Article 1 : L’objecteur de conscience est un homme comme les autres.
Article 2 : Il ne faut tout de même pas exagérer.
Article 3 : Afin qu’on puisse le reconnaître et le traiter en homme comme les autres,
l’objecteur de conscience devra porter pendant toute sa vie et bien en évidence un insigne en
forme de conscience, de couleur noire, d’un diamètre de soixante centimètres environ.
Article 4 : L’objecteur de conscience est dispensé de service militaire actif.
Article 5 : Il est interdit de cracher à la figure d’un objecteur de conscience et de lui jeter des
pierres en le traitant d’objecteur de conscience.
Article 6 : Il n’est pas interdit de cracher à la figure d’un objecteur de conscience et de lui
jeter des pierres en le traitant de lâche, de vendu, de sale boche, de rouge, de fausse couche.
Article 7 : Le cumul est interdit. On ne pourra pas être à la fois réformé et objecteur de
conscience. De même, les individus suivants ne pourront pas être EN PLUS objecteurs de
conscience : communistes, noirs, musulmans, homosexuels, cocus, instituteurs laïques,
bègues, albinos, gauchers, syndiqués.
Article 8 : L’objecteur de conscience accomplira un service d’une durée double de celle de
son service militaire normal dans des établissements voués aux besognes de la paix :
confection de rangers, concassage de cailloux, études expérimentales sur les maladies
contagieuses et greffes d’organes, capacités de résistance du corps humain aux impacts de
matraque. Il portera pendant la durée de son service un uniforme spécial avec son numéro de
matricule bien en vu.
Article 9 : L’objecteur de conscience devra se faire remplacer à l’armée par deux membres
de sa famille. Six s’ils sont de sexe féminin.
Article 10 : Rendu à la vie civile l’objecteur de conscience jouira de privilèges qui feront de
lui un homme beaucoup plus comme les autres que les autres hommes.
Article 11 : Afin de leur éviter les hémorroïdes, il est interdit aux objecteurs de conscience
de postuler des emplois dans les administrations et, de façon générale, partout où l’on
travaille assis.
Article 12 : Pour dégager les abords de pôle emploi d’objecteurs licenciés qui s’y
accumuleront, l’Etat organisera des ventes d’objecteurs aux enchères à l’intention des P.M.E.
Article 13 : Désireux de faciliter le reclassement des objecteurs, l’Etat dans sa grande
mansuétude lèvera exceptionnellement en leurs faveurs certaines contraintes onéreuses pour
leur employeur.
Les objecteurs auront donc le droit de :
Souder sans lunettes, évaluer la température du métal du bout de la langue, sauter dans
parachute, procéder au désamiantage sans masque et combinaison. Bien évidemment la liste
n’est pas exhaustive, l’Etat faisant toute confiance à l’imagination dynamique des
entrepreneurs.
Article 14 : L’objecteur de conscience bénéficiera des avantages suivants : dispense
d’anesthésie lors d’opérations chirurgicales, crème glacée versée directement dans la main
sans cornet, interdiction de participer à des jeux télévisés.
Article 15 : Les maires seront tenus d’organiser un lynchage d’objecteur de conscience à
chaque fois que l’un des événements suivants se sera produit sur le territoire de leur
commune : Rapt d’enfant, viol d’une femme blanche, été pourri et défaite de l’équipe de
football locale.
Article 16 : Chaque objecteur sera tenu de stocker à son domicile au moins un container de
déchets radioactifs.
Article 17 : Dans les hôpitaux, on ne lavera pas le thermomètre des objecteurs de conscience.
Article 18 : Tout objecteur aura toujours la possibilité de se racheter en accomplissant son
service militaire, même après avoir bénéficié pendant de longues années de la liste des
avantages ci-dessus indiqués. La patrie, généreuse, passera l’éponge.
Article 19 : L’objecteur repenti sera dirigé sur une unité de la légion étrangère où il aura le
poste de chèvre.
Article 20 : A la revue du 14 juillet, les objecteurs repentis défileront en tête des troupes,
après avoir été roulés dans le goudron et les plumes.
Le ministre de la défense
Jean-Yves Le Dria
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