VENDREDI 19 AVRIL 2013
C’EST L’AMÉRIQUE !
L’agitation qui entoure les débats autour du mariage pour tous en France tranche singulièrement avec le climat consensuel et apaisé qui a caractérisé la promulgation de la loi permettant le mariage entre personnes de même sexe en Uruguay – une loi ouvrant également le droit à l’adoption pour ces mêmes couples. Mercredi 10 avril dernier, l’Uruguay est donc devenu le douzième pays au monde à adopter ce type de disposition, le second en Amérique latine après l’Argentine en 2010. Un club restreint que la Nouvelle-Zélande vient de rejoindre à son tour ce mercredi.
La reconnaissance du mariage homosexuel en Amérique latine semble illustrer l’emprise dont l’Eglise catholique dispose dans le sous-continent. L’Uruguay a ainsi la particularité d’être le pays le plus laïcisé de toute l’Amérique latine, avec seulement deux tiers de la population se revendiquant comme catholique. Ce chiffre peut paraître élevé vu d’Europe: il n’en est rien dans un continent où cette proportion atteint souvent aisément 80% à 90%, l’Uruguay s’offrant même le luxe de devancer légèrement Cuba, où l’Eglise catholique a pourtant longtemps été combattue par le régime castriste avant d’être tolérée depuis les années 1990. De fait, les appels de l’Eglise à la résistance contre la mesure promue par le gouvernement du Frente Amplio (Front large, centre-gauche) n’ont quasiment pas été suivis d’effets, indiquant ainsi que, si les catholiques déclarés dans le pays sont majoritaires, le relâchement des pratiques est tel que le clergé ne parvient pas à mobiliser ses ouailles sur des questions sociétales qui remettent pourtant directement en cause les dogmes énoncés à Rome. Pour sa part, le Parti national (opposition) n’a même pas
vu l’intérêt de se
saisir du thème comme
d’une question électorale et a donné une totale liberté de vote à ses
parlementaires.
En Argentine, en revanche, la reconnaissance du mariage homosexuel s’est beaucoup plus apparentée à une confrontation stricte entre un régime de centre-gauche progressiste sur les questions sociétales et une opposition influencée par une Eglise à la doctrine mâtinée de catholicisme social – proche des pauvres, mais soucieuse de la préservation de l’ordre social. Comme en France, la droite argentine s’est ainsi ralliée au combat d’arrière-garde livré par le cardinal Bergoglio (devenu depuis le pape François) dans l’espoir de mettre à mal le gouvernement de Cristina Kirchner – sans succès. Pourtant, il serait caricatural de réduire l’Eglise à une position intrinsèquement réactionnaire, comme l’illustre le cas quelque peu atypique du Brésil, où le développement de courants inspirés par la théologie de la libération a permis d’atténuer l’opposition du clergé, souvent sans concession dans le reste de l’Amérique latine, envers les droits des homosexuels.
Si l’Eglise catholique recèle des contradictions sur ce thème en Amérique latine, force est de constater que les régimes progressistes ne sont pas en reste. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les divisions engendrées par la défense de ces droits ne recoupent que rarement le clivage gauche/droite: ainsi, la Colombie ancrée à droite s’avère éminemment plus progressiste sur la question que les régimes nationaux-populaires du Venezuela, du Pérou ou de la Bolivie. Dans ces trois pays, c’est une gauche d’extraction populaire et proche de l’armée qui est arrivée au pouvoir, une gauche d’autant moins encline à s’intéresser aux questions sociétales qu’elle est imprégnée d’une culture viriliste et d’une vision genrée de la société... elle-même héritée de l’Eglise catholique! D’où un tiraillement palpable face à des questions qu’elle n’a guère l’habitude de traiter, et dont la droite se saisit plus volontiers afin de satisfaire un électorat urbain de classe moyenne plus réceptif.
Le détour par l’Amérique latine, et l’Uruguay en particulier, ne vient pas seulement souligner le caractère éminemment réactionnaire des résistances à l’adoption du «mariage pour tous» en France. Il montre également que la jonction entre la question sociale et les questions sociétales relève de tout sauf de l’évidence. En ce sens, les avancées obtenues en Argentine et en Uruguay doivent encourager les militants et militantes LGBT latino-américains qui s’identifient aux processus de transformation sociale en cours dans le continent de la pertinence d’un combat spécifique pour l’égalité des droits en leur sein. Que la dirigeante communiste Marie-George Buffet soit devenue de nos jours, en France, l’une des plus ardentes défenseures du mariage pour tous, elle qui est pourtant issue d’un courant qui stigmatisait jusque dans les années 1980 une «tradition étrangère à la classe ouvrière», prouve que la tâche des militants LGBT dans les mouvements populaires en Amérique latine est délicate, mais sûrement pas insurmontable.
Au sein de quelques Etats fédéraux latino-américains, certains Etats reconnaissent déjà ce droit: Mexico et Quintana Roo au Mexique, et Alagoas au Brésil.
La reconnaissance du mariage homosexuel en Amérique latine semble illustrer l’emprise dont l’Eglise catholique dispose dans le sous-continent. L’Uruguay a ainsi la particularité d’être le pays le plus laïcisé de toute l’Amérique latine, avec seulement deux tiers de la population se revendiquant comme catholique. Ce chiffre peut paraître élevé vu d’Europe: il n’en est rien dans un continent où cette proportion atteint souvent aisément 80% à 90%, l’Uruguay s’offrant même le luxe de devancer légèrement Cuba, où l’Eglise catholique a pourtant longtemps été combattue par le régime castriste avant d’être tolérée depuis les années 1990. De fait, les appels de l’Eglise à la résistance contre la mesure promue par le gouvernement du Frente Amplio (Front large, centre-gauche) n’ont quasiment pas été suivis d’effets, indiquant ainsi que, si les catholiques déclarés dans le pays sont majoritaires, le relâchement des pratiques est tel que le clergé ne parvient pas à mobiliser ses ouailles sur des questions sociétales qui remettent pourtant directement en cause les dogmes énoncés à Rome. Pour sa part, le Parti national (opposition) n’a même pas
vu l’intérêt de se
saisir du thème comme
d’une question électorale et a donné une totale liberté de vote à ses
parlementaires.
En Argentine, en revanche, la reconnaissance du mariage homosexuel s’est beaucoup plus apparentée à une confrontation stricte entre un régime de centre-gauche progressiste sur les questions sociétales et une opposition influencée par une Eglise à la doctrine mâtinée de catholicisme social – proche des pauvres, mais soucieuse de la préservation de l’ordre social. Comme en France, la droite argentine s’est ainsi ralliée au combat d’arrière-garde livré par le cardinal Bergoglio (devenu depuis le pape François) dans l’espoir de mettre à mal le gouvernement de Cristina Kirchner – sans succès. Pourtant, il serait caricatural de réduire l’Eglise à une position intrinsèquement réactionnaire, comme l’illustre le cas quelque peu atypique du Brésil, où le développement de courants inspirés par la théologie de la libération a permis d’atténuer l’opposition du clergé, souvent sans concession dans le reste de l’Amérique latine, envers les droits des homosexuels.
Si l’Eglise catholique recèle des contradictions sur ce thème en Amérique latine, force est de constater que les régimes progressistes ne sont pas en reste. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les divisions engendrées par la défense de ces droits ne recoupent que rarement le clivage gauche/droite: ainsi, la Colombie ancrée à droite s’avère éminemment plus progressiste sur la question que les régimes nationaux-populaires du Venezuela, du Pérou ou de la Bolivie. Dans ces trois pays, c’est une gauche d’extraction populaire et proche de l’armée qui est arrivée au pouvoir, une gauche d’autant moins encline à s’intéresser aux questions sociétales qu’elle est imprégnée d’une culture viriliste et d’une vision genrée de la société... elle-même héritée de l’Eglise catholique! D’où un tiraillement palpable face à des questions qu’elle n’a guère l’habitude de traiter, et dont la droite se saisit plus volontiers afin de satisfaire un électorat urbain de classe moyenne plus réceptif.
Le détour par l’Amérique latine, et l’Uruguay en particulier, ne vient pas seulement souligner le caractère éminemment réactionnaire des résistances à l’adoption du «mariage pour tous» en France. Il montre également que la jonction entre la question sociale et les questions sociétales relève de tout sauf de l’évidence. En ce sens, les avancées obtenues en Argentine et en Uruguay doivent encourager les militants et militantes LGBT latino-américains qui s’identifient aux processus de transformation sociale en cours dans le continent de la pertinence d’un combat spécifique pour l’égalité des droits en leur sein. Que la dirigeante communiste Marie-George Buffet soit devenue de nos jours, en France, l’une des plus ardentes défenseures du mariage pour tous, elle qui est pourtant issue d’un courant qui stigmatisait jusque dans les années 1980 une «tradition étrangère à la classe ouvrière», prouve que la tâche des militants LGBT dans les mouvements populaires en Amérique latine est délicate, mais sûrement pas insurmontable.
Au sein de quelques Etats fédéraux latino-américains, certains Etats reconnaissent déjà ce droit: Mexico et Quintana Roo au Mexique, et Alagoas au Brésil.
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