lundi 15 juillet 2019

RÉPONSE DE WILFRID LUPANO AU MINISTRE DE LA CULTURE






Monsieur le ministre,

> À ma très grande surprise, vous m’avez adressé la semaine
dernière un courrier pour m’annoncer que vous me décerniez le grade
de chevalier des arts et lettres.
Je vous remercie de cette délicate attention, mais j’ai bien peur de
devoir refuser cet « honneur ».

> Déjà, spontanément, je n’ai jamais été très excité par les
médailles. Pierre Desproges disait _« les décorations, c’est la
libido des vieux »_. Je me plais à penser que je n’en suis pas
encore là. Il y a cependant des distinctions plus réjouissantes que
d’autres, et celle-ci a l’inconvénient, monsieur le ministre,
d’être remise par un représentant politique.
Or, comment accepter la moindre distinction de la part d’un
gouvernement qui, en tout point, me fait honte ?

> Car oui, il s’agit bien de honte.

> J’ai honte de ce que votre gouvernement fait des services publics,
au nom du refus dogmatique de faire payer aux grandes entreprises et aux
plus grosses fortunes les impôts dont elles devraient s’acquitter. «
il n’y a pas d’argent magique » martèle votre leader. Il y a en
revanche un argent légal que monsieur Macron refuse d’aller chercher
pour ne pas déplaire à ceux qui ont financé sa campagne.

> J’ai honte, lorsque j’entends monsieur Castaner s’indigner que
l’on puisse « s’attaquer à un hôpital », comme il l’a fait
récemment, alors que c’est bien votre gouvernement qui fait le plus
de mal aux services de santé, et pas trois gilets jaunes qui cherchent
à se mettre à l’abri au mauvais endroit. J’ai honte de ce
gouvernement qui en supprimant l’ISF, a divisé par deux les
ressources des associations qui prennent à leur charge les plus
faibles, les plus démunis, les laissés pour compte, à la place de
l’état.

> J’ai honte lorsque votre gouvernement refuse d’accueillir
l’Aquarius et ses 160 réfugiés qui demandent de l’aide, et encore
plus honte lorsque monsieur Castaner, encore lui, accuse les ONG qui
tentent par tous les moyens de sauver des vies d’être « complices »
des passeurs.
J’ai honte lorsque je vois la police « escorter » les militants de
Génération Identitaire après leur coup de com’ au col de Briançon
pour les « protéger » contre les militants favorables à l’accueil
des réfugiés. Certains de ces derniers furent d’ailleurs
interpelés, alors que tous les membres de Génération Identitaire sont
rentrés chez eux fêter leur coup de publicité.

> J’ai honte de votre politique indigne d’accueil des migrants, et
en particulier des mineurs isolés. Le gouvernement auquel vous
appartenez a accéléré le rythme des expulsions, voté l’allongement
à 90 jours de la période de rétention pour les étrangers en
situation irrégulière. De la prison, donc, pour des personnes
n’ayant commis aucun crime, hommes, femmes, enfants, nouveaux-nés.
Pendant ce temps, des préfets plusieurs fois condamnés pour non
respect du droit d’asile sont maintenus en poste.

> Pour de sordides calculs électoraux, le gouvernement auquel vous
appartenez foule aux pieds tous les principes philosophiques et moraux
qui sont à la base de la constitution et de l’histoire de ce pays, et
passe à côté du sens de l’Histoire. Soyez certain que l’Histoire
s’en souviendra.

> J’ai honte de l’incapacité de ce gouvernement à prendre en
compte l’urgence écologique, qui devrait pourtant être le seul sujet
à vous préoccuper vraiment. En dehors d’effets d’annonce, rien
dans les mesures prises depuis deux ans n’est à la hauteur des enjeux
de notre époque. Ni sur la sortie des énergies fossiles, ni sur le
développement du bio, des énergies renouvelables ou la condition
animale. Votre gouvernement reste le loyal service après-vente des
lobbies, de l’industrie agroalimentaire, des laboratoires, des
marchands d’armes…

> J’ai honte, monsieur le ministre, de ce gouvernement mal élu ( le
plus mal de la l’histoire de la cinquième république) qui ne tient
plus que par sa police ultra violente.

> J’ai honte de voir, depuis des mois, partout en France, éclater des
yeux, exploser des mains ou des visages sous les coups de la police, de
Notre Dame des Landes aux Champs-Elysées, à Toulouse, Biarritz,
Nantes. Le monde entier s’alarme de la dérive sécuritaire de votre
gouvernement, de l’utilisation abusive d’armes de guerre dans le
maintien de l’ordre, mais vous, vous trouvez que tout va bien.

> Je pense à Maxime Peugeot, 21 ans, et à sa main arrachée par une
grenade dans un champ de Notre Dame des Landes. Qu’est-ce qui pouvait
bien menacer à ce point la sécurité de la France, dans ce champ à
vache du bocage breton, pour qu’on en arrive à faire usage d’une
telle violence ? 2500 gendarmes, une opération de guerre à plusieurs
millions d’euros menée pour détruire une trentaine de cabanes en
bois (« il n’y a pas d’argent magique »…) et procéder à une
dizaine d’expulsions… Je pense à Lola Villabriga, 19 ans,
défigurée à Biarritz par un tir de LBD que rien ne justifiait et qui
vit désormais avec des plaques d’acier dans la mâchoire, alors que
c’était sa première manifestation. Je cite deux noms, mais vous le
savez sûrement, ils sont aujourd’hui des centaines. Suivez le travail
de David Dufresne si le sujet vous intéresse.

> Comme vous le voyez, nous avons peu de points communs, politiquement.
Et dans un monde où les distinctions culturelles seraient remises par
le milieu culturel lui-même, sans intervention du politique, j’aurais
accepté celle-ci avec honneur et plaisir. Mais il n’y a pas de geste
politique qui ne soit aussi symbolique, et je sais déjà que si un jour
j’atteins l’âge avancé où on prend son pied à exhiber ses
breloques, j’aurais bien peu de plaisir à me rappeler que celle-ci me
fut remise par le représentant d’un gouvernement dont j’aurais si
ardemment souhaité la chute et la disgrâce.

> Passons malgré tout une bonne journée,

> WILFRID LUPANO

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire