Nicole Boucheton, vice-présidente de l'ADMD, est décédée le 7 août dernier en Suisse «pour mourir dans la dignité».
Jean-Luc Roméro, président de l'ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) compte saisir le défénseur des droits. Le quotidien régional Ouest-France explique que sa rubrique des obsèques doit rester neutre et ne susciter aucun débat.
Un avis de décès peut-il être considéré comme une tribune ? C'est la question à laquelle est confrontée la famille de Nicole Boucheton, vice-présidente de l'ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité), atteinte d'un cancer en phase terminale et partie «s'exiler en Suisse pour mourir dans la dignité». Son époux Alain Siouville, qui réside à Cherbourg, s'est vu refuser début août la publication du faire-part de décès par le quotidien régional Ouest-France.
Le texte était rédigé ainsi: «Alain Siouville, son époux, Françoise Boucheton, sa soeur, vous font part du décès de Nicole Boucheton Vice Présidente de l'ADMD à l'âge de 64 ans, contrainte de s'exiler en Suisse, pays humaniste, pour y mourir selon sa volonté le 7 août 2014».
«La rubrique des obsèques doit rester politiquement neutre»
Contacté par Le Figaro, le journal a expliqué que le texte ne respectait pas la charte interne du journal. «La rubrique des obsèques doit rester politiquement neutre et ne pas susciter de débats,» a justifié François-Xavier Lefranc, rédacteur en chef à Ouest-France. Pour ce responsable, cette décision n'a rien à voir avec le positionnement du journal sur la question de l'euthanasie. Preuve en est: «Nous avons récemment publié un article reprenant des extraits de la lettre posthume de Nicole Boucheton. Les pages de Ouest-France servent à faire vivre les débats, pas la rubrique des obsèques».
Pour trouver un terrain d'entente, le journal a proposé une version corrigée à la famille, en retirant la notion de «contrainte» et l'idée que la Suisse était un pays «humaniste», «puisque cela sous-entend que la France ne l'est pas», explique encore François-Xavier Lefranc, qui précise que le journal accepte de publier le principe d'une mort volontaire. La famille a refusé: «C'est tout ou rien», a dit l'époux de Nicole Boucheton, souhaitant respecter la volonté de sa femme.
«Une censure», une «décision discriminatoire»
Scandalisé, le président de l'ADMD Jean-Luc Romero compte saisir le défenseur des droits dans le courant de la semaine, dénonçant une «décision indigne, discriminatoire et peu républicaine de la direction de ce journal». «C'est même une censure contre lequel ce journal est censé pourtant se battre», écrit-il sur son blog. «C'était la décision de Nicole de publier ce faire-part, sa famille est profondément choquée. Cet avis de décès est pudique et n'a rien de violent. Je ne comprends pas ce refus. On marche sur la tête», critique le conseiller régional d'Ile-de-France.
Dans un texte posthume, Nicole Boucheton a expliqué les raisons de son exil et regretté que le président François Hollande n'ait «toujours pas tenu sa promesse» sur «l'assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité». «Je suis atteinte d'un cancer du rectum. Lors du diagnostic, le seul traitement curatif était chimio, tomo-thérapie puis chirurgie: colostomie. J'ai refusé la chirurgie car trop mutilante: l'anus artificiel qui me condamnait à une vie dans des conditions que je juge, pour moi-même, dégradées et inacceptables», écrit-elle. «Alors j'ai pris contact avec une association suisse afin d'y pouvoir faire un autre choix, celui d'un départ rapide puisque ma seule issue était la mort», poursuit Nicole Boucheton.
159 Français accompagnés par l'association Dignitas depuis 1993
Lors de sa campagne présidentielle, François Hollande avait promis de proposer que «toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité». «En souhaitant rendre publique les conditions de sa mort par suicide assisté en Suisse», Nicole Boucheton a «démontré que son combat individuel pour l'euthanasie rejoint son combat collectif», a estimé le président de l'ADMD, Jean-Luc Romero.
D'après les chiffres de Dignitas, une des principales associations suisses d'assistance au suicide, 1701 personnes ont été «accompagnées» entre 1998 et 2013, parmi lesquelles 159 Français (10,63%). En France, la loi Leonetti, adoptée en 2005, encadre les conditions de fin de vie et interdit l'acharnement dans la poursuite des soins, le plus souvent pour des personnes en fin de vie ou souffrant de maladies graves et incurables. Mais elle ne permet ni l'euthanasie - qui désigne l'acte d'un tiers pour donner la mort - ni le suicide assisté.
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