vendredi 29 mars 2013

SOS pour Amina, Femen Tunisienne. Enlevée, séquestrée, internée?

Martine GOZLAN Marianne2 24/032013
Amina Tyler, 19 ans, première Femen de Tunisie, a disparu après les appels à la lapidation lancés contre elle par un prédicateur intégriste et les appels à la délation d'une de ses parentes. La solidarité s'organise à travers le monde pour demander au gouvernement tunisien de protéger la vie de la jeune fille.
  
Elle est belle comme Aliaa Madgda elMahdy, la jeune Egyptienne qui a dû fuir son pays après avoir posté une photo d'elle entièrement nue sur Facebook. Amina Tyler, Tunisienne de 19 ans, est la seconde femme du monde arabe à choisir la transgression absolue dans son univers: la nudité rageuse des Femen. En inscrivant sur sa peau " Mon corps m'appartient, il n'est l'honneur de personne", Amina a été si loin dans la symbolique du refus et la proclamation de la liberté au coeur d'une culture islamique que, depuis quelques jours, on ne sait pas où elle se trouve, qui la retient prisonnière, si elle a été enlevée, séquestrée, internée de force dans un hôpital psychiatrique. Un sombre prédicateur nommé Adel Almi, président d'une surréaliste "association centriste de réforme et de sensibilisation", l'a menacée du fouet et de la lapidation.
La page Facebook d'Amina? Piratée par des islamistes. Son téléphone? Injoignable pour le mouvement Femen en France.
Deux vidéos circulent. La première retransmet des images furtives de ce qui est présenté comme l'enlèvement d'Amina par son père et son frère. La seconde dure près de dix minutes: c'est un enregistrement réalisé par une femme dont on ne voit que le bas du visage. Elle n'est pas voilée et se présente comme la tante de la jeune fille. Elle s'exprime en français.
Ce qu'elle dit est épouvantable. La présumée tante multiplie les appels à la délation, à la dénonciation auprès de la police de la jeune fille qualifiée de "malade mentale", elle fait le voeu que sa nièce subisse "un châtiment mais pas la mort". Elle affirme qu'Amina a sali "l'honneur de son père en tant qu'homme". Le tout est enveloppé dans une ode aux femmes tunisiennes " saines" en rappelant que "la soeur d'Amina porte le voile", que " nous sommes toutes pieuses"...
Cette vidéo constitue à elle seule l'explication du geste d'Amina et de celles qui, avec un immense courage, s'associent à son geste en Tunisie. Elle prouve que le corps de la révoltée n'est pas, pour sa famille, le corps aimé d'une enfant qui souffre mais effectivement l'offense à l'honneur des mâles apparentés. Autrement dit, le passage à l'acte radical d'Amina, d'Aliaa et des autres dévoile sur la place publique l'obsession centrale, celle sur laquelle se fonde l'ordre archaïque lapidateur, torturant, séquestrant, criminel. Le pur et l'impur qui autorise à fouetter l'une sous couvert de respecter l'autre.
Le flot d'obscénités qui se déversent contre Amina est le même que celui subi par Aliaa en Egypte.
Le même que celui subi par la réalisatrice Nadia el Fani à un moment où celle-ci ne parlait ni de nudité ni de Femen mais tout simplement du rapport à la religion dans son pays natal et de la laïcité.
Ce samedi soir 23 mars, on ne sait toujours rien du sort d'Amina. Selon les sources des Femen France, qu'elles disent non vérifiées, elle serait internée dans un hôpital psychiatrique. Selon nos propres sources, à Tunis, auprès de médecins, elle serait séquestrée par sa tante. Il ne m'est pas possible de juger cette information totalement fiable. L'effrayant, c'est bien cet inconnu.
Pour rappeler au gouvernement tunisien que la disparition d'une jeune fille n'est pas chose normale, la solidarité s'organise. Notre amie Caroline Fourest appelle sur son blog à faire de la journée du 4 avril une journée pour Amina Tyler. Bien sûr, on s'associe ici à cet appel. Il ne faudrait pas voir dans l'histoire d'Amina un épiphénomène sur la toile de fond d'un pays qui a des problèmes très graves à résoudre. Les "histoires minuscules des révolutions arabes" comme les qualifiait l'Algérienne Wassyla Tamzali dans une enquête précise et bouleversante, racontent un pays et ses tragédies.
La "ministre de la femme" en Tunisie se nomme Sihem Badi et elle a multiplié les signes d'allégeance à l'islamisme bien qu'elle appartienne au Congrès pour la République, généreusement qualifié de laïque dans les médias français. Dès qu'elle a appris l'éventualité de l'ouverture d'un mouvement Femen tunisien, Sihem Badi a juré partout qu'elle ferait tout pour s'y opposer " au nom des valeurs de la Tunisie et de l'Islam".
Avec de telles amies, les Tunisiennes n'ont guère besoin d'ennemis.

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