jeudi 31 mai 2018

Vers les jours heureux

En revendiquant la titularisation de tous les personnels en situation de précarité au sein de la fonction publique, certaines organisations syndicales revendiquent de fait qu’un statut soit attribué à chaque personne travaillant au sein de ces institutions. Ce statut est la reconnaissance d’une qualification attachée à la personne, qui engendre de fait le versement d’un salaire à vie, puisque continué à l’issue de la période d’activité et jusqu’au décès.
En outre, le ou la fonctionnaire ne se soumettra jamais au marché de l’emploi, dont on sait qu’il est aujourd’hui aux mains de la classe dirigeante capitaliste : charge à son employeur de lui trouver un poste, le contraire n’engendrant pas un arrêt du salaire, puisque celui-ci n’est pas attribué au poste mais à la personne dont la société reconnaît ainsi la qualification.
L’institution d’une fonction publique forte fut ainsi à proprement parler révolutionnaire. Elle représente aujourd’hui encore un tiers du Produit Intérieur Brut du pays, malgré toutes les attaques dont elle a fait l’objet au cours des dernières décennies.
Déployer aujourd’hui une stratégie syndicale qui se donne les moyens de ses ambitions revient donc, in fine, à proposer l’instauration progressive du salaire à vie pour toutes et tous, dans les mêmes conditions.
Plutôt qu’être soumis au marché capitaliste, bien des secteurs peuvent sans doute être pris en charge par la fonction publique : santé, éducation, logement, gestion de l’eau, gestion de l’énergie, transport, gestion des territoires…
L’avantage serait double : le (re)-déploiement d’une fonction publique forte dans ces secteurs engendrerait de fait la gratuité des services au public qui en découleraient, constituant ainsi une forme de salaire socialisé ; il tarirait également le marché de l’emploi capitaliste de la main-d’œuvre corvéable dont il se dote actuellement, précarisant sans cesse un peu plus l’ensemble de la société civile soumise aux règles imposées par la classe dirigeante.
Reste à déterminer dans quelles conditions cette perspective peut s’accorder à d’éventuelles visées autogestionnaires. Là encore, la réponse est déjà inscrite dans notre histoire : la Sécurité Sociale fut ainsi très bien gérée par les syndicats (et donc par la classe des travailleuses et des travailleurs) pendant plus de vingt ans ! Durant cette période, les comptes de la Sécu étaient d’ailleurs équilibrés, prouvant par là-même que la classe o(e)uvrière est tout à fait en capacité de relever ce type de défis. Il aura fallu qu’un gouvernement donne, en 1967, les clefs du dispositif aux patrons pour que la situation se dégrade : ceux-ci n’ayant aucun intérêt à ce que cette institution perdure vont inlassablement la saboter, année après année (diminuer par exemple les cotisations sociales équivaut à une baisse des recettes et donc à un déficit inexorable…).
Ce qui a été mis en place pour le secteur de la santé doit aujourd’hui être étendu à d’autres domaines. Dans le contexte actuel, bénéficier d’une sécurité sociale doit signifier bien d’autres choses qu’un accès gratuit aux soins de qualité : l’accès à l’eau potable, à l’énergie, au logement, l’éducation des enfants… peuvent ainsi constituer autant de garanties sociales pour chacun.e.
En d’autres mots, il s’agirait donc de faire sortir certains domaines des prérogatives gouvernementales, en instituant (au sein d’une nouvelle constitution) que ces domaines doivent être gérés, comme celui de la santé, au-delà des querelles partisanes dont se gargarise la classe dirigeante et ses contre-réformes permanentes.
Ainsi, d’autres domaines de la fonction publique, comme par exemple l’éducation, seraient également financés par la cotisation sociale dont s’acquitteraient les employeurs, obligés de ce fait de cotiser davantage au pot commun pour le bien public plutôt que de continuer à s’enrichir individuellement de manière éhontée.
Notons ici que ce mode direct de financement présente en outre l’avantage de mettre immédiatement fin aux phénomènes d’évasion fiscale, contrairement à celui de l’impôt dont s’exonèrent aujourd’hui scandaleusement la plupart des grandes entreprises...
Des « caisses éducation » seraient ainsi créées et gérées sur tout le territoire directement par la société civile et par les travailleuses et les travailleurs du secteur, via l’élection de leurs représentant.e.s au sein des organisations syndicales.
Cette perspective nous semble être en mesure de réunir aujourd’hui toutes les forces progressistes du pays, afin qu’un mouvement social d’une ampleur colossale puisse naître dans son sillon, dans le but de destituer d’abord la classe dirigeante des fonctions qu’elle occupe via l’écriture d’une nouvelle constitution, pour ensuite renouer avec notre passé révolutionnaire.
Financer la santé, l’éducation, le logement, l’accès à l’eau… par la cotisation sociale ponctionnée sur les richesses collectivement produites (et actuellement spoliées par la classe dirigeante) et ainsi socialisée puisque ré-affectée aux biens communs autogérés par les travailleuses et les travailleurs nous semble ainsi aujourd’hui tout autant accessible que nécessaire.
Par ailleurs, et puisque toute démocratie ne peut être que sainement vivante qu’à la condition où règne un équilibre entre ce qui est déjà institué et ce à quoi aspire la société civile, il paraît indispensable de porter un soin tout particulier au secteur associatif ou coopératif. Les associations, autogérées par nature, doivent se voir attribuer des moyens conséquents, pour peu que leur utilité publique ou sociale soit établie. Ceci suppose que les instances chargées de délivrer ce type de label puissent être renforcées, afin de fonctionner à plein. Ceci suppose également que les mises à disposition ou détachements de personnels puissent être assurées en nombre par les différents ministères concernés, ce en quoi notre passé pourra également être source d’inspiration.
Enfin, il convient sans doute aujourd’hui de modifier le statut des élu.e.s en charge d’administrer ces associations, et de mettre ainsi fin au travail gratuit, souvent colossal, qu’ils ou elles produisent. Pour ce faire, ces élu.e.s doivent être déchargé.e.s en partie de leur fonction, afin de pouvoir assumer ces tâches essentielles pour la vie démocratique dans de bonnes conditions.
Autant de perspectives qui sont aujourd’hui largement identifiées, et qu’il nous faut de toute urgence populariser afin de dessiner ensemble un avenir susceptible d’apporter une réponse crédible aux crises sociales, financières et écologiques que nous traversons depuis trop longtemps...
Et il faudra d’emblée avoir conscience que la classe dirigeante ne souscrira jamais à ce projet de son plein gré, parce qu’elle n’a rien à y gagner et qu’elle en est incapable, ce qui nous oblige à envisager qu’il faudra la soumettre par la force collective de nos intentions, c’est-à-dire par la lutte.
Bloquer l’économie, organiser des grèves durables et reconductibles, mettre en œuvre des formes de désobéissance et faire vivre d’autres modèles de société restent les leviers principaux que nous pouvons actionner ensemble, parce que ces moyens d’actions présentent l’immense avantage de mettre un coup d’arrêt immédiat au déploiement de la logique capitaliste à laquelle nous continuons souvent à contribuer. Tant que le droit (constitutionnel ) de grève existe encore, obligeant chacun.e d’entre nous à prendre ses responsabilités, il peut et doit notamment nous permettre de réunir nos forces afin d’instituer à nouveau la façon dont nous voulons vivre ensemble, via notamment l’écriture d’une nouvelle constitution.
C’est à ce prix que nous pourrons abolir celle de la Ve république, aujourd’hui largement obsolète. Il est aujourd’hui de notre responsabilité de préparer ainsi des lendemains meilleurs pour les générations futures.
Pour ce faire, il nous faut nous mettre en route ensemble, maintenant

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