jeudi 31 janvier 2013

a télécharger, dernier n° 35 de Creuse-Citron


https://docs.google.com/file/d/0ByAHhzxlu91RdUFNZFNVdmNROVk/edit

L’insoumise, bouquinerie occupée

 

L’Insoumise est une bouquinerie occupée située au 10 rue d’Arras à Lille Moulins. L’idée ? Quelque chose entre une librairie mais à prix libre, une bibliothèque auto-gérée et le squat !
On a rencontré une partie du collectif de l’Insoumise et on discute avec eux du projet et des menaces qui pèsent sur le lieu.
Pour écouter le sujet, cliquez ICI ou sur la barre de lecture.


"Bassin miné" : un film sur le devenir des corons à l’heure du Louvre-Lens

L’UNESCO, la rénovation urbaine (ANRU) ou encore l’implantation de projets comme le Louvre Lens font officiellement unanimité dans le bassin minier Nord-Pas-de-Calais. Or les projets ont ceci de commun que les habitants et habitantes ne tiennent aucune place dans leur mise en place.
Ce film documentaire de Dams et Greg, transmis à Autrefutur par ce dernier (et destiné à être complété ultérieurement), permet de porter un regard acéré sur les transformations du bassin minier, en donnant largement la parole à celles et ceux qui y vivent.

Bassin miné : Chantier interdit au public par damiendeb
À lire également sur ce sujet  :
- Le Louvre Lens : en toute impunité
- Batailles dans les corons
- Louvre-Lens : petit kit pour dubitatifs

mardi 29 janvier 2013

M. Harlem Désir, un peu d’histoire !


Communiqué

Ignorance de l’histoire ou déni de l’histoire, les propos de Harlem Désir, le 21 janvier 2013, dans Mots croisés, sur France 2, à propos de l’accueil réservé aux réfugiés espagnols en 1939, sont inacceptables. Comment oser dire que ces Espagnols étaient fiers de la solidarité de la France ?
Comparant la gratitude qui serait celle de Maliens de 2013 envers la France à une présupposée gratitude des Espagnols républicains de 1939 à l’adresse du même pays qui aurait été accueillant pour eux, Harlem Désir a tenu ces propos : « Juste avant cette émission, j’étais à Montreuil où nous organisions une réunion de solidarité avec le peuple malien et j’ai vu des hommes et des femmes, beaucoup de Maliens de France, qui étaient à la fois inquiets, pour leur pays, comme ont pu l'être des réfugiés, vous savez, des Espagnols ou autres qui ont été accueillis en France au moment où leur pays traversait des drames et des guerres, et qui en même temps étaient fiers de la solidarité de la France, qui étaient soulagés, qui étaient reconnaissants. »
Or, même si en 1936 et 1937, il y eut une petite solidarité envers les Républicains espagnols en guerre civile, celle-ci a vite été interrompue par le gouvernement de gauche.
La Fédération anarchiste tient à rappeler que, parmi les 500 000 réfugiés espagnols fuyant le franquisme, après avoir, pour nombre d’entre eux, mené un âpre combat contre les forces franquistes, mais aussi contre ses alliés nazis et les supplétifs de Salazar, au moins 330 000 se sont retrouvés dans des camps de concentration (appellation officielle).
La solidarité n’était pas de mise, sauf chez certains militants de gauche, des anarchistes et quelques entités caritatives. En métropole et au Sahara colonisé, le gouvernement recevait ces Espagnols antifascistes, sans l’avoir anticipé – alors que les évènements présageaient une arrivée massive –, dans les camps de la honte du sud du pays. 17 000 personnes y périrent, ne parvenant pas à lutter contre le vent froid, la pluie, l’insalubrité, le manque d’eau potable, l’insuffisance des équipements sanitaires, la typhoïde, la tuberculose, le paludisme, le désespoir. Au Sahara, les conditions de vie étaient encore pires et certains y croupirent jusqu’en 1942. Rappelons aussi que les révoltes étaient punies d’emprisonnement dans des espaces disciplinaires et que les punitions brutales pouvaient semer la mort.
Là, il est question de l’attitude du gouvernement républicain jusqu’en 1940. Quant à celui de Vichy, il a livré des Espagnols au régime franquiste et aux nazis qui les ont déportés dans les camps d’extermination.
Pour rendre la monnaie de la pièce de la solidarité à la France, nombre d’espagnols exilés, dont de nombreux anarchistes, se sont battus contre l’occupation nazie, rejoignant la Résistance ou les Forces libres : les hommes de la 2e division blindée de Leclerc, commandée par le capitaine Raymond Dronne, la Nueve, qui, comme son nom l’indique, était composée en majorité d’Espagnols, ont été les premiers à rentrer dans Paris, le 24 août 1944, au soir.
Aussi, M. Harlem Désir, la Fédération anarchiste vous invite à revisiter votre Histoire de France, l’histoire de ces républiques et celle du comportement de ses représentants.

Secrétariat aux relations extérieures de la Fédération anarchiste.


MALI toujours.....

Un état de guerre sans fin »

Alors que François Hollande entraîne la France dans une « guerre aveugle et solitaire »*, le journaliste étasunien Glenn Greenwald, dans le Guardian, dénonce la « guerre contre le terrorisme » « qui assure sa propre pérennité, précisément parce quelle crée sans fin ses propres ennemis et qu’elle fournit l’huile garantissant que le feu brûlera jusqu’à la fin des temps ».




Glenn Greenwald est un des journalistes les plus renommés des États-Unis. Cet ancien avocat constitutionnel tient une chronique journalière sur les libertés civiques et les questions de sécurité nationale aux États-Unis pour le quotidien britannique The Guardian. Il est notamment l'auteur d'un livre sans concession sur les conséquences désastreuses pour les libertés démocratiques du Patriot Act, « How Would a Patriot Act ? », paru en 2006, qui fut un bestseller Outre-Atlantique.

Un légionnaire français engagé au Mali photographié par l'AFP avec un masque de mort du jeu vidéo Call of duty Un légionnaire français engagé au Mali photographié par l'AFP avec un masque de mort du jeu vidéo Call of duty


Au moment où des avions français bombardent le Mali, une statistique toute simple explique le contexte : cette nation de l’Afrique de l’Ouest de 15 millions d’habitants est le huitième pays où les puissances occidentales ont, ces dernières années, bombardé et tué des musulmans, après l’Irak, l’Afghanistan, le Pakistan, le Yémen, la Libye, la Somalie et les Philippines (sans parler des nombreuses tyrannies mortifères soutenues par l’Occident dans cette région du globe).
Pour des raisons évidentes, la rhétorique selon laquelle l’Occident n’est pas en guerre avec le monde musulman sonne de plus en plus faux chaque fois que le militarisme progresse. Mais cette nouvelle campagne massive de bombardements nous révèle des enseignements essentiels concernant l’interventionnisme occidental, des leçons qui, comme toujours, sont résolument ignorées.

Premièrement, comme l’a souligné le New York Times, l’instabilité que connaît le Mali est, pour une large part, la conséquence directe de l’intervention de l’Otan en Libye.
En particulier, « des combattants islamistes lourdement armés, très aguerris par les combats en Libye », « les importants stocks d’armes sortis de Libye, ainsi que des combattants différents, plus islamisés de retour de ce pays » ont joué un rôle de catalyseur dans l’effondrement d’un gouvernement soutenu par les États-Unis.
Pour reprendre l’excellente analyse d’Owen Jones dans le quotidien britannique The Independent :
« Cette intervention est la conséquence d’une autre intervention. On a fréquemment vendu la guerre en Libye comme un modèle de réussite pour un interventionnisme à visées progressistes. Pourtant, le renversement de la dictature de Kadhafi a eu des conséquences que les services de renseignement occidentaux ne se sont probablement pas donné la peine d’envisager.
Les Touaregs – qui traditionnellement venaient du nord du Mali– constituaient une proportion importante de son armée. Lorsque Kadhafi fut éjecté du pouvoir, ils retournèrent chez eux : parfois sous la contrainte lorsque des Africains noirs subirent des agressions dans la Libye post-Kadhafi, une donnée gênante largement ignorée des médias occidentaux.La guerre en Libye fut considérée comme un plein succès, seulement nous en vivons actuellement le contrecoup. »
À chaque fois, les interventions occidentales s’achèvent par incompétence ou par manque d’objectifs, et elles sèment les graines d’interventions futures. Étant donné la très grave instabilité qui affecte la Libye actuellement, couplée à la colère durable consécutive à l’attaque contre Benghazi, dans combien de temps nous annoncera-t-on que des bombardements et des envois de troupes dans ce pays sont – une fois encore – nécessaires pour combattre les forces « islamistes » au pouvoir : des forces mises en place grâce au renversement par l’Otan du gouvernement de ce pays ?
Deuxièmement, le renversement du gouvernement du Mali fut facilité par la désertion de soldats entraînés et armés par les États-Unis. Selon le New York Times, des cadres d’unités d’élite de cette armée, « entraînés minutieusement par les États-Unis, firent défection quand on eut vraiment besoin d’eux, en emportant chez l’ennemi, au plus fort de la bataille, des troupes, des armes, des camions et leurs compétences récentes, selon des responsables de l’armée malienne. » Puis, « un officier entraîné par les États-Unis a renversé le gouvernement élu du Mali, préparant le terrain pour la prise de la moitié du pays par des forces extrémistes islamistes. »
Autrement dit, l’Occident est de nouveau en guerre avec les forces mêmes qu’il a entraînées, financées et armées. Personne n’est plus compétent que les États-Unis et ses alliés pour créer ses propres ennemis, perpétuant ainsi un état de guerre sans fin. Lorsque les États-Unis ne trouvent pas d’ennemis à combattre, il les créent. Tout simplement.
Troisièmement, les bombardements de musulmans dans un nouveau pays provoqueront à l’évidence toujours plus de sentiments anti-occidentaux, ce qui alimentera le terrorisme. Déjà, comme l’a observé le Guardian, les avions de chasse français « ont tué au moins 11 civils, dont trois enfants ». Le long passé colonial de la France au Mali ne peut inévitablement exacerber que de la colère.
En décembre dernier, après que le Conseil de sécurité des Nations Unies eut autorisé une intervention au Mali, Salvatore Saguès, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest pour Amnesty International, prévenait : « Une intervention armée internationale risque d’amplifier la violation des droits humains dont nous sommes déjà témoins dans ce conflit. »
Comme toujours, les gouvernements occidentaux sont parfaitement conscients de ce risque, et pourtant ils agissent comme ils l’ont planifié. Le New York Times observe que les bombardements français ont commencé « en dépit d’avertissements proférés depuis longtemps par les États-Unis selon lesquels une offensive de l’Occident contre un bastion islamiste pourrait battre le rappel de djihadistes dans le monde entier et susciter des attentats terroristes jusqu’en Europe. » De fait, au moment même où les Français tuent des civils au Mali, un raid conjoint franco-étatsunien en Somalie à causé la mort d’« au moins huit civils, dont deux femmes et deux enfants ».
Croire que les États-Unis et leurs alliés peuvent continuer de la sorte dans le monde entier, un pays après l’autre, peuvent bombarder et tuer des innocents – musulmans – et ne pas être la cible d’attentats « terroristes » est, pour des raisons évidente, pure folie.
Comme Paul Rogers, professeur à l’université de Bradford, le disait récemment, le bombardement du Mali «  sera décrit comme “un nouvel exemple d’agression contre l’islam”». Les espoirs que l’on pouvait nourrir concernant la fin de la «  guerre contre le terrorisme » sont totalement anéantis par l’agression en cours.
Quatrièmement, en dépit de la rhétorique d’autosatisfaction dont les démocraties occidentales adorent se délecter, il est sidérant de constater à quel point ces guerres sont menées sans aucune référence à un quelconque processus démocratique.
À propos de la participation du gouvernement britannique dans l’attaque contre le Mali, l’Independent estime « troublant, pour ne pas dire plus, que Cameron ait engagé la Grande-Bretagne dans ce conflit sans même avoir fait semblant de consulter le Parlement. »
De même, le Washington Post révèle que le président Obama n’a reconnu qu’après coup que des chasseurs étatsuniens ont pénétré dans l’espace aérien somalien dans le cadre de l’opération menée par la France dans ce pays. Il s’agit, selon le Post, «  d’un aveu rare des menées militaires des États-Unis dans la Corne de l’Afrique », donc du secret anti-démocratique qui entoure systématiquement les actes de guerre des États-Unis dans la région :
« L’armée des États-Unis avait basé un nombre croissant de drones Prédateurs, de F-15 au Camp Lemonnier, qui est devenu une base clé pour les opérations secrètes de contre-terrorisme en Somalie et au Yémen. Le ministère de la défense a refusé de donner l’identité des avions utilisés dans cette mission de récupération des otages, déclarant simplement qu’il s’agissait de chasseurs et non de drones… Cependant, on ne sait pas clairement pourquoi Obama s’est cru obligé de révéler l’existence de cette opération particulière alors qu’il n’avait pas évoqué d’autres missions bien précises menées en Somalie. Les porte-parole de la Maison Blanche et du Pentagone refusent de fournir des réponses à ces questions. »
Naturellement, le gouvernement Obama a drapé toute sa campagne d’assassinats par drones dans le manteau impénétrable du secret, s’assurant que cette campagne resterait hors de portée d’une quelconque investigation par les médias, les tribunaux et les citoyens.
Les États-Unis et leurs alliés occidentaux ne se contentent pas de mener une guerre sans fin, systématiquement, contre les musulmans. Ils le font dans un secret quasi complet, sans aucune transparence ni responsabilité. Bonjour les « démocraties » occidentales !
François Hollande, lors de sa visite de la base française d'Abu Dhabi. S'adressant à un pilote de Rafale, il s'est écrié : « Merci pour votre double mission, à la fois opérationnelle, mais aussi, j’allais dire, commerciale ! » (Photo : Bertrand Langlois/AFP)
Finalement, la propagande utilisée pour justifier tout ceci est d’une banalité déprimante, même si elle est extrêmement efficace. Un gouvernement occidental qui souhaite bombarder des musulmans se contente de leur accoler méchamment l’étiquette de « terroristes », et le moindre débat, le moindre jugement critique sont instantanément étouffés dans l’œuf.
Comme l’a proclamé le ministre de la Défense Jean-Yves le Drian, « le président Hollande est totalement déterminé à éradiquer les terroristes qui menacent la sécurité du Mali, notre propre pays et l’Europe. »
Comme toujours, cette vision simpliste déforme la réalité plutôt qu’elle ne la décrit. À l’évidence, les rebelles maliens ont commis toutes sortes d’atrocités odieuses (amputations, flagellation, lapidation jusqu’à la mort pour ceux qui s’opposent à leur interprétation de l’Islam), mais les forces gouvernementales maliennes ont, selon Amnesty, « arrêté, torturé et tué des Touaregs sur des bases ethniques. »
L’Independent nous prévient à juste titre : «  Ne vous laissez pas mener en bateau par la version offerte par les médias occidentaux : il s’agit d’une simplification perverse, comme celle qui nous a été imposée dans la cruelle guerre civile syrienne. »
Les bombardements français au Mali, avec peut-être la participation des États-Unis, sont une illustration du mode d’intervention occidental. La « guerre contre le terrorisme » est une guerre qui assure sa propre pérennité, précisément parce quelle crée sans fin ses propres ennemis et qu’elle fournit l’huile garantissant que le feu brûlera jusqu’à la fin des temps.
Mais la propagande à base de slogans qui sert à justifier tout ceci est à ce point facile et de pacotille (il faut tuer les terroristes !) qu’il est difficile de percevoir quand tout cela s’arrêtera.
La peur aveugle – pas seulement de la violence, mais de l’Autre – qui a été greffée avec succès dans le cerveau de nombreux citoyens occidentaux est telle que ce simple vocable vide de sens (les terroristes) est capable, à lui seul, d’engendrer un soutien inconditionnel à toute initiative prise en leur nom, quel que soit le secret ou le manque de preuves qui l’entoure.
Glenn Greenwald
Traduction Bernard Gensane pour le Grand Soir http://www.legrandsoir.info/
* « Mali: la guerre aveugle et solitaire de la France », article de François Bonnet, Mediapart : http://www.mediapart.fr/journal/international/150113/mali-la-guerre-aveugle-et-solitaire-de-la-france

Autres articles sur le Mali


Uranium 2013 : fin des livraisons Russes aux USA

Enquête de PatrigK sur Médiapart : http://bit.ly/10E2ib6

Excellente contribution de notre ami blogueur PatrigK qui fait le point sur l'approvisionnement des centrales nucléaires en uranium : un tiers provient du déclassement des armes nucléaires russes et américaines. Mais ce flux arrive à échéance, et la production des mines d'uranium ne peut augmenter subitement.

Il est donc probable que, de même que nous avons droit de temps en temps à des « guerres du pétrole », on assiste sous peu à des « guerres de l'uranium ». C'est à dire qu'un pays nucléarisé, sous un prétexte présentable (par exemple « préserver la démocratie et la liberté »), envahisse un pays ayant des réserves d'uranium (ainsi que ses voisins).

Bien sûr, il ne faut pas considérer comme telle l'intervention militaire française au Mali, bien que ce pays ait des réserves d'uranium non encore exploitées (à Faléa et Kidal en particulier) et que son voisin le Niger soit justement le pays où la France atomique se sert en uranium depuis 50 ans. Non, vraiment, ça n'a rien à voir avec une guerre de l'uranium.


Une guerre au Mali et de l'uranium au Niger :
des islamistes très utiles au pouvoir français


Le 11 janvier 2013, l'armée française est intervenue au Mali à la suite de mouvements, vers Bamako, de groupes armés islamistes. Depuis des mois, ces derniers tiennent tout le nord du Mali et se seraient enhardis au point, nous dit-on, de vouloir occuper l'ensemble du pays.
Personne ne niera que ces groupes soient composés d'horribles individus qui, sous prétexte de convictions "religieuses", battent toute personne dont le comportement ne leur plait pas, coupent les mains des voleurs (réels ou supposés), exécutent- en particulier des femmes - pour des broutilles ou même pour rien.
Pour autant, de la même façon qu'au moment de l'intervention militaire contre Kadhafi en Libye, il est insupportable de se retrouvé sommé de soutenir une intervention militaire déployée… par ceux qui sont largement responsables de la gravité de la situation.
Qui plus est, qui peut vraiment croire qu'il s'agit d'une opération "pour la démocratie au Mali" ? Cela fait des décennies qu'elle est bafouée dans ce pays par des régimes corrompus… largement soutenus par la France. Alors, pourquoi cette subite urgence "démocratique" ?
De même, qui croira qu'il s'agit de "sécuriser la région" ? En réalité, il s'agit de sécuriser l'approvisionnement des centrales françaises en uranium : ce dernier est extrait dans les mines du nord du Niger, zone désertique seulement séparée du Mali… par une ligne sur les cartes géographiques.
A ce propos, on soulignera l'extrême perversité des ex-puissances coloniales qui ont jadis tracé des frontières absurdes, faisant fi de l'implantation des populations, et créant des pays aux contours bien curieux : le Niger et le Mali sont tous les deux en forme de sablier, une partie sud-ouest contenant la capitale, totalement excentrée et éloignée d'une immense partie nord-est, principalement désertique.
C'est ainsi que, pendant 40 ans, Areva (auparavant la Cogéma) a pu s'accaparer en toute tranquillité l'uranium nigérien dans ces mines situées à 500 kilomètres de la capitale et du fragile "pouvoir" politique nigérien.
Ces dernières années, des groupes armés se sont organisés dans cette région : des Touaregs, dépités d'être méprisés, déplacés, spoliés. Et des groupes plus ou moins islamistes, certains issus des anciens GIA qui ont semé la terreur en Algérie, d'autres contrôlés par Kadhafi, et autonomisés suite à la disparition de ce dernier.
Des salariés d'Areva, cadres dans les sociétés d'extraction de l'uranium, ont été enlevés en septembre 2010 au Niger, transférés au Mali et retenus depuis. Puis, le 7 janvier 2011, deux jeunes français ont à leur tour été enlevés au Niger.
L'Observatoire du nucléaire a été une des rares voix à dénoncer (*) l'opération militaire immédiatement lancée par les autorités françaises. Ces dernières avaient en effet, de toute évidence, décidé de châtier coûte que coûte les preneurs d'otages, quitte à ce que cela se termine dramatiquement pour les deux jeunes otages… qui ont effectivement été tués dans l'opération.
Ces deux jeunes ne travaillaient pas pour l'extraction de l'uranium mais, c'est évident, l'idée était de décourager d'éventuelles prochaines actions contre des salariés d'Areva.
Depuis, les mouvements Touaregs laïques et progressistes ont été marginalisés, en particulier par la montée en force du groupe salafiste Ansar Dine. Puissant et lourdement armé, ce dernier s'est allié à AQMI (Al Qaeda au Maghreb Islamique), faisant courir un risque de plus en plus évident pour les activités françaises d'extraction de l'uranium au nord du Niger.
La France a soutenu avec la plus grande constance les gouvernements corrompus qui se sont succédé au Mali, aboutissant à un délitement total de l'État. C'est probablement cet effondrement qui a amené les groupes islamistes à s'enhardir et à avancer vers Bamako.
De même, la France a maintenu depuis 40 ans le pouvoir du Niger dans un état de faiblesse et de dépendance par rapport à l'ancienne puissance coloniale et son entreprise d'extraction de l'uranium, la Cogéma devenue Areva. Alors que les dirigeants nigériens essaient tant bien que mal de contrôler ce que fait Areva, la France reprend totalement la main avec son intervention militaire.
Les récents mouvements des groupes islamistes n'ont en effet fait que précipiter l'intervention militaire française qui était en préparation. Il s'agit indéniablement un coup de force néocolonial, même si les formes ont été mises avec un opportun appel à l'aide du Président par intérim du Mali, dont la légitimité est nulle puisqu'il est en place suite à un coup d'État qui a eu lieu 22 mars 2012.
Précisons à nouveau que nous n'accordons pas le moindre crédit aux dangereux fondamentalistes qui sont aussi des trafiquants de drogue et d'armes et n'hésitent pas à blesser et tuer.
Par contre, nous refusons la fable de l'intervention militaire "pour la démocratie". Ce prétexte a déjà beaucoup servi, en particulier lorsque les USA ont voulu mettre la main sur des réserves pétrolières, et le voilà encore de mise parce que la France veut assurer l'approvisionnement en uranium de ses réacteurs nucléaires. Notons d'ailleurs que, à 27 000 euros l'heure de vol d'un Rafale, le tarif réel du courant d'origine nucléaire est encore plus lourd que ce que l'on pouvait craindre...
En conclusion, il est une nouvelle fois démontré que l'atome, et la raison d'Etat qui l'entoure, ne nuit pas seulement à l'environnement et aux êtres vivants mais aussi à la démocratie.

Stéphane Lhomme Directeur de l'Observatoire du nucléaire

le 1er février 2013, et menacé de fait de disparition, l'Observatoire du nucléaire, n'entend pas baisser la garde et publie ce jour un document exceptionnel (*) qui montre comment Areva dicte, aujourd'hui comme depuis 40 ans, sa loi aux dirigeants du Niger, et qui confirme les accusations portées par l'Observatoire.

Il s'agit du compte-rendu confidentiel (cette donnée est explicitement précisée dans le texte lui-même) d'une réunion qui s'est tenue le 9 novembre 2012, à Paris, entre trois hauts dirigeants d'Areva et M. Hassoumi, le directeur de cabinet du Président de la République du Niger. On notera d'ailleurs l'infériorité numérique du représentant du Niger, clairement placé en situation de vulnérabilité.

On comprend vite à la lecture du document que, en menaçant de n'ouvrir la mine d'Imouraren qu'en 2016, voire en 2017, Areva impose ses volontés au Président du Niger: ce dernier a absolument besoin que cette ouverture se fasse en 2015… afin de ne pas compromettre sa réélection en janvier 2016. Ancien cadre d'une filiale d'Areva, M. Issoufou doit constater amèrement que Areva reste son donneur d'ordre bien qu'il soit aujourd'hui Président du Niger.
Le premier point abordé lors de cette réunion est celui de la confidentialité des discussions : il est probable que le non-respect de cette clause provienne de nigériens qui ne supportent pas de voir Areva dicter ses volontés aux dirigeants du Niger.

Le second point abordé est lui aussi parfaitement illustratif de la façon dont Areva tire les ficelles au Niger : il s'agit de l'entrée du coréen KEPCO au capital de la société "Areva NC Expansion", principal actionnaire de la mine d'Imouraren. Pour "prouver" que cette décision n'a pas été prise sans l'aval du pouvoir nigérien, Areva produit un courrier prétendument envoyé en 2009 au ministre nigérien des mines (qui n'est plus en poste). M Hassoumi découvre en séance ce courrier et ne peut qu'en prendre acte.

Le cœur de la réunion concerne l'avancement du projet de la mine d'uranium d'Imouraren. Areva liste les difficultés, réelles ou non, que rencontre ce projet, jouant avec les nerfs du représentant nigérien en évoquant pour le "premier fut" la date de la "mi-2016", avec qui plus est "un risque de glissement de 6 mois", ce qui repousserait l'ouverture à début 2017 !

Areva met de fait sous pression le représentant du Président du Niger : "M Hassoumli réaffirme que le Niger a très peu de marge de manœuvre pour la date de démarrage du Projet Imouraren qui correspond à un projet majeur du Président de la République en un engagement fort vis-à-vis du peuple nigérien. L'année 2015 est une échéance politique importante qu'il convient de ne pas dépasser pour un démarrage du projet Imouraren"

Sans surprise, la suite de la discussion permet à Areva, sous prétexte du contexte international, de signifier "poliment" que le prix payé pour l'uranium restera très bas. En contrepartie, Areva s'engage enfin "à déployer tous les efforts pour un démarrage du projet marqué par le début de la mise en tas du minerai mi-2015"

Traduction : dans la mesure où l'entreprise Areva pourra continuer à s'accaparer à bas prix l'uranium du Niger, elle organisera à la mi-2015 une jolie cérémonie pour simuler le début de la production d'uranium à Imouraren et permettre ainsi au Président nigérien sortant d'en tirer partie pour sa réélection début 2016.

Il est facile de comprendre qu'Areva détient désormais un "arme atomique" contre le Président du Niger : si celui-ci formule des exigences (en particulier sur le prix de l'uranium), Areva le punira en n'organisant pas la cérémonie dont il a tant besoin

Ensuite, les dirigeants d'Areva soufflent le chaud et le froid : d'une part ils font quelques promesses concernant une possible réhabilitation de la route Arlit-Tahoua, laquelle est gravement endommagée car quotidiennement empruntée par les camions d'uranium d'Areva.

D'autre part, ils "invitent" le Niger à renouveler des permis d'exploitation d'uranium détenus par Areva (Tagait 1, 2 et 3) et l'attribution d'un nouveau permis (Toulouk 3)

Pour finir, afin de faciliter la mise en œuvre de leurs exigences (en langage diplomatique : "la résolution prochaine des points évoqués dans ce compte-rendu"), Areva annonce un curieux "don" au budget du Niger, dont les sommes annoncées correspondent d'ailleurs à celles évoquées dans l'affaire de "corruption / diffamation" qui oppose Areva à l'Observatoire du nucléaire.

En effet, "Areva s'engage à soutenir financièrement l'Etat du Niger en mettant à sa disposition la somme de 35 (trente-cinq) millions d'euros sous la forme de paiements successifs de 16 (seize) millions d'euros en 2013, 10 (dix) millions d'euros en 2014, et 9 (neuf) millions d'euros en 2015"

Pour mémoire, l'Observatoire du nucléaire estime qu'il serait légitime que l'État du Niger taxe fortement Areva (qui s'accapare de longue date, à un tarif très bas, l'uranium nigérien) mais, par contre, qu'il est insupportable de constater que, tel un généreux donateur secourant un déshérité, Areva accorde au Niger un "don" fort humiliant que l'on peut voir comme une manœuvre de corruption.


Oser ne pas justifier la guerre

Guillaume Gamblin
Intervention militaire française au Mali
dimanche 20 janvier 2013
               
Nous sommes en guerre. Vous, moi, chaque citoyen-ne français-e participe par son silence à l’approbation muette de l’offensive militaire de la France au Mali du 12-13 janvier 2013 décidée par le Président de la République Française démocratiquement élu François Hollande.
L’entrée en guerre soudaine de la France au Mali et l’unanimité médiatique qui l’accompagne ne peuvent qu’interpeller les militant-e-s de la non-violence. N’étant pas spécialiste du contexte de cette intervention, je me contenterai de poser quelques questions à son propos, tant il est indispensable de maintenir éveillé l’esprit critique face aux fausses évidences du bellicisme.
- Raconté par les grands médias, le récit de la situation politique au Mali est simple et semble justifier la belle unanimité politique qui règne au sujet de l’intervention militaire de la France, du Front de Gauche au Front National, à quelques nuances près. Ce discours médiatique, le voici : le nord du Mali est occupé depuis le printemps 2012 par des forces islamiques armées qui imposent une charia sanguinaire aux populations. Affaiblis par un putsch au printemps, l’Etat et l’armée maliens n’ont pas les moyens de lutter seuls contre cet ennemi. C’est dès lors notre devoir en tant qu’humanistes d’intervenir pour essayer d’empêcher que cette junte islamo-terroriste s’empare de la capitale malienne, Bamako.
Qui donc oserait empêcher la cavalerie d’intervenir lorsque Fort Alamo est encerclé par les Indiens ?
- Comme lors de l’intervention militaire occidentale en Lybie, il est extrêmement difficile de faire entendre une voix discordante de l’unanimisme va-t-en guerre. Nous avons tellement été préparés par le récit médiatique à la légitimité d’une telle intervention, que cette dernière nous semble comme l’aboutissement logique et inévitable de cette situation. Il faudrait être anti-démocrate, anti-humaniste, anti-féministe et « munichois » pour oser ne pas justifier la guerre et ne pas l’accompagner de ses encouragements.
Quel est le rôle des médias dans la création de ce récit mettant en scène l’intervention inévitable et salvatrice des forces du bien (les occidentaux) contre les forces du mal (les islamistes) au profit de ces pauvres et braves africains incapables de se défendre ni de gérer leurs conflits par eux-mêmes ? Faut-il rappeler le rôle fondamental que jouent les industries de l’armement dans la presse française, à travers Lagardère et Dassault ? Est-ce aller trop loin que de faire le lien entre un discours pro-guerre sous couvert de valeurs humanitaires, et le soutien à l’industrie militaire française ? Un industriel qui possèderait la majorité des médias d’un pays, ferait-il campagne dans ces médias pour critiquer et empêcher l’usage des produits qu’il fabrique ?
Pour évoquer l’attitude de protection, par nous autres Occidentaux, de ces pauvres Africains, qui semble aujourd’hui justifier l’intervention militaire française, ne peut-on employer la notion de « paternalisme » ? Cette dernière n’est-elle pas une notion clé du colonialisme ?
La France est-elle toujours là lorsqu’il s’agit de défendre la démocratie ? Pourquoi la France ne se donne-t-elle pas autant de moyens pour protéger les centaines de milliers de papous massacrés depuis 40 ans par le gouvernement indonésien ? Et ailleurs ?
- Est-il décent que le principal débat qui, au fond, passionne les journalistes des grands médias français, concerne l’influence de cette entrée en guerre sur l’image médiatique de Hollande ? « Hollande va-t-il cesser d’être considéré comme ‘mou’ ? » est bien plus important que « Binta va-t-elle voir sa famille mourir sous ses yeux ? ». La preuve de la capacité d’un chef d’Etat à gouverner, à être légitime, à mener un peuple, semble se réduire à sa virilité guerrière : combien de siècles en arrière somme-nous revenus ? A quel degré ce débat se place-t-il sur l’échelle du bellicisme et du virilisme patriotique ?
- Les civils maliens morts dans l’offensive de l’armée française du 12-13 janvier 2013 sont qualifiés dès le 13 au matin sur France Inter par un général, de « dommage collatéraux ». Si tel est le nom anecdotique que l’on donne au meurtre en notre nom de dizaines de civils, alors demandons tout de suite à la justice de requalifier les crimes passionnels en « pichenettes malencontreuses ».
- Les armes utilisées par les combattants islamistes et touaregs viennent largement, selon les grands médias, de Lybie. Et les armes lybiennes, d’où viennent-elles ? La France n’a pas cessé de contracter de juteux contrats d’armement avec la Lybie durant des décennies. Il se pourrait donc que nous assistions à une simple opération d’écoulement de la surproduction d’armes françaises, les armes actuelles venant donner une leçon militaire aux armes d’occasion utilisées par les combattants du nord. L’armée a toutefois le bon goût de faire s’affronter ses propres armes sur un territoire étranger.
- Personne ne trouve rien à redire au fait que, au Mali comme en Côte d’Ivoire, ce soit la France, ancienne nation colonisatrice, qui intervienne militairement. Etant donné ce passé pourtant, la France est la dernière puissance légitime pour y intervenir militairement, sans donner la persistante impression d’une continuité néocoloniale.
- Pourquoi, précisément, la France a-t-elle été si empressée, à la proue des nations mondiales, dans sa protection démocrate et désintéressée du peuple malien ? Toutes les personnes qui ont entendu parler de la Françafrique savent que notre pays joue dans cette partie du continent africain un jeu à peine voilé pour le contrôle de la situation politique de la région. Elle a substitué à son ancien empire colonial, trop voyant, un pré-carré qu’elle maîtrise à grand renfort de corruption, de soutien militaire aux dictatures et de coups d’Etat. Le Mali fait partie des territoires restés assujettis au giron français depuis les indépendances et il n’a pas plu à la puissance néocoloniale que le contrôle de cet Etat lui échappe. Mais pourquoi ?
- La France a maintenu le Mali dans une relative stabilité pour les mêmes raisons que pour le reste de sa politique françafricaine : le contrôle de ses intérêts stratégiques sur ce continent (ressources minérales et énergétiques en particulier). Or, que voit-on à quelques kilomètres de la frontière avec la zone nord du Mali, au Niger ? Les mines d’uranium d’Arlit, élément important de l’approvisionnement en uranium de la filière nucléaire française. A Arlit, les filiales d’Areva font leur loi, au mépris de la démocratie et de la santé des populations. On a donc un lieu stratégique pour le fonctionnement du complexe nucléaire civilo-militaire français, lui-même au cœur de l’Etat. Il est certainement hors de question pour la France de laisser planer une quelconque menace sur ce site stratégique pour son économie, sa puissance militaire et sa grandeur diplomatique. L’armée française, concernée au premier plan par l’approvisionnement en uranium d’Arlit, est donc la première à intervenir. Pure coïncidence, bien sûr.
- Concernant les acteurs en présence : les Touaregs du nord du Mali ont contracté une alliance contre-nature mais opportuniste avec les islamistes radicaux. Après des décennies de lutte pour la reconnaissance de leurs revendications et de leurs droits, ils ont voulu saisir une opportunité unique de faire changer la donne politique. Il ne s’agit pas de justifier cette alliance. Mais avant d‘émettre des jugements définitifs sur ce choix stratégique, pourrait-on revenir un instant sur l’analyse de ces décennies de lutte et de négation de leurs revendications ? Quelles étaient leurs revendications ? Etaient-elles légitimes ? Comment, par quels moyens les ont-ils exprimés ? Qui tirait les ficelles de la répression et au nom de quels intérêts ?
- Concernant les combattants islamistes armés, il ne s’agit aucunement de les justifier, mais de se poser quelques questions similaires à celles que l’on posait à l’époque du 11 septembre 2001. Pourquoi l’islamisme se développe-t-il ? A quelle colère répond-il ? N’est-il pas le triste vecteur qui s’offre aujourd’hui à l’expression d’une colère d’une partie du monde ravagée et expropriée par la mondialisation capitaliste ? Quand l’on considère qu’il y a largement de quoi nourrir le monde entier mais que les mécanismes du libre échange confisquent les richesses d ‘une majorité du monde au profit de quelques uns, quand on sait le pillage violent et sans vergogne de continents entiers au profit du bien être d’une minorité de privilégiés, comment peut-on se contenter de pourfendre ceux qui se réfugient dans la violence islamiste, sans commencer par se remettre en cause d’abord ? Sans examiner notre part de responsabilité dans cet état des lieux ? Un graffiti sur un mur de Strasbourg posé lors du sommet contre l’OTAN en 2007 affirmait : « Le capitalisme fait plus de morts en un jour que le terrorisme en une année ». Qui oserait affirmer le contraire ? Que cela ne nous empêche nullement d’être révoltés et de lutter contre le terrorisme et l’islamisme radical. Mais nous devrons être 365 plus révoltés contre l’horreur invisible du capitalisme auquel nous participons silencieusement, et 365 fois plus actifs pour la faire cesser au plus vite. Il ne s’agit donc ni de justifier ni de minimiser les horreurs accomplies au nom de l’islamisme. Mais de se poser la question des causes et des effets, des ordres de grandeur et des priorités, question sans laquelle nous ne saurions prétendre « penser ».
Ultime question : tous ces questionnements se retrouvent-ils dans les grands médias ? Et sinon, pourquoi ?
Guillaume Gamblin 13 janvier 2013

Une guerre mensongère de plus, terrorisme d’état et pillage des ressources au Mali

Nous sommes mis en demeure de choisir notre camp. D'un côté des religieux armés qui rêvent d'établir le royaume de dieu sur terre, de l'autre des forces armées techno-capitalistes qui déclarent venir rétablir les droits de l'homme et au milieu une population désarmée.  C'est d'elle que nous nous sentons solidaires. Il n’existe pas de guerre juste ni de guerre propre. L’union sacrée autour du président va-t-en-guerre François Hollande, l’empressement de l’opération offensive et les discours médiatiques contrôlés, le renforcement du plan Vigipirate, le climat national anti-terroriste, visent à nous bourrer le crâne sur le caractère inévitable de cette guerre et à la légitimer. En réalité les intérêts économiques aux relents colonialistes priment de loin sur les vies des populations locales. Les jihadistes ont été très utiles au pouvoir français pour intervenir le 11 janvier 2013.

La classe dirigeante malienne corrompue jusqu’à l’os, la France, l’Union Européenne, les instances financières internationales (FMI, Banque Mondiale, OMC) ne se sont pas souciées du profond délaissement économique, social et culturel de la population laissant place maintenant à l’urgence militariste. Pendant de longs mois ce fut la porte ouverte aux recrutements en nombre par les jihadistes au Nord-Mali par nécessité économique (jeunes chômeurs, voire des enfants). Il n’est pas exclu que l’intervention de la France, ancien pays colonisateur, renforce les groupes jihadistes par le biais d’une mobilisation et de recrutements qui prendraient une dimension emblématique de lutte contre l’Occident. A trop jouer la « croisade contre le terrorisme international » le boomerang islamiste intégriste n’est jamais loin. L’expérience de l’enlisement de la guerre en Afghanistan n’a pas servi de leçon bien que la France y ait participé.

La coopération militaire avec la Mauritanie, la Côte d’Ivoire, le Burkina Fasso, le Niger, le Tchad et les deux bases militaires de Abidjan et de N’Djamena prouvent s’il en est besoin que la France n’a jamais voulu quitter cette région. Les troupes stationnées en Afrique n’y sont pas pour maintenir la paix mais bien pour intervenir rapidement et garantir les intérêts de grandes entreprises françaises de premier plan (Areva et son uranium, Total et son pétrole, Bouygues / Bolloré et ses travaux publics / sa mainmise sur les ports / ses bois précieux, Orange et ses infrastructures de télécommunication). Le gouvernement français, appuyé par l’Union Européenne, semble décidément ne pas vouloir se défaire de ses réflexes colonialistes, ni des avantages que cette politique procure aux industriels français. Se draper de valeurs démocrates pacificatrices et de défense des droits des peuples d’Afrique…et on atteint le comble du cynisme néocolonialiste. Le secteur industriel de l’armement rapporte bien plus que n’importe quel autre (plus que le pétrole ou même le nucléaire). Le marché du nucléaire est autant un marché civile que militaire. Les groupes marchands d’armes comme Lagardère ou Dassault sont propriétaires d’une grande partie de la presse d’opinion française…on comprend mieux pourquoi le discours antimilitariste n’a que peu droit au chapitre dans nos médias.
Après plus d’une semaine d’intervention, près de 200 000 réfugiés fuient les zones de guerre en direction des pays voisins tandis que le Programme alimentaire mondial estime que, dans le contexte actuel de sécheresse et de famine, 5 à 7 millions d’habitants du Sahel auraient besoin d’une assistance immédiate. 230 000 personnes se sont déplacées à l’intérieur du pays. Face aux attaques des armées maliennes et françaises au sol, les forces jihadistes adaptent leur stratégie et se cachent dans les villages. Au milieu, les populations vulnérables seront tôt ou tard les véritables victimes de ces conflits et en particulier les femmes et les enfants. Les risques de conflits larvés entre les communautés sont grands…la division, la stigmatisation sont à l’œuvre. Comment seront traités la majorité de touaregs n’ayant pas pris les armes ? et les peuls qui n’ont pas intégré le MUJAO ?
La guerre va coûter cher et durer longtemps. L’intervention militaire française est estimée à environ 400 000 euros par jour. La MISMA (Mission internationale de soutien au Mali) qui va arriver coûtera 240 millions de dollars / an. Alors que la misère règne, les cordons de la bourse se relâchent quand il s’agit d’aller tuer avec des armes. De telles sommes trouveraient une légitimité dans l’amélioration des structures sanitaires et sociales dans la région du nord Mali. Cela serait la preuve d’une volonté de reconstruire à partir de l’existant. Seuls les malien-ne-s peuvent le faire sur la durée. Ce conflit armé d’envergure ne fera que repousser l'espoir d'un retour à un équilibre et d'une amélioration de la situation.
Pour continuer à exister en Afrique, le terrorisme d’Etat français fait la guerre au Mali et peu importe le nombre de victimes directes ou indirectes (37 otages tués, 29 assaillants abattus à In Amenas en Algérie). Les populations manquent cruellement de politiques sociales, éducatives et culturelles responsables mais au lieu de ça les classes dirigeantes là-bas et ici se lancent dans un conflit à l’issue plus qu’incertaine. Les pays européens emboîtent le pas et suivent la cadence. Ni les maliens ni les habitants des autres pays africains ne pourront s’émanciper par eux-mêmes tant que le statu quo sous tutelle colonialiste sera la règle. Qui va reconstruire le pays une fois le conflit terminé ? Gageons que les entreprises françaises se tailleront la part du lion…Nous refusons que cette guerre soit menée en notre nom.
Solidarité avec les populations victimes de cette guerre !
Paix immédiate au Mali et dégage la Françafrique !

lundi 14 janvier 2013

Mali : ne pas s’y fier !

Mali, ne pas s'y fier !

Comme suite à l’attaque surprise de commandos en 4x4 d’Aqmi sur Konna (bourg du Nord Mali), le jeudi 10 janvier 2013, le président Dioncounda Traoré proclame l’état d’urgence, car seraient menacés non seulement les 100 000 habitants de Mopti (ville historique des Dogons), mais aussi la route de la capitale Bamako. Il lance un appel au secours à son collègue François Hollande. Le chef suprême des armées françaises chausse ses godillots et répond présent, officiellement le vendredi 11 janvier, dans l’espoir d’arrêter une chute vertigineuse dans les sondages d’opinion.
L’Assemblée Nationale sera consultée le 14 janvier sur cette déclaration de guerre et pour couvrir les premières interventions aériennes. Le sort des sept ou huit otages détenus par les djihadistes sera-t-il évoqué ? Il s’agit de Pierre Legrand, Thierry Dol, Marc Ferret, Daniel Larribe (et sa femme Françoise), quatre salariés d’Areva, enlevés au Niger, depuis le 16 septembre 2010 ; de Serge Lazarevic et Philippe Verdon, « hommes d’affaires » kidnappés au mont Hombiri (dans la région de Mopti, mais vers le Niger), en novembre 2011 ; et de Gilberto Rodrigues Leal, né au Portugal mais de nationalité française, arrêté par un groupe islamiste dans sa voiture à Nioro (près la frontière mauritanienne). Les risques d’attentats dans l’hexagone seront-ils abordés par les autoproclamés représentants du peuple ?
Le 20 décembre 2012, l’ONU avait adopté la résolution 2085, autorisant pour un an l’envoi d’une force de 3 000 hommes au Mali, en demandant au chef d’État malien d’ouvrir le dialogue avec les rebelles islamistes du Nord.
Le CEDEAO (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), regroupant quinze pays, a commencé à entraîner des soldats au meurtre, préalable à toute intervention militaire. Majoritairement originaires du Nigeria, du Niger et du Burkina Faso, ils seront formés par des gendarmes coopérants d’Europe, afin d’être opérationnels quand le climat sera favorable au Sahara, en août 2013.
Or, en violation du droit international, dès le jeudi 10 janvier au soir, des troupes françaises basées au Tchad et au Burkina, se posent avec huit avions gros porteurs (dont certains allemands) sur la piste Sévaré. Elles commencent aussitôt à mitrailler, à partir d’hélicoptères survolant Konna, des motards et des automobilistes supposées appartenir à la mouvance d’Aqmi. Les soldats rescapés d’Afghanistan reviendront-ils de cette nouvelle guerre à l’aveugle dans le vide d’une immensité désertique ? L’armée reste une entreprise terroriste qui ne connaît pas la crise économique.
L’Union pacifiste, section française de l’Internationale des résistants à la guerre, rappelle avec force que la guerre n’apporte que plus de cadavres, de mutilés et de viols ; la paix ne peut se concrétiser que par des actes de démilitarisation et par le désarmement unilatéral (qui est le seul à prouver la réelle volonté d’en finir avec toutes les guerres, toutes les injustices et barbaries qu’elles produisent).
Questions subsidiaires aux va-t-en guerre :
-          qui a vendu des armes aux pays africains (notamment après en avoir fourni des stocks lors de la guerre en Libye) ?
-          qui a accueilli les dictateurs au XXVe Sommet Afrique-France le 6 juin 2010 ?
-          quels sont les profiteurs de guerre exploitant des richesses minières au Mali ou au Niger ?
Union pacifiste groupe du Limousin
58, rue du Chinchauvaud, 87100 Limoges

Pour en savoir plus sur le Mali

Affrontements sur la rive du Sahara

Afrique subsaharienne : limite de l'isohuète 400 mm  (carte : Vincent Boqueho, pour Herodote.net)
Le 6 avril 2012, le mouvement des rebelles touareg (le MNLA) déclare unilatéralement l’indépendance de l’État d’Azawad au nord du Mali.
C'est le réveil d'une vieille revendication autonomiste, qui puise ses racines jusque dans l’Histoire précoloniale. Elle a été attisée par les événements survenus en Libye et l'arrivée de militants bien armés, en bonne partie ralliés à la mouvance islamiste AQMI.
Vincent Boqueho
Question de vocabulaire
Les Berbères nomades du Sahel s’appellent entre eux imochar (au singulier) et imazeran (au pluriel) mais on les connaît surtout sous leur appellation arabe : targui au singulier et touareg au pluriel. En français, on les désigne par le mot Touareg au singulier, Touareg ou Touaregs au pluriel.
Dans la littérature coloniale, ces guerriers mythiques étaient qualifiés d’«hommes bleus», du fait que leur turban couleur indigo avait tendance à déteindre sur leur peau.
http://www.herodote.net/6_avril_2012-evenement-20120406.php

dimanche 13 janvier 2013

grosse manif pour la lbération des prisonniers de la vague contre les squats :

http://paris.indymedia.org/spip.php?article12706

Contre l’intervention militaire de l’Etat français au Mali

Le président Hollande a décidé hier d’une intervention militaire au Mali, sur l’invitation de cet “Etat ami”, contre “le terrorisme”.
La droite et l’extrême-droite se sont évidemment empressées d’approuver cette option, rejetée par Mélenchon. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni, grands défenseurs des guerres désintéressées, soutiennent le gouvernement français dans cette décision.
Or au Mali la situation est bien plus complexe qu’il n’y paraît, fait souligné par de nombreux observateurs spécialistes de la région, affirmant depuis de nombreux mois qu’il est plutôt ”urgent d’attendre”. Les proches des otages retenus désapprouvent quant à eux cette intervention, craignant pour la vie de leurs proches captifs.
Le “Nord” du Mali est en effet désigné, dans un amalgame délibérément confus, comme occupé par des “terroristes”. Alors que des Touaregs autonomes, notamment ceux du MNLA, laïc et divergent des islamistes d’Ansar Dine, y luttent à la fois contre les islamistes et l’Etat malien, en remportant des victoires. L’indépendance de l’Azawad a été condamnée par de nombreux gouvernements d’Etats africains, craignant eux aussi pour leur pouvoir. Et par la France.
Au passage, rappelons que l’Etat malien a aussi perpetré son lot d’exactions et de massacres dans la région. Cette intervention de l’Etat malien consiste surtout pour lui à rétablir une souveraineté militaire sur les populations du Nord du Mali, dont nous n’avons rien à attendre de bon.
Quant à la France, les objectifs réels sont multiples. Une “bonne guerre” peut ressouder l’opinion autour d’un gouvernement PS qui déçoit, et favoriser le lobby de l’armement. Bien entendu, il s’agit aussi de maintenir des liens de “coopération”, militaire et économique… la Françafrique a la vie dure.
C’est aux habitant-e-s du nord-Mali qu’il revient de se libérer et se gérer eux-mêmes, et avec eux que nous sommes solidaires contre cette intervention militaire multi-étatiste. L’islamisme (qu’on ne peut par ailleurs réduire à une seule forme cette zone de l’Afrique) peut le mieux être combattu… par les populations locales, qui l’ont assez démontré ! Or l’attitude de la France quant aux islamistes est plus qu’ambiguë jusqu’à aujourd’hui, certains observateurs affirmant même que la France a pu creuser le lit de l’islamisme par certains choix stratégiques dans la région. Le discours de l’Etat français contre les populations touarègues est en revanche clairement répressif, depuis le début.
Solidarité avec les populations prises entre l’étau de la répression étatique et les exactions d’islamistes mafieux ! à bas toutes les guerres impérialistes !
Pavillon Noir, 12 janvier 2013