Jean
de la Fontaine écrivait dans les « Animaux malades de la
peste » : « Selon
que vous serez puissant ou misérable les jugements de cour vous
rendront blanc ou noir ». S'il
vivait de nos jours, le poète aurait sans doute intitulé son poème
« les
hommes malades du capitalisme »,
cette peste moderne, en dénonçant de la même manière une justice
au service des puissants.
La
justice est une des fonctions
régaliennes de l'Etat. Au service exclusif de celui-ci, elle ne peut
donc « être
juste »
et c'est bien pour cela que les libertaires l'ont définitivement
condamnée depuis longtemps. Croire que l'Etat puisse être au
service des citoyens est totalement irrationnel ; c'est comme penser
que le patronnat a pour objectif le bien être des travailleurs,
supposer que des industriels de l'agro-alimentaire ou de laboratoires
pharmaceutiques ont pour souci la santé des consommateurs. Par
définition la société capitaliste est à l'opposé de tous
principes et valeurs de bien être pour l'humanité.
Et voici que curieusement, la justice est remise en cause aujourd'hui par une autre force régalienne, la police. Les nombreuses manifestations de policiers en octobre et novembre, à travers la France, accusent les juges d'être trop laxistes et vont jusqu'à revendiquer l'élargissement de la notion de « Légitime défense ».
Et voici que curieusement, la justice est remise en cause aujourd'hui par une autre force régalienne, la police. Les nombreuses manifestations de policiers en octobre et novembre, à travers la France, accusent les juges d'être trop laxistes et vont jusqu'à revendiquer l'élargissement de la notion de « Légitime défense ».
Au
point, comme aux USA d'aller vers un « la
police tire et discute ensuite »
?
Alors
que le premier ministre manuel Valls devrait, au nom du respect de
l'état d'urgence qu'il a lui-même instauré, condamner et interdire
immédiatement ces manifestations de policiers, comme il l'a fait
pour des manifestations de syndicats, il leur affiche publiquement
son soutien. Ce comportement indique un virage extrêmement dangereux
où l'Etat semble prêt à réduire ses fonctions régaliennes aux
seules missions répressives des corps de police et de l'armée.
Malgré
ce que l'on sait d'une justice à vitesses variables, plus prompte à
condamner des travailleurs coupables d'avoir déchiré une chemise
qu'à condamner des flics coupables de véritables assassinats, il
semble que les juges ne soient pas encore suffisamment au garde à
vous, le doigt collé sur la couture du pantalon.
Se
dirige t-on vers une société
où l'Etat n'aurait dorénavant besoin que de ses deux autres
fonctions régaliennes : la « Défense »
avec l'armée et l' « Intérieur »
avec la police ? Autrement dit ses forces répressives au sens le
plus physique du terme, la « Justice »
quant à elle, ayant désormais pour mission d'appliquer les
décisions du politique, de l'Etat ? Les syndicalistes de Goodyear
condamnés à de la prison ferme alors que les cadres « séquestrés »
avaient retiré leurs plaintes, celui d'Air France, licencié avec
l'accord de la ministre du Travail, montrent bien que cette dérive
donnant les pleins pouvoirs à l'exécutif est commencée.
Encore
une fois, tout cela est cohérent à la vue du délire
militaro-sécuritaire qui se développe depuis quelques années : le
bellicisme des politiciens de droite comme de gauche n'est plus à
démontrer avec une armée française présente sur tous les fronts,
soit par les armes qu'elle vend , soit par les hommes qu'elle envoit,
soit par les deux à fois. Rapporté au nombre d'habitants, la France
est devenue depuis peu le premier pays exportateur d'engins de mort
au monde ! Et ils ne sont pas nombreux, ceux qui s'offusquent de
cette réalité ! Où est le temps des manifestations contre la
guerre, des « Pas
en notre nom »
? Afficher son pacifisme, antimilitarisme sera t-il bientôt
considéré comme un crime menant directement à la prison sans
d'ailleurs passer par la case tribunal, cette étape étant devenue
inutile ?
Cette
volonté de contrôle de la « Justice »
accompagnée du développement des forces de répression que sont l'
« Armée »
et la « Police »
prend un essor considérable depuis l'attentat de Charlie Hebdo en
2015. Et si l'arsenal militaro-policier n'a empêché aucun des
attentats qui ont suivi, il a su par contre criminaliser
de
plus en plus les mouvements sociaux, syndicalistes, étudiants etc.
C'est
la mission de L'Etat socialiste d'aujourd'hui qui ne fait que
poursuivre les objectifs des Etats de droite qui l'ont précédé :
il s'agit d'appliquer les directives d'un capitalisme mondial à
l'agonie. Face aux révoltes légitimes, à la radicalisation des
luttes, à la possible insurrection à venir, obéir aux ordres du
capitalisme passe nécessairement par le renforcement des forces de
répression.
C'est
bien ce qui explique le développement actuel des réserves militaire
comme policière, des organisations dites citoyennes, le tout
labellisé « Garde
Nationale ».
Tout
cela ne peut fonctionner qu'en s'appuyant sur le « désir
de soumission »
du plus grand nombre, en montrant aux faibles qu'ils peuvent
participer à leur propre servitude. Rassurons-nous, les périodes de
crises ont toujours montré que devant la barbarie, il se trouvait
plus d'hommes à accepter de devenir des « Oberkapos »
qu' à entrer en résistance, fut-elle non-violente !
De
ce point de vue on peut dire que « le
silence des pantoufles expliquent et légitime les bruits de
bottes ».
En d'autres temps un certain Etienne de la Boétie a dit la même
chose. C'est donc parmi les victimes du système que l'Etat va
rechercher les relais nécessaires pour la mise en place de ses
objectifs au service du capitalisme. C'est tout le sens de
l'apparition des réserves constituant la garde nationale. Les
« voisins
vigilants »
n'étaient que les prémices, les hors d'oeuvre dans la mise en place
de la gigantesque toile d'araîgnée militaro-sécuritaire et la
création récente d'un fichier concernant 60 millions de français
n'est qu'une des facettes.
- Une « réserve opérationnelle » ayant pour but d'être utile sur le terrain en intervenant auprès ou en remplacement des forces de l'ordre et des militaires. Ces forces réservistes issues de la société civile ou de l'armée ont une formation de 5 à 10 jours par an, voire 13 jours si ils sont amenés à remplir des missions en armes au sein de la population. Trois jours semblent donc suffire pour savoir quand, comment et pourquoi abattre un homme !
Plus
de 300 réservistes ont été ainsi engagés par l'armée dans l'
« Opération
sentinelle »
déployée après les attentats de janvier 2015.
Au
total l'armée compte ainsi 28 000 réservistes et la gendarmerie
également 28000. Soit un total de 56 000 réservistes dits de 1er
niveau, qui ont signé un contrat d' « Engagement
à Servir dans la Réserve »
(ESR).
Nous
voilà rassurés d'autant que le gouvernement actuel veut porter à
80000 le nombre des volontaires dans ces deux institutions.
- S'ajoute à cet effectif de 56000 volontaires une réserve dite de 2ème niveau, celle des 118 000 anciens militaires d'active soumis à l'obligation de servir durant les 5 années qui suivent leur départ de l'armée. Les anciens d'Algérie étant trop vieux, je suppose que le ministère doit piocher dans les anciens du Moyen-orient, du Mali ou de Centre Afrique.
Protégez
vos enfants, certains de ces militaires sont friands de gâterie !
Tu
seras réserviste mon fils !
Nous
voilà donc hyper protégés avec un vivier de 174000 volontaires
mobilisables à tout moment en cas de nécessité et auquel il faut
encore rajouter une « Réserve
citoyenne de l'armée »
forte de plus de 4000 femmes et hommes volontaires bénévoles, de
ceux qui comme le disaient Coluche sont « entrés
dans la Police parce qu'on ne voulait pas d'eux aux PTT »
! (Humour)
Petite
réjouissance : malgré le projet de dispositif législatif (déjà
utilisé en Australie et au Canada) amenant à apporter une
indemnisation aux employeurs pour retrouver un nouvel employé suite
à l'engagement d'un volontaire salarié, nombre d'employeurs pêchent
par non patriotisme en faisant la sourde oreille.
Mauvais
français ! De plus, quelques syndicats, peu, rassurons-nous, jouent
les trouble-fête en arguant du fait que tous ces reservistes,
volontaires constituent un frein à l'embauche de personnels
supplémentaires titulaires, voire de contractuels. Au passage,
notons qu'il s'agit pour ces dignes représentants de la classe
ouvrière de militer pour un vrai service public de la répression et
non contre la militarisation de la société. C'est la défense du
statut qu'elle que soit la fonction !
Vous
avez dit collaboration de classe ?
Après
cet inventaire des forces militaires censées nous protéger, on peut
se demander : « Mais
que fait la police ? ».
Là aussi rassurons-nous car si actuellement il n'y a que 3000
réservistes, ex-policiers pour la plupart, l'Etat se fait fort de
quadrupler ce chiffre pour arriver sous peu, avec ceux présentés
ci-dessus, à un total de plus de 200 000 réservistes, autant
d'hommes et de femmes issus en particulier de la société civile et
« mobilisables
sur les terrains désignés sensibles par le gouvernement ».
A
votre avis, quels terrains ? Pour ma part je pense qu'on a toutes les
chances de les voir aux abords et à l'assaut des usines occupées,
face aux manifestations diverses surtout si un peu de radicalisation
de la part des travailleurs change des « Tours
de manège »
auxquels voudraient nous habituer certains syndicats.
C'est
ce vivier de plus de 200 000 personnes qui est appelée la « Garde
Nationale »,
qui est justifiée par la lutte antiterroriste, donc pour notre
sécurité, Messiurs, mesdames !
Ne
cherchez surtout pas un rapport avec « la
Garde nationale »,
celle du temps de la Commune de Paris qui devenue milice populaire et
républicaine, appuya les communards dans la lutte contre les
versaillais. Toutes ces forces répressives se complètent enfin
d'une sous-branche, les « Réservistes
Locaux à la Jeunesse et à la Citoyenneté »
(RLJC), créées il y a une dizaine d'années, chargés de
recrutement auprès des jeunes de quartier sensibles. Les effectifs
ont quadruplé en 10 ans. Voilà enfin une perspective pour mettre
fin au chômage et à la drogue dans les cités. Imaginez ces
réservistes rencontrant des jeunes délinquants dans le quartier
dont ils sont issus eux-mêmes : « Engage-toi
mon frère et tu pourras légitimement porter une arme et un peu de
shit ! Là, t'es has been mon frère avec ton flingue, t'faut une
autorisation pour tirer, t'as pas l'uniforme mec ! ».
Mais
les armées, les polices ne sont-elles pas simplement des
institutions donnant la légitimité au premier tueur venu ? De ce
fait, sachant la haine née de la précarité, de la misère, gageons
qu'ils seront nombreux et efficaces les prochains volontaires des
quartiers dits défavorisés !
Pour
certains, cela va être la grande revanche !
Les
attentats sont arrivés à point nommé pour que se mette en place,
dans l'indifférence quasi générale, un dispositif sécuritaire
délirant dans lequel, j'allais oublié, il faut rajouter le
développement actuel exponentiel des « Sociétés
militaires privées de sécurité »
en passe d'obtenir des « Accords
de coopération pour oeuvrer en liaison avec les forces de sécurité
publique nationale et municipale »,
en particulier pour la protection d'évènements festifs. Vous avez
bien lu, des forces privées aux côtés des forces publiques : cela
ressemble fort au mercenariat utilisé déjà dans l'armée
américaine. Il faudrait enfin comptabiliser les dizaines de milliers
de vigiles manifestant également pour le port d'armes sur leurs
lieux de travail.
Tu
seras vigile mon fils !
Pour
tous ceux qui s'inquiètent de cette situation, la jugeant anxiogène
pour eux, leurs familles, et surtout pour leurs enfants,
rassurons-nous. L'école les prépare déjà depuis quelques années
à une éducation patriotique et sécuritaire. Les enfants vont
pouvoir très vite se rendre sans crainte dans les lieux festifs,
sans angoisse particulière car formatés pour avoir le « Bon
réflexe »,
pour apprendre à repérer le déviant, dénoncer le sans-papiers. Il
existe déjà dans les écoles tout un dispositif de militarisation
énoncé comme suit par le ministère de l'Education dans une
circulaire du 8 décembre 2015 sous le titre « Mise
en oeuvre du programme des cadets (tes) de la sécurité civile au
sein des établissements scolaires ».
Hansi Brémond (1) analyse cette circulaire : « l'objectf
est de créer des groupes d'élèves capables d'assurer la sécurité
du collège. Le texte pose clairement l'objectif sécuritaire :
« Il
y a aujourd'hui de la part des citoyens une grande exigence en termes
de sécurité qui est légitime tant les risques et menaces sont
multiples et variés... ».
Il
y en aura toujours qui vont parler d'embrigadement, de moyen de
compenser les terribles besoins des écoles, mais quand même, quelle
émotion quand, de retour de sa 6ème B, votre gamine vous embrasse
en chantant la Marseillaise (apprise le matin durant le cours de
math) et vous annonce fièrement qu'il fait partie des « Cadets »
de son collège, chargés de répondre aux situations de crise.
Comme
le mot « Garde
nationale »,
le choix du mot « Cadet »
est révélateur d'une utilisation frauduleuse et manipulatrice. Le
terme « Cadet »
renvoit, comme le précise Hansi Brémond, à des grades militaires,
à des organisations de jeunesses militaires ou paramilitaires.
Alors,
vous voilà rassurés ? Il semble qu'il n'y ait plus un espace sans
caméras, sans policiers, vigiles, réservistes citoyens, voisins
vigilants etc.
C'est
beau la citoyenneté ! Bientôt un « Grand peur et misère du
troisème Reich » à la mode franchouillarde !
Nous
voilà revenus au « Maréchal,
nous voilà ! »
entonné en choeur comme un appel intense au respect des valeurs de
la République, à la citoyenneté et tant qu'on y est, à la
laïcité, vous savez ce concept instituant le « Saint
respect »
dû aux religions.
Bientôt,
les milices des élèves contrôlant, dénonçant et réprimant leurs
camarades,
Bientôt,
ces mêmes enfants devenus adultes travaillant comme flic, gendarme,
membre d'une milice paramiliatire, d'une société privée de
sécurité etc...
Qui
a dit que le chômage était une fatalité ?
Tous
ces jeunes nouveaux patriotes volontaires vont de plus en guise de
remerciements par l'Etat :
- Pouvoir obtenir une participation financière au financement deu permis de conduire
- Bénéficer d'une participation aux frais de scolarité
- Avoir une prime de fidélité et une valorisation des compétaences acquises.
Un
dernier mot : le patronnat est ravi, les entreprises facilitant
l'engagement des salariés vont obtenir des réductions d'impots !
En
ont-ils encore à payer ?
Tu
seras un réserviste mon fils !
Ce
siècle est bien parti pour êre celui de la barbarie !
Michel
Di Nocera, le 6 novembre 2016
(1)
cf. article de Hansi Brémond dans « la Raison », revue
de la FNLP, n° 614
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