De la création du camp de Sangatte en 1999 à la « Jungle » d'aujourd'hui, cela fait plus de quinze ans que la situation de crise humanitaire perdure à Calais. Cette longueur devrait alarmer, mais, après tout, quoi de plus normal puisque les crises humanitaires ne sont que les conséquences des crises du capitalisme : durables !
Durables
d'autant plus qu'aujourd'hui, il est devenu « ringard »
de contester le capitalisme, horizon indépassable pour toutes les
forces politiques de gauche comme de droite !
À
les écouter, il s'agit au mieux d'humaniser un tant soit peu le
capitalisme... pour qu'il dure justement, ma brave dame.
Donc,
durables le capitalisme et ses conséquences :
- Les guerres avec le cortège de villes bombardées, de populations affamées, gazées, violées, torturées, génocidées.
- Les routes de l'exil butant contre les grillages, les palissades, les murs et les barbelés délimitant les enclos nationaux appelés pays.
- Les camps d'accueil, de concentration, de rétention, d'internement généreusement offerts par les démocraties occidentales.
Les
guerres se portent bien, Dieu merci !
Le
monde est en
flammes grâce aux bons soins des États-Marchands d'armes, dont la
France serait deuxième exportateur au monde !
Souris
belle jeunesse ! Ton avenir est dans une usine d’armements ou
à porter uniforme et fusil mitrailleur dans la police ou dans
l'armée ; en période de chômage, voilà quand même une bonne
nouvelle, non ?
À
Calais, plusieurs milliers de migrants s'entassent donc dans un
bidonville après avoir échappé
à la noyade et aux requins en Méditerranée, aux fachos en mal
d'exercice et aux racketteurs de tous poils.
Avant
la récente évacuation de la zone sud, ils étaient 6 000
hommes, femmes et enfants, s'égayant dans les flaques d'eau,
discutant de la pluie et du beau temps autour de quelques robinets
installés en plein air et mis à disposition gracieusement par
l'administration.
La
France est une terre d'asile, ne l'oublions pas ! Elle sait
recevoir.
Déjà,
un certain Albert Sarraut, ministre de l'Intérieur inaugurant le
camp de concentration d'Argelès, en février 1939 expliquait aux
journalistes :
« Ce
camp ne
sera pas un lieu pénitentiaire, mais un camp de concentration. Ce
n'est pas la même chose. Les asilés qui y prendront séjour n'y
resteront guère que le temps nécessaire pour préparer leur
refoulement ou, sur leur option, leur libre passage de retour en
Espagne. »
Ce
camp d'Argelès, avec une bonne douzaine d'autres, allait accueillir
plus d'un demi-million de réfugiés espagnols dans les conditions
que l'on sait !
Les
migrants, ces « asilés »
d'aujourd'hui sont donc « en
séjour »
à Calais où depuis 2003 et les accords du Touquet, la ville fait
office de « frontière
franco-anglaise ».
Situation ubuesque dans laquelle la France, signataire des accords de
Schengen, sert de frontière à un État qui ne les a pas signés !
Autre absurdité : elle maintient sur son sol, par la force, des
milliers de personnes qui veulent en sortir pour rejoindre
l'Angleterre ; elle les maintient sur le territoire national
sans leur offrir pour autant un minimum d'accueil puisqu'à terme son
objectif est de s'en débarrasser !
D'où
la logique des camps construits à minima !
Déjà,
en 1939 le gouvernement français avait le même questionnement :
« Comment
accueillir à moindre frais des “ populations indésirables ”,
en “ surnombre dans l'économie nationale “, sachant
qu'il est urgent de s'en débarrasser ? »
À
l'époque,
la
solution fut la création de « Camps de travailleurs
étrangers » remplaçant progressivement les camps de
concentration. Ces « camps
de la honte »
coûtaient trop cher à la France !
Subsidiarité
Aujourd'hui
comme hier, les conditions d'accueil faites aux migrants dans ces
camps sont le fruit de décisions hautement politiques de l'État.
Aujourd'hui
comme hier, l'amélioration des conditions d'accueil ne peut donc pas
être de son fait.
Depuis
quand celui qui enferme se préoccupe des conditions d'enfermement ?
Comme
dans nos « démocraties
modernes »
l'État n'a plus mission de justice sociale, celle-ci est privatisée,
confiée aux associations et organisations diverses.
C'est
ce que l'on appelle la subsidiarité, tant réclamée par le
Vatican !
Pourquoi
voudriez-vous, par exemple, que l'État se préoccupe des individus
sous-alimentés, ce qui serait faire preuve de justice, alors qu'il y
a les restaus du cœur pour le remplacer et faire œuvre de charité
et d'assistance !
A Calais, il y a des
militants qui voudraient eux, plus de justice, qui luttent avec les
migrants ; mais l'État n'aime pas les militants puisqu’il
n'accepte que les actes de charité, pas ceux de justice ! Vous
pigez ?
Un
camp ne serait pas complet sans clôtures et sans flics pour le
protéger, normal au prix que çà coûte le fil de fer !
Entre
deux bastons, pour passer le temps les flics papotent avec leurs
copains, à majorité fachos. Normal, dans un coin où le Front
National dépasse les 50 % !
Bref,
en dehors des flics, aucune administration, comme en 39 à Argelès
et ailleurs !
Dans
un lieu n'étant pas conçu pour être un vrai accueil, pourquoi la
préfecture déléguerait-elle sur place des responsables
administratifs ? Pourquoi faudrait-il que la Permanence d'Accès
aux Soins de Santé (PASS) de l'hôpital de Calais mette les pieds
dans le camp ?
Comment
voulez-vous que l'Éducation nationale y installe une école ?
Humour !
A côté du camp, se trouve un ancien centre de loisirs appelé
« Camp
Jules Ferry »,
vous savez, le promoteur de l'école publique laïque et obligatoire
et de l'expansion coloniale !
Humour
encore ! Ce sont des « No
borders »
anglais, qui par les vidéos prises ont, paraît-il amené le
Défenseur des Droits Dominique Baudis à s'émouvoir fin 2012 de
« la
situation des migrants dans le Calaisis, du harcèlement policier et
des conditions d'accueil indignes...»
auprès du « sinistre
de l'Intérieur »
Bernard Cazeneuve.
Jacques
Toubon, successeur de Baudis, a même insisté sur « les
difficultés d'accès aux droits fondamentaux des exilés »
dans le bidonville de Calais.
L’État
hors la loi
Le
Bernard, il s'est rendu sur place avec le Manu. C'était l'été
2015, où il a fait particulièrement chaud, voire caniculaire et il
y aura toujours des mauvaises langues pour dire que ce sont les
odeurs incommodantes émanant du camp qui ont amené le Premier
sinistre à y créer alors 1 500 places d'hébergement. D'autres
osent affirmer que cela serait du à un certain « appel
des 800 »,
signé par des personnalités du monde intellectuel et artistique,
demandant un plan d'urgence ! D'autres encore ont eu le culot de
dire que cette décision était liée à la condamnation de l'État
et de la ville de Calais par le tribunal administratif, le 2 novembre
2015 !
Le
tribunal donnait alors 48 heures à l'État pour procéder au
recensement des mineurs isolés, pour installer des vraies latrines
et suffisamment de points d'eau :
« Il
appartient aux autorités publiques de veiller à ce que les droits
les plus élémentaires des personnes, constitutifs de libertés
fondamentales, soient garantis. »
Toujours
est-il que le Bernard, a fait savoir à l'époque qu'il « n'avait
pas le pouvoir ni le devoir d'installer des équipements de première
nécessité »
sur un site occupé illégalement, que « toute
autre interprétation conduirait à la définition d'une obligation
juridique pour l'État d'aménager les campements sauvages et les
terrains occupés de manière illicite ».
Le
ministre a rajouté que c'était plus convivial d'éparpiller les
milliers de réfugiés, par petits groupes, dans des Centres de
rétention administrative à travers le pays.
Ce
à quoi, Madame Adeline Hazan, Contrôleur général des lieux de
privation de liberté, a répondu :
« Il
m'est rapporté que la plupart des arrêtés préfectoraux portant
obligation de quitter le territoire... ne préciseraient plus le pays
de destination vers lequel elles devraient être reconduites. Dans
ces conditions, il y aurait lieu de s'interroger sur le bien-fondé
de la rétention, et à fortiori, de celle d'un transfert. »
Notre
« Bernard-national-socialiste »
a su répondre à toutes ces monstrueuses accusations (si çà se
trouve, payées par l'Étranger !) :
« Dans
un contexte migratoire qui impose au plus haut niveau la sécurisation
de la zone portuaire et les abords du tunnel sous la Manche, les
services de l'État utilisent de manière rationnelle la vocation
naturelle des centres de rétention... il s'agit d'un traitement
global et coordonné d'une situation posant de graves difficultés de
tous ordres et face à laquelle il est du devoir de l'État de
prendre toutes ses responsabilités. »
Oui,
l'enfermement des indésirables est bien un trait de la politique
française, quel que soit le gouvernement. Demandez aux républicains
espagnols, aux harkis, aux gitans et autres juifs qui ont goûté aux
joies de l'hospitalité française dans les Camps de concentration
sur les plages méditerranéennes, dans les camps de rétention et
autres « jungles » !
« Il
y avait des espèces de constructions en bois. Ce n'était pas des
baraques mais des parois dressées face au vent... les habitations
plus que rudimentaires étaient envahies de puces, les latrines
étaient des estrades en bois au dessus de gros bidons que nous
allions vider (à la mer) chaque matin en les transportant sur un
brancard [...].
Les
français nous ont humiliés !»
(Matias ARRANZ, militant de l'UGT, interné au camp de Barcarès)
Un
peu de patience, le temps n'est peut-être pas loin où réapparaîtra
le type de circulaire ci-dessous, afin de régler le sort des
« indésirables
en surnombre dans l'économie nationale » !
Il ne restera alors plus qu'à créer comme en 1939 des « Groupements
et Camps de Travailleurs Étrangers »
permettant au patronat français de s'enrichir grâce à une main
d'œuvre bon marché et docile.
« [Il
faut] transformer
cette masse inorganisée et passive que constituent les réfugiés en
éléments utiles à la collectivité nationale. »
circulaire du 5 mai 1939.
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