dimanche 18 mars 2012

Poème de Victor Hugo en hommage à Louise Michel et à la Commune de Paris (18 mars 1871)

Ayant vu le massacre immense, le combat
Le peuple sur sa croix, Paris sur son grabat, La pitié formidable était dans
tes paroles.
Tu faisais ce que font les grandes âmes folles Et, lasse de lutter, de rêver
de souffrir, Tu disais : " j'ai tué ! " car tu voulais mourir.
Tu mentais contre toi, terrible et surhumaine.
Judith la sombre juive, Aria la romaine
Eussent battu des mains pendant que tu parlais.
Tu disais aux greniers : " J'ai brûlé les palais !"
Tu glorifiait ceux qu'on écrase et qu'on foule.
Tu criais : " J'ai tué ! Qu'on me tue ! - Et la foule Ecoutait cette femme
altière s'accuser.
Tu semblais envoyer au sépulcre un baiser ; Ton oeil fixe pesait sur les
juges livides ; Et tu songeais pareille aux graves Euménides.
La pâle mort était debout derrière toi.
Toute la vaste salle était pleine d'effroi.
Car le peuple saignant hait la guerre civile.
Dehors on entendait la rumeur de la ville.
Cette femme écoutait la vie aux bruits confus D'en haut, dans l'attitude
austère du refus.
Elle n'avait pas l'air de comprendre autre chose Qu'un pilori dressé pour
une apothéose ; Et, trouvant l'affront noble et le supplice beau Sinistre,
elle hâtait le pas vers le tombeau Les juges murmuraient : " Qu'elle meure !
C'est juste Elle est infâme - A moins qu'elle ne soit Auguste "
Disait leur conscience. Et les jugent, pensifs Devant oui, devant non, comme
entre deux récifs Hésitaient, regardant la sévère coupable.
Et ceux qui, comme moi, te savent incapable De tout ce qui n'est pas
héroïsme et vertu, Qui savent que si l'on te disait : " D'ou viens tu ? "
Tu répondrais : " Je viens de la nuit ou l'on souffre ; Oui, je sors du
devoir dont vous faites un gouffre !
Ceux qui savent tes vers mystérieux et doux, Tes jours, tes nuits, tes
soins, tes pleurs donnés à tous, Ton oubli de toi-même à secourir les
autres, Ta parole semblable aux flammes des apôtres ; Ceux qui savent le
toit sans feu, sans air, sans pain Le lit de sangle avec la table de sapin
Ta bonté, ta fierté de femme populaire.
L'âpre attendrissement qui dors sous ta colère Ton long regard de haine à
tous les inhumains Et les pieds des enfants réchauffés dans tes mains ;
Ceux-là, femme, devant ta majesté farouche Méditaient, et malgré l'amer pli
de ta bouche Malgré le maudisseur qui, s'acharnant sur toi Te jetai tout les
cris indignés de la loi Malgré ta voix fatale et haute qui t'accuse Voyaient
resplendir l'ange à travers la méduse.
Tu fus haute, et semblas étrange en ces débats ; Car, chétifs comme tous les
vivants d'ici-bas, Rien ne les trouble plus que deux âmes mêlées Que le
divin chaos des choses étoilées Aperçu tout au fond d'un grand coeur
inclément Et qu'un rayonnement vu dans un flamboiement.

-> victor Hugo
"viro major"

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