Anarchosyndicalisme

Considérant qu'il est établi qu'aucun texte de loi ne dénie formellement aux instituteurs
le droit de former des syndicats ;
Que d'autre part, il n'est pas exact d'affirmer qu'il y ait une jurisprudence contre les
Syndicats d'instituteurs ;
Attendu qu'il s'est constitué, aussitôt après la promulgation de la loi de 1884, un Syndicat
des Membres de l'Enseignement, et, plus récemment, plusieurs syndicats
d'instituteurs, sans que l'autorité judiciaire s'en soit émue, et que les poursuites contre les
associations syndicales d'instituteurs n'ont commencé que sur l'injonction du pouvoir
exécutif ;
Considérant cependant que si ni la loi ni la jurisprudence n'interdisent aux
associations d'instituteurs la forme syndicale, elles ne la leur reconnaissent pas
formellement non plus ;
Et qu'il appartient dès lors au pouvoir législatif d'en décider ;
Considérant qu'un projet de loi ayant cet objet est en instance devant le Parlement et
qu'il doit venir prochainement en discussion ;
Les instituteurs syndicalistes croient devoir, dans le but d'éclairer l'opinion publique et le
pouvoir législatif sur ce qu'ils se proposent en recherchant la forme syndicale, faire la
déclaration suivante :
" Si l'on admet qu'il soit dans la nature des choses et de l'intérêt supérieur de l'Etat
que la capacité syndicale soit refusée aux agents qui détiennent une portion de la puissance
publique, on ne saurait s'en prévaloir pour dénier aux instituteurs le droit de se constituer
en syndicats. Notre enseignement n'est pas un enseignement d'autorité. Ce n'est pas au nom
du gouvernement, même républicain, ni même au nom du Peuple français que
l'instituteur confère son enseignement : c'est au nom de la vérité. Les rapports
mathématiques, les règles de grammaire, non plus que les faits d'ordre scientifique,
historique, moral, qui le constituent, ne sauraient dès lors être soumis aux fluctuations
d'une majorité.
" Il découle de ces principes que le corps des instituteurs a besoin de toute son
autonomie, et les instituteurs eux-mêmes de la plus large indépendance. Or, cette
autonomie du corps enseignant primaire et cette indépendance de ses membres ne
peuvent être pleinement réalisées que par la constitution en Syndicats des Associations
professionnelles d'instituteurs.
" Les instituteurs syndicalistes croient, d'autre part, être dans le sens de
l'évolution républicaine en réclamant pour leurs groupements corporatifs la forme
syndicale, comme étant la seule qui convienne à l'organisation démocratique de
l'enseignement primaire, qu'ils sont résolus à poursuivre.
"Les instituteurs sont, en effet, décidés à substituer à l'autorité administrative,
qui avoue son impuissance devant les ingérences politiques et aux influences politiques
auxquelles ils ont été jusqu'ici obligés d'avoir recours pour corriger les injustices
administratives, la force syndicale.
" Les instituteurs réclament la capacité syndicale pleine et entière. Toutefois,
il est profondément injuste d'affirmer que leur préoccupation soit de conquérir le droit
de grève. C'est, ils y insistent, dans une pensée d'organisation républicaine qu'ils
demandent au Pouvoir législatif de leur reconnaître la capacité syndicale.
" C'est, enfin, pour des raisons morales de l'ordre le plus élevé, que les
instituteurs réclament le droit de se constituer en Syndicats. Ils veulent entrer dans les
Bourses du Travail. Ils veulent appartenir à la Confédération Générale du Travail.
" Par leurs origines, par la simplicité de leur vie, les instituteurs
appartiennent au peuple. lis lui appartiennent aussi parce que c'est aux fils du peuple qu'ils
sont chargés d'enseigner.
" Nous instruisons les enfants du peuple, le jour. Quoi de plus naturel que nous
sonnions à nous retrouver avec les hommes du peuple, le soir ? C'es t au milieu des
Syndicats ouvriers que nous prendrons connaissance des besoins intellectuels et moraux du
peuple." C'est à leur contact et avec leur collaboration que nous établirons nos programmes
et nos méthodes.
"Nous voulons entrer dans les Bourses du Travail pour y prendre de belles leçons
de vertus corporatives, et y donner l'exemple de notre conscience professionnelle.
"Nous avons, de la forme syndicale, la plus haute conception. Le Syndicat ne
nous apparaît point créé uniquement pour défendre les intérêts immédiats de ses
membres, mais il noua semble qu'il doit se soucier autant de rendre plus profitable à la
collectivité la fonction sociale que ses membres remplissent.
"Les Syndicats doivent se préparer à constituer les cadres des futures
organisations autonomes auxquelles l'Etat remettra le soin d'assurer sous son contrôle et
sous leur contrôle réciproque, les services progressivement socialisés.
" Telle est la conception syndicale que nous voulons porter dans les Bourses du
Travail. Et telles sont les raisons, d'ordre théorique et d'ordre pratique, pour lesquelles
nous demandons au Pouvoir législatif de reconnaître aux associations professionnelles
d'instituteurs la capacité syndicale.
"Et en attendant, nous engageons tous les instituteurs syndicalistes à adhérer aux Syndicats déjà existants.



Maurice Joyeux
Autogestion, Gestion directe, Gestion ouvrière L'Autogestion, pourquoi faire ?
In Volonté Anarchiste n°9, Paris, édition du groupe Fresnes-Antony de la Fédération Anarchiste, 1979.
Chers camarades, la publication de ces deux textes sur la question de l'autogestion s'inscrit comme une contribution à la volonté exprimée par les militants de la Fédération Anarchiste, réunis en congrès extraordinaire à Antony en novembre 1979. Volonté de reformuler une position précise face à la récupération et à la déformation du thème de l'autogestion par nombre de partis et de syndicats, y compris le P.C.

Fernand PELLOUTIER
L'Organisation corporative et l'Anarchie
(Plan de Conférence) Bibliothèque de l'Art Social, 1896
Appliquée à l'état économique et politique actuel, le mot Sociétén'a point de sens. rien ne ressemble moins, en effet, à l'association, à la combinaison des forces physiques, intellectuelles et naturelles pour le bien-être général, que la mêlée ardente où, bon gré mal gré, les hommes se trouvent actuellement engagés. Aujourd'hui nul effort qui n'ait pour but, ou, tout au moins, pour conséquence, d'annihiler d'autres efforts ; chacun ne songe et ne s'occupe qu'à entraver le libre exercice des facultés de son voisin ; partout règnent la concurrence, la rivalité, l'envie, avec leur inséparable cortège : la calomnie et la violence. Le médecin appelle la maladie ; le soldat, la guerre ; le commerçant, quelque cataclysme qui raréfie les produits : l'industriel, une surabondance de bras qui abaisse le taux des salaires ; le prêtre et l'héritier souhaitent de nombreux et opulents morts ; le rentier, peu d'enfants ; l'enfant, peu de frères et de sÏurs. Et de tous ces souhaits contradictoires naît une lutte perpétuelle et sans merci à qui se taillera dans le patrimoine social la plus belle et la plus large part, sans ignorer que l'excédent du bien-être est fait de l'excédent de...


CNT-AIT : QUI SOMMES NOUS ?
à venir est bien celle de l'exigence du rétablissement de la loi de
"La Commune fut bien, selon l'expression de Karl MARX, le glorieux fourrier d'une société
nouvelle. "
Ainsi les revendications fondamentales se font jour dans le mouvement ouvrier:
1) L'établissement de l'instruction gratuite, laïque et obligatoire
2) L'exigence de la séparation des églises et de l'Etat (décret du 3 avril
1871).
C'est bien la IIP République qui, dix ans après la Commune, apportera les lois
fondamentales: -Laïcité de l'Ecole Publique
-Séparation des Eglises et de l'Etat (9 déc.1905).
En effet, la repression de la Commune fut terrible: "c'est la curée froide" ainsi que l'a
qualifiée Louise MICHEL.
Massacres, exécutions, prison, déportations, l'Internationnale disparaît, les instituteurs
sont persécutés: on signale des déplacements d'office, des tracasseries, des révocations...
C'est la circulaire de Jules FERRY (10 août 1880) qui va permettre aux enseignants de
retrouver la voie de l'action. Avec le vote des lois FERRY, l'enseignement s'affirme comme
pilier. Les effectifs augmentent et les femmes représentent plus de la moitié. L'image de
l'institutrice s'affirme de plus en plus.
Dans le même moment, éclate la renaissance du mouvement ouvrier. Il est héritier de la
1° Internationale, riche du passé des luttes de 1848 et 1870.
La fondation de la Confédération Générale du Travail (CGT) en 1895, marque le terme
de cette renaissance.
En effet, après 1884, la loi du 21 mars 1884 autorise les syndicats professionnels, les
chambres syndicales se développent. Les premières fédérations nationales de métiers
apparaissent. Elles ont un rôle de défense des intérêts de la corporation, elles affirment leur
autonomie en se démarquant des politiques: un syndicat des membres de l'enseignement se
constitue. Ce qui fait progresser l'autonomie syndicale, c'est la création des Bourses du
Travail. Celles-ci sont des lieux de débats, de rencontres. Elles jouent un rôle éducatif et un
rôle culturel (universités populaires, bibliothèques...)
En 1892 est créée la Fédération Nationale des Bourses du Travail dont Fernand
PELLOUTIER est élu secrétaire-adjoint. En 1895, du 23 au 28 septembre se tient à Limoges
le congrès où naît la C.G.T.
Le texte fondateur, adopté par les 75 délégués, contient deux éléments essentiels:
1) "Les éléments constituant la CGT devront se tenir en dehors de toutes
les écoles politiques".2) La CGT a exclusivement pour objet d'unir sur le terrain économique et
dans les liens d'étroite solidarité les travailleurs en lutte pour leur émancipation totale."
Quatre points forts constituent donc la C.G.T.:
1) Indépendance de l'organisation syndicale par rapport aux partis politiques
2) Objectifs révolutionnaires
3) Le terrain économique est le lieu de l'Unité et du Combat
4) La grève générale est le moyen de parvenir à l'émancipation
La CGT est alors un syndicat de type révolutionnaire. Cette nature révolutionnaire est
exprimée par la Charte d'Amiens en 1906:
"Le syndicalisme révolutionnaire rejette toute intervention des partis, toute action politique,
toute médiation étatique ou législative. Ce syndicalisme est aussi antimilitariste et
anticlérical ère heure, tels Louis BOUËT, DOMMANGER ou SERRET, désirent se libérer du triple joug"Ce premier
Les Amicales sont donc constituées d'après la loi de 1901 qui permet à tout citoyen de
fonder un groupement. En fait, elles ne situent pas sur un terrain de lutte de classes et ne
rejoignent absolument pas le mouvement ouvrier.
Voici le jugement de LAURIN (dans
"
de la Classe bourgeoise du dévouement des Instituteurs, a paru ignorer qu'il existait des
organisations ouvrières qui luttent pour leur affranchissement et dont la devise
est:L'émancipation des Travailleurs se fera par les travailleurs eux-mêmes.
Il est certain que la plupart des instituteurs, même beuacoup de ceux qui se réclament du
socialisme, ignorent ou méconnaissent la loi historique de la Lutte des Classes. "
"Pages Libres" du 10 Octobre 1903):Le congrès des Amicales qui a envoyé les adresses que l'on sait, assurant les représentants
L'enjeu était donc soit de collaborer avec l'administration au sein des Amicales, soit de
se mettre du côté des intérêts des travailleurs et non de la bourgeoisie. C'està dire retrouver
les revendications fondamentales du mouvement ouvrier: enseignement laïque, indépendance.

C'est de cette CGT là, qu'il s'agit quand les instituteurs et institutrices se proposent de
quitter les amicales pour fonder un vrai syndicat. En effet, les instituteurs syndicalistes de la
l
de l'Eglise, des politiciens et de l'Administration.
Qu'était-ce donc que ces amicales?
"Ce fut un sentiment d'amitié" qui rapprocha à l'origine les Instituteurs et les
Institutrices. Le doux nom d'Amicales qu'ils donnèrent à leurs associations en montre le
caractère primitif". (Murgier- 20 mai 1907).
Ces Amicales rassemblaient également l'administration toute entière.
congrès National aura des conséquences d'une Haute Portée dit MURGIER lors de son
discours au congrès constitutif des Amicales en 1900; il scelle à jamais l'union morale des
instituteurs et des institutrices de France, leur Union entre eux et leurs chefs... "

Manifeste des instituteurs syndicalistes

Conférence sur les débuts du syndicalisme confédéré des instituteurs

MASSIAC, le 15 octobre 1995.
Chers amis, chers camarades,
Rendre hommage à Anne et Eugène BIZEAU, c'est respecter la mémoire de ces hommes
et de ces femmes qui ont servi par leurs luttes, leurs engagements, le combat des travailleurs
pour leur émancipation.
C'est pourquoi, en ce V° hommage, en tant que femme, institutrice et syndiquée, j'ai
souhaité me pencher plus particulièrement sur les rapports d'Anne BIZEAU et du
syndicalisme confédéré.
Rappelons nous que cette année 1995 est l'année du centenaire de la fondation de la
Confédération Générale du Travail.
Cet hommage, c'est aussi grâce aux leçons du passé, l'occasion de proposer des
perspectives de luttes pour le présent.
Et l'une de ces luttes
"Séparation des Eglises et de l'Etat", loi du 9 décembre 1905, loi conquise grâce aux luttes
ouvrières.
Je commencerai donc par un détour historique qui est la toile de fond des combats
menés par les BIZEAU.

Suite, à télécharger ci-dessous


(26 Novembre 1905)
La Confédération Nationale du Travail (créée à Paris en 1946) est la section française de l’Association Internationale des Travailleurs fondée en 1922-23, en opposition aux Internationales dites d’Amsterdam (réformiste) et de Moscou (bolchevique). La CNT-AIT est une organisation se référant à l’anarchosyndicalisme qui trouve son origine dans le mouvement ouvrier révolutionnaire et son affirmation de la lutte des classes (l’antagonisme irréconciliable entre le Travail et le Capital). Dans sa théorie et sa pratique, l’anarchosyndicalisme se veut globaliste ; il pose comme principe directeur l’interaction et l’interpénétration entre eux des phénomènes économiques, politiques et sociaux. Ces phénomènes sont liés et ne résultent que de la seule praxis des hommes et des femmes qui font l’Histoire. L’anarchosyndicalisme est antiétatique car la fonction de l’État est de maintenir la domination d’une classe sociale sur une autre classe, actuellement celle des nantis (bourgeois, capitalistes, rentiers, patrons, bureaucrates et technocrates...) sur la classe des exploités ; a contrario les zélateurs de l’État pensent qu’il est la garantie suprême de l’intérêt général, il serait même indépassable. L’État est par nature coercitif et dispose d’appareils répressifs (justice, police, armée) et idéologiques (partis politiques, syndicats-réformistes, médias, école, organismes culturels et sportifs...), tous ces appareils nous encadrent du berceau à la tombe : « la vie est un enjeux politique » (biopolitique).
http://www.fichier-pdf.fr/2012/02/08/anarcho-syndicalisme-cnt/



Jacques Toublet
Pour l'anarchosyndicalisme
Au commencement des années 1990, lorsque l'Union soviétique s'écroula, quand le mur de Berlin fut abattu et les démocraties populaires démantelées, de nombreuses personnes, de diverses opinions, estimèrent qu'un cycle important de l'histoire humaine venait de s'achever. En caricaturant la situation à l'extrême, certains commentateurs parlèrent même de la fin de l'histoire : en retournant un des concepts fondateurs du marxisme et de l'anarchisme, ils prétendaient que la lutte de classes était devenue obsolète. L'avenir appartiendrait au libéralisme, au capitalisme. Le retour sur les tours du Kremlin du drapeau de Pierre le Grand annonçait la mort définitive du socialisme, réduit à n'être qu'un accident de l'histoire...
Aucun des libertaires ne les suivit sur cette route de l'abandon ; avec d'autres courants politiques, nous dénonçâmes ces idées comme de la vulgaire propagande au service des puissants. Le débat entre nous, au contraire, s'enroula autour de deux axes : d'abord, quand recommenceraient les luttes sociales concrètes et, ensuite, à quel moment réapparaîtrait, comme idée-force, la volonté collective de changer le monde ?
Aujourd'hui, seulement quelques années plus tard, sans doute plus rapidement que beaucoup d'entre nous le pensaient, des luttes sociales d'une certaine ampleur ont recommencé, dans toute l'Europe ; la lassitude et la résignation font peu à peu place à la colère et à la détermination de résister à l'avidité apparemment sans frein du capitalisme — à l'indignation aussi devant le contraste révoltant d'une pauvreté qui s'étend sans cesse alors que les puissants s'enrichissent toujours davantage.
Ces multiples formes de résistance, aussi diverses que la désobéissance civile des cinéastes qui appellent à refuser le diktat réactionnaire de la majorité parlementaire ou bien les grèves de plus en plus dures s'opposant aux reculs sociaux imposés par le patronat et les pouvoirs publics, ne posent pas explicitement la question du changement de société ; les souvenirs des expériences passées, des grandes fautes et des grandes erreurs, du stalinisme au programme commun de la gauche, sans oublier les quatorze années du règne de Mitterrand, ne sont pas encore effacés. Mais la conflictualité sociale est réapparue en Europe occidentale.

Une situation plus favorable
Ces circonstances nouvelles permettront-elles aux libertaires de sortir de leur ghetto quasi séculaire ? Pourront-ils accroître l'audience des solutions qu'ils proposent ?
Ces idées — l'action directe, l'autogestion des luttes, des lieux de vie et des entreprises, le fédéralisme, l'internationalisme, l'égalité sociale — sont mieux connues aujourd'hui que naguère, infiniment plus, par exemple, qu'avant Mai 68. Elles se sont propagées lentement, à mesure que régressaient les croyances en la perfectibilité du capitalisme ou en la vertu progressiste de la dictature du prolétariat et de l'État ouvrier. N'a-t-on pas vu récemment, au cinéma et à la télévision, des documents et des témoignages qui relataient les luttes et les réalisations libertaires des premières années du siècle ?
Il n'est pas outrancier de prétendre que seul aujourd'hui le mouvement libertaire, avec une ou deux sectes trotskistes non encore tout à fait gangrenées par l'électoralisme, peut s'affirmer encore réellement socialiste, à savoir militant activement pour une société humaine débarrassée du capitalisme et de l'étatisme.
Les propositions du mouvement libertaire historique, aujourd'hui, ne sont plus repoussées comme folie et rêve utopique. Souvent, elles suscitent des débat et des interrogations ; ne seraient-elles pas une amorce de solution, les premiers pas dans le chemin qui sortiraient les êtres humains des conséquences sociales du libéralisme, du capitalisme sauvage : le chômage massif, l'inégalité extrême, les révoltes et les répressions, l'autoritarisme, le fascisme ?
Les propositions libertaires exigent, pourtant, pour devenir crédibles et emporter la conviction davantage que la démonstration ou le raisonnement ; elles impliquent l'exemple vivant, la réalisation concrète, c'est-à-dire l'organisation, l'action collective et concertée...
Oui, sans aucun doute, aujourd'hui, avec la conflictualité populaire qui renaît, avec la mort du marxisme-léninisme, la déroute du réformisme et le triomphe insolent du libéralisme, se repose avec acuité, d'une manière plus pressante que durant les cinquante années qui nous précèdent, la question de l'organisation.
Groupes, fédérations, unions anarchistes ou communistes libertaires ; minorités, tendances, coordinations et syndicats d'opposition, anarchosyndicalistes, autogestionnaires ou alternatifs furent les formes adoptées durant les temps de la guerre froide et de la coexistence pacifique. Elles ont été les conditions de la survie, de la conservation de la mémoire du mouvement, les lieux au sein desquels la flamme allumée par l'Internationale, et devenue incendie avec le syndicalisme révolutionnaire, le mouvement makhnoviste et la CNT d'Espagne, a pu être sauvegardée.
S'agissant des regroupements spécifiquement libertaires, aucun des modèles de structuration interne, théorique ou historique, tels que la plate-forme d'Archinov ou la Synthèse anarchiste, celle de Sébastien Faure ou celle de Voline, ou bien encore les orientations de Malatesta concernant l'organisation des anarchistes, n'est considéré par une majorité de libertaires comme opératoire. Il en résulte un ensemble de regroupements, dont le plus important demeure, en France, par le nombre de ses militants et la diffusion de ses œuvres, la Fédération anarchiste. Sans pour autant que la FA soit, si on ose dire, à l'observation des forces existant réellement, hégémonique ; l'Alternative libertaire possède une influence non négligeable dans les nouveaux syndicats et AC ! ; Réflex et No Pasaran occupent une place importante dans la lutte antifasciste ; l'OCL peut impulser des initiatives qui étendent son influence très au-delà de son réseau propre.
L'élément nouveau, sans aucun doute, est le développement d'organisations syndicales dans lesquelles des libertaires occupent des postes de responsabilité ou qui se réclament ouvertement de l'anarchosyndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire.

Les libertaires et l'organisation du salariat
L'organisation des travailleurs et du mouvement populaire a toujours été une des préoccupations principales des militants libertaires ; Bakounine, Fanelli, Guillaume, Lorenzo, Varlin, la première génération des Internationaux s'acharna d'abord à organiser le mouvement ouvrier - toutes les autres formes de regroupement, légales ou illégales, tous les discours, les brochures et les livres ne furent que des moyens pour réaliser cet objectif essentiel. Plus tard, Pelloutier, Pouget, Yvetot et tous les autres, avec la CGT syndicaliste révolutionnaire, s'inspirèrent de leur exemple. Après la révolution russe, Besnard, Borghi, Rocker, Schapiro, Souchy tentèrent, en s'appuyant sur les forces vives encore de la CNT d'Espagne, de la FORA d'Argentine, de la SAC suédoise et de la CGTSR de France, de regrouper les secteurs ouvriers syndicalistes révolutionnaires avec la création de la IIe AIT.
Deux périodes se succèdent dans ce long effort. Dans un premier temps, les militants libertaires portèrent leur énergie à maintenir et à renforcer l'unité du mouvement ouvrier et socialiste, dont ils représentaient la branche révolutionnaire. Exclus en 1872 de l'AIT par Karl Marx et ses amis, ils essaieront de militer dans l'Internationale ouvrière, en reconstitution après 1885, jusqu'à ce que celle-ci exige de ses sections qu'elles adoptent une stratégie électorale, en 1896, au Congrès de Londres.
Puis, au sein de ce qui devenait des organisations syndicales confédérées, les libertaires furent parmi les plus ardents défenseurs de l'unité du mouvement ouvrier, surtout en France et en Italie.
«— Nous sommes décidés, déclarait le camarade Boudoux [1], du Syndicat unique du Bâtiment de la Seine, au Congrès de Saint-Étienne de la CGTU, en juin 1922, en réponse à Monmousseau et à Sémart déjà acquis aux thèses léninistes, à suivre la tradition d'un syndicalisme qui n'a jamais fait faillite, le syndicalisme issu de la Fédération des bourses et du congrès constitutif de 1902, à Montpellier. Ce syndicalisme avait admis comme mode d'action l'action directe, le boycottage, la grève générale, l'antipatriotisme, l'antimilitarisme…
—Ce syndicalisme a fait faillite en 1914, l'interrompt un instant Sémard.
— Pour moi, continue Boudoux, je déclare que ce syndicalisme-là n'a pas fait faillite. Des hommes seulement ont essayé, en raison de leur fonctionnarisme inamovible [2], en raison de l'influence qu'ils pouvaient exercer dans leur milieu, d'entraîner des camarades [...]. Alors que le syndicalisme dit : Ouvriers de tous métiers, de toutes races, de toutes religions, de tous pays, vous êtes solidaires sur le terrain de la lutte de classes et c'est par le syndicalisme que vous obtiendrez votre émancipation.»
Sans doute, le syndicalisme de Boudoux se présentait comme le frère jumeau de ce qui aurait pu être, en France, une sorte d'«anarchisme ouvrier». Comme le précisait au cours du même congrès, le camarade Couture, de la Fédération du bâtiment, «Il faudrait être aveugle pour ne pas voir tout ce qu'il y a de commun entre l'anarchisme et le syndicalisme. Tous deux poursuivent l'extirpation complète du capitalisme et du salariat, par le moyen de la révolution sociale. Le syndicalisme, qui est la preuve d'un réveil du mouvement ouvrier, a rappelé l'anarchisme au sentiment de ses origines premières. D'un autre côté, les anarchistes n'ont pas peu contribué à entraîner le mouvement ouvrier dans la voie révolutionnaire et à populariser l'idée de l'action directe.»
Après l'apparent succès de la Révolution russe, le syndicalisme révolutionnaire, qu'on commençait à appeler anarchosyndicalisme, abandonna l'idée d'une possibilité, à court ou moyen terme, d'unité organique du mouvement ouvrier. L'emprise toujours plus grande du réformisme sur l'Internationale dite d'Amsterdam ainsi que la croissance du marxisme-léninisme rendaient illusoire toute possibilité d'une organisation ouvrière unitaire et indépendante.
On le vit clairement en 1936, en France, avec l'unité syndicale organique qui sonna le glas d'un redressement «syndicaliste» de la CGT, au sein de laquelle les réformistes et les staliniens s'affrontèrent pour le contrôle de l'appareil. Il ne s'agissait plus pour le syndicalisme révolutionnaire hexagonal d'être seulement indépendant des partis politiques, mais de combattre les organisations qui entraînaient les travailleurs vers le parlementarisme et les diverses formes de médiations politiques. Dans la réalité des faits sociaux, les travailleurs membres des organisations anarchosyndicalistes tentèrent, tant qu'ils le purent, de résister à l'intégration du salariat au système capitaliste, alors en marche dans tout le monde industriel. On sait qu'après la Seconde Guerre mondiale cette intégration, soit à la nation française et au «monde libre» soit à la «patrie du socialisme» et à ses porte-parole nationaux, fut totalement réussie ou quasiment.

Un nouveau départ
Or, aujourd'hui, de nombreux faits économiques et sociaux suggèrent que cette intégration du salariat au système politique existant s'effrite, recule. La cause en réside, bien sûr, dans l'inflexion monétariste, plus «libérale» du capitalisme et à l'amoindrissement des garanties naguère offertes par le welfare state, l'État providence. Les groupes dominants du capitalisme, depuis les années quatre-vingt, se sont ralliés à la politique de la régulation par le marché, qui valorise leurs intérêts et leurs profits, et cela à l'échelle de la planète. De ce point de vue, nous avons certes changé de période historique. Mais cette dernière, au lieu d'être le commencement de la «fin de l'histoire» devrait, au contraire, signifier son accélération et devenir une ère de luttes de classes aiguès. Nous sommes bien loin de ce qu'il est convenu de désigner sous le nom de «compromis fordiste», c'est-à-dire la possibilité d'une négociation entre les groupes sociaux au terme de laquelle les intérêts du salariat sont sinon promus du moins préservés ; depuis presque vingt ans maintenant, les conditions de vie imposées à la partie de la population qui ne possèdent pas de part du capital sont en régression régulière. Une fois de plus, le capitalisme montre qu'il n'est pas perfectible. Son développement historique, si riche de science et de technologie, ne s'accompagne d'aucun progrès humain ; la concurrence et l'inégalité qu'il engendre et renforce entre les hommes et les femmes renouvellent sans cesse la violence, la volonté de domination, la pauvreté culturelle, en un mot la barbarie.
Telle est, de toute évidence, la cause profonde de la renaissance de la conflictualité sociale que nous signalions tout à l'heure. Et sa conséquence : l'apparition progressive de groupes de salariés et de chômeurs qui se rebellent contre le destin de pauvreté, de soumission, de résignation que les puissants du monde entendent leur imposer.
Devons-nous, nous les libertaires, nous désintéresser de ces groupements, les négliger, ou les considérer comme secondaires ou «réformistes» et ne nous préoccuper que de renforcer nos organisations spécifiques, supposées révolutionnaires ? Voire même de les regarder comme des sortes de concurrents potentiels de nos groupes libertaires ?
Ne sommes-nous pas porteurs, au contraire, du souvenir du grand débat politique, commencé depuis plus de cent années et qui durera tant qu'existeront le capitalisme et le salariat : Comment transformer la société de classes actuelle ? au-delà de la nécessaire lutte quotidienne, le cheminement libérateur implique-t-il la conquête ou la destruction du pouvoir politique ? De la réponse à cette question dépend toute la stratégie révolutionnaire : action politique ou action sociale ? parti ou syndicat ? Etat ou fédération ?
Ne sommes-nous pas également les détenteurs de ce modèle anarchosyndicaliste de l'action sociale qui a permis, au cours de l'histoire du présent siècle, de constituer un mouvement populaire révolutionnaire ? N'est-il pas de notre responsabilité historique de faire connaître ses analyses et ses propositions le plus largement possible ? En particulier auprès des groupes de salariés et de chômeurs qui ne font plus confiance aux confédérations traditionnelles. Peut-être parce que, entre autres choses, comme l'écrivait récemment le secrétaire général de la FSU, les dirigeants des organisations représentatives ont à leur disposition trop de voitures de fonction...
Et comment obtenir quelque résultat sans s'engager résolument, en tant que militants, dans les luttes que mènent ces nouveaux groupes et syndicats ? Nous pensons aux diverses coordinations, aux organisations de lutte contre le chômage, aux syndicats autonomes, aux syndicats SUD ou CRC et, enfin, à la CNT ?
S'agissant de cette dernière organisation, qui se réfère du syndicalisme révolutionnaire et de l'anarchosyndicalisme, son développement quantitatif ne peut que réjouir tout libertaire, quelle que soit la tendance dont il se réclame : en cette fin de siècle, la lutte pour l'unité syndicale organique n'a plus aucun débouché pratique.
Evidemment, l'actuelle tentative de constituer une centrale anarchosyndicaliste et syndicaliste révolutionnaire peut échouer, comme durant les années cinquante. Pourtant, la perspective qu'elle réussisse, même de manière modérée, c'est-à-dire qu'en quelques années cette organisation rassemble quelques milliers de membres — donnant aux idées libertaires et anarchosyndicalistes, en France, plus de militants qu'elles en réunirent depuis la disparition de la CGTSR en 1939 — justifie tous les efforts et toute l'énergie que nombre de camarades y consacrent maintenant. Ce recours ultime qui a tant manqué au mouvement révolutionnaire issu de 1968, cette structure syndicale ouverte et combative permettant d'organiser ceux que le patronat et les syndicats institutionnels tentaient de briser, nous pouvons commencer aujourd'hui à en creuser les fondations. Lors de la prochaine explosion sociale, sans doute aurons-nous toutes les raisons de nous féliciter de son existence.
Il n'est plus l'heure que les libertaires s'isolent des revendications et des luttes des salariés, des chômeurs, du mouvement social. Le syndicalisme révolutionnaire, éclairé et vivifié par les principes libertaires, en France, en Espagne, en Bulgarie, en Amérique latine et aux États-Unis, a déjà ébranlé le monde. Cet outil-là, nous devons le renforcer. Telle est la tâche de l'heure.





Républicains espagnols en limousin, et cantal



entre mémoire et histoire L’exemple des républicains espagnols en Limousin Eva LEGER Doctorante, Paris Ouest Nanterre Introduction Après la Retirada de février 1939 et suite à la politique de redistribution des réfugiés civils espagnols vers l’intérieur de la France, le Limousin, région isolée au centre du pays comptait, en mars 1939, plus de 6000 civils et blessés espagnols. Ils ont été dispersés dans les communes de la Creuse, de la Corrèze et de la Haute-Vienne. La population limousine représentait alors environ 800 000 habitants. Durant la seconde guerre mondiale, la main d’œuvre espagnole a largement été utilisée dans la région dans les exploitations agricoles, carrières, mines, chantiers forestiers et construction de barrages, pour remplacer les hommes partis au combat. Un nombre impressionnant de travailleurs espagnols a été employé dans le département de la Corrèze, où, en décembre 1941, 7 GTE sur 9 étaient entièrement composés d’Espagnols, représentant 85 % des 1700 travailleurs étrangers1. Dans le département de la Creuse, 2 GTE sur 3 étaient espagnols (371 hommes) er au 1 octobre 19412. En mars 1941, la Haute-Vienne comptait 5 GTE, trois d’entre eux avaient une majorité de travailleurs espagnols3. Nombre d’entre eux s’engageront dans la Résistance, des groupes entiers de maquisards étaient composés d’Espagnols. Beaucoup d’entre eux, après la guerre, sont restés dans la région où ils se sont, pour la plupart, bien intégrés à la population limousine. Les Espagnols du Limousin étaient alors assez dispersés, souvent isolés des influences de la communauté espagnole du sud de la France. Comment se manifeste alors cette présence espagnole dans le Limousin, région rurale, à faible immigration ? Relativement peu d’ouvrages ou travaux académiques se consacrent exclusivement à cette question. Certains sur la résistance en Limousin mentionnent la présence de maquisards espagnols. Cependant, le cas de l’exil espagnol n’est pas isolé,
http://www.fichier-pdf.fr/2012/02/13/republicains-espagnols/



Adrien Perrissaguet, anarcho syndicaliste à Limoges

Après une brève présentation du CIRA-Limousin, organisateur de cette conférence avec l’aide du groupe Le Cri du Peuple, est abordée la vie d’une grande figure libertaire de Limoges.
 
Adrien Perrissaguet (1898-1972)

Il y a quarante ans presque jour pour jour, le 14 janvier 1972, Adrien Perrissaguet décède, à 74 ans, onze jours après le célèbre graveur pacifiste belge Frans Masereel (voir le site : éphéméride anarchiste).
PERRISSAGUET était né à Limoges le 22 avril 1898, trois ans après la fondation de la CGT (restée anarchiste jusqu’au congrès de Tours, en 1921).
C’est un ouvrier en chaussures. Il va animer le syndicalisme et l’anarchisme en Haute-Vienne pendant un demi-siècle, de 1920 à 1971. Il a été longtemps le secrétaire du groupe anarchiste local.
Il a vu le jour au Mas Loubier, un quartier ouvrier de Limoges. Il a résidé toute sa vie dans la ville, son adresse la plus connue était au 20, Clos de la Brégère (la rue de la Brégère monte de la rue Aristide Briand, ancienne route d’Ambazac, à l’avenue Leclerc ou route d’Orléans).
Son parcours est enraciné dans la ville la plus solidaire de France. Voici une approche de son histoire élaborée en quatre temps : le militant, les fiches de la police, l’engagement pour l’Espagne, la résistance à la guerre...
Suite sur le site du CIRA limousin

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