« Sonnez
Hautbois, résonnez musettes...il est né le divin contrat du siècle
! »
Oyez
citoyens ! La France vient de remporter son plus important contrat
d'armement à l'exportation depuis 1945 ; le groupe industriel
français DCNS, spécialisé dans l'industrie navale militaire, va
construire pour le gouvernement australien, 12 sous-marins d'attaque,
pour un total de 34 milliards d'euros.
Qu'est-ce
qu'on dit quand on est un bon citoyen français ? Un bon patriote ?
Cocorrico
! Vive la guerre ! Pourvu que cela dure puisqu'il y a création
d'emplois.
C'est
d'ailleurs ce que tous les hommes politiques rabâchent dans tous les
médias aux ordres depuis la merveilleuse nouvelle :
- L'Elysée parle du caractère hautement « historique de ce nouveau succès créateur d'emplois et de développement ... ». François Hollande, a même rajouté sur l'antenne de France Info : « La France est fière de l'excellence technologique dont ses entreprises ont su faire preuve dans cette compétition de haut niveau ».
- Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense s'est également réjoui sur Europe 1 de cette « grande victoire de l'industrie navale française » en précisant que « ce sera des milliers d'emplois en France, des contrats de très longue durée...un mariage de 50 ans avec l'Australie ». Et de rajouter, très fier : « Le fait de vendre à l'extérieur consolide notre propre industrie de défense, et donc notre propre sécurité. Et puis çà crée de l'emploi, excusez-moi du peu ! ».
- Manuel Valls quant à lui a tiré un « coup de chapeau au partenariat franco-australien, à la France qui avance, la France qui gagne ». We are the champion !
- Enfin, le Président du Conseil Régional de Bretagne s'est « félicité des enjeux communs avec les pays avec lesquels nous sommes en partenariat. Avec l'Australie c'est très clair ».
Si
les « bonnets
rouges »,
gwenn ha du et biniou ouvrant la marche, s'allient à l'armée
australienne, çà va chauffer sous les kilts ! L'ennemi des
kangourous n'a qu'à bien se tenir, c'est sûr !
Quant
à moi, cette annonce du 26 avril m'a fait vomir mon « quatre
heures ».
Déjà
que je ne me suis jamais bien porté à la vue du drapeau
bleu-blanc-rouge, que le seul nom de « Charlie »
me provoquait des boutons de fièvre, voilà que je suis prêt à
défaillir à la vue de tout ce qui ressemble à un uniforme, à une
arme à feu.
Par
les temps qui courent, c'est sûr, je vais tomber malade.
Pour
tout dire, j'ai mal à mon « Internationalisme
prolétarien »,
à mon « pacifisme »
! Allez
savoir pourquoi ! Certainement parce que je ne suis pas assez
patriote et que je suis stupéfait de constater qu'il ne s'agit pas
d'un contrat de fabrication de jouets, de la construction d'écoles
ou d'hôpitaux mais d'engins de mort d'une puissance phénoménale,
nom de Dieu !
Suis-je
le seul à être horrifié que l'on puisse ainsi s'énorgueillir de
fabriquer la mort ?
Depuis
quand est-ce plus acceptable de vendre une arme plutôt que de s'en
servir ?
Il
s'agit dans cette affaire de construire 12 sous-marins « SMX
Océan »,
dérivés des sous-marins à propulsion nucléaire « SNA
Barracuda »
actuellement fabriqués à Cherbourg dans les ateliers de DCNS.
Imaginez un engin de 100 mètres de long et 15 mètres de haut, de 4
750 tonnes avec 3 mois d'autonomie lui permettant de traverser 6 fois
l'Atlantique à près de 14 noeuds. La force de frappe de ces engins
est qualifiée de « 4D », puisque opérant sous la mer,
en surface, sur la terre et dans les airs. Est-ce que je serai à
l'abri en haut du Mont Blanc ou dans le gouffre de Padirac ?
En
attendant, tous nos politiques ont été saisis de vrais « orgasmes
» à
l'annonce de ce contrat. Comme le dit mon marchand de journaux qui a
connu Pétain : « faut
vraiment pas être patriote pour ne pas jouir à l'énoncé des
capacités de cette invention bien d'chez nous »
: tirs de missiles en salves, capacité à déployer des commandos
marins, des nageurs de combat ainsi qu'un drone sous-marin et des
drones aériens.
Curieusement,
nos serviles médias n'ont pas un mot sur les raisons de ce contrat,
sur le pourquoi du surarmement de l'Australie. Ce pays, a pourtant
annoncé en février dernier une rallonge de 19,4 milliards d'euros
du budget de la Défense sur les dix années à venir. 12 sous-marins
! Le doublement de sa flotte, rien que cela et çà n'est pas pour
augmenter la production en matière de pêche mais pour faire face,
comme disent les politologues bien informés, aux enjeux
géopolitiques en Asie-Pacifique.
Si
l'Australie semble avoir des contentieux territoriaux avec la Chine,
dans la mer du même nom, elle est surtout également engagée dans
la coalition emmenée par les Etats-Unis contre l'organisation Etat
islamique en Syrie et en Irak, faut-il le rappeler, comme la France.
L'Australie a t-elle l'intention de mener une guerre ? Contre quel
ennemi ? La Chine ? Faut se dépécher de vendre des sous-marins aux
chinois ! Lesd affaires sont les affaires et vous saurez tout au
prochain épisode. Mais qu'importe sur qui tomberont les missiles du
moment qu'ils ont été payés ! En attendant, avec ce contrat
l'Australie se prépare a un nouveau conflit et la France tend à
équilibrer sa balance commerciale. Tout le monde est content.
C'est
beau l'économie réelle !
Le
groupe Dassault se réjouissait déjà en novembre 2015 de la
deuxième place mondiale prise par la France en matière de vente
d'armes : « la
France fait un carton avec ses armes ; pour la première fois, la
France vend cette année (2015)
plus d'armes qu'elle n'en achète... ».
Une
journaliste de France 2 en rajoutait une couche : « On
sait qu'un sous-marin représente cinq à six millions d'heures de
travail...les australiens voudraient qu'ils soient fabriqués chez
eux mais malgré tout, çà représente des années de
coopération...Pour la DCNS, l'effet vitrine sera parfait dans un
contexte international tendu qui pousse de nombreux pays à se
réarmer ».
Pourvu
que çà dure, le réarmement...Allez, on y croit !
Alors,
heureux les travailleurs du Havre, de Saint-Nazaire et de Lorient ?
C'est
beau le réalisme politique !
Cela
me fait penser au « Fondeur
de canon »,
le poème de Gaston Couté :
« Ne
me maudissez pas, ô mères
!
Moi je ne fais que des canons,
Ça n'est pas moi qui les fais faire ! »
Moi je ne fais que des canons,
Ça n'est pas moi qui les fais faire ! »
Chômeurs,
précaires, réjouissez-vous, il va y avoir du boulot pour longtemps.
Victor
Hugo disait que : « Construire
des écoles, c'est abattre des prisons ».
Il privilégiait la paix et développait un discours humaniste, à
l'inverse des discours actuels. Faut être de son temps ma brave dame
!
Il
est temps de prévenir quand même le « Mouvement
de la Paix »
qu'il est devenu obsolète, et d'expliquer à l'organisation des
« Nations-Unies »
qu'elle ne sert à rien...ce que l'on savait déjà, me direz-vous !
L'idée de « paix
par le droit »
chère aux promoteurs de la « Société
Des Nations »
a fait long feu face aux propos plus anciens d'un Clemenceau qui :
« croyait
que les guerres sont éternelles et que toutes les institutions
soit-disant pacifiques ne pouvaient qu'endormir la vigilance des
nations menacées, encourager les agresseurs et finalement conduire
encore plus vite à de nouveaux conflits ».
Autrement
dit, « Pour
avoir la paix, faisons la guerre ! ».
La guerre a le double avantage de donner du travail à une partie de
la population tandis qu'une autre partie disparaît. On règle ainsi
à la fois le chômage et la surpopulation d'un coup, d'un seul !
Pour rappel, le « Père
la Victoire »
est le modèle d'un certain Manuel Valls. Tout se tient, je vous dis
!
Soyons
donc fiers de ce que la mort des autres apportera des millers
d'emplois en France. Avec la gauche au pouvoir, la France est en
train de devenir le deuxième fabricant-exportateur d'armement dans
le monde.
« le
militaire tire l'industrie civile vers le haut, car les deux se
fertilisent l'une et l'autre. C'est un atout considérable pour notre
pays ».
Quel
aveu du ministre Le Drian ! Comment mieux dire et souhaiter que le
monde devienne un immense champ de bataille où s'exprime
l'ingénuosité technologique française ! Vous avez bien compris,
sans armée, sans guerre, point de salut ! Pour une société de
développement faisons la guerre partout dans le monde ! Hardi les
gars ! Le premier qui fait un pet de travers, c'est une ogive
nucléaire sur la tête.
Comme
l'exprime très justement Ludo Rossi sur le site « Anti-K
économie anti capitaliste »
: « à
l'heure où l'augmentation des budgets militaires de tous les
impérialismes devraient inquiéter les peuples épris de paix, il
n'y a pas grand monde pour poser la question de la place des
industries d'armement en période de crise aigüe du
capitalisme...Quels sont les intérêts d'un peuple qui doivent être
défendus en expédiant des missiles de croisières à charges
nucléaires sur un autre peuple ? ».
Bonne
question à laquelle le patronat répond à coup de chiffres, se
réjouissant dans « L'usine
nouvelle »
des : « prises
d'armement français à l'export qui ont bondi de 43% en 2013 et qui
amènent un rayon de soleil dans une situation économique peu
reluisante ».
Ah
! Enfin un rayon de soleil nucléaire pour faire fuir la morosité
ambiante ! Un peu de poésie dans ce monde de brutes.
On
pourrait quand même espérer une autre réflexion de la part de
dirigeants politiques dits « de
gauche »
ainsi que de responsables de grandes centrales syndicales, mais force
est de constater l'absence de communiqués.
Y
aurait-il un malaise ? La défense légitime de l'emploi justifie
t-elle n'importe quel emploi ? Dans quel rapport de l'AIT est-il
écrit que l'émancipation des travailleurs passe par la guerre qu'il
devrait se faire entre eux ?
Mais
je ne suis qu'un vieux ringard naïf...
Pour
terminer, pour avoir la réponse à mes pauvres questions et
réflexions naïves, portant sur l'humanisme, la paix entre les
peuples, bref sur le pacifisme, il m'a suffit de lire le rapport
relatif aux « Universités
d'été de la Défense »,
tenues en 2013 à Bordeaux entre parlementaires et militaires. Le
ministre Le Drian saluait alors : « cette
performance (ventes
d'armes)
réalisée dans un contexte défavorable où s'exerce une rude
concurrence internationale, où on observe une tendance au recul des
dépenses militaires de certains pays dans le monde... ».
Il
ne manquerait plus que çà ! Des pays qui ne voudraient pas se faire
la guerre ! Mais où va le monde, je vous le demande ?
Le
ministre de la guerre, pardon de la Défense, de « Hollande,
l'autre pays du socialisme »,
poursuivait :
« Les
industriels de la Défense apportent une éminente contribution à
l'économie française...L'étude d'impact réalisée par le
ministère de la Défense note un effet positif sur la balance
commerciale, entre 5 et 8 % entre 2008 et 2013...Alors que le chômage
atteint des sommets dans le pays, les exportations de défense ont
permis de générer ou maintenir plus de 40 000 emplois en 2013, soit
25% des emplois dans le secteur, avec des effets particulièrement
positifs dans sept régions : la Bretagne, le Centre, l'Aquitaine, le
Midi-Pyrénées, la Provence-Alpes-Côte d'Azur, le Rhône-Alpes et
l'Ile de France ».
Me
voilà rassuré, mais, vivement une bonne guerre avec l'Espagne,
voisine de mon Languedoc natal, car celui-ci est jusqu'alors exclu du
gâteau militaire !
Comme
l'a dit encore, et sans humour, le ministre socialiste Le Drian :
« Les
ventes d'armes, c'est peut-être moche, mais l'état de notre balance
commerciale nous permet-il de faire la fine bouche ? ».
Et vlan, bien envoyé ! Pas calmés les pacifistes !
Que
voilà du réalisme politique ! Mais il faut dire qu'à ce propos les
socialistes ne nous ont jamais déçus : de l'union sacrée en 1914,
aux crédits de guerre votés pour l'Algérie, en passant par le
choix « Hitler
plutôt que le Front populaire »,
ils ont toujours su faire preuve d'un réalisme et d'une humanité à
toute épreuve.
Il
est définitivement loin et fini le temps où une certaine forme
d'idéologie socialiste fustigeait les ventes d'armes de la France
aux pays étrangers. En la matière, la discrétion a été remplacée
par l'hypocritie elle-même cédant le pas aux dures réalités des
chiffres déficitaires de la balance commerciale.
Dans
un pays ne se développant plus que par ses ventes d'armes,
soumettant le peuple à l'état d'urgence et misant sur le tout
sécuritaire, répressif, les propos de l'inspecteur général
honoraire de l'Education nationale, Alain Bergounioux, par ailleurs
membre de l'Observatoire de la laïcité, sont d'une cohérence
parfaite :
« Etre
citoyen, c'est participer à la souveraineté nationale et politique.
Cela se traduit par un certain nombre de droits politiques...mais
aussi de devoirs, tel celui de payer l'impôt ou de servir la
patrie ».
Allez
! Un petit effort, encore une nouvelle petite « gueguerre »
et nous serons les premiers marchands de mort de la planète.
Et
nous chanterons tous le « Fondeur
de canons »
:
« Pour
gagner mon pain
Je
fonds des canons qui tueront demain
Si
la guerre arrive.
Que
voulez-vous, faut ben qu'on vive ! » (Gaston Couté)
Décidément
les politiques, de tout bord, n'en finissent pas d'assassiner Jaurès
!
Quant
aux migrants qui auront échappé aux sous-marins australiens made in
France, à bientôt dans nos camps...s'il reste de la place !
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