La pression des brasseurs allemands contre le gaz de schiste
Le Monde.fr |
Par Amélie Mougey
L'exploitation du gaz de schiste rencontre de nouveaux opposants : les brasseurs allemands. Dans une lettre envoyée à six ministres du gouvernement d'Angela Merkel, la fédération "Brauer-Bund", qui regroupe la majorité des professionnels de la bière, demande que le projet de loi présenté en février et destiné à réguler l'usage de la fracturation hydraulique soit repoussé. Les brasseurs estiment que cette méthode d'extraction – susceptible de polluer les nappes phréatiques – pourrait menacer leurs ressources en eau et, en bout de chaîne, la qualité de la boisson.
Le texte prévoit d'autoriser "sous conditions" le seul procédé utilisé à ce jour dans l'extraction du gaz de schiste : la fracturation hydraulique. La méthode consiste à injecter sous très forte pression de l'eau, du sable et des produits chimiques dans les sous-sols afin de briser la roche et libérer le gaz.LE "DÉCRET SUR LA PURETÉ DE LA BIÈRE" MENACÉ
Pour les défenseurs du gaz de schiste, les craintes des brasseurs sont infondées : les géants du pétrole et du gaz assurent que les forages n'atteignent pas la profondeur des nappes. Mais une étude menée par l'université américaine de Duke en juillet 2012 montre qu'entre les réserves d'eau et celles de gaz de schiste des conduites souterraines existent. Le risque de pollution n'est donc pas écarté.
Dans le doute, le projet de loi élaboré par le gouvernement allemand prévoit d'interdire la fracturation hydraulique dans les zones riches en eau potable. Une précaution qui ne suffit pas à rassurer l'industrie de la bière. "Plus de la moitié des brasseurs utilisent des puits situés en dehors des zones qui seraient protégées par la loi", indique un porte-parole de la fédération Brauer-Bund.
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Or, dans le premier pays producteur de bière en Europe, la pureté de la bière est une affaire sérieuse. Depuis cinq cents ans, sa fabrication est régie par "le décret sur la pureté de la bière". Respectée par la majorité des brasseurs, cette règle impose que seuls du houblon, du malt, de la levure et de l'eau pure entrent dans la composition du breuvage. Une pollution des nappes phréatiques pourrait briser cette loi séculaire.PROJET EN SUSPENS JUSQU'AUX LES LÉGISLATIVES
Outre-Rhin, les brasseurs ne sont pas les seuls à s'opposer à la fracturation hydraulique. Jusqu'à présent, l'utilisation de cette technique, interdite en France depuis la loi du 13 juillet 2011, était soumise à l'approbation des Etats-régions. Or, dans ceux qui disposent des sous-sols riches en gaz de schiste, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie et Basse-Saxe, la population y est profondément hostile et les autorisations n'ont jamais été accordées.
Pour autant, le gouvernement allemand n'entend pas renoncer à une réserve de gaz qui, selon l'institut fédéral de géologie et des ressources naturelles, pourrait atteindre 2 300 milliards de mètres cube, soit trente fois la consommation du pays pour la seule année 2011. Face à ces perspectives, des compagnies comme Exxon Mobil ou l'allemand BASF pressent le gouvernement d'agir. Le patronat allemand voit, lui, dans le refus de la fracturation hydraulique un frein économique. Actuellement, pour sa consommation de gaz naturel, l'Allemagne dépend en grande partie des importations russes.
Malgré tout, le projet de loi sur la fracturation hydraulique ne devrait pas être présenté avant les élections législatives de septembre. Le Bundesrat, le conseil fédéral allemand, a déjà indiqué qu'il n'approuverait la fracturation hydraulique que si "une modification durable de la qualité de l'eau pouvait être exclue de façon non équivoque".
Amélie Mougey
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