jeudi 11 octobre 2012

Sur le TSCG (traité de sauvetage du capitalisme glouton) et ses faux détracteurs

Sur le TSCG (traité de sauvetage du capitalisme glouton) et ses faux détracteurs

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, aussi appelé « pacte budgétaire », entériné lors d’un sixième sommet européen pour le sauvetage du capitalisme, a donc l’aval du politicard multicarte député-maire-président de la communauté d’agglomération Claeys – qui suit ainsi la position très majoritaire du PS (son parti), du centre et de l’UMP (parti qui est à l’origine de ce traité). C’est aujourd’hui que s’ouvrent les débats à l’assemblée, pour une adoption prévue avant la fin octobre.
Ce pacte confie la surveillance des budgets des pays de la zone euro à la commission européenne, cette instance qui ne donne même pas l’illusion de la démocratie puisqu’elle n’est même pas élue. Ces Etats de la zone euro devront respecter dans leur budget la « règle d’or » d’un non-dépassement de 0,5% du PIB, sous peine de « mécanismes de corrections », voire de « sanctions » en cas de dépassement du seuil de 3% – ce fameux chiffre bidon né au coin d’une table (1). Corrections et sanctions inévitables, puisque les structures actuelles du capitalisme sont fondés sur l’endettement généralisé.
La Commission proposera en quoi ces touchantes attentions consisteront. On se doute bien qu’elles ne concerneront pas trop les dividendes des actionnaires du CAC 40 (caca-rente), qui ont augmenté fortement en 2011 et augmenteront aussi en 2012, et ce malgré la baisse des bénéfices nets. On pense plutôt qu’il s’agira de racler les poches trouées des prolos. Comme en Grèce, nouveau modèle rayonnant d’austère bonheur. Plans « sociaux » et chômage de masse, aggravé par des licenciements par dizaines de milliers des salarié-e-s du public ; réductions de salaires déjà bien en souffrance ; démolition de services publics déjà en grande partie démantibulés ; impossibilité pour un grand nombre de gens de se soigner, avec le déremboursement des médicaments ; racket du salaire indirect avec pilonnage des retraites, du chômage et de la santé ; dérégulation de tous ces droits du travail chèrement acquis par les luttes sociales, pour réclamer toujours plus de productivité aux travailleurs-euses… que du bonheur on vous dit. Bref, un bon tour de vis, au service de la restructuration du capitalisme, avec le soutien actif des Etats, de leurs bureaucrates encravatés, et de leurs guignols « élus » – pour ne pas changer une formule qui gagne.
Allons bon, la sacro-sainte « croissance » (qui n’est jamais que la valorisation du capital au détriment des salaires) est une fois de plus menacée par le fait que la logique intrinsèque du profit capitaliste (plus-value extorquée sur les salaires) est contradictoire avec la capacité de demande des marchés, parce qu’elle entraîne l’appauvrissement des populations ? Il y a manifestement une impasse de la restructuration capitaliste précédente, à la mode néolibérale de la financiarisation de l’économie (fuite en avant de l’option spéculative des produits financiers, qui ne sont jamais gagés que sur la production future) ? L’endettement généralisé qui en découle provoque des bubulles spéculatives capables de provoquer un tsunami économique ? Pas grave ! Le capital, avec le sempiternel soutien de ces vieux appareils bureaucratiques et policiers de racket que sont les Etats, prendra encore plus dans la poche des populations. On inscrira dans le marbre que ce sont elles qui devront assurer les risques de perte de profit des capitalistes qui les exploitent.
Bien conscient que peu de gens sont dupes, Hollande argue comiquement de sa taxe dérisoire sur les transactions financières, mais pour ajouter que de toute façon, puisqu’il a été élu “représentant”, c’est que tout le monde est d’accord, et qu’il est légitime à imposer le TSCG sans référendum. Et tant pis pour les électeurs-trices, braves moutons qui en créditant ce gugusse d’un droit à faire tout ce qu’il veut, ont encore oublié que le vote représentatif n’est qu’un instrument de dépossession des populations, de leur droit à débattre et élaborer elles-mêmes leurs décisions. Et ce, depuis que le capitalisme a compris que l’esclavage archaïque était moins efficace que de répandre la servitude volontaire du salariat, et de son corollaire d’atomisation sociale, la démocratie représentative (soit le droit de légitimer, par un pseudo-choix, le gouvernant le plus apte à nous tondre). Derrière les « règles communes » sensées favoriser le retour à la « croissance », ce pacte pour la pérennisation de la « dette » cache vraiment mal la volonté commune des capitalistes européens de soumettre toujours plus les populations à leur dictature cynique, par le truchement de leurs VIP de gauche ou de droite.

C’était prévisible, la clarté n’est pas franchement de mise non plus chez les opposants officiels. Les écologistes en peau de lapin d’EELV sont contre le traité, mais pour l’adoption d’une loi organique de réduction des déficits… cherchez l’erreur. Au passage, EELV propose que soient exclus du comptage des déficits budgétaires les investissements dans la « croissance verte »… ce nouveau champ de profit juteux promu par le capitalisme, qui a toujours su faire du beurre sur la dévastation sociale et écologique qu’il laisse derrière lui. Hier le marché de la reconstruction sur fond de ruines causées par la guerre (elle-même conséquence d’une relance économique par l’industrie de l’armement), aujourd’hui le marché des énergies vertes sur fond de désastre de pollution de l’environnement (elle-même conséquence d’un productivisme toxique, à coups d’industrie des armes chimiques reconverties en pesticides, de la bagnole, du nucléaire…). La seule chose qui se recycle dans le capitalisme vert, c’est le visage hideux du capitalisme lui-même, avec sa cohorte de bateleurs écolos pour lui confectionner des petits colliers de fleurs.
Le front de gauche tempête quant à lui contre un traité qui plomberait la « relance économique » (vive la croissance, vive le profit et la plus-value !), et remettrait en cause la « souveraineté populaire » de l’Etat (vive les « représentants » du peuple !). Il faudrait nationaliser (bref concentrer le capital pour le rendre plus solide), y compris les banques (avec retour du droit aux banques centrales nationales de prêter aux Etats). Le même argument moisi que les capitalistes keynésiens déployaient à partir des années 1930, avec le piètre succès qu’on connaît, pour lutter contre l’option… communiste, de l’aveu même de Keynes. En gros, le capitalisme d’aujourd’hui ne fonctionne pas, revenons au capitalisme d’hier qui ne marchait pas non plus. Super. Comme si depuis, cette conception du capitalisme keynésien, qui ne fut qu’une solution provisoire pour remédier à la crise de 1929, n’avait pas depuis montré ses limites, liées aux contradictions classiques du capitalisme (baisse tendancielle du taux de profit, contradiction entre production et demande) : essoufflé, devenu trop peu rentable, il n’avait débouché dans les années 1970 que sur une nouvelle restructuration capitaliste et sur la financiarisation, conditions de survie du capitalisme. Ah, la nostalgie du bon patron… et oui, chez les “communistes” du PCF, on en est là de la réflexion.
Cette argumentation indigente d’une critique partielle du capitalisme, ne s’attaquant à l’une de ses formes historiques que pour en promouvoir une autre, version recours à l’Etat, est grosso-merdo reprise en cœur, version nationaliste chauvine, par le pôle “opposé” du spectacle politicien. Le Dupont-gnan-gnan de Debout la République ou la Le Pen du Front National souhaitent aussi revenir à un capitalisme productif et non financier, et revenir à une souveraineté nationale. Avec la praline sur le chocolat : en faisant payer aux « Français » toutes « leurs » dettes (car les bons français sont de bons payeurs, payons pour les riches), tout en les faisant sortir de l’euro, car les bons français ne doivent pas payer pour assister d’autres peuples. Sans parler de leurs odes lyriques à la relance des budgets de l’armée.
Sans surprise donc, dans cette grande soupe confusionniste des partis qui prétendent lutter contre le TSCG tout en reprenant une partie de l’argumentaire productiviste et national-étatiste classique du capitalisme en temps de crise, aucun d’entre eux ne propose de sortir du capitalisme, dont les mécanismes destructeurs ont pourtant conduit à la situation actuelle. Quant aux moyens développés pour lutter contre ce TSCG, ils sont à l’image de la pauvreté argumentaire de ces pseudos-détracteurs. Le spectacle d’une manif citoyenne, plus symbolique qu’autre chose, a eu lieu dimanche 30 septembre à Paris à l’initiative du Front de gauche (avec de jolis drapeaux rouges, pour montrer qu’on est pas content). Dans quel but ? Pour faire « réfléchir » François Hollande et lui « faire « prendre conscience », selon les mots de Mélenchon. Une grande manif pour faire en sorte que Hollande soit pris de remords. Ca pourrait être drôle, si les conséquences d’une telle « stratégie » ne conduisaient pas à désespérer encore un peu plus les militant-e-s sincères du FdG de s’engager dans les luttes sociales.
Nous n’avons quant à nous aucune illusion sur les voies parlementaires, aucune illusion sur tel ou tel aménagement du capitalisme, et ne comptons pour notre part que sur notre investissement dans les luttes, dans la construction d’une solidarité de classe, en actes. Hier, aujourd’hui et demain, nous n’aurons que ce que nous obtiendrons, par la généralisation des actions directes, sans médiation politicienne et sans bureaucrates syndicaux pour négocier à notre place. Nous luttons partout contre la dépossession, matérielle et politique. Sur nos lieux de travail aliéné, dans nos quartiers, dans nos rues, dans toutes les dimensions de nos vies. Contre la gauche et la droite, contre le capitalisme et tous ses défenseurs aspirants au pouvoir étatiste. Qu’ils soient poujadistes, néo-libéraux, keynésiens, ou commerce équitable, ils ont tous la prétention de nous gouverner.
Nos vies ne se négocient pas, ni dans un traité, ni dans un référendum.
(1) consulter à ce sujet l’article du journal Le Parisien, 28 septembre 2012 – http://www.leparisien.fr/economie/3-de-deficit-le-chiffre-est-ne-sur-un-coin-de-table-28-09-2012-2186743.php
Pavillon Noir (FA 86), 2 octobre 2012

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