Termes
inappropriés, désinformation sur la réalité des chiffres, sur les
conditions d'accueil et sur le devenir des réfugiés, pressions et
répression sur les bénévoles comme sur les réfugiés sont autant
de facteurs qui contredisent la « bonne parole
gouvernementale ».
Les
termes de « migrants » et de « réfugiés »
ne sont pas synonymes.
Pour
le petit Larousse, le terme « migration » désigne « un
déplacement de population, de groupe d'un pays dans un autre pour
s'y établir, sous l'influence de facteurs économiques ou
politiques ».
Quant au terme « réfugiés », il désigne celui « qui
a quitté son pays pour des raisons politiques, raciales, ou une
région, une ville pour fuir une catastrophe ».
L'association
Pivoine (5) est encore plus explicite : « un
réfugié est
une
personne qui craignant d'être persécutée dans son pays en raison
de sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un
certain groupe social (y compris pour des considérations liées au
genre et à l'orientation sexuelle, au risque d'excision pour les
femmes) ou ses opinions politiques, ne peut ou ne veut pas se
réclamer de la protection de ce pays ».
Parler
de « migrants » au lieu de parler de « réfugiés »
n'est donc pas neutre et cela évite en particulier de parler
de la « Catastrophe » à l'origine de l'exil ! :
- Cela évite de reconnaître qu'effectivement la grande majorité des dizaines de milliers de femmes et d'hommes qui débarquent en Europe, fuient les guerres et leurs conséquences sociales et économiques.
- Cela évite de préciser que l'Union européenne, à la remorque des USA, porte une écrasante responsabilité dans le déclenchement et entretien de ces conflits.
- Enfin, cela évite à la France, à ses gouvernements successifs de droite comme de gauche, d'avouer leurs responsabilités. Directement par l'envoi de militaires ou indirectement par la vente d'armes la France, 1er vendeur d'engins de mort, est pratiquement présente sur tous les champs de bataille de la planète.
Se
contenter de parler de « migrants », de « migration »
comme on parle de celle des oiseaux permet de « cacher
ces victimes que le capitalisme ne saurait voir ! »
Et
parler alors de « crise migratoire » permet aux médias
de relayer les discours les plus nauséabonds de nombre d'hommes
politiques, et pas seulement ceux du Front National, qui n'hésitent
pas à parler d'invasion à propos des populations arrivant sur le
sol européen.
Ces
hommes politiques vont jusqu'à expliquer que l'immigration massive
de populations arabo-musulmanes découle de leur fuite devant les
intégristes islamistes, tout en pratiquant en même temps de curieux
amalgames entre immigration et terrorisme.
Pourtant
les chiffres témoignent d'une autre réalité (1) :
- En 2015 les 240 millions de personnes qui ont quitté leur pays ne représentaient en fait que 3% de la population mondiale.
- En comparaison, en 1913, à l'aube de la première guerre mondiale, les migrants représentaient 5% de la population mondiale.
- Durant le 19ème siècle, 50 millions d'européens, soit 12% de la population, va émigrer vers les Amériques, du Canada à l'Argentine en passant par les USA.
- En 2014, avec une quinzaine de conflits en cours sur la planète, 53 millions de femmes et d'hommes vivent loin de chez eux en, soit 3 fois plus qu'en 2004.
C'est
considérable et pourtant cela ne représente que 0,7% de la
population mondiale.
On
est loin de l'invasion et pourtant combien sont-ils à jouer sur les
peurs, à exacerber tensions et réflexes nationalistes ?
Par
rapport à la population européenne de plus de 500 millions
d'habitants, ce sont 219 000 personnes, soit 0,4 % des déplacés
mondiaux qui ont traversé les frontières de l'Europe en 2014 (350
000 en 2015).
350
000 réfugiés parmi 500 millions d'habitants ! En voilà une sacrée
invasion.
N'empêche,
la « grand
peur et misère de l'Union européenne »
se propage depuis plusieurs années, amenant au renforcement des
contrôles aux frontières, à une floraison de barbelés à travers
toute l'Europe, à la répression envers les exilés ainsi que des
militants qui les soutiennent..
Quant
à la politique européenne d'accueil des réfugiés, elle est
résumée par les deux étapes ci-dessous :
- En octobre 2013 en méditerranée, avec l'aide financière de l'Union européenne (9 millions d'euros par mois), la marine italienne lance l'opération « Mare Nostrum » dont le but était de sauver les exilés sur les bateaux en détresse. Cette opération prend fin en octobre 2014,
- Depuis novembre 2014, l'agence Frontex en charge des frontières européennes a lancé l'opération Triton. Avec 3 millions d'euros par mois son seul objectif est la surveillance pour maintenir les futurs réfugiés loin de nos côtes.
L'aide
aux réfugiés en mer est désormais le fait des seules ONG qui
lorsqu'elles réussissent à sauver des vies se voient accusées de
« créer un appel d'air » pour les migrants, bref de se
comporter en passeur !
Le
« délit de solidarité » permettant de criminaliser
l'action militante envers les réfugiés est contenu dans l'article
L.622-1 du CESEDA : « ...Toute
personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté
de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers,
d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans
et d'une amende de 30 000 euros ».
Si la loi de 2012 a créé une « Immunité humanitaire »
au profit des « associations
et personnes physiques agissant dans un but désintéressé »,
cela ne met pour autant pas les bénévoles et militants à l'abri
d'enquêtes policières et de poursuites judiciaires, le parquet
n'hésitant pas à invoquer tout un arsenal juridique sans rapport
direct avec la législation sur l'immigration.
Pour
faire face à cette fameuse « crise migratoire » en
Europe et en particulier gérer dans l'urgence l'évacuation de la
« Jungle de Calais », « la
France a mis en place en novembre 2015 les Centres d'Accueil et
d'Orientation (CAO), petites structures d'hébergement temporaire
(quelques semaines à quelques mois) devant accueillir les migrants,
le temps de la réalisation de leurs démarches de demande
d'asile...Depuis le lancement du programme, ce sont aujourd'hui près
de 400 CAO qui accueillent temporairement plus de 13 000 personnes
(dont 7 000 issues du camp de la Lande...Le
financement est assuré à 100% par l'Etat et représente 25 euros
par jour et par personne »
(2).
Ce
que ne précise pas l'article du journal Le Parisien, c'est que les
25 euros consistent pour 20 euros dans les salaires des personnels
administratifs et de sécurité, 4 à 6 euros seulement étant
« généreusement alloués » à chaque personne pour se
nourrir chaque jour !
Il
s'agit bien pour l'Etat d'un lieu à caractère strictement
administratif où les réfugiés sont censés rester le temps de
l'obtention ou du refus du droit d'asile en France.
De
l'octroi de vêtements à l'apprentissage des bases du français en
passant par des activités extérieures au centre, ce sont les
bénévoles qui s'y collent, comme ils le peuvent, et souvent à
leurs frais. l'Etat n'ayant pas prévu l'embauche d'interprètes qui
pourraient pourtant aider à la communication entre réfugiés,
administratifs et bénévoles, il est facile d'imaginer le gâchis de
temps et d'énergie...Mais encore une fois, ces aspects ne semblent
pas prioritaires pour le gouvernement.
Cela
n'empêche pas celui-ci d'expliquer que : « Ces
centres d'accueil et d'orientation sont la clé d'un accueil digne en
France. Ils permettent aux migrants de bénéficier d'un temps de
répit, dans des conditions stables et rassurantes, favorisant leur
réflexion sur la suite de leur parcours migratoire. La grande
majorité d'entre-eux – plus de 80% - s'inscrit dans une démarche
de demande d'asile en France et les centres d'accueil et
d'orientation les accompagnent naturellement vers cette voie »
(3).
Mais
il est vrai que la France a une longue habitude en matière de
dignité de l'accueil réservé aux réfugiés !
La
gestion des CAO est confiée à l'association « Forum-réfugiés
COSI » née en mai 2012 de la fusion des associations
« Forum-réfugiés » et « COSI-promouvoir et
défendre les droits » :
- Pour sa part Forum-réfugiés a été créé en 1982 à Lyon à l'initiative de plusieurs associations telles le Secours catholique, d'Entraide protestante, du Centre Pierre Valdo (évangéliste vaudois) etc,
- Le Centre d'Information et de Solidarité avec l'Afrique (COSI), également créé à Lyon en 1990 se pose en « défenseur des droits de l'homme et de la démocratie, particulièrement en Afrique centrale et les Grands lacs ». C'est une ONG de plus qui gère les subventions attribuées par l'Union européenne et le Ministère français des Affaires étrangères et européennes.
Encore
un exemple de la subsidiarité chère à l'Eglise catholique, romaine
et européenne avec la gestion de l'accueil de la protection et de la
défense des réfugiées confiés aux religions et aux ONG.
L'association
« Forum-réfugiés COSI proclame vouloir : « Articuler
l'accueil des réfugiés et le soutien à la construction
démocratique dans certains pays, d'un bout à l'autre des routes de
l'exil...promouvoir la bonne gouvernance ».
Subventionnée par les « va-t'en-guerre » que sont la
France et l'Union européenne, cette proclamation a de quoi
surprendre !
Dans
le quotidien, il faut savoir que cette association fait pression sur
tout nouveau bénévole, qu'il intervienne à titre individuel ou
dans le cadre d'une association, afin qu'il adhère à l'association
Forum réfugiés-COSI ». La « charte des bénévoles de
Forum réfugiés-COSI » (6) stipule que « Le
bénévole est tenu d'adhérer aux valeurs et aux objectifs de
l'association, et à assurer de façon efficace et sérieuse sa
mission et son activité ».
Elle est remise d'office à chaque bénévole qui est censé la
signer et la rendre accompagnée de copies de documents personnels :
carte d'identité, extrait n°3 du casier judiciaire.
L'Etat
a ainsi les moyens d'enquêter et de surveiller les agissements de ce
bénévole, surtout s'il est militant d'une organisation un tant soit
radicale !
Bref,
l'Etat au travers de son administration n'est qu'un comptable qui
ignore les besoins des réfugiés, comptent sur les bénévoles pour
amener un peu d'humanité par les actions sociales et culturelles et
se permet de surveiller le tout en laissant croire qu'il est
responsable d'activités menées par d'autres que lui !
L
'accompagnement social et administratif est bien le seul dont l'Etat
peut prétendre et qui, consiste à décider des « ouvertures
des droits auxquels une personne peut prétendre, ainsi que de
l'orientation vers d'autres structures ou dispositifs adaptés à la
situation juridique de la personne ».
Dans la réalité ce sont plus de 60 % des exilés qui voient leurs
demandes rejetées : en 2015, 67% l'ont été, contre 47% en moyenne
en Europe, ce qui place la France au 25ème rang en termes d'octroi
(4). Afin de se faire une idée il faut savoir qu'en 2015, sur 24,5
millions de personnes contraintes de fuir leur pays, 1,25 millions
ont déposé une demande en Europe, dont 75 000 en France (4).
Pour
rappel, l'Europe compte plus de 500 millions d'habitants ; la France
67 millions, ce qui donne un bel aperçu du risque d'invasion ! Un
bel aperçu des volontés d'accueil du gouvernement !
C'est
l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII) qui
est chargé de l'information sur la procédure d'asile, sur la
présentation des aides au retour, de l'orientation vers un
hébergement du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile
tels les Centres d'Accueil des Demandeurs d'Asile (CADA) par exemple.
A
chaque étape dans le parcours du réfugié qui désire rester en
France, correspond un statut donnant ou pas certains droits.
Le
compte rendu de la formation « Accueil des migrants –
Auto-défense juridique » (5) présente de manière simplifiée
la complexité du parcours de demandeur d'asile :
- Première étape : dépôt de la demande d'asile en préfecture avec pour les personnes majeures un relevé des empreintes, sachant que si celles-ci ont déjà été prises dans un autre pays, la demande d'asile doit être faite dans ce pays, d'où décision de transfert vers ce pays. Par ailleurs, un seul Etat étant censé être responsable de l'examen d'une demande d'asile, le pays responsable de la demande est normalement celui par lequel la personne est entrée et dans lequel elle a du être contrôlée (règlement Dublin 3). On peut se demander comment des réfugiés voulant faire leur demande d'asile en France vont pouvoir éviter les contrôles en Italie ou Espagne où ils arrivent après avoir traversé la méditerranée ?
Cette
première étape franchie le réfugié obtient une attestation de
demandeur d'asile pour un mois, un hébergement en CAO ou en CADA ,
une aide à la subsistance (ADA), la couverture CMU mais n'a pas le
droit de travailler.
- Deuxième étape : après enregistrement de la demande le réfugié est dirigée vers un Centre d'Accueil des Demandeurs d'Asile (CADA), le CAO ayant joué son rôle d'accueil très temporaire, le temps du contrôle administratif. A ce stade, il obtient une attestation valable de 6 à 9 mois et autorisant le réfugié à travailler.
- Troisième étape : si l'OFFRA attribue le statut de réfugié, celui-ci obtiendra une carte de résident valable 10 ans. En cas de rejet de la demande, l'OFRA peut accorder le « bénéfice de la protection subsidiaire » donnant droit à une carte de séjour temporaire d'un an.
Les
étapes ci-dessus peuvent prendre des mois, voire des années, si
l'on tient compte des problèmes et refus administratifs amenant de
possibles recours à chacune des étapes.
Comme
vu précédemment, les 67% de réfugiés déboutés de leur demande
d'asile sont classés OQTF, c'est à dire « Obligation de
Quitter le Territoire Français ». Si entre temps des enfants
ont été scolarisés, des familles ont pu commencer de s'intégrer,
c'est le statut de sans papiers qui les attend avec le risque d'être
renvoyés à la frontière, avec ou sans aide au retour !
Les
conflits n'étant pas prêt de s'éteindre, les Centres d'Accueil et
d' Orientation (CAO), vont devenir un « dispositif temporaire
d'exception durable » avec de plus en plus de « Turn
over » la durée de prise en charge étant de 3 mois pour les
personnes désirant faire une demande d'asile en France et de 1 mois
pour les autres.
Durables
les galères dans le parcours des demandeurs d'asile quand on sait
qu'une seule proposition d'orientation leur est faite et que si il la
refuse, cela met fin à l'ensemble de leur
prise
en charge.
En
conclusion, la réalité de l'accueil des réfugiés, c'est une
administration qui, certes fournit un toit dans une caserne ou un
centre de vacances inoccupés à des réfugiés jusqu'alors SDF, une
administration qui octroie 4 à 6 euros par personne et par jour sans
se préoccuper du reste :
- L'urgence consiste à délivrer ou non des attestations qui permettront aux réfugiés d'espérer encore un peu,
- Dans l'urgence, ce sont centres isolés en pleine campagne où en absence de moyens de transport, on assiste à un « taux de fuite » (26%) des réfugiés qui tentent de revenir à Calais ou vers des destinations inconnues des gestionnaires,
- L'urgence, c'est la vérité : 80% des réfugiés hébergés dans ces centres font une demande d'asile en France, près de 70% ont déjà été, sont, et seront déboutés,
- L'urgence est de dire aussi que le CAO n'est pas toujours un lieu de sécurité car des préfectures n'hésitent pas à renvoyer en Italie des réfugiés qui y avaient laissé leurs empreintes (bien qu'ils fassent une demande en France)
Bref,
l'Etat fait preuve de sa longue expérience en matière d'accueil de
réfugiés !
Il
est urgent de réaffirmer que militer auprès des réfugiés ne
consiste pas à « jouer aux dames patronnesses », à se
substituer à l'Etat. Il s'agit d'oeuvrer avec les réfugiés, et non
pas à leur place, à de vrais actions solidaires, au combat pour la
justice sans oublier de donner à connaître et d'interpeler les
populations locales afin qu'elles cessent de voir un envahisseur dans
tout réfugié...Bref, il est urgent de dire que les réfugiés sont
avant tout des femmes et des hommes chassés de chez eux, des
victimes du capitalisme mondial qui impliqué dans la plupart des
conflits trouve les moyens de les entretenir en vendant ses armes, et
de s'enrichir en reconstruisant ce qu'il a été détruit. Qui plus
est, les déplacements de population ont aussi pour lui l'avantage de
laisser de nouveaux territoires libres et donc plus facilement
exploitables !
- source « Datagueule », websérie diffusée sur France 4 depuis juin 2014
- Le Parisien – juin 2017
- Ministère de l'Intérieur : mise à l'abri des migrants
- source : rapport PRIMOLEVI, persécutés au pays, déboutés en France
- Pivoine – compte rendu de la Formation « accueil des migrants – Auto-défense juridique » 2 décembre 2016 – La Villedieu
- Charte des bénévoles – site internet du Forum-réfugiés COSI
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