Pour avoir fragmenté les études d’impact environnemental du projet d’aéroport de Notre Dame des Landes, la France se voit poursuivie par la Commission européenne, qui a engagé une procédure d’infraction au droit européen. Le Conseil national de protection de la nature a par ailleurs donné un avis défavorable à la destruction du campagnol amphibie. La légalité du projet d’aéroport a du plomb dans l’aile.
C’est sans doute le plus rude coup juridique qui est porté par la Commission européenne au projet d’aéroport de Notre Dame des Landes : selon une information révélée hier par Presse Océan et confirmée dans la journée par plusieurs sources, la Commission a adressé une mise en demeure au gouvernement français.
Dans cette lettre, Bruxelles interroge la France sur "l’absence de certaines évaluations d’impact environnemental, qui doivent notamment faire figurer les effets notables probables sur l’environnement, y compris les effets secondaires et cumulatifs. Une telle évaluation aurait dû être établie au moins avant la publication des arrêtés de décembre qui permettent d’initier les travaux d’aménagement de l’aéroport du Grand Ouest et de desserte routière désormais à tout moment".
Certes, indique le document, non public, mais consulté par le bureau bruxellois des Echos, « le droit de l’Union européenne, notamment le droit de l’environnement, n’empêche pas la construction d’un aéroport ou de tout autre projet d’infrastructure ». Mais, la Direction générale Environnement de la Commission estime que les autorités françaises n’ont pas respecté les règles européennes, omettant de soumettre « à une évaluation stratégique environnementale les plans et programmes fixant le cadre pour la construction d’un aéroport », recensant notamment « les effets notables sur l’environnement, y compris les effets secondaires et cumulatifs ». Ceci aurait dû être fait pour « l’ensemble des infrastructures du projet d’aéroport Grand Ouest (c’est à dire : dessertes routières, tram-train, TGV) ».
En fait, explique à Reporterre Raphaël Romi, spécialiste du droit européen de l’environnement à l’université de Nantes, "la Commission a ouvert en 2012 une procédure contre la France parce que les études menées enfreignent la directive de 2001 sur l’évaluation environnementale : au lieu de procéder à des études globales, le gouvernement a ’saucissonné’ ou fragmenté les études d’impact".
Il aurait fallu fournir une étude globale des effets directs, indirects et cumulés du projet envisagé, ce qui n’a pas été fait.
Si la Commission lance maintenant, à quelques mois de son renouvellement, une telle procédure, c’est qu’elle a des arguments solides, pense M. Romi. L’Etat français a maintenant deux mois pour répondre. Mais selon le professeur de droit, "il ne sera pas possible de régulariser, c’est-à-dire de refaire une étude globale, en deux mois. En réalité, il faudrait procéder à une nouvelle enquête publique".
Le gouvernement serait certes en droit de passer en force, la procédure européenne d’infraction n’étant pas suspensive. Mais la position affichée par la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, est d’attendre "la fin des recours", ce qui devrait prendre… un certain temps.
Car outre cette procédure, de nombreux recours sont dans les tuyaux juridiques.
Le campagnol amphibie est toujours vivant
D’une part, la procédure suivie auprès du Parlement européen, à travers la Commission des pétitions, n’est pas close. Elle devrait reprendre à l’automne, lorsque le nouveau Parlement sera élu.
D’autre part, le Conseil national de protection de la nature (CNPN), organe consultatif du ministère de l’Ecologie, a donné début avril un avis défavorable à la demande de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèce protégée, le campagnol amphibie, qui vit sur le site de la ZAD de Notre Dame des Landes. Avis donné à une large majorité : 10 avis défavorables, 7 abstentions et une non-participation au vote. Cet avis n’est que consultatif et le préfet de Loire-Atlantique pourrait prendre un arrêté de dérogation, ce qui ouvrirait juridiquement la voie au démarrage des travaux. Avis qui serait immédiatement attaqué devant le tribunal administratif. Des arrêtés de même nature ont été pris par le préfet en décembre dernier et sont eux aussi attaqués.
Considérant l’avis du CNPN et la procédure lancée par la Commission européenne, on peut penser que le tribunal administratif serait particulièrement attentif à tous les points de droit...
A Notre Dame des Landes, l’optimisme se porte bien.
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