vendredi 29 mai 2015

mobilisation du 10 juin 2015 contre l'arrêt des subventions du Ministère de la Culture aux conservatoires


 
MERCREDI  10 JUIN 2015
Journée de mobilisation intersyndicale de l'enseignement artistique  dans les conservatoires  CRD, CRR, CRC contre l'arrêt des subventions aux conservatoires non adossés aux pôles supérieurs (quasiment tous sauf une quinzaine!).
 
Chers enseignants, directeurs, usagers des conservatoires,
 
L'enseignement artistique se mobilise en intersyndicale, CGT-FO-CFDT-SPeDIC-UNSA  (lettre à la Ministre de la culture, journée de mobilisation ect..) pour dénoncer l'arrêt des subventions aux conservatoires, qui conduira inéluctablement à la non demande de classement des conservatoires, à l'arrêt des cycles spécialisés et cycles d'enseignement professionnel initial, à une réduction massive des emplois d'enseignants et à la transformation des missions initiales d'enseignement. Les collectivités déjà étranglées par les 11 milliards d'économie à réaliser sur 3 ans ne pourront pas compenser ces pertes plus longtemps…
Nous organisons une journée de mobilisation le MERCREDI 10 JUIN 2015 dans les conservatoires afin de dénoncer l'arrêt de ces subventions et sensibiliser les usagers des conservatoires à cette problématique.
Un préavis de grève national sera lancé par la Fédération CGT du spectacle et le SNAM-CGT.
Vous pouvez faire de 59mn  à une journée de grève ou simplement utiliser un signe unitaire de protestation durant cette journée.
Pour cela nous vous conseillons fortement d'utiliser un dress-code: TOUT EN NOIR afin d'afficher l'unité de l'action.
 et proposons un kit revendicatif avec brassard  à porter ou affichette à épingler sur le tee shirt.
 
Vous trouverez ce kit à télécharger en PDF ou JPEG:  http://snam-cgt.org/spip.php?article251
ou dans les pièces jointes.
 
SE MOBILISER  NOMBREUX À CETTE JOURNÉE  C'EST NÉCESSAIRE POUR MAINTENIR UN ENSEIGNEMENT ARTISTIQUE DE QUALITÉ ET PRÉSERVER NOS EMPLOIS! 
ALORS TOUS ENSEMBLE LE  MERCREDI 10 JUIN DANS NOS CONSERVATOIRES !

POUR LE SNAM-CGT,Corynne Aimé
Secrétaire branche nationale de l'enseignement

projection du film "les nouveaux chiens de garde"




mercredi 27 mai 2015

Festival Bobines rebelles


 Vassivière, le 14 mai 2015 Le festival Bobines Rebelles approche, avec une huitième édition entièrement consacrée au féminisme! Communiqué de presse Bobines Rebelles, festival du documentaire politique et social en Limousin, fêtera sa huitième édition, les 12, 13 et 14 juin 2015. Depuis sa création en 2008 sur le Plateau de Millevaches, ce festival propose une programmation de films aux points de vue affirmés, souvent jamais montrés par la télévision et les salles de cinéma, de ceux dont le rôle est de « nous dessiller les yeux », comme l'écrivait Jean Vigo. Des projections accompagnées de formes originales de débats, permettant de prolonger les questionnements soulevés par les films. Cette année, Bobines Rebelles s'engage pour la première fois dans une toute nouvelle édition thématique, entièrement consacrée au féminisme. Une édition de deux jours, avec moins de films, et plus de temps pour en discuter, qui dessinera une cartographie des féminismes, de la France au Kurdistan, des années 70 à nos jours. Les Drags Kings y côtoieront les ouvrières en lutte, les femmes musulmanes, les paysannes, les transsexuel.l.e.s, les mères et celles qui ne le sont pas, dans un questionnement permanent des frontières. Emporté dans cet élan, le festival Bobines Rebelles n'en demeure pas moins résolument attaché à ses deux grands principes d'indépendance et de liberté de prix. Depuis sa création, Bobines rebelles ne reçoit ni ne sollicite aucune subvention, car indépendance politique et autonomie de pensée sont aujourd’hui une exigence sociale, à la ville comme aux champs. Par ailleurs, l'accès aux salles est à prix libre, chacun pouvant donner en fonction de ses moyens. Le prix libre est une démarche politique, non marchande. Ce n’est pas pour autant la gratuité et afin de donner un élément d'évaluation, les coûts de revient d'une place de cinéma et d'un repas sont affichés. Le festival a essaimé depuis sa création, quatre autres festivals en France ont ainsi repris le nom Bobines Rebelles : à Saint Denis, à Rouen, à Saint-Gobain, et plus récemment à Liévin dans le bassin minier. En 2015, Bobines Rebelles propose deux temps-forts : l'un à Royère-de-Vassivière (Creuse), l'autre à Peyrat-le-Château (Haute-Vienne), qui, pour la première fois, accueille le festival : – Une soirée d'ouverture au bar l'Atelier, à Royère-de-Vassivère, le vendredi 12 juin, à 21h Au programme une sélection de courts métrages : Rebel Menopause d'Adèle Tulli, portrait de la militante Thérèse Clerc, fondatrice de la maison de Babayagas à Montreuil, qui mêle des questionnements sur la sexualité, la vieillesse, et la liberté des femmes. Avec Espace d'Eléonore Gilbert, film à la fois saisissant et drôle, on verra comment se jouent dès l'enfance les stratégies d'occupation du territoire, à l'échelle d'une cour de récréation. Enfin, avec le portrait d'une femme apprenant à faire du vélo, dans le film En Équilibre, d'Anna Rok, l'imbrication des rapports de genre et de classe sont portés au grand jour devant la caméra ! – Deux journées de programmation en continu au cinéma de Peyrat-le-Château, le samedi 13 et le dimanche 14 juin de 10h à minuit Une seule grande salle de cinéma, et deux salles consacrées aux discussions et débats accueilleront cette année un public oscillant chaque année entre 250 et 300 personnes. Comme avant-goût d'une programmation riche et dense pour cette 8ème édition : Les deux journées à Peyrat-le-Château s'ouvriront sur le très énergique et incisif Venus Boyz, de Gabriel Baur, qui suit le parcours de vie de plusieurs Drags Kings entre Londres et New York. Les Drags Kings, ces femmes qui s'habillent en hommes, posent face à la caméra, et non parfois sans humour, les questions de l'identité de genre, de sexe, du mouvement queer ! La journée du samedi 13 juin se poursuivra par l'intervention de Federico Rossin, programmateur détonnant, qui fera retour sur l'usage militant de la vidéo dans les milieux féministes des années 70. Conçue comme un véritable montage, sa programmation revisite de nombreux films abordant les thèmes de la domination masculine, de l'homosexualité, de la libération sexuelle ... Federico Rossin poursuivra cette passionnante intervention le dimanche 14 juin au matin. Parce que les rapports de genre se trouvent toujours à la fois imbriqués dans d'autres rapports de domination et que sexisme, racisme et rapports de classe sont historiquement liés, le festival abordera cette année la question très actuelle d'une laïcité "à la française". À travers le récit, en première personne, d'une parcours de vie, depuis l'Algérie des années de plomb à la France des années 2000, Samia Chala, dans Madame la France, ma mère et moi, pose les enjeux d'une réflexion indispensable sur l'histoire coloniale et le voile islamique. Parce que le combat contre la domination de genre se noue parfois à des luttes armées, Bobines Rebelles aura cette année le plaisir d'évoquer le combat des femmes kurdes en Syrie, à travers un film inédit de Rozh Ahmad, YPJ, Kurdish Female Fighters : a day in Syria. En filmant à l'arrière du front, les membres d'une section non-mixte de l'Unité de Protection des Femmes (YPJ), Rozh Ahmad nous rend peu à peu accessible l'engagement de ces combattantes, leur place dans la société kurde et le sens de leur lutte. Enfin, le festival s'achèvera sur Remparts d'argile, de Jean-Louis Bertuccelli, qui dresse un portrait de la révolte silencieuse d'une jeune femme, dans un village du sud tunisien, au cœur d'une situation postcoloniale. Des débats et des discussions : Nous pensons que la lutte féministe passe aussi par un changement de nos comportements au quotidien. Les débats et les prises de parole en public, loin d'être des activités anodines, sont traversés par des rapports de pouvoir. Parce que nous n'avons pas envie de reproduire la forme trop connue d'un grand débat dans la salle de cinéma après les films, nous expérimenterons ensemble des discussions en petits groupes, hors de la salle de cinéma. Plus de confiance et plus d'occasions pour approfondir la conversation, l'écoute, et la prise de parole. Des espaces non-mixtes seront proposés. Bien sûr, il y aura aussi de l'espace pour celles et ceux qui ne souhaitent pas discuter après le film! Pour les petits et leurs parents, un point enfants sera animé par le Café des enfants, association d'Eymoutiers. Une avant-première aura lieu en Limousin le jeudi 11 juin au Magasin général de Tarnac, Appelez-moi Madame, de Françoise Romand, narrant le récit de vie d'Ovida, ancien militant communiste et déporté, marié et père de famille, devenu femme à l'âge de cinquante-cinq ans. Un stage d'auto-défense féminine sera organisé par l'association Pivoine, les mercredi 10 et jeudi 11 juin à la salle des fêtes de La Villedieu (23) dans le bâtiment de la mairie. Ce stage se déroulera en non-mixité et partira d'une réflexion sur l'éducation féminine et les représentations sociales du statut et de la place des femmes, notamment autour de la violence. L'enjeu de ce stage est de prévenir des situations de violences verbales, physiques et sexuelles, de renforcer l'autonomie féminine. Contact : Association Pivoine / 05 55 54 93 49 / contact.pivoine@ilico.org Bobines Rebelles est organisé avec le soutien des associations Creuse-Citron, les Dérushé.e.s, Émile a une vache, la Loutre, le Bande Originale, Pivoine, le Planning Familial de Peyrelevade, le Ciné-club de Tarnac, le Café des enfants. 

mardi 26 mai 2015

programme du dernier rendez-vous des Glières


Quatrièmes Rencontres des Media libres et du journalisme de résistance




S'informer. Comprendre. Se défendre.

Réunion Publique
vendredi 29 mai
salle des fêtes de Tarnac, 20h30

Le 5 mai dernier la loi dite « sur le Renseignement » passait à une large majorité à l'Assemblée Nationale ignorant les alertes lancées par de nombreux collectifs de défense des libertés publiques qui y voient la mise en place d'une « surveillance de masse ». Profitant de l'état de choc suscité par les attentats de janvier, le gouvernement a imposé la procédure accélérée pour passer cette loi prévue de longue date. Ce n'est rien de moins qu'un chèque en blanc aux services de Renseignement (DGSI) pour entrer dans toutes les têtes au nom bien sûr de la « lutte contre le terrorisme » et bien au-delà la« préservation des  intérêts de l'Etat ».

Le 7 mai, soit deux jours plus tard, le parquet de Paris livrait à la presse son réquisitoire final dans l'affaire dite « de Tarnac », sept ans après l'ouverture d'une enquête préliminaire qui avait conduit à la mise en examen de 9 personnes et l'emprisonnement provisoire de 5 d'entre elles pour « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » en novembre 2008. Les procureurs en charge de l'accusation s'y livrent à une savante définition du « projet terroriste », et du seuil au-delà duquel on y « bascule » (la participation supposée à des sabotages de caténaires)... Ils requièrent aujourd'hui le renvoi en correctionnelle anti-terroriste de trois personnes pour « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes terroristes ».

Tout est dit :
Surveillance généralisée de la population et
anti-terrorisme comme mode de gouvernementsont les deux mâchoires entre lesquelles ce gouvernement, à la suite des précédents, et de ses homologues européens, veut enserrer toute résistance, toute opposition réelle.

S'informer. Comprendre. Se défendre.

samedi 16 mai 2015

Pourquoi, comment et où le vrai Robert Ménard était connu depuis 2007

Venezuela. Le 28 mai 2007 à 10 heures. Robert Ménard, personnalité mondialement super-médiatisée donnait une conférence de presse antichaviste à l’hôtel Hilton de Caracas. Depuis l’arrivée d’Hugo Chavez au pouvoir, le Venezuela ne comptait aucun journaliste tué, ou emprisonné, aucun journal censuré ou fermé (pas même RCTV !).
Ailleurs, en Amérique-latine, ils tombaient comme des mouches (moins qu’en Irak, tout de même). Mais Robert Ménard, financé par des officines écrans de la CIA, n’allait pas embêter ses sponsors avec ça.
La conférence se passa assez mal pour lui, d’après ce que m’en ont dit Christophe Ventura (de « Mémoire des luttes ») et notre collaborateur Romain Migus, car des journalistes eurent l’effronterie de lui demander où il était en 2002 quand les putschistes fermaient des médias, brisaient leur matériel, pourchassaient, frappaient et arrêtaient des journalistes vénézuéliens. La vérité est que RSF soutenait le putsch, comme on le verra ci-après sous la plume de notre ami Thierry Deronne, journaliste en poste à Caracas.
Venezuela. Le 28 mai 2007 à 10 heures. Au moment précis où Robert Ménard déblatérait au Hilton de Caracas, je me trouvais dans le bureau de Eleazar Diàz Rangel, directeur du quotidien vénézuélien : Ultimas Noticias (Dernières Nouvelles). C’est un quotidien qui compte par son prestige (on peut le comparer à ce que fut Le Monde de Beuve-Méry) et par son tirage (près de 300 000 exemplaires au Venezuela et des lecteurs dans pratiquement tous les pays latino-américains, le troisième tirage sur toute l’Amérique latine où l’on trouve des pays immenses et très peuplés comme le Brésil, l’Argentine, le Mexique). Même si Eleazar Diàz Rangel était un ami de Chàvez, ce journal s’attache à observer une neutralité politique concrétisée par la publication de points de vue et de tribunes d’auteurs de tous bords. Ses journalistes couvrent pratiquement tout l’éventail des opinions politiques en présence dans le pays. Dans ses pages, une sorte d’équilibre existe, que chaque camp conteste peu ou prou, mais qui tranche dans le paysage médiatique du Venezuela où la presse a souvent la forme d’un outil de propagande musclée.
Pour tout dire, Ultimas Noticias compte dans ses rangs un peu plus de journalistes hostiles à Chávez que de « chavistes » et le décompte des articles et tribunes politiques montrent que le pouvoir est légèrement désavantagé.
Pour les besoins d’écriture de mon livre sur RSF, j’enquêtais depuis deux ans sur cette ONG (sic) qui, avec un acharnement terrible, avait pris pour cible le Venezuela. J’avais arraché ce rendez-vous via une journaliste de Ultimas Noticias dont le mari fit ses études à Toulouse où je vis. Mon objectif était d’obtenir de ce journal qu’il ne se contente pas de rendre compte de la conférence de presse ménardienne, mais qu’il donne à lire un point de vue sur RSF. J’ai donc raconté au doctor Eleazar Diàz Rangel, ce que je savais de cette « ONG » française. Je me recommandai de sa journaliste avec qui j’avais dîné à Caracas quelques jours plus tôt et de Thierry Deronne. Il me laissa parler pendant une demi-heure, puis décrocha son téléphone pour faire venir dans son bureau un photographe et un journaliste.
Le lendemain, une page intérieure de Ultimas Noticias était divisée en trois partie : publicité et deux articles sur RSF. Le premier, orné d’une photo de l’escritor francès, annonçait en gros et gras caractères que RSF sert les intérêts des Etats-Unis d’Amérique et était souligné d’un sous-titre sur ses sources de financement (suivez mon regard). Le second, en dessous, deux fois plus court et coiffé d’un titre maigre, apprenait aux lecteurs que, selon Ménard, la « fermeture » (sic) de RCTV est une décision politique.
Depuis, Reporters sans frontières a résolument classé Últimas Noticias parmi les journaux chavistes. Ce qui peut tromper les citoyens français, mais pas nos frères latino-américains.
Maxime Vivas

Mutinerie et soviet des soldats russes en France en 1917


 La Courtine : Les délégués du soviet des soldats élus par les hommes du 1er régiment
 

Malgré les tentatives des états majors de mettre au pas les soldats, ceux-ci arborent des banderoles en français ou en russe.


 Sur la banderole rouge: « Vive la Russie » et en initiales « libre, démocratique, socialiste ».



19 septembre 1917 : Arrestation d’Afanasie Globa, responsable du soviet des soldats russes mutinés du camp de La Courtine



Fin 1915, les armées sur le front ouest sont déjà exsangues, car les pertes ont été effroyables : les offensives lancées face aux mitrailleuses adverses sur un front figé ont été meurtrières. Les forces s’équilibrent. Du côté des Alliés et en premier lieu en France le gouvernement a déjà fait appel par anticipation aux classes les plus jeunes. Les troupes coloniales ont également été sollicitées.

L’idée naît de « puiser » dans les « immenses réserves » du « réservoir » humain russe. Les négociations n’aboutirent qu’à l’envoi en avril 1916 en France de deux brigades, environ 20 000 hommes, et deux autres vers Salonique en Orient. Formées au camp de Mailly en Champagne, ces troupes vont être versées au combat dès l’automne 1916.

Mais au début de 1917 en Russie, après 3 jours de manifestations massives des ouvrières à Pétrograd, la révolution éclate. Le 2 mars se constitue un gouvernement provisoire dirigé par le prince Lvov. Des soviets d’ouvriers et de soldats se mettent immédiatement en place renouant ainsi avec la première révolution de 1905, 2 jours plus tard le Tsar Nicolas II abdique.

Les soldats russes s’emparèrent alors du Prikase n° 1 (l’Ordre n°1) décrété par le soviet de Petrograd pour créer sur le front français leurs propres comités de soldats. Ce Prikase indiquait dans ses articles 6 et 7 que le garde à vous au passage d’un supérieur et le salut militaire obligatoire étaient abolis hors du service et qu’étaient supprimées les formules décernées aux officiers du genre : « Votre excellence, votre noblesse », ces dernières étant remplacées par Monsieur le Général, Monsieur le Colonel. Ce décret ordonnait que soit interdit désormais le tutoiement et les mauvais traitements des gradés à l’égard des soldats.

En avril, les comités des brigades russes en France décidèrent que l’offensive de printemps serait la dernière à laquelle les unités russes participeraient. La révolte ouverte de ces unités a donc commencé au lendemain de l’échec de l’offensive Nivelle du 16 avril 1917, qui fit rappelons-le, 271 000 morts dont 6 000 soldats russes.

Le souffle de la révolution en cours en Russie, les milliers de morts dans leurs unités, l’élection de leurs délégués de comités, l’exigence de cesser les combats et de rentrer en Russie, transformèrent soldats russes en des révoltés, que rien ne pouvaient ramener à l’état antérieur.

Le 1er mai 1917 fut le tournant majeur dans cette situation, voici ce qu’écrivait un soldat de la première brigade Stéphane Gavrilenko à propos des manifestations de son unité ce jour-là :

(…) Dans ces conditions, nos délégués ouvriers et soldats ont décidé d’organiser coûte que coûte la manifestation du 1er mai, bien qu'il n'y ait pas d'autorisation.
Le premier orateur des délégués ouvriers et soldats à prendre la parole a été le camarade Kossouraïev, de la 9ème compagnie, qui a fait un discours enflammé, expliquant pourquoi nous étions venus ici: "Pour fêter la liberté de notre Russie, honorer la mémoire de nos camarades tombés pour la liberté et pour ne pas oublier ceux qui sont enfermés dans les prisons dont les murs suintent de saleté." Son discours a été prononcé avec une telle émotion que personne ne pouvait retenir ses larmes.

Après lui, est intervenu le deuxième orateur, Tsiglov, qui a exprimé nos besoins, nos souffrances et a décrit les punitions venant de nos chefs qui se comportaient de façon si révoltante. A entendre un discours si beau, chaque soldat en avait l'âme retournée, tous avaient le visage en larmes. On avait envie de dire: "Voilà comment vous, scélérats que vous êtes, vous vous comportiez avec nous les soldats. Maintenant, regardez-nous les yeux dans les yeux. Qui de nous avait raison, qui était coupable? Vous buviez notre sang, vous nous forciez à appeler blanc ce qui est noir et noir ce qui est blanc, mais le noir s'est levé devant les yeux des soldats, il s'est transformé en blanc, puis en rouge et soudain tout s'est obscurci comme dans l'épaisseur mortelle de la nuit!"

Lui a succédé le député de notre 10ème compagnie, Polikarpov, qui a salué ses camarades soldats et messieurs les officiers. Il nous a ensuite fait un discours: "Camarades, quelle joie se manifeste chez nous, en Russie! Une joie qui est parvenue jusqu'à nous. Mais nous ne devons pas oublier les camarades morts pour rien, ceux qu'on a fusillés dans les camps de Mailly, pour des actions réelles ou supposées. Nous ne devons pas oublier que lorsqu'ils sont venus de Russie, ils avaient avec eux un colonel, un véritable Allemand, qu'ils avaient repéré et qui voulait même les faire jeter à la mer. Tremblants de tout leur corps, ils avaient enduré toutes les punitions, tous les tourments qu'il leur avait infligés. Et lorsqu'ils ont eu atteint le lieu de débarquement à Marseille, là, après toutes les souffrances supportées pendant la traversée, ils ont décidé de le tuer. Tout le régiment était dans le coup, mais huit hommes ont été considérés comme coupables et le colonel Ivanov les a fait passer devant un tribunal.
Je dois dire une chose: si le colonel Ivanov a conscience de sa faute, qu'il vienne à ma place et que, face à tout le régiment, il demande pardon à ceux qu'il a fait fusiller."

Le colonel Ivanov a alors demandé pardon, s'est incliné devant tout le monde et il est descendu de la tribune. Les discours des orateurs ont ensuite recommencé. Tout le monde écoutait au pied de la tribune.(…)

Voici que le général Palitsine et notre général de brigade Lokhvitski arrivent à cheval vers notre régiment. Le général Palitsine a mis pied à terre. Il est venu près des soldats et a demandé: "Permettez-moi de venir parmi vous." On a dit: "Qu'il vienne!"
Il est arrivé, a écouté nos discours et a dit: "Messieurs les soldats, permettez-moi de vous lire l'ordre que j'ai apporté." Nous l'avons autorisé: il en a fait la lecture. Les orateurs lui ont dit: "Nous connaissons cet ordre depuis longtemps et il est inutile de nous le lire, il y en a assez d'amuser la galerie!"

Ensuite, après ces paroles, il y a eu une succession d'orateurs qui ont fait des interventions contre lui et ont entrepris de lui rappeler les sanctions auxquelles il en avait tant rajouté. Et, à la fin, tous lui ont dit d'une seule voix: "A bas le vieux bureaucrate, à bas!"
II a alors demandé: « Petits frères permettez-moi de partir!" On lui a accordé le passage et, derrière lui, tout le monde criait: "A bas!" Et il est reparti à cheval.

Les délégués ont dit ensuite: "Retournez à vos locaux de cantonnement et n'oubliez pas de chanter et que l'orchestre joue le nouvel hymne: Peuple debout, soulève-toi! et la marche funèbre: Vous êtes tombés pour la patrie. » (…)

« Le journal de Stéphane Ivanovitch Gavrilenko » Editions Privat.(pages 142 à 147, extraits)


Ainsi, après avoir publiquement conspué le commandant des troupes russes en France et manifesté le 1er mai 1917, devant la crainte de l’onde de choc des mutineries russes et de la contagion aux unités françaises, les unités furent déplacées au centre de la France, à la Courtine en Creuse où la 1ère Brigade arriva dans ce camp militaire le 26 juin 1917.

Pendant trois mois, les 10 300 soldats de cette 1ère brigade, refusèrent de se rendre et de se soumettre aux ordres du gouvernement provisoire et de leurs officiers. Bien mieux, ils renvoyèrent ces derniers et s’organisèrent autour de leur soviet.

Les soldats organisèrent leur casernement, ils défilèrent aux ordres de simples soldats. Et surtout, ils discutèrent de toutes les questions de l’heure : la guerre, le partage des terres en Russie, le pouvoir des soviets, la trahison du gouvernement provisoire qui les abandonnait et voulait qu’ils obéissent de nouveau aux officiers.

C’est le Général Comby dirigeant la XIIème région militaire qui assura la préparation et la mise en œuvre de la répression des 10 300 soldats mutinés. L’assaut fut donné le 16 septembre, le combat cessa le 19 septembre au matin. En 3 jours, 800 obus avaient été tirés sur les mutins.

Malgré la répression, la déportation de 5000 de ces mutins en Algérie, la dispersion de milliers d’autres dans compagnies de travail en France, les anciens soldats du corps expéditionnaire russe étaient devenus des défenseurs déterminés de la révolution d’octobre 1917. Ils regagnèrent leur pays devenu l’URSS à partir de 1919, à part quelques centaines qui s’installèrent en France.
La mutinerie et le soviet des soldats russes sur le sol français en 1917 ont ainsi écrit une de plus belles pages de l’histoire du pacifisme, de l’antimilitarisme et de l’internationalisme des peuples..

Jean-Paul Gady,
Adhérent de la LP87 et de « La Courtine 1917 »

Stèle dans le cimetière de La Courtine (Creuse) à la mémoire des 10 300 soldats russes mutinés en 1917 
Retour sur une belle aventure.....
Le 15 septembre 2012 fût pour les militants de la fédération de la Creuse de la Libre Pensée, une journée riche en émotion et pour tout dire inoubliable. Ce fut là le point d'orgue de plusieurs années d'activité autour des événements survenus à La Courtine durant l'été 1917. Cette page d'histoire fut écrite par plus de 10000 soldats Russes de la première brigade, internés dans le camp militaire de cette bourgade suite à leur mutinerie sur le front. Ils ne plièrent pas devant les exigences des officiers et, malgré la sauvage répression qui s'abattit sur eux en septembre ils refusèrent de reprendre le chemin des champs de batailles. C'est cette histoire que nous raconte le monument de granit et de bronze que nous avons inauguré ce jour là au cimetière de la Courtine, sous la présidence du regretté Marc BLONDEL qui nous avait fait l'honneur de se joindre à nous, en présence du maire , du conseiller général et d'Éric MOLODTZOFF, descendant de mutin qui a su, pour la circonstance, nous parler avec son cœur. A ce moment, où étaient rassemblées plus de deux cent personnes, nous pensions tous à la belle mobilisation qui s'était organisée autour de ce projet.
Nous pensions aux deux cent trente six souscripteurs qui nous ont rejoints, à ceux qui assistèrent aux deux conférences que nous avons organisées, l'une à Guéret, l'autre à la Courtine. Nous pensions aussi aux professeurs de la section taille de pierre du lycée des métiers du bâtiment de Felletin et à leurs élèves, qui découvrirent cette histoire grâce à nous et s'investirent avec enthousiasme dans la réalisation de ce projet, nous pensions aussi à l'artiste Clermontoise pleine de sensibilité, qui a su si bien traduire dans le bronze cette magnifique épopée.
La fédération de la Creuse de la libre Pensée est fière d'avoir su rendre hommage aux hommes de la première brigade du contingent russe en France si longtemps ignorés.
Depuis, l'association « La Courtine 1917 » poursuit et amplifie le travail accompli par la Libre Pensée avec comme objectif celui d'approfondir la connaissance que nous avons de cet événement historique et de le faire connaître au plus grand nombre tant ses enseignements restent d'actualité.
Longue vie à cette association.

Régis PARAYRE, Président de la Libre Pensée de la Creuse

L’Association internationale de la Libre Pensée interpelle monsieur Jorge Mario Bergoglio dit le pape François

Monsieur l’Evêque de Rome,

Vous êtes par cette dénomination de votre fonction le chef de tous les catholiques dans le monde et vous avez sous votre responsabilité l’ensemble des épiscopats catholiques et des congrégations religieuses relevant de votre obédience religieuse.

Vous n’ignorez pas le drame épouvantable du couvent de Tuam en Irlande où le monde entier a appris que des squelettes d’enfants et de nouveau-nés ont été découverts dans une cuve en béton, à côté d'un ancien couvent catholique dans le comté de Galway. Entre 1925 et 1961, ce lieu, le Centre Sean Ross, a accueilli des jeunes mères célibataires tombées enceintes hors mariage. L'historienne Catherine Corless, en réalisant des recherches sur les archives a découvert que 796 enfants avaient été enterrés sans cercueil ni pierre tombale, secrètement par les sœurs du couvent de Bon-Secours.

La responsabilité de la congrégation catholique du Bon Secours, dont le couvent de Tuam dépendait et dont le siège est à Paris, est totalement engagée. L’épiscopat catholique d’Irlande a déclaré vouloir apporter sa totale participation à l’établissement de la vérité en apportant son concours à la Justice.

La Fédération nationale de la Libre Pensée française avec le soutien de centaines de personnalités françaises a interpellé la Congrégation du Bon Secours à Paris pour qu’elle ouvre toutes ses archives à la justice. L’accusé de réception en recommandé fait foi que cette demande a été bien reçue par son destinataire. Mais cette congrégation garde le silence depuis.

La Libre Pensée française, devant ce silence inadmissible, a publié et envoyé une lettre ouverte à l’Archevêque Georges Pontier, Président de la Conférence des Evêques de France pour lui demander d’exiger auprès de cette Congrégation l’ouverture de ses archives. Nous avons aussi l’accusé de réception en recommandé de cette demande.

Par l’intermédiaire du journal catholique La Croix en date du 26 février 2015, la Conférence des Evêques de France a répondu à la Libre Pensée : « La congrégation des Sœurs du Bon Secours de Notre-Dame Auxiliatrice de Paris est une congrégation de droit pontifical fondée à Paris en 1824. Elle n’est donc dépendante, en droit ecclésiastique, ni de l’évêque de Paris, ni du Président de la Conférence des évêques de France. » 

En clair, la responsabilité émane directement de vos services au Vatican. L’Eglise catholique fonctionnant sur le principe hiérarchique d’autorité, l’Association internationale de la Libre Pensée vous demande d’ordonner à la Congrégation du Bon Secours d’ouvrir ses archives pour aider la Justice à faire toute la lumière sur les véritables responsables de cette tragédie.

Recevez l’expression de notre profond attachement à l’établissement de la Justice humaine.



Christian Eyschen, pour l’AILP

PROJECTION DEBAT le JEUDI 21 MAI à 20H30

consacrée aux libertés politiques
 
organisée par le "Café  Repaire Là Bas si j'y Suis" d'Ussel et le cinéma Le Carnot
 
 
Citizenfour
Un film de Laura Poitras – 2014.
 
Cher(e)s ami(e)s,
La prochaine initiative du Café Repaire Là Bas si j'y Suis d'Ussel aura lieu le jeudi 21 mai à 20h30, au cinéma Le Carnot, 66 bis avenue Carnot.
Elle sera dédiée aux libertés politiques.
Citizenfour est un film documentaire réalisé par Laura Poitras.
Il traite de la surveillance mondiale généralisée, en fonction des révélations d'Edward Snowden sur le scandale d'espionnage mondial de la NSA.
Ce film nous montre les quelques jours durant lesquels Edward Snowden devint l’un des hommes les plus recherchés de la planète.
Il nous montre aussi combien nous sommes proches du « Meilleur des Mondes ».
Il arrive au moment où les représentants parlementaires français sont sur le point d’adopter une loi sur le renseignement, dénoncée comme liberticide par toutes les associations de défense des droits de l’homme.
Simultanément, Julien Coupat, Yildune Lévy et Gabrielle Hallez, trois « inculpés de Tarnac »,  sont renvoyés en correctionnelle pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » .
Ils le sont uniquement à la lumière de leur idéologie et de leurs relations.
Julien Coupat s’est exprimé sur France Inter ce matin, 12 mai. http://www.franceinter.fr/emission-invite-de-7h50-tarnac-julien-coupat
 
A l’issue de la projection, nous pourrons débattre du futur de nos libertés publiques, à la lumière des dernières lois régissant les libertés.

Daladiérisme, nous revoilà!

Retour sur une époque en miroir de la nôtre : quand le radical-socialiste Édouard Daladier, entre 1938 et 1940, liquidait les acquis du Front populaire. Il croyait adapter la gauche aux temps modernes en se conciliant la droite : il fit le lit de l'extrême droite. Ce fut le «daladiérisme», qui n’est pas sans résonner en ce printemps 2015.
Déjà dans l’histoire de France, alors que montaient les périls, il est arrivé qu’une gauche de gouvernement fourbue, décomposée, fît le lit de l’extrême droite. Durant la guerre d’Algérie, Guy Mollet et son proconsul Robert Lacoste cassèrent du fellaga et la démocratie. Au point de frayer la voie, en 1958, à des factieux fascisants jouant la carte d’un général qu’ils espéraient aussi phalangiste qu’eux : de Gaulle. Mauvaise pioche, Charles XI allait se montrer républicain !
Ce qui n’empêcha pas les républicains – c’est-à-dire la gauche – de manifester le 28 mai 1958 à Paris. 500 000 personnes défilèrent contre une sorte de monstre du Loch Ness de la politique française : le césarisme. Aux yeux de ceux qui battaient le pavé, l’homme du 18-Juin récapitulait les deux Napoléon, Pétain, sans oublier un autre général, Boulanger.
À gauche, le socialiste André Philip. Charles Hernu figure derrière l'ancien ministre de la défense Edouard Daladier...À gauche, le socialiste André Philip. Charles Hernu figure derrière l'ancien ministre de la défense Edouard Daladier...
En tête de ce cortège vintage : François Mitterrand, facteur de modernité – son œil sait repérer l’objectif du photographe. À sa droite, un spectre chapeauté : Édouard Daladier (1884-1970). Toujours député du Vaucluse à 74 ans, se drapant dans les plis de la morale démocratique, ce revenant incarne pourtant un fiasco tragique : le glissement, entre 1938 et 1940, de la Chambre de Front populaire vers le bâton du maréchal Pétain.
Ce fut le “daladiérisme”, qui n’est pas sans résonner en ce printemps 2015 : comment une gauche déboussolée croit pouvoir assécher la droite en épousant ses valeurs, au seul profit d’une extrême droite qui attend son heure...
La période est connue à travers le prisme d’une politique extérieure confrontée au danger hitlérien, auquel tentèrent de parer les accords de Munich en abandonnant la Tchécoslovaquie au Führer (30 septembre 1938). Pourtant, les affaires intérieures françaises de l'époque s’avèrent symptomatiques : Daladier au pouvoir, c’est l’assujettissement du parti radical par son aile droite, au nom d’une nécessaire adaptation aux réalités modernes.
Des caciques radicaux s´étaient toujours montrés réticents au Front populaire et à son programme. Ils freinaient des quatre fers dans des journaux alors influents : Émile Roche dans La République, ou Albert Milhaud dans L’Ère nouvelle. Ce dernier, cité par l’historien Serge Berstein, écrit ainsi, en janvier 1938 : « Dans le pays, il n’y a plus que deux partis, celui de l’ordre et celui du désordre. Les bons apôtres diront que le parti de l’ordre, c’est la réaction. Le parti de l’ordre, c’est le parti du salut de la nation, de la République, de la démocratie. La France veut un chef : elle préférera de beaucoup un chef légal à un chef révolutionnaire de gauche ou de droite. La formule du Front populaire portait en germe une contradiction interne, celle d’un gouvernement inféodé à des délibérations d’irresponsables du point de vue politique : elle est périmée. »
Le 12 avril 1938, lorsque Édouard Daladier devient président du conseil en succédant au deuxième cabinet Blum, c’est pour liquider le Front populaire au nom de la rigueur budgétaire. Pendant quelques mois, à coups de ruses tactiques passant pour hésitations, le chef du gouvernement avance masqué. Il continue de donner des gages à sa gauche pour l’anesthésier.
Pourtant le masque finit par tomber, avec le discours radiodiffusé du 21 août 1938 : « Il faut remettre la France au travail. Ce ne sont pas des sacrifices que je demande aux Français, c’est un effort plus vigoureux… » Au prétexte de ne d’abord viser que les industries travaillant pour la défense nationale, il s’agit, de la part de l’ancien ministre de la défense de Léon Blum en 1936, de détruire la loi des 40 heures. La langue de bois de l’époque évoque un « aménagement » : supprimer le samedi chômé (finie “la semaine des deux dimanches”) et recourir aux heures supplémentaires. Ces dernières ne seront pas rémunérées « à un taux prohibitif » : le patronat exulte, qui vient de surcroît d’obtenir des allègements fiscaux.
Albert Milhaud, coryphée de ce tournant réactionnaire effectué par une prétendue gauche en faveur d’une droite avérée, s’époumone dans L’Ère nouvelle, le 23 août 1938 : « Le discours du président Daladier sonne le glas des vacances illimitées dont, depuis 1936, une politique téméraire avait doté notre pays. »
En octobre 1938, à la suite des accords de Munich qui jouent l’apaisement avec l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste au détriment du pacte franco-soviétique de 1935, les communistes – hier alliés au sein du Front populaire – deviennent ennemis intérieurs. Ne veulent-ils pas mettre le pays sens dessus dessous, tout en soufflant sur les braises de l’antifascisme au seul prétexte d’attirer les foudres hitlériennes sur les démocraties occidentales plutôt que sur la Russie stalinienne ? Édouard Daladier accuse le parti de Maurice Thorez « de saboter l’autorité gouvernementale en toute circonstance ».
L’affrontement avec la gauche et les syndicats provoque une fronde : Pierre Cot, Pierre Mendès France ou Gaston Monnerville protestent contre les injustices politiques, économiques, fiscales et diplomatiques. Jean Zay, ministre de l’éducation nationale et des Beaux-Arts, prisonnier de la solidarité gouvernementale, n’en pense pas moins. Daladier passe en force, à coups de décrets-lois, excipant de la menace extérieure pour faire taire, au nom des sentiments patriotiques, toute conscience progressiste.
La droite, ravie de trouver un tel régisseur, lui donne quitus. Dans Le Figaro du 28 novembre 1938, un d’Ormesson de service, prénommé Wladimir, triomphe : « Tout ce qui a une âme et une volonté française est aujourd’hui derrière M. Daladier. »
Le cocorico s’accompagne forcément du haro sur les étrangers. Le 14 avril 1938, Albert Sarraut, ministre de l’intérieur radical-socialiste, réclame aux préfets « une action méthodique, énergique et prompte en vue de débarrasser notre pays des éléments indésirables trop nombreux qui y circulent et y agissent au mépris des lois et des règlements ou qui interviennent de façon inadmissible dans des querelles ou des conflits politiques ou sociaux qui ne regardent que nous ».
Le 2 mai 1938, un décret signé Daladier se propose de « créer une atmosphère épurée autour de l’étranger de bonne foi ». Le 12 novembre 1938, un autre décret-loi, « relatif  à la situation et à la police des étrangers », complète le dispositif. Les expulsions sont facilitées. Et des « camps de concentration »  sont créés pour les étrangers « indésirables » que l’on ne peut renvoyer dans leur pays (les républicains espagnols, puis les Allemands ou Autrichiens anti-nazis – souvent juifs –, sans oublier les « nomades »). La langue politico-administrative de l’heure stipule : « Le nombre sans cesse croissant d'étrangers résidant en France impose au gouvernement, investi du pouvoir législatif dans un domaine nettement défini, d'édicter certaines mesures que commande impérieusement le souci de la sécurité nationale, de l'économie générale du pays et de la protection de l'ordre public. »
La guerre va durcir le trait. Le 1er septembre 1939, un décret-loi prévoit « le rassemblement dans des centres spéciaux de tous les étrangers de sexe masculin ressortissant de territoires appartenant à l'ennemi » âgés de 17 à 50 ans (étendu, dès le 5 septembre, de 50 à 65 ans). Le 18 novembre 1939, un décret-loi étend les mesures d'internement aux « individus dangereux pour la défense nationale et pour la sécurité publique » sur décision du préfet. Les communistes en font principalement les frais.
Édouard Daladier laisse sa place de président du conseil à son ministre des finances Paul Reynaud le 20 mars 1940, qui passe le relais à son vice-président du conseil, le maréchal Pétain, le 16 juin 1940.
Et le directeur du cabinet civil d'un Pétain devenu chef de l'État, Henry du Moulin de Labarthète, affirme benoîtement dans ses mémoires publiés à Genève en 1946, que le régime de Vichy s’est d’abord contenté de reconduire la législation française et son arsenal de camps, non sans se féliciter de son existence : « C’était ce que l’on appelait, au ministère de l’intérieur, l’héritage du “daladiérisme”. »
Le ministre de l’intérieur du gouvernement de Vichy était en 1940 Marcel Peyrouton (1887-1983), brillant esprit de gauche avant-guerre, ayant épousé une demoiselle Malvy (issue d’une dynastie radicale exemplaire). Collaborateur indéniable parvenu à se faire acquitter par la Haute-Cour en 1948, il écrivait deux ans plus tard, avec une dose de mauvaise foi impudente qui vaut néanmoins le détour : « On a beaucoup parlé des camps administratifs ou de concentration, dont le gouvernement de Vichy, à l’imitation des nazis, aurait assuré l’ouverture et le peuplement. C’est inexact. C’est M. Daladier qui, en 1939, en fut le père. Il les réservait aux communistes. Le Maréchal en hérita. Mais en exigea l’aménagement. Des médecins les visitèrent, en proposèrent l’assainissement. Leurs plans furent retenus. De très nombreuses améliorations naturelles et morales y transformèrent les conditions de vie. Elles devinrent plus supportables, sans pour autant être agréables. »
Il n’existe sans doute pas meilleur témoignage de la Schadenfreude (joie malsaine) qui saisit l’ultra droite française face à un héritage politique, délicieusement empoisonné, reçu de la gauche. Qu’est-ce qui peut bien pousser nos socialistes de gouvernement à persévérer dans cette vacillation diabolique ?
Leçon d'Histoire pour une gauche au pouvoir. C'est ainsi que l'historien Jean-Noël Jeanneney titrait, en 1977, un livre consacré à la faillite du Cartel (1924-1926) : quand le radical-socialiste Édouard Herriot se heurtait au “mur d'argent”. On a beau lui faire la leçon, la gauche française continue de recevoir de bonnes leçons, mais n'en tire aucune leçon. N'est-ce pas ce dont attestent, sous nos yeux, le hollando-molletisme et le vallso-daladiérisme ?