lundi 19 décembre 2016

Dans le silence des mass-médias occidentaux, la révolte gronde en Grèce et la résistance s'amplifie


 
Dans le silence des mass-médias occidentaux, la révolte gronde en Grèce et la résistance s'amplifie. Après un mois de novembre très agité (cf. mes messages précédents) et des craintes de troubles qu'auraient fait remonter les services de renseignements grecs fin novembre, les manifestations et affrontements se poursuivent en ce mois de décembre 2016, avec en points d'orgue, des émeutes dans plusieurs villes ce 6 décembre(1), plusieurs actions de sabotage et une nouvelle grève générale ce 8 décembre amplifiée par plus d'une semaine de grève totale du trafic maritime provoquant rapidement un début de blocage de l'économie ces derniers jours.
 
Autre désinformation : les dirigeants européens racontent partout que la Grèce va mieux, ce qui sous-entend que l'austérité est un remède efficace contre la crise économique et sociale. Ils évoquent à la fois une baisse du chômage et une hausse de la croissance, parmi les grandes nouvelles saluées par des éditocrates.
 
Baisse du chômage en Grèce ? La bonne blague ! Au contraire : le chômage de longue durée (plus d'un an), celui qui n'est pas indemnisé ni pris en compte, poursuit sa hausse vertigineuse et continue de faire d'innombrables victimes. En plus, des centaines de milliers de Grecs se sont exilés, dont une majorité de jeunes qui, par conséquent, ne pointent plus en Grèce. Pour finir, ceux qui parviennent à trouver du boulot sont payés encore plus mal qu'avant. Les salaires sont en chute libre et les contrats (quand il y en a) sont précaires. On se rapproche petit à petit des emplois journaliers d'autrefois, à une époque où les ouvriers ne savaient pas si on leur donnerait du travail le lendemain. C'est beau le libéralisme.
 
D'où la même remarque sur la croissance : oui, c'est vrai, sur le papier, La croissance revient en Grèce, mais à quel prix ? La destruction des conquis sociaux, une précarité violente, toujours plus de drames et de situations épouvantables, des anciennes maladies qui réapparaissent, des enfants en état de malnutrition, des retraités qui ont cotisé toute leur vie et qui peinent à se loger et à se nourrir. Une croissance au prix de nombreuses expulsions et saisies de maisons particulières contre lesquelles des collectifs résistent et vont jusqu'à bloquer les tribunaux(2). Une croissance dopée par la grande braderie du bien commun, puisque tout est à vendre en Grèce, et par les grands travaux inutiles et nuisibles : extractivisme, plages bétonnées, complexes hôteliers insensés(3), mutation agricole chimique et dévastatrice… Une croissance des grands portefeuilles, puisque les plus riches sont encore plus riches au détriment de tous les autres : humains, animaux, territoires. Une croissance ? Non, un pillage et une calamité.
 
Ces mensonges (sur les résultats de l'austérité) et ce silence (sur nos résistances) conduisent à faire croire que telle est la voie à suivre, en cas d'épreuve. Les dirigeants politiques qui, en France, ont cassé le code du travail et se préparent à faire pire, notamment contre la sécurité sociale(4), pourraient un jour se targuer : « L'austérité, il n'en faut pas trop, bien sûr, mais en remède de cheval, même dans une situation désespérée comme en Grèce, vous voyez bien que ça marche ! »
 
Faux. L'austérité, ça ne marche pas. Les experts qui nous administrent des saignées depuis des années, comme les médecins de Molière au XVIIe siècle, ne font que déplacer la richesse vers les mêmes mains, au détriment de toutes les autres.
 
Oui, je sais, Tsipras a osé déclaré le 15 décembre à Berlin : « La crise grecque appartient définitivement au passé »(5). Mais, allez vous encore le croire, un an et demi après sa capitulation ? Non, bien sûr, car vous savez ce qui s'est passé depuis le 13 juillet 2015 : une politique de collaboration insupportable. Tous ceux qui, en France, ont choisi de ne plus soutenir sa stratégie depuis lors et de prendre leurs distances ont bien fait. Le théâtre n'a que trop duré. Et nous le savons plus que jamais : en face, nos tyrans ne lâcheront rien, sinon quelques miettes de circonstances pour manipuler l'opinion, à grand renfort de mise en scène. Parallèlement, ils continueront à montrer du doigt des boucs-émissaires (insurgés, réfugiés, militants syndicaux, fonctionnaires…) pour essayer de détourner les regards de leurs agissements en faveur d'un pouvoir toujours plus autoritaire et d'un capitalisme encore plus violent.
 
Dans ce contexte de mobilisation et de convergence de luttes, nous faisons appel à vous, car l'année qui s'annonce va être cruciale.
 
Premièrement, nous organisons une nouvelle collecte de fournitures à destination des initiatives solidaires autogérées en Grèce qui en ont besoin (celles que nous vous avons présentées dans nos films, pour la plupart). Autrement dit, il ne s'agit pas d'actions « pour » mais « avec » la population grecque en souffrance et « avec » les réfugiés, dont la majorité fuient la guerre en Syrie. La liste des besoins, fixée avec nos camarades sur place, est ici.
 
Deuxièmement, après Ne vivons plus comme des esclaves (6) et Je lutte donc je suis (7), nous commençons à préparer un troisième film (toujours en creative commons, gratuit sur internet et à but non lucratif) qui sera également en soutien aux initiatives solidaires autogérées. Si vous voulez en savoir plus et, éventuellement, nous aider, c'est là.
 
Courage pour l'année à venir. Tenez bon et comptez sur nous pour résister simultanément à l'autre bout de l'Europe.
 
La lutte continue, en Grèce, en France et ailleurs, dans notre diversité qui fait notre richesse et notre force.
 
Solidairement,
 
Yannis Youlountas
 
(1) Des affrontements ont eu lieu ces derniers jours dans une dizaine de villes, notamment à Thessalonique et surtout à Athènes le 6 décembre :

(2) Lire à ce sujet, l'interview de Filippos Filippides du comité « Vente aux enchères STOP » par Eva Betavatzi du CADTM.

(3) Par exemple, le site d'Hellinikon à Athènes (où de nombreuses initiatives autogérées sont implantées) : bientôt transformé en mini Quatar pour la haute bourgeoisie sur un immense terrain acheté pour moins du dixième de sa valeur. Voir la vidéo

(4) Voir à ce sujet l'excellent film de Gilles Perret : La Sociale.

(5) Sources en langue française : Reuters, Rfi... Déclaration qui a évidemment provoqué un tollé en Grèce !

(6) Film Ne vivons plus comme des esclaves (2013) : gratuit en intégralité ici (n'hésitez pas à partager ou même profiter des fêtes pour le visionner en groupe et susciter la discussion).

(7) Film Je lutte donc je suis (2015, nouvelle version novembre 2016) : gratuit en version longue ici (n'hésitez pas à partager ou même profiter des fêtes pour le visionner en groupe et susciter la discussion).

vendredi 16 décembre 2016

Le pouvoir des petites mains

Résultat de recherche d'images pour "les petites mains du capitalisme"

Que serait l'État sans ces dizaines de milliers de « petites mains » qui dans toutes les administrations, du local au national, sont chargées d'exécuter les directives politiques, sans se soucier bien évidemment des conséquences de ces directives sur la vie des citoyens : une « petite main » dès lors qu'elle est au travail n'appartient plus à un citoyen mais à un fonctionnaire chargé d'exécuter les ordres, non de penser et encore moins de les remettre en cause.
Ken Loach dans son dernier film « Moi, Daniel Blake » montre comment, une hôtesse d'accueil, une conseillère au pôle emploi, un agent de sécurité, isolés chacun dans leur rôle, ne faisant qu'appliquer des règles, sans discernement, participent à la négation de l'individu, à son humiliation allant jusqu'à sa destruction.
En quoi ces « petites mains » sont-elles responsables de la mort de Daniel Blake ? J'ai entendu dire à la sortie du cinéma : « La faute est à ce système ultra libéral !». Oui, certes, mais un système ne peut fonctionner que si il y a des hommes pour le faire fonctionner !
Bienvenue au pays de Kafka !
Ainsi, dans tous les « Pôle emploi » de France et de Navarre, les « petites mains » ont 15 minutes pour évaluer les documents concernant tel ou tel chômeur et décider des suites à lui donner. Un quart d'heure pour faire quelques photocopies, rechercher sur un ordinateur les dernières informations relatives à l'application des dernières règles d'attribution des droits, cocher les cases d'évaluation de la fiche B-12 de mars 2008 modifiée en juin 2015, et enfin, remplir le formulaire PE-6. Au bout de cette fiche, cela peut être la décision de diminution ou de suppression des indemnités, pire, la radiation de l'immatriculé en question, Monsieur Dupont dans le civil.
La multiplicité des formulaires est là pour bien sûr palier l'absence de vraies relations. Fin de l'histoire !
Les quotas de radiation sont respectés par l'agence, qu'importe que la décision soit infondée, injuste pour Mr Dupont ! Et si celui-ci, à la réception du courrier lui annonçant les bonnes nouvelles, décide de mettre fin à ses jours, rassurons-nous personne n'est responsable. C'est le système !
Bien pratique cet anonymat qui exonère les « petites mains » qui font tourner la machine, parfois avec zèle. Certains diront : « Elles n'ont fait que leur travail ! » ! Bien sûr, comme le chef de gare qui aiguillait les trains vers Auschwitz !

Hier comme aujourd'hui, l'État a bien compris tout l'intérêt de l'application dans ses administrations du concept d' « Organisation Scientifique du Travail » pensé par Frederick Taylor : le salarié exécute le travail pensé par d'autres (verticalité), travail décomposé en tâches simples éliminant toute réflexion et perte de temps inutiles à la rentabilité (horizontalité).
De la même façon que le Taylorisme avait pour but la division du travail afin d'obtenir le rendement maximum dans le cadre d'une production de masse, l'organisation administrative de l'État consiste à parcelariser au maximum la réalisation de son projet global au service du capitalisme.
Ainsi chaque « petite main » n'est informée, formée qu'à l'exécution d'une toute petite partie du projet global. Elle n'est pas censée avoir connaissance de celui-ci, encore moins d'avoir conscience des enjeux et conséquences sur la vie des citoyens. Qu'adviendrait-il alors de l'État si les « petites mains » conscientes de la responsabilité que l'État leur fait porter se mettaient tout bonnement à refuser de jouer le jeu ?

Pour éviter ce risque il suffit à l'État de s'appuyer sur les tendances naturelles et profondes de l'homme, à savoir son égocentrisme, son désir de soumission allié au désir de soumettre autrui considéré plus fragile. A l'inverse le désir de solidarité n'est en rien inné chez l'homme. Plus les périodes de crises s'accentuent et plus l'individualisme fleurit sur un terrain privé de tout lien social, de désir de solidarité. Pour être solidaire des autres, encore faut-il se reconnaître dans l'autre ! Voir dans l'autre le même exploité que soi. C'est cette conscience là qui permet d'acquérir la conscience de l'appartenance à une classe, la conscience de classe et donc l'envie de lutter collectivement.
Il fut un temps où les bourses du travail, les premiers syndicats permettaient la formation des travailleurs, l'acquisition d'une vraie culture ouvrière.
Place aux générations sans culture du passé, sans repères d'avenir si ce n'est consommer toujours plus d'objets inutiles.
Le Système impose sa loi et la fait appliquer par ses « petites mains ».
Et si il arrive que celles-ci soient saisies de troubles de conscience, de compassion envers les victimes du système, elles n'auront qu'à donner de leur temps dans les organisations caritatives, faire oeuvre de charité à défaut de justice et d'égalité !
Comble de l'ironie, ces « petites mains » retrouveront aux « restaurants du coeur » les anonymes qu'elles ont participé à virer par le pôle emploi de leur commune !
Mais le plus terrible n'est-il pas de savoir que certaines de ces « petites mains » continueront dans ce temps de bénévolat à appliquer les décisions prises par d'autres. Comme au bureau, à nouveau ficher, sélectionner, trier, cocher ! Comme au bureau faire respecter les consignes et les critères élaborés par d'autres. Au bout, décider de l'octroi ou non de deux paquets de nouille et d'un pot de yaourt !

La vraie force de l'État est là : faire en sorte que des dizaines de milliers de femmes et d'hommes participent au grand projet d'aliénation, et faisant le déni de leur propre exploitation.
La force du système est bien là, « amener des millions de pantoufles, par leur silence, à légitimer les bruits de bottes ».

Alors la solution ?

Oui, je sais, ce billet est assez désabusé, c'est la faute à Kafka 

vendredi 2 décembre 2016

les Communards réhabilités



Bonne nouvelle: les Communardes et les Communards réhabilités
Suite au vote, hier soir de la réhabilitation des communards par l'Assemblée Nationale, voici :



Le lien vers le compte rendu intégral de la séance :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2016-2017/20170063.asp#P919070



Vive la Commune

Tu seras réserviste mon fils !

Jean de la Fontaine écrivait dans les « Animaux malades de la peste » : « Selon que vous serez puissant ou misérable les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». S'il vivait de nos jours, le poète aurait sans doute intitulé son poème « les hommes malades du capitalisme », cette peste moderne, en dénonçant de la même manière une justice au service des puissants.
La justice est une des fonctions régaliennes de l'Etat. Au service exclusif de celui-ci, elle ne peut donc « être juste » et c'est bien pour cela que les libertaires l'ont définitivement condamnée depuis longtemps. Croire que l'Etat puisse être au service des citoyens est totalement irrationnel ; c'est comme penser que le patronnat a pour objectif le bien être des travailleurs, supposer que des industriels de l'agro-alimentaire ou de laboratoires pharmaceutiques ont pour souci la santé des consommateurs. Par définition la société capitaliste est à l'opposé de tous principes et valeurs de bien être pour l'humanité.

Et voici que curieusement, la justice est remise en cause aujourd'hui par une autre force régalienne, la police. Les nombreuses manifestations de policiers en octobre et novembre, à travers la France, accusent les juges d'être trop laxistes et vont jusqu'à revendiquer l'élargissement de la notion de « Légitime défense ».
Au point, comme aux USA d'aller vers un « la police tire et discute ensuite » ?
Alors que le premier ministre manuel Valls devrait, au nom du respect de l'état d'urgence qu'il a lui-même instauré, condamner et interdire immédiatement ces manifestations de policiers, comme il l'a fait pour des manifestations de syndicats, il leur affiche publiquement son soutien. Ce comportement indique un virage extrêmement dangereux où l'Etat semble prêt à réduire ses fonctions régaliennes aux seules missions répressives des corps de police et de l'armée.
Malgré ce que l'on sait d'une justice à vitesses variables, plus prompte à condamner des travailleurs coupables d'avoir déchiré une chemise qu'à condamner des flics coupables de véritables assassinats, il semble que les juges ne soient pas encore suffisamment au garde à vous, le doigt collé sur la couture du pantalon.
Se dirige t-on vers une société où l'Etat n'aurait dorénavant besoin que de ses deux autres fonctions régaliennes : la « Défense » avec l'armée et l' « Intérieur » avec la police ? Autrement dit ses forces répressives au sens le plus physique du terme, la « Justice » quant à elle, ayant désormais pour mission d'appliquer les décisions du politique, de l'Etat ? Les syndicalistes de Goodyear condamnés à de la prison ferme alors que les cadres « séquestrés » avaient retiré leurs plaintes, celui d'Air France, licencié avec l'accord de la ministre du Travail, montrent bien que cette dérive donnant les pleins pouvoirs à l'exécutif est commencée.
Ailleurs on appelle cela une dictature !



Encore une fois, tout cela est cohérent à la vue du délire militaro-sécuritaire qui se développe depuis quelques années : le bellicisme des politiciens de droite comme de gauche n'est plus à démontrer avec une armée française présente sur tous les fronts, soit par les armes qu'elle vend , soit par les hommes qu'elle envoit, soit par les deux à fois. Rapporté au nombre d'habitants, la France est devenue depuis peu le premier pays exportateur d'engins de mort au monde ! Et ils ne sont pas nombreux, ceux qui s'offusquent de cette réalité ! Où est le temps des manifestations contre la guerre, des « Pas en notre nom » ? Afficher son pacifisme, antimilitarisme sera t-il bientôt considéré comme un crime menant directement à la prison sans d'ailleurs passer par la case tribunal, cette étape étant devenue inutile ?
Cette volonté de contrôle de la « Justice » accompagnée du développement des forces de répression que sont l' « Armée » et la « Police » prend un essor considérable depuis l'attentat de Charlie Hebdo en 2015. Et si l'arsenal militaro-policier n'a empêché aucun des attentats qui ont suivi, il a su par contre criminaliser
de plus en plus les mouvements sociaux, syndicalistes, étudiants etc.

C'est la mission de L'Etat socialiste d'aujourd'hui qui ne fait que poursuivre les objectifs des Etats de droite qui l'ont précédé : il s'agit d'appliquer les directives d'un capitalisme mondial à l'agonie. Face aux révoltes légitimes, à la radicalisation des luttes, à la possible insurrection à venir, obéir aux ordres du capitalisme passe nécessairement par le renforcement des forces de répression.
C'est bien ce qui explique le développement actuel des réserves militaire comme policière, des organisations dites citoyennes, le tout labellisé « Garde Nationale ».
Tout cela ne peut fonctionner qu'en s'appuyant sur le « désir de soumission » du plus grand nombre, en montrant aux faibles qu'ils peuvent participer à leur propre servitude. Rassurons-nous, les périodes de crises ont toujours montré que devant la barbarie, il se trouvait plus d'hommes à accepter de devenir des « Oberkapos » qu' à entrer en résistance, fut-elle non-violente !
De ce point de vue on peut dire que « le silence des pantoufles expliquent et légitime les bruits de bottes ». En d'autres temps un certain Etienne de la Boétie a dit la même chose. C'est donc parmi les victimes du système que l'Etat va rechercher les relais nécessaires pour la mise en place de ses objectifs au service du capitalisme. C'est tout le sens de l'apparition des réserves constituant la garde nationale. Les « voisins vigilants » n'étaient que les prémices, les hors d'oeuvre dans la mise en place de la gigantesque toile d'araîgnée militaro-sécuritaire et la création récente d'un fichier concernant 60 millions de français n'est qu'une des facettes.



Il ya tout d'abord des réserves existantes et qui se développent à grande vitesse :
  • Une « réserve opérationnelle » ayant pour but d'être utile sur le terrain en intervenant auprès ou en remplacement des forces de l'ordre et des militaires. Ces forces réservistes issues de la société civile ou de l'armée ont une formation de 5 à 10 jours par an, voire 13 jours si ils sont amenés à remplir des missions en armes au sein de la population. Trois jours semblent donc suffire pour savoir quand, comment et pourquoi abattre un homme !
Plus de 300 réservistes ont été ainsi engagés par l'armée dans l' « Opération sentinelle » déployée après les attentats de janvier 2015.
Au total l'armée compte ainsi 28 000 réservistes et la gendarmerie également 28000. Soit un total de 56 000 réservistes dits de 1er niveau, qui ont signé un contrat d' « Engagement à Servir dans la Réserve » (ESR). Nous voilà rassurés d'autant que le gouvernement actuel veut porter à 80000 le nombre des volontaires dans ces deux institutions.
  • S'ajoute à cet effectif de 56000 volontaires une réserve dite de 2ème niveau, celle des 118 000 anciens militaires d'active soumis à l'obligation de servir durant les 5 années qui suivent leur départ de l'armée. Les anciens d'Algérie étant trop vieux, je suppose que le ministère doit piocher dans les anciens du Moyen-orient, du Mali ou de Centre Afrique.
Protégez vos enfants, certains de ces militaires sont friands de gâterie !
Tu seras réserviste mon fils !
Nous voilà donc hyper protégés avec un vivier de 174000 volontaires mobilisables à tout moment en cas de nécessité et auquel il faut encore rajouter une « Réserve citoyenne de l'armée » forte de plus de 4000 femmes et hommes volontaires bénévoles, de ceux qui comme le disaient Coluche sont « entrés dans la Police parce qu'on ne voulait pas d'eux aux PTT » ! (Humour)
Petite réjouissance : malgré le projet de dispositif législatif (déjà utilisé en Australie et au Canada) amenant à apporter une indemnisation aux employeurs pour retrouver un nouvel employé suite à l'engagement d'un volontaire salarié, nombre d'employeurs pêchent par non patriotisme en faisant la sourde oreille.
Mauvais français ! De plus, quelques syndicats, peu, rassurons-nous, jouent les trouble-fête en arguant du fait que tous ces reservistes, volontaires constituent un frein à l'embauche de personnels supplémentaires titulaires, voire de contractuels. Au passage, notons qu'il s'agit pour ces dignes représentants de la classe ouvrière de militer pour un vrai service public de la répression et non contre la militarisation de la société. C'est la défense du statut qu'elle que soit la fonction !
Vous avez dit collaboration de classe ?

Après cet inventaire des forces militaires censées nous protéger, on peut se demander : « Mais que fait la police ? ». Là aussi rassurons-nous car si actuellement il n'y a que 3000 réservistes, ex-policiers pour la plupart, l'Etat se fait fort de quadrupler ce chiffre pour arriver sous peu, avec ceux présentés ci-dessus, à un total de plus de 200 000 réservistes, autant d'hommes et de femmes issus en particulier de la société civile et « mobilisables sur les terrains désignés sensibles par le gouvernement ».
A votre avis, quels terrains ? Pour ma part je pense qu'on a toutes les chances de les voir aux abords et à l'assaut des usines occupées, face aux manifestations diverses surtout si un peu de radicalisation de la part des travailleurs change des « Tours de manège » auxquels voudraient nous habituer certains syndicats.

C'est ce vivier de plus de 200 000 personnes qui est appelée la « Garde Nationale », qui est justifiée par la lutte antiterroriste, donc pour notre sécurité, Messiurs, mesdames !
Ne cherchez surtout pas un rapport avec « la Garde nationale », celle du temps de la Commune de Paris qui devenue milice populaire et républicaine, appuya les communards dans la lutte contre les versaillais. Toutes ces forces répressives se complètent enfin d'une sous-branche, les « Réservistes Locaux à la Jeunesse et à la Citoyenneté » (RLJC), créées il y a une dizaine d'années, chargés de recrutement auprès des jeunes de quartier sensibles. Les effectifs ont quadruplé en 10 ans. Voilà enfin une perspective pour mettre fin au chômage et à la drogue dans les cités. Imaginez ces réservistes rencontrant des jeunes délinquants dans le quartier dont ils sont issus eux-mêmes : « Engage-toi mon frère et tu pourras légitimement porter une arme et un peu de shit ! Là, t'es has been mon frère avec ton flingue, t'faut une autorisation pour tirer, t'as pas l'uniforme mec ! ».
Mais les armées, les polices ne sont-elles pas simplement des institutions donnant la légitimité au premier tueur venu ? De ce fait, sachant la haine née de la précarité, de la misère, gageons qu'ils seront nombreux et efficaces les prochains volontaires des quartiers dits défavorisés !
Pour certains, cela va être la grande revanche !
Les attentats sont arrivés à point nommé pour que se mette en place, dans l'indifférence quasi générale, un dispositif sécuritaire délirant dans lequel, j'allais oublié, il faut rajouter le développement actuel exponentiel des « Sociétés militaires privées de sécurité » en passe d'obtenir des « Accords de coopération pour oeuvrer en liaison avec les forces de sécurité publique nationale et municipale », en particulier pour la protection d'évènements festifs. Vous avez bien lu, des forces privées aux côtés des forces publiques : cela ressemble fort au mercenariat utilisé déjà dans l'armée américaine. Il faudrait enfin comptabiliser les dizaines de milliers de vigiles manifestant également pour le port d'armes sur leurs lieux de travail.
Tu seras vigile mon fils !

Pour tous ceux qui s'inquiètent de cette situation, la jugeant anxiogène pour eux, leurs familles, et surtout pour leurs enfants, rassurons-nous. L'école les prépare déjà depuis quelques années à une éducation patriotique et sécuritaire. Les enfants vont pouvoir très vite se rendre sans crainte dans les lieux festifs, sans angoisse particulière car formatés pour avoir le « Bon réflexe », pour apprendre à repérer le déviant, dénoncer le sans-papiers. Il existe déjà dans les écoles tout un dispositif de militarisation énoncé comme suit par le ministère de l'Education dans une circulaire du 8 décembre 2015 sous le titre « Mise en oeuvre du programme des cadets (tes) de la sécurité civile au sein des établissements scolaires ». Hansi Brémond (1) analyse cette circulaire : « l'objectf est de créer des groupes d'élèves capables d'assurer la sécurité du collège. Le texte pose clairement l'objectif sécuritaire :  « Il y a aujourd'hui de la part des citoyens une grande exigence en termes de sécurité qui est légitime tant les risques et menaces sont multiples et variés... ».
Il y en aura toujours qui vont parler d'embrigadement, de moyen de compenser les terribles besoins des écoles, mais quand même, quelle émotion quand, de retour de sa 6ème B, votre gamine vous embrasse en chantant la Marseillaise (apprise le matin durant le cours de math) et vous annonce fièrement qu'il fait partie des « Cadets » de son collège, chargés de répondre aux situations de crise.
Comme le mot « Garde nationale », le choix du mot « Cadet » est révélateur d'une utilisation frauduleuse et manipulatrice. Le terme « Cadet » renvoit, comme le précise Hansi Brémond, à des grades militaires, à des organisations de jeunesses militaires ou paramilitaires.
Alors, vous voilà rassurés ? Il semble qu'il n'y ait plus un espace sans caméras, sans policiers, vigiles, réservistes citoyens, voisins vigilants etc.
C'est beau la citoyenneté ! Bientôt un « Grand peur et misère du troisème Reich » à la mode franchouillarde !
Nous voilà revenus au « Maréchal, nous voilà ! » entonné en choeur comme un appel intense au respect des valeurs de la République, à la citoyenneté et tant qu'on y est, à la laïcité, vous savez ce concept instituant le « Saint respect » dû aux religions.

Bientôt, les milices des élèves contrôlant, dénonçant et réprimant leurs camarades,
Bientôt, ces mêmes enfants devenus adultes travaillant comme flic, gendarme, membre d'une milice paramiliatire, d'une société privée de sécurité etc...
Qui a dit que le chômage était une fatalité ?
Tous ces jeunes nouveaux patriotes volontaires vont de plus en guise de remerciements par l'Etat :
  • Pouvoir obtenir une participation financière au financement deu permis de conduire
  • Bénéficer d'une participation aux frais de scolarité
  • Avoir une prime de fidélité et une valorisation des compétaences acquises.

Un dernier mot : le patronnat est ravi, les entreprises facilitant l'engagement des salariés vont obtenir des réductions d'impots !
En ont-ils encore à payer ?

Tu seras un réserviste mon fils !
Ce siècle est bien parti pour êre celui de la barbarie !


Michel Di Nocera, le 6 novembre 2016



(1) cf. article de Hansi Brémond dans « la Raison », revue de la FNLP, n° 614