De
la même façon que Al Capone n'est pas tombé pour ses crimes mais
pour fraude fiscale, Alexandre Benalla ne tombera pas pour des faits
de violence avérés mais,
peut-être,
pour des problèmes de procédure interne au fonctionnement de
l'Etat.
Rendez-vous
donc à la rentrée pour la reprise des hostilités
politico-mediatico-judiciaires, qui seront bien utiles pour ne pas
avoir à parler des projets de réformes « Cap 21 » à
venir...
Dans « l'affaire Benalla » ce n'est pas le fond qui gêne mais la forme : ce n'est pas la violence répétée de la « petite frappe macronienne » qui a ému les politiques et les médias, mais le fait qu'il n'était pas expressément mandaté pour violenter une femme, tabasser un homme à terre.
Benalla
n'est qu'un petit soldat de la star-up France dirigée par le
banquier Macron au services des actionnaires du CAC 40.
Dont
acte ! Il n'y aura jamais de procès pour violence policière,
celle-ci étant totalement intégrée et admise dans notre société
en particulier depuis qu'elle se trouve légitimée par l'état
d'urgence dont l'usage, on le voit bien, vise essentiellement les
« terroristes de l'intérieur » que sont les opposants
politiques.
N'importe
quel manifestant sait combien il est devenu dangereux de défiler
aujourd'hui, combien les scènes de violences policières relèvent
du quotidien.
En
corollaire, on connaît également la honteuse complicité de la
majorité des médias de plus en plus flagrante. Plutôt que de
donner à voir les exactions des forces de l'ordre, ceux-ci se
complaisent dans la désignation de coupables désignés par avance
par le pouvoir : les étudiants présentés comme manipulés,
les voyous descendus des cités ou encore les dangereux casseurs
cagoulés du « black blok ».
Sans
contre information, sans recul, sans volonté il faut bien le dire,
le citoyen lambda ne retient de la manifestation parisienne que les
vitrines cassées et les façades de banque taguées.
Le
triptyque « Manipulation, Désinformation, Répression »
devrait être inscrit au fronton de cet ersatz de démocratie qui se
fait encore appeler République, Vème du nom !...
Mais
pour que tout cela fonctionne, pour que des dérives de plus en plus
graves, de plus en plus visibles apparaissent sans que cela ne
bouleverse l'opinion, il faut des dérivatifs à la pensée
collective !
Le
« silence
des pantoufles »
ne peut accepter et légitimer « le
bruit des bottes »
qu'en échange de compensations...
Aldous
Huxley, il y a près de 80 ans, en 1939 avertissait :
« La
dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de
la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne
songeraient pas à s'évader. Un système d'esclavage où, grâce à
la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l'amour
de leur servitude ... »
Car
il s'agit bien de cela : pour que les blessés, les mutilés et
les morts victimes des violences policières ne provoquent
pratiquement aucune colère, il en faut des produits de consommation
et des distractions...Il en faut des remises de prix, des publicités,
des Stéphane Bern, Hanouna, Nagui et autres Patrick Sébastien...
Avec
la consommation, en plus de la chaîne du salariat les travailleurs
portent une deuxième chaîne à leur cou, chaîne il faut bien le
dire, allégée par les « Années bonheur » du samedi
soir à la télévision sur « France de mes 2 »...
Huxley
précisait les conditions d'une « bonne dictature » :
« Pour
étouffer par avance toute révolte...il suffit de créer un
conditionnement collectif si puissant que l'idée même de révolte
ne viendra même plus à l'esprit des hommes...Ensuite réduire de
manière drastique l'éducation pour la ramener à une forme
d'insertion professionnelle...Un individu inculte n'a qu'un horizon
de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des
préoccupations médiocres, moins il peut se révolter...(Il suffit)
que l'accès au savoir devienne de plus en plus élitiste, que le
fossé se creuse entre le peuple et la science et que l'information
destinée au grand public soit anesthésié de tout contenu à
caractère subversif. Surtout pas de philosophie...diffuser
massivement, via la télévision, des divertissements flattant
toujours l'émotionnel et l'instinctif. Occuper les esprits avec ce
qui est futile et ludique... ».
Chacun
peut à loisir trouver des dizaines d'exemples dans notre société
actuelle...
Sans
commentaire !
Alors,
- Comment qualifier un pays où l'information est tellement déformée que l'on sait d'avance qu'il y aura impunité pour les auteurs de crimes commis sous l'uniforme ?
- Comment nommer un pays où, même si les faits réussissent à passer à travers les filtres et barrages officiels, la majorité des citoyens restera silencieuse trop occupée à consommer et à se distraire ?
- Comment dès lors doit-on appeler une société où éborgner, mutiler, tuer peut pratiquement se dérouler sans que cela n'interpelle outre mesure la conscience collective ?
Dictature
douce, dure ?
Le
mouvement social, c'est à dire la mobilisation d'une infime minorité
de la population, avec toutes ses difficultés à exister, ne peut
dans ces conditions que s'effacer et laisser la place aux images
chocs garantissant un bon audimat, aux articles véhiculant la bonne
conscience nationale.
La
triste réalité est que même si « quelque part » telle
femme, tel homme ressent l'oppression qui lui est faite en tant que
travailleur, citoyen, il, elle, par impuissance transfère sa haine
non pas vers les responsables au pouvoir mais vers ceux qui
manifestent justement contre ce pouvoir. Quand des cheminots en grève
pour un meilleur service public se trouvent insultés par ceux-là
même qui devraient les soutenir, des travailleurs et usagers comme
eux, on mesure les dégâts du corporatisme. A qui la faute si ce
n'est aux grandes centrales syndicales qui n'ont de cesse de prôner
les luttes corporatistes alors que l'heure est à la grève générale
depuis des lustres...
Par
inculture politique et inconscience de classe, par peur et par
lâcheté, la grande masse se comporte en vraie collaboratrice de sa
propre soumission !
Cela,
l'Etat le sait depuis toujours d'où les attaques contre l'éducation,
l'enseignement de l'histoire etc.
Il
est effrayant de constater comment en une seule génération, l'Etat
a pu effacer des décennies de conquêtes sociales, a pu s'acharner à
effacer des pans entiers de notre mémoire collective...
Humour
noir !
- Cette situation est le fait d'un gouvernement, d'un homme élu avec moins de 18% des électeurs au premier tour en 2017 !
- Cette situation est celle où un homme Emmanuel Macron peut se flatter d'avoir été élu avec le soutien objectif de la gauche parlementaire et de la complicité objective des grandes centrales syndicales !
Rappelons-nous
le slogan d'alors : faire à tout prix barrage à Marine Le
Pen...
Cherchez
l'erreur !
En
fait de barrage, des responsables politiques, des « militants
de gauche », des « progressistes » ont permis que
se réalise à nouveau une alliance objective du libéralisme avec
l'extrême droite.
Cela
n'est pas nouveau et en 2018 elle a pour nom le macronisme !
Alors,
dictature douce, dure ?
On
sait que le capitalisme s'est toujours accommodé du fascisme quand
celui-ci pouvait lui permettre de surpasser ses contradictions et ses
crises internes. Jusqu'à, comme le disait Jaurès, n'entrevoir plus
que la guerre comme moyen de survie !
Encore
une fois, loin des atermoiements des médias, le visage de l'extrême
droite n'est pas celui que l'on croit. Les gesticulations, les propos
vulgaires et nauséabonds d'un Jean Marie Le Pen ont surtout servi à
cacher l'essentiel : les dérives ultra-autoritaires,
extrémistes d'un modèle de société plus près du fascisme
ordinaire que de la république voulue par nos anciens en 1789.
Il
n'aura fallu que quelques décennies pour que le capitalisme
acquière une puissance absolue. De Mitterand à Macron, l'Etat est
arrivé progressivement à n'être plus que l'outil au service
exclusif du Capital, à ne plus représenter que la caste des
possédants, à se permette n'importe quelle dérive, n'importe quel
dérapage sans avoir de compte à rendre a quiconque. L'Etat peut
aujourd'hui éliminer toute contestation y compris par le crime...
Il
est temps de reconnaître qu'aujourd'hui les vrais radicalisés ne
sont pas les étudiants, les travailleurs qui se soulèvent mais
qu'ils sont au pouvoir, élus par le peuple !
Les
vrais terroristes sont au pouvoir.
Partout,
la
guerre sociale menée par le capitalisme annonce une vraie guerre,
dernière solution pour lui permettre de rebondir, comme en 14, comme
en 39...
Enfin,
et ce n'est pas rassurant, l'atmosphère de « dictature douce »
risque de n'être que les prémices d'un vrai retour au fascisme tel
que nos parents l'ont connu. Les bruits de fond se font de plus en
plus entendre non seulement en France mais à travers toute l'Europe,
de l'Italie à l'Autriche en passant par la Hongrie.
Benalla
n'est pas ce que l'on voudrait nous faire croire, « le ver au
milieu du fruit » pour la bonne raison que le « fruit
Vème République » est pourri depuis ses origines.
Douce
ou dure, à chacun de qualifier ce qui s'apparente de toute manière
à une vraie dictature !
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