vendredi 26 octobre 2012

Au coeur du Morvan, un institut forme une poignée d'imams "made in France"


SAINT-LEGER-DE-FOUGERET (France / Nièvre), 19 oct 2012 (AFP) - Perdu dans les sapins et les fougères du Morvan, l'institut européen des sciences humaines (IESH) de Saint-Léger-de-Fougeret (Nièvre) forme chaque année une poignée d'imams "made in France", initiative rare qui peine à répondre à la demande.


Dès l'aube, quelque deux cents élèves se pressent pour rentrer en classe. Le visage studieux, ces étudiants originaires en grande majorité des quatre coins de France, apprennent à psalmodier le Coran, étudient la théologie ou tout simplement l'arabe littéraire.

Seule une dizaine chaque année pourra guider la prière et prononcer le prêche du vendredi après un cursus de 7 ans. Une professionnalisation souhaitée depuis 2003 par les pouvoirs publics et encouragée récemment par le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, bien que cette fonction, mal ou pas rémunérée, ne soit toujours pas reconnue officiellement.

Inaugurée en 1992 à l'initiative de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF, proche des Frères musulmans), cette ancienne colonie de vacances convertie en institut d'enseignement ambitionne de "former des imams pourvus d'une solide connaissance de l'islam et des réalités socio-culturelles européennes".

Il s'agit alors de trouver une alternative au recrutement à l'étranger d'imams, qui ne parlaient que l'arabe et connaissaient peu ou pas les moeurs françaises. "La formation d'imams issus de la société française est indispensable; aujourd'hui 70% des fidèles ne parlent pas arabe", estime le directeur de l'IESH, Zuhair Mahmood, rappelant "le manque cruel d'imams".



"être imam, ça ne s'invente pas"

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"Depuis tout petit, je rêve de devenir imam", raconte Ouahib, 18 ans, titulaire d'un bac pro, "mais sept ans c'est long et on n'a pas de bourse".

Financé au départ par les pays du Golfe, le centre dépend beaucoup des frais de scolarité, s'élevant 3.400 euros l'année (nourriture et logement compris).

Abstraction faite du cadre bucolique, l'ambiance des couloirs des préfabriqués fatigués ressemble à celle de la fac. A la pause, les hommes, souvent barbus, et les femmes, toutes voilées, qui peuvent suivre les cours sans prétendre à l'imamat, patientent pour un café, après avoir suivi une vingtaine d'heures de cours par semaine.

Après deux ans de cours par correspondance, Saïd, un Niçois de 33 ans né au Maroc, a quitté sa famille pour "approfondir sa connaissance de l'islam" et "s'il y arrive, devenir imam". "C'est ma vocation. J'aimerais transmettre mon savoir aux autres et surtout lutter contre les extrémismes", dit-il.

Dans sa classe, ils sont une dizaine à écouter les interprétations de la 12e sourate, dans le cadre de leur troisième année de théologie, qui comprend également une introduction aux lois françaises. Ensuite, chacun à leur tour, ils récitent un passage du Coran.

"Être imam, ça ne s'invente pas. C'est une vraie responsabilité. Nous devons être des garde-fous", affirme Saïd, déplorant toutefois que "les imams modérés soient boudés par les personnes en pleine crise identitaire".

Son professeur de théologie Larbi Belbachir abonde: "Le radicalisme est toujours dû à l'ignorance. On ne peut transmettre un message sans connaître le français. L'islam peut s'adapter et n'interdit pas de respecter les lois".

Traditionnellement, ce sont les fidèles qui choisissent leur imam, bénévole ou rémunéré grâce aux dons. Ceux qui officient dans des grandes mosquées peuvent gagner 1.500 euros. Tous sont déclarés comme éducateur ou enseignant mais jamais comme imam.

"Lorsque ce métier sera reconnu et rémunéré comme tel, explique Saïd, cela fera peut-être naître plus de vocations..."

pta/soh/ng/efr

AFP 190840 OCT 12

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