriser sur le mode de l’autocélébration sous l’appellation scientifiquement incontrôlée mais médiaquement certifiée de « classe créative ».

*

Peut être pourra t-on objecter qu’à côté du « ralliement réactionnaire » dans lequel persiste effectivement une grande partie de l’intelligentsia française depuis le milieu des années 1970 et surtout 1980, confirmant le jugements abrupte mais fondé de l’historien marxiste Perry Anderson selon qui « Paris est aujourd’hui la capitale de la réaction intellectuelle en Europe » [3], une minorité, mettant à profit la « faillite du modèle néo-libéral », opte à l’inverse, surtout depuis le début du siècle, pour le « radicalisme politique d’un type nouveau » prôné par Alain Badiou. Encore conviendrait-il, toutefois, s’entendre sur ce que désigne cette formulation.
Sans aborder ici la question de son contenu théorique, ce qui exigerait au moins un ouvrage entier qui ne ferait que s’ajouter aux piles de ceux déjà publiés depuis une bonne dizaine d’années, on peut noter que ce radicalisme politique n’est guère « nouveau » dans la manière dont il s’exprime, dans la mesure où il renoue avec une vieille pratique qui remonte à la fin du XIXe siècle : le « socialisme de la chaire ». Certes, à différence de ce dernier, professé par d’honorables universitaires, économistes ou sociologues pour la plupart, férus de « réformisme » et intégrés à ce titre dans les instances dirigeantes des partis sociaux-démocrates, le radicalisme en vogue aujourd’hui chez certains jeunes philosophes, historiens et géographes français est le fait de diplômés non encartés qui se veulent résolument anticapitalistes. Une résolution qui, cependant, ne les pousse jamais à se poser les problèmes concrets d’organisation et de stratégie, et encore moins à essayer de passer de la théorie à la pratique. Si pratique il y a pour ces marxistes académiques, elle ne peut-être autre que… théorique, selon un précepte préconisé et mis en œuvre par Louis Althusser, révolutionnaire de salles de cours qui reste une référence pour nombre d’entre eux. Pour le reste, ils se borneront à faire comme tout le monde ou presque : aller voter.

Sur le modèle éprouvé made in USA du « radicalisme de campus » où, dans des établissements d’enseignement supérieur huppés, des professeurs livrent à des étudiants des classes privilégiées soucieux de parfaire leur culture générale de savantes théorisations critiques sur les diverses facettes du monde capitaliste sans que le règne de la bourgeoisie en soit le moins du monde perturbé, c’est dans l’ambiance feutrée des séminaires universitaires ou le cadre solennel des amphithéâtres de la Sorbonne ou d’ailleurs, quand ce n’est pas celui, plus intime, des libraires ou les cafés « bobos », que les marxistes de la chaire hexagonaux dissertent jusqu’à plus soif des moyens de mettre Marx « en phase avec le XXIe siècle ». Ainsi est-ce à qui excellera le plus dans l’art de « prolonger », « actualiser » et « compléter » sa pensée, les derniers dans cet exercice n’étant pas les vieux marxistes d’appareil, revenus de leurs errements staliniens, trotskistes ou maoïstes, qui, après avoir falsifié, édulcoré et censuré cette pensée pendant des décennies, prétendent, au soir leur vie, la restituer dans son intégralité et son intégrité. Ce qui les amène la plupart du temps à découvrir la lune, encore partiellement cachée toutefois, puisque leurs redécouvertes consistent à piocher à leur convenance, sans toujours citer les auteurs, dans les écrits de Anton Ciliga, Karl Korsch, Otto Rühle, Paulo Mattick, Anton Pannekeok et autres communistes dissidents du début du siècle dernier, ou encore dans la collection, plus récente, des revues Arguments et Socialisme ou barbarie. Si nouveauté il y a, en fin de compte, elle est avant tout d’ordre générationnel puisque c’est au sein d’une nouvelle vague de néo-petits bourgeois que le « retour de Marx » commence à prendre racine.
Ce retour a donné lieu à une multitude de « dossiers » et de « numéros spéciaux », y compris dans la presse de marché, comme si les journaleux qui y officient et les patrons qui les contrôlent savaient à quoi s’en tenir sur sa portée subversive. Dans le lot de ces publications où Marx est encensé au lieu d’être voué aux gémonies, comme cela est la règle d’ordinaire, il convient de retenir-un hors série du Monde, intitulé « Marx l’irréductible » [sic] paru en 2011, où, au milieu de quelques signatures habituelles et obligées, apparaît celle de quelqu’un que l’on n’aurait guère attendu en pareille compagnie, et qui n’est autre que François Hollande. À l’époque où il n’était encore que le Premier secrétaire du PS, il avait gratifié les lecteurs d’un hebdomadaire situé « à gauche de la gauche » officielle d’un commentaire gratiné sur le Manifeste communiste avec un titre qui ne l’était pas moins venant d’un apparatchik de la deuxième droite : « Un texte de combat, une invitation à la réflexion » [4]. Mais c’est en tant que candidat à l’élection présidentielle de 2012, que son commentaire fut jugé digne d’être exhumé et porté à la connaissance des lecteurs du supplément du Monde consacré Marx sous la rubrique « Comment lire le manifeste ? » Une lecture qui se réduit, dans le cas de Hollande, à une série de platitudes grotesques sur « la libération humaine qui est par essence une processus inachevé ». Il est vrai que si le ridicule tuait encore en France, ce pays ne serait plus qu’un vaste cimetière.
Mais il en faudrait plus pour dissuader notre gauche radicale autoproclamée de céder à sa pulsion électoraliste. Impossible de dresser la liste, car elle serait interminable, des foudres de guerre de classe sur le papier qui sont allé sagement déposer un bulletin dans l’urne non seulement, au premier tour de la présidentielle de 2012, en faveur d’un bouffon opportuniste et démagogue prônant une « insurrection citoyenne », qui lui aussi avait réussi à rassembler des foules d’adorateurs enthousiastes, mais encore au second tour, sur recommandation expresse de ce dernier, pour un énarque aussi solennel que falot, candidat surprise ayant remplacé au pied levé le préféré du PS (Parti Solférino) et des milieux d’affaires, écarté pour cause de lubricité non contrôlée et à qui sans nul doute, féministes mises à part, les radicaux de campus, mus par un antisarkozysme primaire, auraient également apporté leurs voix.

Autant dire, au vu de tout ce qui précède, que l’« exception française », non pas « culturelle » mais politique, que constituait un pays qui passait pour celui des insurrections populaires et des révolutions, avec des intellectuels activement engagés pour les faire aboutir, appartient pour le moment bel et bien au passé.
Voir le blog d’Agone http://blog.agone.org/

dimanche 4 août 2013

L'URANIUM APPAUVRI, Un tueur très présentable


Un documentaire de 52 min réalisé par François CHAYE et écrit par Jacques CHARMELOT
Une production Daniel Renouf; Sylvie Steinebach

Résumé

Les armes à l’uranium appauvri ont été la révélation des derniers conflits qui ont déstabilisé le monde : Irak, Bosnie, Afghanistan. Partout où ces armes ont été utilisées, elles ont fait la fierté des militaires. Elles sont technologiquement avancées, peu coûteuses, et terriblement efficaces. Cinq pays dans le monde en produisent, les Etats Unis, la France, la Grande Bretagne, la Russie et la Chine. Mais ces armes magiques laissent un lourd héritage : pollution de la terre et de l’eau, cancers de tous genres, malformations génétiques. Bien après que le calme soit revenu sur les champs de batailles, l’uranium appauvri tue encore, en masse, les civils que les guerres étaient censés libérés et sauver de la tyrannie.

Grand public, citoyens de la planète, populations bombardées : que savons-nous vraiment des conséquences de l'utilisation de l'uranium appauvri ? Discours alarmiste d'une minorité écolo ou réel danger qui nous menace tous ? L'avis des scientifiques internationaux est-il unanime sur cette question ?

Les lobbys nucléaire et militaro-industriel en minimisent et contestent les effets dévastateurs, ou bien les limitent aux zones de conflits. Face à eux, des scientifiques - parmi lesquels d'anciens responsables du Pentagone – affirment que les conséquences sanitaires et écologiques sont catastrophiques pour la santé des populations concernées et pour la planète toute entière. Ils assurent même que le risque d’une inexorable pollution de tout l'hémisphère nord par la dissémination de particules empoisonnées.

Première en France, System TV pour F5 a mené une enquête rigoureuse, polémique autant que nécessaire, sur l’Uranium appauvri et ses conséquences. Ce documentaire confronte  interviews sur le terrain et archives. François Chayé (réalisateur) et Jacques Charmelot (auteur) sont de ceux qui entendent utiliser micros et caméras pour interpeller la conscience individuelle et collective, témoigner de l'universel dans notre quotidien, en écoutant plusieurs sons de cloche.

Ensemble, ils ont suivi les différents protagonistes afin d‘apporter une meilleure compréhension de la situation et des enjeux liés à l'utilisation de l’UA. Résultat, un film qui pour ambition de permettre aux téléspectateurs de se forger leur propre opinion sur ce sujet.

L’auteur Jacques Charmelot :
Jacques est entré à l’Agence France Presse en 1980.
Pendant plus de 30 années, ses missions l’ont emmené des confins de l’Erythrée au désert de l’Arabie Saoudite, des plages de Mogadiscio au port d’Aden, ou de la mosquée des Omeyyades de Damas au Mur des Lamentations à Jérusalem;  Jusqu’au cœur de Manhattan, au lendemain du  11 septembre 2001;
En grand spécialiste du Moyen-Orient, il a croisé des personnages qui ont marqué
l’histoire, ou d’autres qui l’ont aidé à en être témoin. Il a vu le monde se déchirer, se battre, et des millions d’êtres humains mourir, de soif ou de faim dans le désert tchadien, d’exaltation et de patriotisme sur le front Iran-Irak, de convictions confessionnelles au Liban...

Le film « L’uranium appauvri, un tueur très présentable » est pour lui un autre volet de l’histoire du Moyen-Orient dans ce bouillonnement permanent où se mêlent religions, pétrole, armes, immenses richesses et terribles désespoirs.
Un film à ne pas manquer ! (Et oui, n’ayons pas peur des mots! ndlr !! )

Pour toutes informations et demandes de DVD :   Sophie Montani – sophie@systemtv.fr
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Vatican : l'IOR, banque de tous les scandales 


Depuis sa création, en 1942, l'IOR a été au coeur de scandales financiers. Mais le pape François a déclaré la guerre au "crottin du Diable".
Dominique Dunglas Le Point 29/06/2013

L'Institut pour les oeuvres de religion (IOR) est l'une des banques les plus secrètes au monde. Son unique siège, un sinistre donjon du XVe siècle, est situé dans la tour Nicolas V de la cité du Vatican. Son distributeur de billets parle la langue de Virgile : "Retrahe scidulam deposita" ("Merci de retirer votre carte de crédit"). Il ne délivre pas de carnets de chèques. Les dépôts ne laissent pas de traces et offrent des intérêts supérieurs à 5 % sans impôts. L'IOR peut faire voyager anonymement des capitaux aux quatre coins de la planète. En principe, seuls les membres du clergé ou les employés du Saint-Siège peuvent y ouvrir un compte. En principe, seulement...
"L'IOR voit le jour en 1942, alors que Pie XII redoutait la victoire des Alliés, explique Giancarlo Galli, historien de l'institut financier. Le pape a voulu doter l'Église d'un outil financier moderne avec un réseau international qui puisse survivre à l'arrivée des communistes en Italie. L'IOR est donc né dans une psychose paranoïaque, et avec l'obsession du secret." Un message reçu cinq sur cinq par Paul Casimir Marcinkus.
Un mètre quatre-vingt-dix, havane aux lèvres et whisky à portée de main, habile golfeur accompagné de jeunes secrétaires sexy, cet évêque américain est nommé patron de l'IOR en 1971 par Paul VI. Marcinkus rencontre alors le banquier sicilien, Michele Sindona. Ce dernier initie les cardinaux à l'ivresse des spéculations dans les paradis fiscaux. Jusqu'à ce que l'on découvre qu'il utilise la banque du Vatican pour recycler l'argent des revenus du trafic d'héroïne de Cosa Nostra. En 1984, Sindona est arrêté et condamné pour faillite frauduleuse et pour un assassinat. En 1986, il est empoisonné dans sa cellule par un café au cyanure...
"Perestroïka" de l'IOR
Mgr Marcinkus se trouve alors un autre mentor dans la personne de Roberto Calvi. Et le scénario se répète. Calvi n'est pas mafieux, mais appartient à la loge d'extrême droite P2. Dans son sillage, Marcinkus entre au conseil d'administration d'une banque de... Nassau. En 1982, la banque Ambrosiano de Roberto Calvi fait faillite. L'IOR débourse 240 millions de dollars en faveur des victimes de la faillite et Calvi est retrouvé pendu en 1982 à Londres.
La magistrature italienne lance un mandat d'arrêt contre Marcinkus, mais le Vatican refuse de l'extrader. Car Jean-Paul II est désormais sur le trône de Pierre et a besoin d'argent pour financer discrètement Solidarnosc en Pologne. Qui mieux que Marcinkus peut jongler avec les paradis fiscaux ?
Mgr Marcinkus est finalement exfiltré vers les États-Unis en 1989 et Angelo Caloia est nommé à la tête de l'IOR. Reconnu pour son honnêteté, il prône une "perestroïka" de l'IOR. Las ! En 1993, les magistrats découvrent que le pot-de-vin de 108 millions d'euros versé par Raul Gardini aux politiciens italiens pour prendre le contrôle de la société Enimont est passé par un compte de l'IOR. Un compte censé "venir en aide aux enfants déshérités"... En 2005, un groupe d'entrepreneurs venus de nulle part s'empare de deux banques italiennes. Les fonds illicites ont transité par deux comptes ouverts par l'IOR dans la banque suisse BSI. En 2006, le foot italien est déshonoré par un scandale des matchs truqués. Le coffre-fort de Luciano Moggi, le corrupteur des arbitres, se trouve dans la tour Nicolas V. Comme celui de la bande d'entrepreneurs arrêtés pour avoir détourné des fonds publics destinés aux catastrophes naturelles.
"À l'IOR, les soutanes ont toujours le dernier mot sur les costumes gris"
En 2009, Ettore Gotti Tedeschi remplace Caloia. Banquier de stature internationale, proche de l'Opus Dei, intime de Benoît XVI, il est, comme son prédécesseur, considéré incorruptible. Mais la banque de Dieu dévore un à un ses présidents. Le parquet de Catane révèle en 2010 que le mafieux sicilien Vincenzo Bonaccorsi a recyclé 300 000 euros à travers un compte de l'IOR ouvert par son neveu, Don Orazio. Gotti Tedeschi est à son tour mis en examen à la suite de deux virements d'un montant de 23 millions d'euros où n'apparaissent ni l'origine ni le bénéficiaire des opérations. Et le 24 mai, Gotti Tedeschi est limogé par son conseil d'administration. "J'ai demandé la liste des comptes des laïques. On a refusé de me la communiquer et la guerre a commencé", déclare Gotti Tedeschi aux magistrats. "À l'IOR, les soutanes ont toujours le dernier mot sur les costumes gris, affirme Giancarlo Galli. Les hommes d'Église servent le Christ, non César. Pour eux, le droit canon passe avant le droit de la communauté internationale."
Le 15 février dernier, alors qu'il a déjà annoncé sa démission, Benoît XVI nomme à la tête de l'IOR le banquier allemand Ernst von Freyberg. Ce dernier geste du pontificat, imposé à un Joseph Ratzinger déclinant, est une tentative de la Curie de placer un de ses hommes avant l'arrivée d'un nouveau pape.
Mais avec pape François, la musique change. En affirmant que "Pierre n'avait pas de compte en banque", le souverain pontife met en question l'existence même de l'IOR. Au cours des 100 premiers jours de son pontificat, il ne trouve pas le temps de recevoir von Freyberg. Désaveux de l'homme qui, à tort ou à raison, symbolise la vieille garde. Et ce n'est qu'un début. Le 14 juin dernier, le "Gentilhomme de Sa Sainteté" Francesco La Motta est arrêté pour un détournement de 10 millions d'euros. Le pape profite de l'occasion pour supprimer l'ordre millénaire des Gentilshommes de Sa Sainteté qui conférait à des laïques malhonnêtes le privilège d'ouvrir des comptes à l'IOR.
Deux jours plus tard, il désigne monseigneur Ricca, un de ses plus proches collaborateurs, "prélat de l'IOR". Enfin, le 26 juin, par un chirographe - un décret signé de sa main -, il nomme une commission de 5 cardinaux chargés d'enquêter sur les agissements de l'IOR. Et pour la première fois dans l'histoire judiciaire mouvementée de la banque du Vatican, la magistrature italienne a reçu la pleine collaboration de la banque vaticane dans l'enquête concernant Nunzio Scarano, le prélat arrêté le 28 juin pour blanchiment d'argent, à travers ses comptes à l'IOR. Pape François est déterminé à n'épargner personne dans sa guerre contre l'argent sale, ce "crottin du diable" dénoncé en son temps par l'évangéliste saint Marc. À bon entendeur...

A saisir ! Esclaves européens en solde


Nathalie Gathié Marianne 29/06/2013

Ils viennent trimer sur les chantiers, dans les transports ou les abattoirs, pour 3 à 6 € l'heure, au mépris de toutes les règles de sécurité. Et le plus légalement du monde. Car ces travailleurs "low cost" sont tous européens.

20 MINUTES/SIPA
Augusto de Azevedo Monteiro voulait gagner sa vie. Il l'a perdue. Maçon détaché en France par EYP, une boîte portugaise, cet ouvrier usinait sur l'air très en vogue de la sous-traitance à bas coût dans la gadoue d'un chantier de Spie Batignolles, à Villeneuve-la-Garenne. Le 6 décembre, il est mort écrasé par une dalle qu'un coffrage hâtif à force de cadences infernales n'a pas su contenir.

Enfant d'Esposende, ville voisine de Braga irriguée par la crise et ses misérables affluents, Augusto de Azevedo Monteiro avait 35 ans, une famille et plus un euro rouillé en poche. Les 565 € brut de son dernier Smic flambés, ses allocations chômage taries, il avait opté pour une mission en France. « Notre pays agonise et nous constituons une main-d'œuvre bon marché, confie une salariée francophone d'EYP. On sait que Spie fait appel à nous parce que nous coûtons moins que nos concurrents français. »

Roumaines, polonaises, espagnoles ou portugaises, les plaques d'immatriculation des camionnettes de société ou d'agences d'intérim alignées sur le parking de Villeneuve-la-Garenne disent la géographie de la crise. A en croire le communicant de Spie, pourtant, « EYP a été préféré à deux candidats hexagonaux pour des raisons de disponibilité, rien d'autre ! » Les Portugais parlent plus clair : « Nous n'avons presque plus de clients locaux et, quand c'est le cas, ils n'honorent pas leurs factures, tranche l'employée d'EYP. Spie au moins paie nos prestations : la détresse des uns fait les bonnes affaires des autres, c'est comme ça...»

L'(a)moralité de cette histoire, les bâtisseurs français l'ont bien comprise : faute de pouvoir délocaliser leurs chantiers, ils importent à grandes pelletées des ouvriers certifiés low cost par des entreprises sous-traitantes ou des agences d'intérim implantées dans des territoires où le coût du travail s'évalue en nèfles. C'est « malin », c'est légal, c'est européen.

En 1996, les crânes d'œuf de Bruxelles bétonnent une directive autorisant le « détachement temporaire de travailleurs » entre pays de l'UE. Alimentée par la disette qui sévit au sud, facilitée par les écarts de niveau de vie entre anciens et nouveaux entrants, la braderie tourne depuis le milieu des années 2000 à l'opération déstockage. Soldes à l'année, prix discount garantis. « Cette pratique est compétitive car ces salariés voyageurs restent assurés dans l'Etat d'établissement de leur employeur, avance Fabienne Muller, chercheuse en droit social à l'université de Strasbourg. Or, pour un non-cadre, les cotisations patronales varient de 38,9 % en France à 24,6 % en Espagne, 18,3 % en Pologne, pour tomber à 6,3 % à Chypre ! » Inutile de tyranniser les calculettes pour comprendre qu'entre le détachement et les employeurs français l'attraction est fatale.

De 10 000 en 2000, les pèlerins du turbin sont, selon le ministère du Travail, 145 000 aujourd'hui. « Ils permettent aux entreprises utilisatrices de réaliser une économie allant jusqu'à 25 % », note un inspecteur du travail. Juteux, oui, mais pas assez. En février 2011, un rapport parlementaire éclaire la face cachée du phénomène et porte le nombre de détachés à 435 000 : moult itinérants, dont un tiers tribulent dans le BTP, échappent en effet aux statistiques à force de magouilles. 

« Les Français avaient l'air de Playmobil tellement ils étaient protégés. »
En juin 2011, à l'issue d'une série d'accidents du travail non déclarés, Bouygues avait dû divorcer d'Atlanco : cette société de travail temporaire opportunément localisée à Chypre avait envoyé des brassées de Polonais sans couverture sociale sur le chantier de l'EPR de Flamanville, dans la Manche.

Dans la foulée de ce couac nucléaire, le parquet de Cherbourg a ouvert quatre enquêtes. Pas moins ! Car, si les nomades de la truelle sont détachés, c'est d'abord de leurs droits. « Les textes prévoient qu'ils bénéficient du noyau dur de notre législation, salaire minimum et horaires de travail en tête. Or, c'est rarement le cas », tonne Laurent Dias, responsable de la CGT construction en Auvergne.

« La plupart du temps, les employeurs étrangers présentent des déclarations de détachement dûment remplies, enchaîne Renaud Dorchies, chargé de la lutte contre le travail illégal à l'Urssaf de Basse-Normandie. Mais, entre les salaires mentionnés et les sommes réellement versées, il y a un monde : beaucoup d'ouvriers rétrocèdent une partie de leur obole en rentrant chez eux, se voient infliger des retenues pour l'hébergement ou la nourriture théoriquement pris en charge... Jamais ils ne s'en plaignent : dans cet univers vicié, c'est malheur à celui qui l'ouvre. Aujourd'hui, on a des Bulgares qui se bousculent pour 300 € mensuels... »

Le limier de l'Urssaf a récemment épinglé une famille roumaine, fournisseuse de bras pour une entreprise nationale : « Père et fils avaient créé une société boîte aux lettres en Roumanie. Contrairement aux règles en vigueur, elle était dénuée de toute activité sur ses terres et déversait chez nous des soutiers payés à peine plus que le Smic roumain [180 €]. C'est une entourloupe classique. » Classique aussi, l'empilement des prestataires façon mille-feuille. « Sur les gros chantiers, ajoute l'enquêteur, on peut recenser huit ou neuf rangs de sous-traitants : les salariés ne savent plus à qui ils appartiennent ! »

Passé les bornes, y a plus de limites ? « Il est urgent de démanteler les montages illégaux qui faussent les règles de la concurrence, avance le cabinet de Michel Sapin, occupé à une révision de la directive de 1996. Nous plaidons aussi pour renforcer la responsabilité civile et pénale des donneurs d'ordre. » Les politiques français aboient... Leurs confrères anglais, polonais et autres ayatollahs de la flexibilité, crient au combat d'arrière-garde. Annoncé fin février, le remaniement de la directive a été reporté à des calendes qui pourraient être grecques.

Tant pis pour le dumping social alors que, en 2012, les dépôts de bilan dans le BTP ont bondi de 6 % ; tant pis pour les 40 000 emplois menacés d'ici à fin 2013. « Tant mieux pour le marché aux esclaves ! » raille le cégétiste Laurent Dias. Sherlock des parpaings, ce fils de réfugiés politiques portugais s'évertue à débusquer les anguilles sous échafaudages et tonitrue que « la "bolkensteinisation" des masses trimbalées d'un pays de l'UE l'autre pour des clopinettes est actée ».

Et de brandir la fiche de prestation d'un plaquiste polonais : traduite par une interprète, elle indique 628,80 € pour 169 heures. Le contrat de détachement établi voilà quelques mois entre MPP, pointure de l'intérim portugais, et Alberto, vaut lui aussi le coup d'œil : prêté à Sendin SA, prospère armaturier français, Alberto a officié sur une grande œuvre de Bouygues, à Boulogne. Une collaboration couronnée par 610 € mensuels. Champagne ! Pour le DRH de Sendin, « s'il y a eu manquement, c'est de bonne foi ! Tous mes intérimaires étrangers sont déclarés au Smic, mais je n'ai pas accès à leurs fiches de salaire, le droit m'en empêche. Si je pouvais, je vérifierais ! Reste que nous ne bosserions pas pour Eiffage ou Vinci si nous étions des barbares !» A écouter Joaquim, 48 ans, la chose se discute.

Originaire de Porto, il s'est démené quatre mois, au printemps 2012, sur le chantier du Carré de Jaude, mégacomplexe immobilier édifié par Eiffage à Clermont-Ferrand. Ferrailleur, il s'activait pour l'armaturier tricolore ASTP via la défunte agence d'intérim lusitanienne Paulo SA. 

« Les Français avaient l'air de Playmobil tellement ils étaient protégés. Moi, j'œuvrais en suspension sans panoplie de sécurité. » Fruit de ses contorsions : « 600 € mensuels. Paulo SA en retenait 80 pour le mobil-home où je dormais, dans un camping. Les deux derniers mois, je n'ai rien touché. On m'a expliqué qu'ASTP était en redressement judiciaire. »

Précisons pour la bonne bouche qu'ASTP, experte ès détachements fumeux, est gérée par le frère du patron de Sendin SA. Une famille formidable ! « Quand j'ai signalé au chef de chantier d'Eiffage que mes sous étaient bloqués, poursuit Joachim, il a soupiré que c'était pénible. » Une empathie à la hauteur des positions du groupe : en septembre 2012, Michel Gostoli, président d'Eiffage Construction, écrivait ainsi à la CGT, mobilisée sur cette affaire : « L'entreprise ne peut être tenue responsable du non-paiement d'un quelconque salarié prêté. [...] Nous ne sommes pas en mesure d'exiger de nos sous-traitants qu'ils nous communiquent des éléments de rémunération de leurs personnels. » Ponce Pilate ne se serait pas mieux rincé les pognes.

Joaquim pourtant est résolu à porter son infortune devant les prud'hommes avec le soutien de l'inusable Laurent Dias. « Je veux récupérer mon argent, réagit-il. Au Portugal, avec mes 5,50 € l'heure, je m'en sortais mieux. Ici, je n'étais même pas à 4 €. » A peine plus qu'Hugo et ses 3,17 € : enrôlé avec deux camarades par un compatriote véreux, ce trentenaire déjà voûté veut lui aussi en découdre. « On n'a pas été payés, les prud'hommes de Draguignan doivent nous rendre justice, scande-t-il. Cinq cent cinquante euros mensuels pour 40 heures hebdomadaires, c'est un tarif de chiens et on nous l'a refusé ! Quand l'un de nous s'est sectionné le tendon avec une scie circulaire, il a été jeté à l'hôpital comme un déchet, personne n'a été alerté. On ne mérite pas ça...»

Derrière cette valse des pantins, plusieurs marionnettistes : un maître d'œuvre, Var Habitat, qui plaide l'ignorance. Un sous-traitant, La Valettoise, qui jure avoir « cédé au low cost pour surnager à l'heure où tous les coûts sont tirés vers le bas». Une boîte d'intérim, Proposta Final, dissoute après avoir été sanctionnée pour «non-versement des rémunérations»... mais dont Marianne a retrouvé l'agité fondateur.

« Moi, je m'en fous, de tout ça, braille-t-il. J'ai monté une autre affaire en France avec une filiale au Portugal : là-bas, mes cinq sœurs trouvent des candidats par petites annonces et me les ramènent. Y a qu'à ramasser ! » Et de fanfaronner : « En ce moment, j'ai 10 gars à Toulon, 15 autres à Grenoble. Avec moi, un patron français économise 800 € par tête d'ouvrier. Je fais mon beurre et le Portugais, il est content. » Ce parangon d'intégrité a baptisé sa nouvelle machine à asservir Pioneiros em marcha, soit « Pionniers en marche ». Pour qui considère l'espace économique européen comme un nouveau Far West, ce n'est pas mal vu...
« Nous sommes sans arrêt démarchés par mail, par fax ou de visu par des commerciaux très rentre-dedans, ronchonne Patrick Liebus, de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). Ces rabatteurs se comportent comme des maquereaux ! »  

Illustrations par quelques échanges téléphoniques : « Le tarif de nos intérimaires est négociable, on fait des prix de gros, promet Eurokontakt, boîte de placement de personnel temporaire basée à Wroclaw, en Pologne. Plus vous me prenez d'hommes, plus vos coûts de production baisseront. Et, si l'un de nos gars ne vous convient pas, on vous le remplace sans frais. » Un modèle de service après-vente !

Variation sur le même boniment dans les rangs d'Operari, domiciliée à Varsovie : « Tout se marchande, c'est la mondialisation. Si un patron français attaque bien la masse et me recrute assez de types, je lui facture le mec 13 € l'heure, deux fois moins qu'un prolo français. En plus, le Polonais ne fait pas de chichis tandis que le Gaulois - je le sais, je suis français - exige une prime intempérie à la première averse.»

La toujours polonaise Budex, qui affiche ses partenariats avec Bouygues et Vinci, vante le « courage » et la « motivation » de ses poulains avec la délicatesse d'un éleveur flattant le cul de ses vaches au Salon de l'agriculture. Au sud, au Portugal, la foire aux bestiaux bat aussi son plein. « Nos ouvriers savent se faire mal sans se rebeller », plastronne un certain Laurentino. Fondateur d'une « compagnie » (sic), l'homme « repère les boîtes en faillite dans la presse portugaise, drague les futurs licenciés et les détache en France. Mes équipes triment jusqu'à 60 heures par semaine, au-delà, elles fatiguent : sur les contrats, je diminue les heures réellement effectuées, j'augmente artificiellement le tarif horaire, et ça passe ! »

Face à ces contournements, les organismes de contrôle tricolores sont priés de se mobiliser sans moyens. « Sarkozy nous a saignés, nous sommes à peine 1 200, râle un inspecteur du travail. De plus, notre organisation est territorialisée : comment tracer des dossiers transfrontaliers quand on ne peut intervenir au-delà de sa région ? » Pour l'efficace et entêté Renaud Dorchies, de l'Urssaf, « ces affaires peuvent décourager car nous nous heurtons à la résistance de certains pays, dont les administrations ne collaborent pas du tout ».

Et de prévenir que, « faute de contre-feux efficaces, ces pratiques vont tourner au drame économique ». Volubile leader de la Capeb, Patrick Liebus acquiesce : « A systématiquement privilégier le moins-disant, les cadors de la construction ont introduit le ver de la concurrence déloyale dans le fruit. Aujourd'hui, pour remporter les marchés, les sous-traitants attitrés des Eiffage, Bouygues et Vinci sont acculés au low cost, c'est dévastateur. »

Membre de la très libérale Fédération française des travaux publics jusqu'en juin 2012, Jean-Yves Martin aurait-il tourné casaque ? Dans un curieux revirement idéologique, il pourfend un « système délirant » : « Soit on s'adapte au train d'enfer mené par les majors elles-mêmes pressurées par les maîtres d'ouvrage, soit on coule. On est dans la même folie que celle qui convertit le cheval en bœuf. » Qui fait le cheval, qui fait le bœuf ? Jean-Yves Martin hésite.

Et pour cause : liquidée l'été dernier, Centrelec, son entreprise, a en son temps sollicité un sous-traitant polonais... Vous avez dit double langage ? Prompt à éreinter la « frénésie low cost », Didier Ridoret n'en préside pas moins la patronale Fédération française du bâtiment (FFB), qui draine les mammouths écraseurs de prix : « J'ai 57 000 adhérents parmi lesquels figurent certainement des moutons noirs, mais je défends l'avenir de l'activité. La directive de 1996, même appliquée à la lettre, est devenue intenable. Cette compétition biaisée nous tue. »

Déontologue autoproclamé, Ridoret se refuse à tancer les mauvais élèves de la FFB, au motif qu'il « ne dirige pas un ordre ». « Si j'évinçais ceux qui sont en délicatesse avec le fisc, l'hygiène ou les règles du prêt de main-d'œuvre... » Avec des adversaires de cet acabit, le détachement n'a pas besoin de partisans.

« En France, ce dispositif est perçu comme honteux, mais cette Europe-là, les politiques l'ont voulue. Il n'y aura pas de retour en arrière : Bruxelles y verrait un abus de protectionnisme », analyse Pierre Maksymowicz, créateur d'In Temporis, spécialiste des mobilités intra-européennes. De Lublin, où il développe honnêtement son business, il témoigne que Maurice Taylor is rich... de partisans.

A l'instar du patron de Titan, Pierre Maksymowicz conchie les ouvriers français « obnubilés par leurs pauses- cigarette et incapables de rivaliser avec nos Polonais et nos Roumains en termes de rendement ». Et de lâcher : « Tous mes clients français me disent que, chez eux, c'est "bonjour paresse". Ce refus de la pénibilité se traduit par une énorme pénurie : nos intérimaires ne font que colmater les brèches.» Avec 8 000 chômeurs supplémentaires recensés chaque mois dans le BTP, la pénurie sent l'alibi.

Patron du groupe Sesar, 160 salariés, Benoît Perret a sollicité une boîte portugaise pour rafler un appel d'offres d'Eiffage. « Ici, on manque vraiment de candidats dans les jobs d'exécution et, quand on trouve, il y a un déficit d'implication, commence-t-il par justifier. Je suis allé saluer mes intérimaires portugais et tous m'ont remercié de leur donner du travail. Chez nous, c'est impensable. »
Serait-ce la seule ingratitude de ses compatriotes qui l'aurait converti aux vertus du détachement ? « Aujourd'hui, admet-il, les donneurs d'ordre négocient prix et délais jusqu'au bout : le prêt de main-d'œuvre est la seule parade à leurs exigences. C'est tragique, mais tout le monde s'y met. » Kader, 56 ans, s'en désole. Chef de travaux pour un géant du secteur, il compare la déferlante low cost à « un virus qui ne profite qu'aux patrons. La misère de ces gars est utilisée pour nous démoraliser et nous convaincre que nos droits d'ouvriers vont régresser. Le pire, c'est qu'on n'arrive pas à expliquer à ces malheureux qu'ils nous précipitent vers le bas : ils sont dressés pour subir. Encore plus opprimés que nous, les Arabes, dans les années 60 ». A l'Europe, rien d'impossible.

QUAND L'EUROPE ÉTRANGLE SA MAIN-D'OEUVRE
Faute d'harmonisation sociale dans l'Union européenne, le recours à des «travailleurs détachés» menace des pans entiers de l'économie, s'alarme un rapport parlementaire rendu public fin mai. Le «détachement» consiste, pour un patron, à envoyer ses employés exercer temporairement leurs fonctions dans un autre Etat membre de l'Union. La manip ? Les charges sociales appliquées restant celles du pays d'origine, ces travailleurs low cost venus d'Europe de l'Est ou du Sud triment pour 3 à 6 € l'heure. Vive le dumping social made in Europe !

1,5
C'est, en million, le nombre de travailleurs détachés, selon la Commission européenne. Une grande partie d'entre eux n'est pas déclarée. 

Décentralisation : l’AMF redoute « la suppression programmée des communes »

L’Assemblée nationale a adopté hier en première lecture le projet de loi sur la décentralisation, par 294 voix contre 235. Ce projet de loi (lire Maire info du 22 juillet) consacre notamment la création des métropoles de Paris, Lyon, Marseille, ainsi que la transformation en métropoles de toutes les intercommunalités de plus de 400 000 habitants situées au centre d’une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. Seront notamment créées des métropoles à Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes, Rouen ou encore Grenoble.
Plusieurs députés ont dénoncé, lors du vote solennel de ce texte, un risque de « dissolution des communes » dans ces métropoles, et vivement critiqué le principe de l’élection d’une partie des conseillers métropolitains au suffrage direct (mesure présentée in extremis par le gouvernement, et qui lui a permis d’obtenir le soutien des députés écologistes). Le député Front de Gauche François Assensi a dénoncé un « coup de force », et prédit « la fin des maires bâtisseurs » ; tandis que l’ancien ministre UMP Hervé Gaymard a jugé que ce texte « mettait en coupe réglée les collectivités locales ».
L’Association des maires de France (AMF) a également vivement critiqué ce texte, dans un communiqué publié hier : elle y dénonce « l’accumulation de mesures visant à la suppression programmée des communes par leur dilution dans de nouvelles collectivités intercommunales ». Si elle soutient le principe des métropoles, l’AMF souhaite que leur création ne se fasse qu’avec « le consentement des communes qui les composent ». L’association est également en désaccord avec l’élection des conseillers métropolitains au suffrage direct, mesure « présentée par le gouvernement sans aucune concertation préalable », et estime que cette décision « crée de fait une nouvelle collectivité territoriale et marginalise les maires des futures assemblées métropolitaines ». L’AMF rappelle enfin qu’elle a « toujours défendu une construction intercommunale forte au service des habitants qui ne nécessite absolument pas la création d’un niveau de collectivité supplémentaire », et elle « met en garde contre la vision dogmatique qui considère comme un progrès d’éloigner les citoyens de leur collectivité de proximité ».
Quant à l’Association des petites villes de France (APVF), elle a également fait part de son « inquiétude » hier. La création « automatique » des métropoles, « sans avis des communes concernées, n’est pas souhaitable », estime l’association présidée par Martin Malvy, qui note aussi que « l’élection de conseillers métropolitains déconnectés de tout lien avec leur commune est source d’inquiétude chez de nombreux maires de petites villes. »
Le sénateur du Val-de-Marne Luc Carvounas a d’ores et déjà annoncé son intention de déposer un amendement au Sénat pour supprimer le mode d'élection envisagé pour les conseillers métropolitains. Le texte repassera en effet devant les sénateurs à la rentrée, avant une nouvelle lecture à l'Assemblée.

Télécharger le texte adopté.