Le gouvernement, le pouvoir et les possédants en général ont intérêt à fabriquer et à récupérer un tel événement. C'est déjà le cas de Macron.
Charles Platiau / Reuters
> L'équipe de France masculine de football est qualifiée pour la finale de la Coupe du monde. Difficile de ne pas le savoir tant l'événement prend une place considérable à la télévision, dans les médias, comme dans les bars, comme un peu partout. Certains parlent même de rendez-vous avec l'Histoire.
> Le fait est que pour une bonne partie de la population, c'est la fête. Pas pour tout le monde certes, parce qu'il y a toujours des originaux, mais quand même cette "ferveur populaire" est importante et prend de l'ampleur au fil des jours.
Comme cela arrive souvent dans ces cas d'élan populaire, il ne fait pas bon d'aller à contre courant, ne serait-ce que prendre un peu ses distances avec le phénomène. Pourtant cela mérite discussion.
> La "France" est en finale, on nous dit que c'est énorme, que les "Français" sont tous derrière leur équipe, que la cohésion nationale est retrouvée, que voilà le bonheur d'être unis, ensemble, solidaires, le bonheur tout court. On nous dit que c'est la beauté du sport, que seul le sport peut procurer cette émotion auprès de tant de gens, que seul le foot a ce pouvoir d'unifier une population, tout un peuple.
> On nous en dit trop, on nous en met trop plein la tête pour que cela soit honnête. Bizarrement tout le monde semble d'accord, le gouvernement et ses oppositions, les politiciens de droite comme de gauche, les journalistes, les chroniqueurs, des stars, des artistes, plus de disputes, tous sont sur la même longueur d'onde, derrière le même drapeau, le "bleu-blanc-rouge", fiers et heureux d'appartenir à la même nation, alors ils sont heureux, ils en font des tonnes mais il ne faut pas lésiner.
> La machine est en marche, ce serait le moment de faire la fête, même le moment de manifester dans la rue, de manifester sa joie et non pas sa colère évidemment, c'est le moment d'occuper la plus grande avenue du monde, le moment du "tous ensemble" derrière le drapeau tricolore c'est bien et pas comme ces dernières mois derrière un drapeau rouge, avec des cheminots ou des hospitaliers.
Visiblement la marseillaise et le drapeau tricolore protègent, pas de risque d'intervention policière. C'est le moment de faire du bruit, c'est autorisé et même encouragé!
> Il y a bien une grosse entourloupe de la part de ceux qui ont le pouvoir ou de ceux qui tiennent les gros médias, ce qui peut revenir au même. Car cette "fête" n'est pas neutre, on nous dit que c'est inoffensif, que c'est du sport, que ce n'est pas politique. Mais en vrai c'est tout sauf neutre.
> Cette coupe du monde comme tous les grands événements sportifs ne sont pas que des machines à rapporter du pognon (pognon de dingue) à des profiteurs, ce sont aussi des moyens de propagande idéologique, qui distillent le chauvinisme et le nationalisme, qui veulent faire croire que riches et pauvres, patrons et ouvriers, banquiers et chômeurs, seraient unis par notre drapeau et auraient les mêmes intérêts.
> Les victoires de l'équipe de France peuvent être récupérées politiquement afin de cultiver les préjugés nationalistes, pacifiques aujourd'hui mais peut-être agressifs demain. Alors bien sûr qu'on peut comprendre et être sensibles à la joie des gens qui défilent dans la rue, on peut même applaudir aux matches et aux victoires de l'équipe de France comme des autres équipes d'ailleurs. Mais on peut légitimement prendre ses distances avec "l'unité de la nation", on peut dénoncer l'hypocrisie et les mensonges sur ce "tous ensemble", on peut aussi dénoncer ce sport business.
> Le gouvernement, le pouvoir et les possédants en général ont intérêt à fabriquer et à récupérer un tel événement. Ils l'utilisent, c'est déjà le cas de Macron, pour faire oublier que ce sont eux, que ce sont leurs choix qui détruisent le "vivre ensemble" en démantelant les services publics, qui divisent et fragilisent la population en l'appauvrissant et en la précarisant, qui font exploser les inégalités sociales et les injustices en s'attaquant à tous les acquis sociaux qui mènent des politiques xénophobes, ce sont eux qui répriment brutalement celles et ceux qui résistent.
Comment oublier les matraques, les gazages, les blessures, les gardes à vue, les condamnations? Comment oublier que les cheminots ou les manifestants ont été traités récemment de preneurs d'otages? Et maintenant il faudrait faire cause commune, faire comme si de rien n'était, parce que c'est le foot, parce que c'est la fête?
> Alors quitte à apparaître comme "rabat-joie", l'envie est bien là de dénoncer cette embrouille qu'est l'idéologie nationaliste car elle met des frontières entre les peuples, de dire que l'on veut faire la fête avec qui on veut, quand on veut, qu'il n'y a pas que le sport et le foot, qu'il peut y avoir de l'émotion, du spectacle, du bonheur aussi dans la culture, dans les arts de partout (pas que national), que le "tous ensemble" c'est le partage des richesses, la fin des inégalités, des discriminations, du racisme, de l'homophobie, du sexisme... que les seules frontières que nous reconnaissons c'est celles entre les oppresseurs et les opprimés, entre les classes sociales.
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