mardi 6 août 2013

Un « président normal » pour une France normalisée

L’an 2011 avait été celui du Printemps arabe, du mouvement des Indignés en Espagne et de Occupy Wall Street aux États-Unis. Tandis que peuple grec continuait d’exprimer sur la place Syntagma à Athènes son rejet des diktats imposés par la « troïka » capitaliste, des foules de gens en colère étaient descendus dans la rue, non pour « faire la révolution », comme il fut parfois imprudemment dit, mais au moins soit pour en finir avec une dictature policière et la corruption des dirigeants, soit pour protester contre les politiques d’austérité inspirées par banquiers et menées par les partis politiques à leur solde, soit encore pour fustiger globalement « la finance » dont les agissements spéculatifs venaient de jeter à la rue des milliers d’habitants.

Or, rien de tout cela dans une France assoupie après la défaite cuisante du mouvement social contre la réforme des retraites. Le seul mouvement de masse au cours de cette même année avait été, le 25 juin, la « marche citoyenne des fiertés » rassemblant dans la capitale des milliers de « bobos » soucieux de manifester, non pas leur rejet d’un gouvernement qui continuait à mener tambour battant sa politique de démantèlement des conquêtes sociales, mais leur « différence » en matière de sexualité. Au-dessus du trio Bertrand Delanoë-Eva Joly-Arielle Dombasle qui plastronnaient en tête, en tant que parrains de cette mascarade, flottait une bannière avec ce slogan « En 2011, je marche. En 2012, je vote ».
Et ils ont voté. Pour qui ? Dans leur immense majorité, pour celui qui allait se présenter à leurs yeux comme un président « normal », par contraste avec son prédécesseur qui concentrait sur lui toute leur détestation, l’hyper-réactif et hyper-réactionnaire Nicolas Sarkozy.

On ne reviendra que pour mémoire sur le discours de campagne de Hollande au Bourget où celui-ci, pour galvaniser ses supporters, avait déclaré, lui aussi, la guerre à « la finance », cet « adversaire » qui n’avait « ni nom ni parti ». Pour peu que l’on se tienne informé par d’autres canaux que les médias dominants, on savait pourtant que cet adversaire supposé avait plusieurs visages, ceux, entre autres, des banquiers et des entrepreneurs du Cac 40, ainsi que des économistes néo-libéraux qui les conseillaient. Bien plus, on savait aussi que, après avoir constitué une partie de l’entourage du président précédent, ils s’apprêtaient à faire de même avec son successeur. Sauf à croire qu’en changeant de lunettes pour ajouter une touche de sérieux à son look de présidentiable, Hollande aurait souffert d’une perte d’acuité visuelle, il était évident pour lui que ces soi-disant ennemis étaient non seulement connus mais aussi de ses amis, et qu’il pouvait compter sur eux comme eux pouvaient compter sur lui.

Inutile donc de s’étendre longuement sur la politique qui s’ensuivit et qui consista à faire avaler au « peuple de gauche », comme on disait au temps où la gauche politique existait encore en France, ce que la droite, même « décomplexée », n’osait pas lui imposer. Le résultat est là : signature du Pacte européen avec un additif dérisoire sur la « croissance », cure d’austérité renforcée, compression des dépenses sociales, hausse des impôts, flexibilité accrue du marché du travail… Accentuation de l’orientation sécuritaire en matière de maintien de l’ordre. Alignement en politique étrangère sur la « lutte contre le terrorisme » menée conjointement par les Etats-Unis et l’État sioniste, avec comme prochaines cibles les régimes syriens et iraniens. Et pour couronner, provisoirement, le tout, une coûteuse expédition néocoloniale au Mali sous un prétexte humanitaire pour permettre aux firmes françaises de continuer à piller et dévaster la Françafrique, tout en offrant à Lagardère et autres marchands de mort des débouchés lucratifs, alors que la population française était sommée de se serrer davantage la ceinture pour rétablir l’équilibre des comptes publics…
Bref, ce que l’on appelait la « deuxième gauche » vers la fin des années 1970, devenue hégémonique au cours de la calamiteuse décennie Mitterrand suivie des piteuses années Jospin, a franchi, une fois de retour au pouvoir, un pas supplémentaire et décisif dans la droitisation au point que seule l’étiquette politicienne « de gauche » qui lui reste accolée pour entretenir la fiction d’un « pluralisme démocratique » peut la distinguer maintenant de la droite traditionnelle.

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Amalgame simpliste et réducteur, rétorquerons ses intellectuels organiques qui tiennent tribune dans Libération, au Monde, au Nouvel Observateur, à Philo-Magazine, qui pontifient sur France Culture et pavoisent sur Arte : vous oubliez l’essentiel, à savoir la loi pour le mariage pour tous. N’a t-on pas vu descendre dans la rue des dizaines de milliers de manifestant-es à deux reprises, une fois pour la réclamer puis pour la soutenir ?
Effectivement, tandis que les troupes françaises débarquaient au Mali sans que les Français aient été même prévenus, ni les parlementaires consultés, à l’appel d’une marionnette mise en place par l’ancienne puissance coloniale pour donner un semblant de consistance à un régime fantoche déliquescent garant des intérêts capitalistes français dans la région, une marée humaine envahissait joyeusement les boulevards parisiens pour célébrer l’avènement promis du « mariage pour tous ». Et, pour les plus excité-es, réclamer en prime la procréation assistée pour les couples homosexuels. Tout cela, dans une période où s’intensifiait la régression sociale orchestrée par un social-libéralisme de moins en moins social et de plus en plus libéral. « Nous voulons nous marier et avoir des enfants comme tout le monde ! », piaillait la foule des LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) et leurs partisan-es en liesse. On a vu des aspirations plus progressistes ! Mais ces « avancées sociétales », comme disent les sociologues d’accompagnement, qui ne coûtent pas un euro aux possédants ont l’avantage de rapporter gros à leurs servants politiques socialo-écolos en termes de retombées électorales. L’émancipation collective qui mobilisait jadis le « peuple de gauche » est, comme chacun sait, une revendication dépassée aux yeux de cette « classe créative » qui forme le gros du troupeau qui a porté Hollande à l’Élysée. Seule compte pour elle l’épanouissement individuel que l’on pourrait baptiser « égologie », c’est-à-dire culte du Moi avec un grand M, comme médiocrité si l’on confronte les aspirations étroitement individualistes qu’il recouvre aux idéaux communistes généreux de feu le mouvement ouvrier. Ce n’est même plus la social-démocratie, mais la sociale-médiocratie.

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Peu après la victoire électorale de Sarko contre Ségolène lors de la présidentielle de 2007, Alain Badiou, qui n’en est plus à une bévue près, pronostiquait, « la mort de l’intellectuel de gauche, qui, se félicitait-il, allait sombrer en même temps que la gauche tout entière, avant de renaître de ses cendres comme le phénix ! » Une renaissance qui, selon lui, ne pouvait s’effectuer « que selon le partage : ou radicalisme politique de type nouveau, ou ralliement réactionnaire. Pas de milieu. [1] » En fait, ladite gauche, à défaut de sombrer, s’était déjà, dès le début des années 1980, métamorphosée en une deuxième droite, mutation symbolisée par le « tournant de la rigueur ». Un tournant que personne parmi l’intelligentisa « marxiste » n’avait pas vu venir, alors qu’il avait été activement préparé durant la décennie précédente avec l’aide de son homologue « réformiste », notables rocardiens et sociologues tourainiens en tête, ralliée depuis longtemps à l’ordre capitaliste. « Pas de milieu » ? N’en déplaise à Badiou, la soi-disant gauche revenue au pouvoir en 2012 renoue, dans ses pratiques comme dans ses discours, avec la tradition d’une certaine droite, celle précisément « du juste milieu ».

Mais nous ne sommes plus au XIXe siècle et dans la première moitié début du XXe, quand la bourgeoisie, pour assurer son hégémonie face à la menace des assauts prolétariens, devait satisfaire, au moins en partie, les intérêts de l’ancienne petite bourgeoisie (petits paysans, artisans, commerçants, professions libérales traditionnelles). Legs d’un stade antérieur du capitalisme, à savoir la petite production marchande, cette petite bourgeoisie, foncièrement traditionnaliste, fonctionnait comme classe-appui conservatrice au service de la grande. Par la suite, la modernisation du système capitaliste est allée de pair avec l’essor d’une nouvelle classe intermédiaire, diplômée et salariée, préposée d’une manière ou d’une autre, directement ou non, à l’encadrement des classes populaires (ingénieurs, cadres, techniciens, enseignants, chercheurs, créateurs et « créatifs » en tout genre), soit, plus précisément, aux tâches de médiation (conception, organisation contrôle, inculcation) garantissant la reproduction des rapports de domination entre dirigeants (privés ou étatiques) et exécutants (ouvriers et employés). Cependant, alors que l’importance de cette classe médiane et médiatrice qui fait fructifier son capital intellectuel (scolaire et culturel) en faisant le lien entre bourgeoisie et prolétariat sous le signe de l’« innovation » était allé croissante sur les plans démogaphiques, économiques, politiques et idéologiques, l’existence et la fonction historique de ce « troisième larron de l’Histoire » semblaient et semblent toujours avoir échappé au regard perçant des « intellectuels critiques » issus de ses rangs.

Sans doute eût-il fallu, pour qu’il en fût autrement, que les experts ès luttes de classes qui avaient proliféré dans les appareils universitaires après Mai 68, à la faveur de la mise en place de la « nouvelle société » puis du « libéralisme avancé », daignent appliquer à la leur, la petite bourgeoisie intellectuelle (PBI), les outils d’analyse dont ils faisaient par ailleurs amplement usage pour interpréter les transformations en cours du reste de la société. Mais cela, il est vrai, eût été et reste en grande de partie pour elle suicidaire. Avant d’être intronisé « nouveau philosophe » André Glucksmann avait dévoilé dans un article au vitriole qu’il devait renier par la suite, la raison de l’incapacité de la PBI, marxiste ou non, à rendre compte de sa propre raison d’être et de ce qui en découlait quant à son rôle historique. Comparant l’irrésistible ascension, sous le signe de la « contestation », de ce qu’on appelait encore alors les « nouvelles couches moyennes » au cours des sixties en France, à celle de la bourgeoisie humaniste et progessiste de l’ère de Lumières, Glucksmann affirmait que « le propre d’une classe montante, c’est de s’avancer masquée ». Y compris, très souvent à ses propres yeux.
Comme la bourgeoisie plus de deux siècles auparavant, c’est au nom du peuple, en effet, que la PBI fera valoir ses aspirations à postuler au statut de classe dirigeante en lieu et place de la précédente. Mais alors que la première, sitôt affermi son pouvoir, s’était empressée de troquer le concept conflictuel de « peuple » pour celui, plus consensuel, de « Nation », quand ce n’est pas d’« Humanité » prise dans son ensemble, les élites néo-petites bourgeoises, qu’avait radicalisées leur frustration d’être tenus écartées de la direction politique de la société, vont livrer bataille contre la bourgeoisie au nom du prolétariat ou de la classe ouvrière voire, tiers-mondisme aidant, des « damnés de la terre ». D’où le rappel à l’ordre de Glucksmann, maoïste à l’époque, dans l’article cité dont l’intitulé résume le propos : « Nous ne sommes pas tous des prolétaires » [2].
Aujourd’hui, bien sûr, l’accession de la PBI, via ses politiciens roses-verts, au statut de classe régnante à défaut d’être réellement dirigeante, ce qui aurait supposé qu’elle soit parvenue à l’emporter sur la classe bourgeoise désormais transnationalisée alors qu’elle lui est totalement inféodée, la dispense désormais de se présenter comme la porte-parole des dominés. « Agent dominé de la domination », comme Pierre Bourdieu avait défini ce qu’il appelait la « nouvelle petite bourgeoisie », on comprend que le concept de « domination » soit lui-même considéré par ses penseurs attitrés et titrés comme relevant d’une « langue de bois surannée », au même titre, évidemment, que celui d’« exploitation ». Celui de « classe » a même lui aussi quasiment disparu du vocabulaire autorisé dans les sciences sociales, ne subsistant plus que pour noyer l’identité et la spécificité de la PBI dans ce magma inclassable dénommé « classes moyennes », ou au contraire, pour la valoriser sur le mode de l’autocélébration sous l’appellation scientifiquement incontrôlée mais médiaquement certifiée de « classe créative ».

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Peut être pourra t-on objecter qu’à côté du « ralliement réactionnaire » dans lequel persiste effectivement une grande partie de l’intelligentsia française depuis le milieu des années 1970 et surtout 1980, confirmant le jugements abrupte mais fondé de l’historien marxiste Perry Anderson selon qui « Paris est aujourd’hui la capitale de la réaction intellectuelle en Europe » [3], une minorité, mettant à profit la « faillite du modèle néo-libéral », opte à l’inverse, surtout depuis le début du siècle, pour le « radicalisme politique d’un type nouveau » prôné par Alain Badiou. Encore conviendrait-il, toutefois, s’entendre sur ce que désigne cette formulation.
Sans aborder ici la question de son contenu théorique, ce qui exigerait au moins un ouvrage entier qui ne ferait que s’ajouter aux piles de ceux déjà publiés depuis une bonne dizaine d’années, on peut noter que ce radicalisme politique n’est guère « nouveau » dans la manière dont il s’exprime, dans la mesure où il renoue avec une vieille pratique qui remonte à la fin du XIXe siècle : le « socialisme de la chaire ». Certes, à différence de ce dernier, professé par d’honorables universitaires, économistes ou sociologues pour la plupart, férus de « réformisme » et intégrés à ce titre dans les instances dirigeantes des partis sociaux-démocrates, le radicalisme en vogue aujourd’hui chez certains jeunes philosophes, historiens et géographes français est le fait de diplômés non encartés qui se veulent résolument anticapitalistes. Une résolution qui, cependant, ne les pousse jamais à se poser les problèmes concrets d’organisation et de stratégie, et encore moins à essayer de passer de la théorie à la pratique. Si pratique il y a pour ces marxistes académiques, elle ne peut-être autre que… théorique, selon un précepte préconisé et mis en œuvre par Louis Althusser, révolutionnaire de salles de cours qui reste une référence pour nombre d’entre eux. Pour le reste, ils se borneront à faire comme tout le monde ou presque : aller voter.

Sur le modèle éprouvé made in USA du « radicalisme de campus » où, dans des établissements d’enseignement supérieur huppés, des professeurs livrent à des étudiants des classes privilégiées soucieux de parfaire leur culture générale de savantes théorisations critiques sur les diverses facettes du monde capitaliste sans que le règne de la bourgeoisie en soit le moins du monde perturbé, c’est dans l’ambiance feutrée des séminaires universitaires ou le cadre solennel des amphithéâtres de la Sorbonne ou d’ailleurs, quand ce n’est pas celui, plus intime, des libraires ou les cafés « bobos », que les marxistes de la chaire hexagonaux dissertent jusqu’à plus soif des moyens de mettre Marx « en phase avec le XXIe siècle ». Ainsi est-ce à qui excellera le plus dans l’art de « prolonger », « actualiser » et « compléter » sa pensée, les derniers dans cet exercice n’étant pas les vieux marxistes d’appareil, revenus de leurs errements staliniens, trotskistes ou maoïstes, qui, après avoir falsifié, édulcoré et censuré cette pensée pendant des décennies, prétendent, au soir leur vie, la restituer dans son intégralité et son intégrité. Ce qui les amène la plupart du temps à découvrir la lune, encore partiellement cachée toutefois, puisque leurs redécouvertes consistent à piocher à leur convenance, sans toujours citer les auteurs, dans les écrits de Anton Ciliga, Karl Korsch, Otto Rühle, Paulo Mattick, Anton Pannekeok et autres communistes dissidents du début du siècle dernier, ou encore dans la collection, plus récente, des revues Arguments et Socialisme ou barbarie. Si nouveauté il y a, en fin de compte, elle est avant tout d’ordre générationnel puisque c’est au sein d’une nouvelle vague de néo-petits bourgeois que le « retour de Marx » commence à prendre racine.
Ce retour a donné lieu à une multitude de « dossiers » et de « numéros spéciaux », y compris dans la presse de marché, comme si les journaleux qui y officient et les patrons qui les contrôlent savaient à quoi s’en tenir sur sa portée subversive. Dans le lot de ces publications où Marx est encensé au lieu d’être voué aux gémonies, comme cela est la règle d’ordinaire, il convient de retenir-un hors série du Monde, intitulé « Marx l’irréductible » [sic] paru en 2011, où, au milieu de quelques signatures habituelles et obligées, apparaît celle de quelqu’un que l’on n’aurait guère attendu en pareille compagnie, et qui n’est autre que François Hollande. À l’époque où il n’était encore que le Premier secrétaire du PS, il avait gratifié les lecteurs d’un hebdomadaire situé « à gauche de la gauche » officielle d’un commentaire gratiné sur le Manifeste communiste avec un titre qui ne l’était pas moins venant d’un apparatchik de la deuxième droite : « Un texte de combat, une invitation à la réflexion » [4]. Mais c’est en tant que candidat à l’élection présidentielle de 2012, que son commentaire fut jugé digne d’être exhumé et porté à la connaissance des lecteurs du supplément du Monde consacré Marx sous la rubrique « Comment lire le manifeste ? » Une lecture qui se réduit, dans le cas de Hollande, à une série de platitudes grotesques sur « la libération humaine qui est par essence une processus inachevé ». Il est vrai que si le ridicule tuait encore en France, ce pays ne serait plus qu’un vaste cimetière.
Mais il en faudrait plus pour dissuader notre gauche radicale autoproclamée de céder à sa pulsion électoraliste. Impossible de dresser la liste, car elle serait interminable, des foudres de guerre de classe sur le papier qui sont allé sagement déposer un bulletin dans l’urne non seulement, au premier tour de la présidentielle de 2012, en faveur d’un bouffon opportuniste et démagogue prônant une « insurrection citoyenne », qui lui aussi avait réussi à rassembler des foules d’adorateurs enthousiastes, mais encore au second tour, sur recommandation expresse de ce dernier, pour un énarque aussi solennel que falot, candidat surprise ayant remplacé au pied levé le préféré du PS (Parti Solférino) et des milieux d’affaires, écarté pour cause de lubricité non contrôlée et à qui sans nul doute, féministes mises à part, les radicaux de campus, mus par un antisarkozysme primaire, auraient également apporté leurs voix.

Autant dire, au vu de tout ce qui précède, que l’« exception française », non pas « culturelle » mais politique, que constituait un pays qui passait pour celui des insurrections populaires et des révolutions, avec des intellectuels activement engagés pour les faire aboutir, appartient pour le moment bel et bien au passé.
Voir le blog d’Agone http://blog.agone.org/

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