samedi 6 septembre 2014

Au Ghana, des camps pour "sorcières"




Emprisonnées dans des camps et des … traditions. Au Ghana, des centaines de femmes vivent parquées dans des villages-ghettos où, accusées de sorcellerie, elles ont trouvé refuge. Une superstition très répandue en Afrique, qui met ces femmes en danger de mort. Dernièrement, le gouvernement ghanéen a décidé de fermer ces "camps sans barreaux", malgré l'inquiétude des ONG et des victimes qui craignent le retour dans leur village.
"Un enfant venait de mourir et j'ai été accusée de l'avoir tué »
Sorcière. Ce seul mot peut faire basculer la vie d'une Ghanéenne. Et dans un village du Ghana, maladie, décès, cauchemar, suffisent pour accuser une femme de sorcellerie. En restant, elles risquent la lapidation, la mutilation, voire la mort. C'était le sort qui était réservé à Nasika, une femme âgée, accusée par un homme de son village de lui avoir jeté un sort sous la forme d'une maladie sexuellement transmissible. "Il a dit qu'il voulait me tendre un piège au sommet de la rivière pour me tuer", a-t-elle raconté à Radio Canada. Terrifiée, elle s'enfuit et réussit à se réfugier, comme d'autres, dans des "camps sans barreaux" pour "sorcières".
Sans eau, ni électricité
Le pays compte six camps : Kuoko, Gambaga, Gnani, Bonyase, Nabuli et Kpatinga. Tous situés dans le nord du Ghana. 700 femmes y vivent parquées et entassées dans de modestes huttes, sans eau courante, ni électricité. Pour survivre, elles travaillent à la ferme ou ramassent du bois de chauffage. Voici plus d'un siècle que ces villages existent. Selon les coutumes locales, les chefs y envoyaient les sorcières pour protéger leurs villages des maléfices. L'origine du camp de Kuoko est attribuée à un pêcheur, peiné de voir ces femmes accusées à tort.
Très répandue en Afrique, cette superstition vise principalement les femmes. Rachel Mwanza, une jeune actrice congolaise de 17 ans, en a été victime. Sa mère l'a accusée d'être une sorcière, responsable de leur malheur. Jetée du foyer familial alors qu'elle n'avait que 10 ans, elle a dû affronter les rues de Kinshasa pendant plusieurs années 
Boucs émissaires, héritages, vieillards
En général, ces femmes sont les boucs émissaires d'une famille ou d'un village confronté à un problème. Ailleurs, les victimes payent le prix de leur non-conformité aux normes du village ou de la société, comme les pygmées. A cause de leur physique, ces derniers sont rejetés et taxés, eux aussi, de sorcellerie. Parfois aussi, ces accusations profitent aux personnes mal intentionnées qui souhaitent écarter un proche d'un héritage ou se débarrasser d'une personne devenue trop encombrante...
Au Ghana, 70% des femmes vivant dans ces camps ont été pointées du doigt après le décès de leur mari, selon l'ONG ActionAid. Une majorité de celles qui se retrouvent enfermées dans ces villages-ghettos sont âgées. "Les camps sont l'expression dramatique de la situation des femmes au Ghana", déclarait le professeur Dzodzi Tsikata de l'Université du Ghana à la BBC en 2012. "Les femmes plus âgées deviennent une cible parce qu'elles ne sont plus utiles à la société", a-t-il expliqué.
Retour ?
Ces camps entachent l'image du Ghana, qui se veut un pays progressiste et moderne. Le gouvernement a donc décidé de les fermer. Les ONG, elles, proposent plutôt une autre alternative : éduquer la population, en particulier du nord du pays, où le taux d'alphabétisation est faible et les superstitions sont encore ancrées. En effet, renvoyer ces femmes dans leur village leur ferait courir de grands risques.
Il y a quelques années, deux d'entre elles sont retournées chez elles : l'une a été retrouvée calcinée, l'autre est revenue au camps mutilée des deux oreilles. Une expérience que beaucoup de femmes gardent en mémoire. Pour l'heure, rares sont celles qui tentent l'expérience, préférant rester au camp, qu'elles considèrent comme un lieu sûr malgré les conditions de vie. Les victimes de ces superstitions y passent toute leur vie.

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