mardi 29 janvier 2013

Autres articles sur le Mali


Uranium 2013 : fin des livraisons Russes aux USA

Enquête de PatrigK sur Médiapart : http://bit.ly/10E2ib6

Excellente contribution de notre ami blogueur PatrigK qui fait le point sur l'approvisionnement des centrales nucléaires en uranium : un tiers provient du déclassement des armes nucléaires russes et américaines. Mais ce flux arrive à échéance, et la production des mines d'uranium ne peut augmenter subitement.

Il est donc probable que, de même que nous avons droit de temps en temps à des « guerres du pétrole », on assiste sous peu à des « guerres de l'uranium ». C'est à dire qu'un pays nucléarisé, sous un prétexte présentable (par exemple « préserver la démocratie et la liberté »), envahisse un pays ayant des réserves d'uranium (ainsi que ses voisins).

Bien sûr, il ne faut pas considérer comme telle l'intervention militaire française au Mali, bien que ce pays ait des réserves d'uranium non encore exploitées (à Faléa et Kidal en particulier) et que son voisin le Niger soit justement le pays où la France atomique se sert en uranium depuis 50 ans. Non, vraiment, ça n'a rien à voir avec une guerre de l'uranium.


Une guerre au Mali et de l'uranium au Niger :
des islamistes très utiles au pouvoir français


Le 11 janvier 2013, l'armée française est intervenue au Mali à la suite de mouvements, vers Bamako, de groupes armés islamistes. Depuis des mois, ces derniers tiennent tout le nord du Mali et se seraient enhardis au point, nous dit-on, de vouloir occuper l'ensemble du pays.
Personne ne niera que ces groupes soient composés d'horribles individus qui, sous prétexte de convictions "religieuses", battent toute personne dont le comportement ne leur plait pas, coupent les mains des voleurs (réels ou supposés), exécutent- en particulier des femmes - pour des broutilles ou même pour rien.
Pour autant, de la même façon qu'au moment de l'intervention militaire contre Kadhafi en Libye, il est insupportable de se retrouvé sommé de soutenir une intervention militaire déployée… par ceux qui sont largement responsables de la gravité de la situation.
Qui plus est, qui peut vraiment croire qu'il s'agit d'une opération "pour la démocratie au Mali" ? Cela fait des décennies qu'elle est bafouée dans ce pays par des régimes corrompus… largement soutenus par la France. Alors, pourquoi cette subite urgence "démocratique" ?
De même, qui croira qu'il s'agit de "sécuriser la région" ? En réalité, il s'agit de sécuriser l'approvisionnement des centrales françaises en uranium : ce dernier est extrait dans les mines du nord du Niger, zone désertique seulement séparée du Mali… par une ligne sur les cartes géographiques.
A ce propos, on soulignera l'extrême perversité des ex-puissances coloniales qui ont jadis tracé des frontières absurdes, faisant fi de l'implantation des populations, et créant des pays aux contours bien curieux : le Niger et le Mali sont tous les deux en forme de sablier, une partie sud-ouest contenant la capitale, totalement excentrée et éloignée d'une immense partie nord-est, principalement désertique.
C'est ainsi que, pendant 40 ans, Areva (auparavant la Cogéma) a pu s'accaparer en toute tranquillité l'uranium nigérien dans ces mines situées à 500 kilomètres de la capitale et du fragile "pouvoir" politique nigérien.
Ces dernières années, des groupes armés se sont organisés dans cette région : des Touaregs, dépités d'être méprisés, déplacés, spoliés. Et des groupes plus ou moins islamistes, certains issus des anciens GIA qui ont semé la terreur en Algérie, d'autres contrôlés par Kadhafi, et autonomisés suite à la disparition de ce dernier.
Des salariés d'Areva, cadres dans les sociétés d'extraction de l'uranium, ont été enlevés en septembre 2010 au Niger, transférés au Mali et retenus depuis. Puis, le 7 janvier 2011, deux jeunes français ont à leur tour été enlevés au Niger.
L'Observatoire du nucléaire a été une des rares voix à dénoncer (*) l'opération militaire immédiatement lancée par les autorités françaises. Ces dernières avaient en effet, de toute évidence, décidé de châtier coûte que coûte les preneurs d'otages, quitte à ce que cela se termine dramatiquement pour les deux jeunes otages… qui ont effectivement été tués dans l'opération.
Ces deux jeunes ne travaillaient pas pour l'extraction de l'uranium mais, c'est évident, l'idée était de décourager d'éventuelles prochaines actions contre des salariés d'Areva.
Depuis, les mouvements Touaregs laïques et progressistes ont été marginalisés, en particulier par la montée en force du groupe salafiste Ansar Dine. Puissant et lourdement armé, ce dernier s'est allié à AQMI (Al Qaeda au Maghreb Islamique), faisant courir un risque de plus en plus évident pour les activités françaises d'extraction de l'uranium au nord du Niger.
La France a soutenu avec la plus grande constance les gouvernements corrompus qui se sont succédé au Mali, aboutissant à un délitement total de l'État. C'est probablement cet effondrement qui a amené les groupes islamistes à s'enhardir et à avancer vers Bamako.
De même, la France a maintenu depuis 40 ans le pouvoir du Niger dans un état de faiblesse et de dépendance par rapport à l'ancienne puissance coloniale et son entreprise d'extraction de l'uranium, la Cogéma devenue Areva. Alors que les dirigeants nigériens essaient tant bien que mal de contrôler ce que fait Areva, la France reprend totalement la main avec son intervention militaire.
Les récents mouvements des groupes islamistes n'ont en effet fait que précipiter l'intervention militaire française qui était en préparation. Il s'agit indéniablement un coup de force néocolonial, même si les formes ont été mises avec un opportun appel à l'aide du Président par intérim du Mali, dont la légitimité est nulle puisqu'il est en place suite à un coup d'État qui a eu lieu 22 mars 2012.
Précisons à nouveau que nous n'accordons pas le moindre crédit aux dangereux fondamentalistes qui sont aussi des trafiquants de drogue et d'armes et n'hésitent pas à blesser et tuer.
Par contre, nous refusons la fable de l'intervention militaire "pour la démocratie". Ce prétexte a déjà beaucoup servi, en particulier lorsque les USA ont voulu mettre la main sur des réserves pétrolières, et le voilà encore de mise parce que la France veut assurer l'approvisionnement en uranium de ses réacteurs nucléaires. Notons d'ailleurs que, à 27 000 euros l'heure de vol d'un Rafale, le tarif réel du courant d'origine nucléaire est encore plus lourd que ce que l'on pouvait craindre...
En conclusion, il est une nouvelle fois démontré que l'atome, et la raison d'Etat qui l'entoure, ne nuit pas seulement à l'environnement et aux êtres vivants mais aussi à la démocratie.

Stéphane Lhomme Directeur de l'Observatoire du nucléaire

le 1er février 2013, et menacé de fait de disparition, l'Observatoire du nucléaire, n'entend pas baisser la garde et publie ce jour un document exceptionnel (*) qui montre comment Areva dicte, aujourd'hui comme depuis 40 ans, sa loi aux dirigeants du Niger, et qui confirme les accusations portées par l'Observatoire.

Il s'agit du compte-rendu confidentiel (cette donnée est explicitement précisée dans le texte lui-même) d'une réunion qui s'est tenue le 9 novembre 2012, à Paris, entre trois hauts dirigeants d'Areva et M. Hassoumi, le directeur de cabinet du Président de la République du Niger. On notera d'ailleurs l'infériorité numérique du représentant du Niger, clairement placé en situation de vulnérabilité.

On comprend vite à la lecture du document que, en menaçant de n'ouvrir la mine d'Imouraren qu'en 2016, voire en 2017, Areva impose ses volontés au Président du Niger: ce dernier a absolument besoin que cette ouverture se fasse en 2015… afin de ne pas compromettre sa réélection en janvier 2016. Ancien cadre d'une filiale d'Areva, M. Issoufou doit constater amèrement que Areva reste son donneur d'ordre bien qu'il soit aujourd'hui Président du Niger.
Le premier point abordé lors de cette réunion est celui de la confidentialité des discussions : il est probable que le non-respect de cette clause provienne de nigériens qui ne supportent pas de voir Areva dicter ses volontés aux dirigeants du Niger.

Le second point abordé est lui aussi parfaitement illustratif de la façon dont Areva tire les ficelles au Niger : il s'agit de l'entrée du coréen KEPCO au capital de la société "Areva NC Expansion", principal actionnaire de la mine d'Imouraren. Pour "prouver" que cette décision n'a pas été prise sans l'aval du pouvoir nigérien, Areva produit un courrier prétendument envoyé en 2009 au ministre nigérien des mines (qui n'est plus en poste). M Hassoumi découvre en séance ce courrier et ne peut qu'en prendre acte.

Le cœur de la réunion concerne l'avancement du projet de la mine d'uranium d'Imouraren. Areva liste les difficultés, réelles ou non, que rencontre ce projet, jouant avec les nerfs du représentant nigérien en évoquant pour le "premier fut" la date de la "mi-2016", avec qui plus est "un risque de glissement de 6 mois", ce qui repousserait l'ouverture à début 2017 !

Areva met de fait sous pression le représentant du Président du Niger : "M Hassoumli réaffirme que le Niger a très peu de marge de manœuvre pour la date de démarrage du Projet Imouraren qui correspond à un projet majeur du Président de la République en un engagement fort vis-à-vis du peuple nigérien. L'année 2015 est une échéance politique importante qu'il convient de ne pas dépasser pour un démarrage du projet Imouraren"

Sans surprise, la suite de la discussion permet à Areva, sous prétexte du contexte international, de signifier "poliment" que le prix payé pour l'uranium restera très bas. En contrepartie, Areva s'engage enfin "à déployer tous les efforts pour un démarrage du projet marqué par le début de la mise en tas du minerai mi-2015"

Traduction : dans la mesure où l'entreprise Areva pourra continuer à s'accaparer à bas prix l'uranium du Niger, elle organisera à la mi-2015 une jolie cérémonie pour simuler le début de la production d'uranium à Imouraren et permettre ainsi au Président nigérien sortant d'en tirer partie pour sa réélection début 2016.

Il est facile de comprendre qu'Areva détient désormais un "arme atomique" contre le Président du Niger : si celui-ci formule des exigences (en particulier sur le prix de l'uranium), Areva le punira en n'organisant pas la cérémonie dont il a tant besoin

Ensuite, les dirigeants d'Areva soufflent le chaud et le froid : d'une part ils font quelques promesses concernant une possible réhabilitation de la route Arlit-Tahoua, laquelle est gravement endommagée car quotidiennement empruntée par les camions d'uranium d'Areva.

D'autre part, ils "invitent" le Niger à renouveler des permis d'exploitation d'uranium détenus par Areva (Tagait 1, 2 et 3) et l'attribution d'un nouveau permis (Toulouk 3)

Pour finir, afin de faciliter la mise en œuvre de leurs exigences (en langage diplomatique : "la résolution prochaine des points évoqués dans ce compte-rendu"), Areva annonce un curieux "don" au budget du Niger, dont les sommes annoncées correspondent d'ailleurs à celles évoquées dans l'affaire de "corruption / diffamation" qui oppose Areva à l'Observatoire du nucléaire.

En effet, "Areva s'engage à soutenir financièrement l'Etat du Niger en mettant à sa disposition la somme de 35 (trente-cinq) millions d'euros sous la forme de paiements successifs de 16 (seize) millions d'euros en 2013, 10 (dix) millions d'euros en 2014, et 9 (neuf) millions d'euros en 2015"

Pour mémoire, l'Observatoire du nucléaire estime qu'il serait légitime que l'État du Niger taxe fortement Areva (qui s'accapare de longue date, à un tarif très bas, l'uranium nigérien) mais, par contre, qu'il est insupportable de constater que, tel un généreux donateur secourant un déshérité, Areva accorde au Niger un "don" fort humiliant que l'on peut voir comme une manœuvre de corruption.


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