vendredi 19 juin 2015

La Grèce, un pays asphyxié par cinq ans d'austérité

Les coupes dans les dépenses publiques ont permis d'assainir le budget du pays et de rembourser les échéances de dettes. Mais à quel prix ?

AFP Le Point 18/06/2015
Un homme sans domicile assis à l'entrée d'un bâtiment à l'abandon qui abritait auparavant le ministère de l'Éducation et des Religions, dans le centre d'Athènes, le 27 mars 2015.
Un homme sans domicile assis à l'entrée d'un bâtiment à l'abandon qui abritait auparavant le ministère de l'Éducation et des Religions, dans le centre d'Athènes, le 27 mars 2015. © LOUISA GOULIAMAKI
Cinq ans de sacrifices financiers exigés de la Grèce par ses créanciers l'ont peut-être momentanément sauvée de la faillite, mais la vie des Grecs s'en est trouvée considérablement aggravée. Des coupes à la serpe dans les dépenses publiques, comme la fermeture sans préavis de la télé publique ERT en juin 2013, ont permis d'assainir le budget et de rembourser les échéances de dettes, mais au prix d'une explosion du chômage et de la pauvreté.
"Un tel ajustement dans un si court espace de temps, c'est de la folie", remarque Panagiotis Petrakis, professeur d'économie à l'Université nationale d'Athènes. "Le problème est qu'un ajustement plus lent aurait demandé un plan de sauvetage encore plus gigantesque", explique-t-il. Entre 2009 et 2014, la Grèce a perdu un quart de son produit intérieur brut. Et elle est retombée en récession début 2015. Les salaires et retraites sont passés de 26 milliards d'euros en 2010 à 18,5 milliards en 2014. Et les salariés annonçant que leur paie a été divisée par deux sont légion.

"On ne peut plus vivre comme ça"

Certes, une bonne partie des près de 300 milliards d'euros de dette du pays (180% du PIB) ont été transférés des banques privées aux épaules plus solides des États européens. Mais au prix de ce que le gouvernement de la gauche radicale arrivé au pouvoir en janvier appelle "un désastre humanitaire". Quelque 200 000 fonctionnaires ont été remerciés et 130 000 entreprises ont fermé. Le taux de chômage est passé de 10,3 % en 2009 à 25,6 % dernièrement, après un pic à 28 % fin 2013, et la baisse soudaine des cotisations a mis sur le flanc le système des assurances sociales.
"Ils taillent, ils taillent, ils taillent, on ne peut plus vivre comme ça", remarquait mercredi soir Stelios Vitzileos, un retraité de 82 ans venu manifester contre l'austérité sur la place Syntagma, la plus grande place d'Athènes. "Nous aimons l'Europe, nous voulons y rester, mais de la manière qu'ils (les créanciers du pays, NDLR) nous poussent, c'est comme s'ils nous disaient d'en partir", déplore-t-il. Près de 50 % des Grecs doivent compter pour vivre sur la retraite d'un membre de la famille, constatait en 2014 une étude de la confédération des artisans GSEVEE.

60 % des retraités reçoivent moins de 700 euros par mois

"Les pensions de retraite sont le dernier refuge de familles entières dont aucun, ou un seul membre, travaille", remarquait le Premier ministre, Alexis Tsipras, dans une tribune au quotidien allemand Tagesspiegel cette semaine. Il ajoutait qu'entre 2010 et 2014 le montant des retraites a été divisé par deux. Et, selon le gouvernement, 60 % des retraités reçoivent moins de 700 euros par mois, proche du seuil de pauvreté européen.
Les créanciers du pays estiment que la Grèce se serait remise bien plus vite si les gouvernements successifs, depuis le début de la crise, avaient sérieusement cherché à combattre les maux endémiques du pays : corruption, évasion fiscale et protectionnisme. Ils exigent à présent d'Alexis Tsipras qu'il allège encore le budget, s'il veut obtenir les 7,2 milliards d'euros attendus depuis août dernier par la Grèce. Mais celui-ci a promis qu'il n'en passerait pas par de nouvelles baisses des salaires et des retraites.
Au contraire, il s'est engagé à remonter le salaire minimum de 511 euros actuellement à 751 euros l'an prochain. Dans leurs propositions, les Grecs proposent bien des "mesures administratives" ciblées pour lutter contre l'évasion fiscale ou la corruption, mais pour l'instant les créanciers les jugent mal chiffrées, insistant toujours apparemment sur des mesures plus générales sur les retraites ou la TVA, qui pèseront donc encore sur les plus démunis, ce dont le gouvernement ne veut pas.

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